A.                              a) Le 25 janvier 2020, vers 21h25, à la gare de Neuchâtel, un violent affrontement a opposé de prétendus supporters du FC Servette (qui s’apprêtaient à prendre un train spécial pour Genève après un match joué par ce club à Neuchâtel) et du FC Aarau (qui rentraient en train régulier d’un match disputé à Nyon). Des bagarres se sont produites aux abords des voies de chemin de fer, mais aussi sur celles-ci, ce qui a provoqué une interruption totale du trafic CFF pendant quelques minutes (coût estimé : environ 4'800 francs). Des dommages ont été causés au train spécial. Plusieurs protagonistes de l’affrontement ont été blessés (cf. plus loin). La plupart des personnes impliquées dans les événements avaient le visage dissimulé par des cagoules ou des bas.

                        b) Afin d’identifier les participants, la police neuchâteloise a transmis aux polices genevoise et argovienne une planche de photographