A.                               a) Le 16 septembre 2019, à Z._________, X._________ a été interpellé par la police après avoir collé une affiche publicitaire contre un mur. À la demande des agents, il a décollé l’affiche, tout en exprimant son mécontentement. Les policiers lui ont notifié verbalement qu’une amende de 100 francs lui serait infligée. Un rapport simplifié a été établi le 19 septembre 2019 à ce sujet.

                        b) Le 24 septembre 2019, le Service de la justice a adressé à X._________ un formulaire d’amende de 100 francs, avec un bulletin de versement ; l’avis indiquait à l’intéressé qu’il était invité à payer l’amende dans les 30 jours, à défaut de quoi il recevrait une ordonnance pénale de la part du Ministère public, avec des frais en plus, et qu’il pouvait s’opposer à la procédure simplifiée. X._________ n’a ni payé, ni réagi.

B.                               a) Par ordonnance pénale du 2 décembre 2019, le Ministère public a condamné X._________ à 100 francs d’amende et 100 francs de frais, lui reprochant d’avoir, à Z._________, le 16 septembre 2019, collé une affiche publicitaire contre un mur, enfreignant ainsi l’article 44 CPN ; l’ordonnance était signée par le procureur général.

                        b) L’ordonnance pénale a été expédiée au prévenu le 4 décembre 2019 et avisée pour retrait le 6 décembre 2019, avec un délai de garde au 14 décembre 2019. X._________ n’a pas retiré le pli recommandé, qui a été renvoyé au Ministère public, avec la mention « non réclamé », à l’expiration du délai de garde.

                        c) Cette ordonnance a été réexpédiée au prévenu sous pli simple le 6 janvier 2020, avec la précision que l’envoi ne constituait pas une nouvelle notification et n’avait pas d’influence sur le délai d’opposition, qui courait dès la fin du délai de garde.

C.                               a) Par courrier du 21 janvier 2020, X._________ a formé opposition à l’ordonnance pénale. Il indiquait avoir été acquitté par le passé pour des infractions du même genre. Selon lui, l’intervention de la police à son encontre relevait de l’abus d’autorité et il était « illégal d’envoyer une ordonnance pénale à un justiciable qui n’est pas amendable [et] qui n’a commis aucune infraction ». Il joignait notamment la lettre que le Ministère public lui avait adressée le 6 janvier 2020, sur laquelle il avait écrit « Absent de mon domicile du 1er décembre au 17 décembre 2019. Vous avez trouvé sur Google l’indication de mon absence. Je soupçonne un vice de forme ».

                        b) Le 24 janvier 2020, le Service de la justice a écrit à X._________ en lui indiquant que son opposition paraissait tardive et que si le Ministère public parvenait à la même conclusion, le dossier serait renvoyé devant le Tribunal de police pour qu’il soit statué sur sa validité ; des frais pouvaient être mis à sa charge, sauf retrait de l’opposition dans les dix jours.

                        c) Par courrier du 3 février 2020, X._________ a écrit qu’il « ne pouvai[t] pas s’opposer dans le (sic) 10 jours à cette amende d’ordre », que l’affichage se poursuivait au même endroit que celui où il avait été interpellé et qu’il demandait que la procédure légale soit suivie, le dossier devant être transmis au Ministère public.

                        d) Le 14 avril 2020, le Ministère public a fait savoir à X._________ que son opposition ne semblait pas valable, car elle paraissait tardive ; il lui a expliqué les règles relatives au calcul des délais dans les cas où un envoi recommandé n’était pas retiré ; un délai au 5 mai 2020 était fixé à l’intéressé pour qu’il indique s’il maintenait l’opposition, auquel cas le dossier serait transmis au Tribunal de police ; la lettre précisait que la procédure devant celui-ci n’était pas gratuite.

                        e) Par lettre du 2 mai 2020, X._________ a soutenu qu’il y avait eu un vice de forme, l’amende n’étant pas signée. Il était revenu en Suisse le 16 décembre 2019 et il aurait fallu lui envoyer la lettre en courrier A, pour qu’il puisse faire opposition avec un délai acceptable au 23 décembre 2019. Il avait été acquitté par le passé dans des affaires du même genre.

                        f) Le 27 juillet 2020, le Ministère public a transmis le dossier au Tribunal de police, en invitant celui-ci à statuer sur la validité de l’opposition.

D.                               a) Par lettre du 7 août 2020, le Tribunal de police a invité X._________ à faire part de ses observations, en relevant que le délai d’opposition était arrivé à échéance le 23 décembre 2019 et que l’opposition avait été postée le 21 janvier 2020.

                        b) X._________ a répondu le 20 août 2020. Il expliquait que l’ordonnance pénale était restée à la poste jusqu’au 14 décembre 2019, qu’il était absent jusqu’au 16 de ce mois et qu’il ne pouvait faire opposition qu’après le 23 du même mois. Il exposait en outre que l’enveloppe d’expédition de l’ordonnance pénale aurait dû mentionner que l’envoi devait être acheminé en courrier B s’il n’était pas retiré. Il invoquait une violation de son droit de faire opposition.

E.                               Par ordonnance du 25 août 2020, le Tribunal de police a déclaré irrecevable car tardive l’opposition formée le 21 janvier 2020 et constaté que l’ordonnance pénale était devenue définitive et était assimilée à un jugement entré en force ; il a mis les frais de la procédure, arrêtés à 100 francs, à la charge de X._________. Le juge a retenu que X._________ avait été interpellé par la police le 16 septembre 2019 et oralement avisé du fait qu’une amende de 100 francs lui serait infligée. Il avait en outre reçu le formulaire d’amende du 24 septembre 2019. Faute d’avoir réglé l’amende, il devait s’attendre à recevoir des actes des autorités de poursuite pénale et prendre, en cas d’absence durable, ses dispositions pour en avoir connaissance. L’article 85 al. 4 CPP trouvait donc application et l’opposition devait être déclarée irrecevable, car manifestement tardive.

F.                               Le 11 septembre 2020, X._________ recourt contre l’ordonnance du Tribunal de police, dont il demande l’annulation. Selon lui, l’ordonnance pénale devait lui parvenir en courrier B et il aurait alors pu faire opposition jusqu’au 23 décembre 2019. Il relève que l’ordonnance pénale l’invitait à payer 200 francs dans les 30 jours. Par ailleurs, il conteste l’infraction d’affichage sauvage.

G.                               Le Tribunal de police a produit son dossier, sans formuler d’observations sur le recours.

C O N S I D E R A N T

1.                                Le recours a été interjeté dans le délai de 10 jours de l’article 396 al. 1 CPP et on en comprend que le recourant demande l’annulation de la décision entreprise ; la motivation est très sommaire, mais peut suffire. Le recours est ainsi recevable.

2.                                a) Selon l'article 85 al. 4 let. a CPP, un prononcé est réputé notifié lorsque, expédié par lettre signature, il n'a pas été retiré dans les sept jours à compter de la tentative infructueuse de remise du pli, si la personne concernée devait s'attendre à une telle remise.

                        b) D’après la jurisprudence, la fiction de notification fondée sur l'article 85 al. 4 let. a CPP trouve notamment application s'agissant de la notification d'une ordonnance pénale et du départ du délai pour y former opposition (arrêt du TF du 04.12.2018 [6B_936/2018] cons. 1.3).

                        c) Le Tribunal fédéral considère (arrêts du TF du 04.12.2018 [6B_936/2018] cons. 1.1 et du 18.02.2013 [6B_314/2012] cons. 1.3.1) que la personne concernée ne doit s'attendre à la remise d'un prononcé que lorsqu'il y a une procédure en cours, la concernant, qui impose aux parties de se comporter conformément aux règles de la bonne foi, à savoir de faire en sorte, entre autres, que les décisions relatives à la procédure puissent leur être notifiées. Le devoir procédural d'avoir à s'attendre avec une certaine vraisemblance à recevoir la notification d'un acte officiel naît avec l'ouverture d'un procès et vaut pendant toute la durée de la procédure. Celui qui se sait partie à une procédure judiciaire et qui doit dès lors s'attendre à recevoir notification d'actes du juge, est tenu de relever son courrier ou, s'il s'absente de son domicile, de prendre des dispositions pour que celui-ci lui parvienne néanmoins. À ce défaut, il est réputé avoir eu, à l'échéance du délai de garde, connaissance du contenu des plis recommandés que l’autorité pénale lui adresse. Une telle obligation signifie que le destinataire doit, le cas échéant, désigner un représentant, faire suivre son courrier, informer les autorités de son absence ou leur indiquer une adresse de notification.

                        d) Le Tribunal fédéral a notamment retenu que devait se rendre compte qu’il était partie à une procédure et s’attendre à des communications de la part des autorités pénales, y compris au prononcé d’une ordonnance pénale, le prévenu qui avait été informé par la police de l'ouverture d'une procédure préliminaire le concernant, à la suite d'un accident de circulation, puis avait signé un formulaire qui faisait expressément référence à la notification d'une ordonnance pénale rendue dans le cadre de la procédure, ceci même si ce prévenu n’avait pas été informé de l'ouverture d'une procédure par le ministère public (arrêt du TF du 18.02.2013 [6B_314/2012] cons. 1.3.2).

                        e) Rien n'impose au ministère public de procéder à un nouvel envoi de l'ordonnance pénale, lorsque celle-ci est réputée avoir été notifiée, conformément à l'article 85 al. 4 let. a CPP, et quand le ministère public reçoit en retour un pli recommandé non retiré, il peut admettre, sans adopter ainsi un comportement contraire à la bonne foi, que le prévenu se désintéresse du sort de sa cause (arrêt du TF du 04.12.2018 [6B_936/2018]  cons. 1.3).

                        f) En l’espèce, le recourant a été avisé oralement par la police, le 16 septembre 2019 et sur les lieux de l’infraction, du fait que celle-ci avait été constatée et qu’il encourait une amende de 100 francs. Il a ensuite reçu – ce qu’il ne conteste pas – le formulaire d’amende du 24 septembre 2019, par lequel le Service de la justice l’invitait à payer l’amende dans les 30 jours. Ce formulaire mentionnait expressément qu’à défaut de paiement, le recourant recevrait une ordonnance pénale de la part du Ministère public. N’ayant pas payé, il devait donc manifestement s’attendre à recevoir une ordonnance pénale. Celle-ci lui a été adressée un peu plus d’un mois après l’expiration du délai qui lui avait été fixé pour payer l’amende, de sorte que le recourant pourrait difficilement prétendre que le temps écoulé lui aurait fait oublier l’affaire (ce qu’il ne fait d’ailleurs pas). Le recourant, au sens de la jurisprudence rappelée plus haut, devait donc – s’il s’absentait – prendre des dispositions pour que son courrier lui parvienne, que ce soit en désignant un représentant, faisant suivre son courrier, informant les autorités de son absence ou leur indiquant une adresse de notification. Il n’a rien fait de tel et le pli recommandé contenant l’ordonnance pénale lui a été adressé, mais il ne l’a pas retiré pendant le délai de garde à la poste. L’argument selon lequel le Ministère public aurait pu voir sur Google qu’il était absent du 1er au 16 décembre 2019 est sans pertinence : on ne saurait exiger des autorités que quand l’adresse d’un prévenu est connue, ce prévenu ne leur ayant pas communiqué d’absence alors qu’il devait s’attendre à des notifications, elles recherchent sur Internet des renseignements au sujet d’une éventuelle absence de l’intéressé, ceci d’autant moins que ce qui est publié par ce moyen n’est pas toujours à jour, ni exact, et que d’ailleurs une rapide recherche sur Google révèle l’existence de plusieurs X._________, dont aucun, apparemment, ne publie de manière ouverte son agenda (le recourant ne dit au surplus pas précisément ce que le Ministère public aurait pu trouver au sujet de son absence, ni où exactement cela aurait pu être publié). Sans pertinence est également le fait que le délai de paiement de l’amende et des frais mentionné dans l’ordonnance pénale était de 30 jours et venait à échéance après la fin du délai d’opposition ; il est clair – et cela devait l’être et sans aucun doute l’était pour le recourant – que le délai de paiement n’avait aucun rapport avec le délai d’opposition et que c’était ce dernier que le prévenu devait respecter s’il entendait s’opposer à l’ordonnance pénale. Enfin, rien ne pouvait obliger le Ministère public à munir l’enveloppe d’expédition de l’ordonnance pénale d’une mention demandant à la poste de faire suivre l’envoi en courrier B si le pli n’était pas retiré ; au contraire, l’article 85 al. 2 CPP prévoit la notification des prononcés par lettre signature ou par tout autre moyen impliquant un accusé de réception, ce qui n’est pas le cas du courrier B. Dans ces conditions, il faut retenir que l’ordonnance pénale a été valablement notifiée au recourant, que le délai d’opposition courait dès le 14 décembre 2019, que le dernier jour de ce délai était le 23 décembre 2019 et que l’opposition déposée le 21 janvier 2020 est tardive et donc irrecevable, comme la constaté le Tribunal de police.

3.                                Le recourant n’a pas déposé de demande de restitution du délai d’opposition, au sens de l’article 94 CPP. Il n’y a pas lieu de considérer son opposition, son recours ou un autre de ses écrits comme une telle demande (cf. arrêt du TF du 04.12.2018 [6B_936/2018] cons. 1.3, dont on peut déduire que le simple fait de déposer une opposition en retard ne doit pas ipso facto être considéré comme une demande de restitution de délai). De toute manière, une demande de restitution aurait été vouée à l’échec, dans la mesure où le recourant s’est contenté d’alléguer qu’il aurait été absent du pays du 1er au 16 décembre 2019, sans fournir aucun élément concret au sujet de cette absence, ne rendant ainsi pas vraisemblable un empêchement de procéder, au sens exigé par la loi.

4.                                Vu ce qui précède, le recours doit être rejeté, aux frais du recourant (art. 428 al. 1 CPP), et l’ordonnance entreprise doit être confirmée.

Par ces motifs,
l'Autorité de recours en matière pénale

1.    Rejette le recours et confirme l’ordonnance rendue le 25 août 2020 par le Tribunal de police des Montagnes et du Val-de-Ruz.

2.    Met les frais de la procédure de recours, arrêtés à 300 francs, à la charge de X._________.

3.    Notifie le présent arrêt à X._________, au Tribunal de police des Montagnes et du Val-de-Ruz, au même lieu (POL.2020.449) et au Ministère public (MP.2020.856-MPPA).

Neuchâtel, le 7 octobre 2020

Art. 85 CPP
Forme des communications et des notifications
 

1 Sauf disposition contraire du présent code, les communications des autorités pénales sont notifiées en la forme écrite.

2 Les autorités pénales notifient leurs prononcés par lettre signature ou par tout autre mode de communication impliquant un accusé de réception, notamment par l’entremise de la police.

3 Le prononcé est réputé notifié lorsqu’il a été remis au destinataire, à l’un de ses employés ou à toute personne de plus de seize ans vivant dans le même ménage. Les directives des autorités pénales concernant une communication à adresser personnellement au destinataire sont réservées.

4 Le prononcé est également réputé notifié:

a. lorsque, expédié par lettre signature, il n’a pas été retiré dans les sept jours à compter de la tentative infructueuse de remise du pli, si la personne concernée devait s’attendre à une telle remise;

b. lorsque, notifié personnellement, il a été refusé et que ce refus a été dûment constaté le jour même par la personne chargée de remettre le pli.

Art. 94 CPP
Restitution
 

1 Une partie peut demander la restitution du délai si elle a été empêchée de l’observer et qu’elle est de ce fait exposée à un préjudice important et irréparable; elle doit toutefois rendre vraisemblable que le défaut n’est imputable à aucune faute de sa part.

2 La demande de restitution, dûment motivée, doit être adressée par écrit dans les 30 jours à compter de celui où l’empêchement a cessé, à l’autorité auprès de laquelle l’acte de procédure aurait dû être accompli. L’acte de procédure omis doit être répété durant ce délai.

3 La demande de restitution n’a d’effet suspensif que si l’autorité compétente l’accorde.

4 L’autorité pénale rend sa décision sur la demande par écrit.

5 Les al. 1 à 4 s’appliquent par analogie à l’inobservation d’un terme. Si la demande de restitution est acceptée, la direction de la procédure fixe un nouveau terme. Les dispositions relatives à la procédure par défaut sont réservées.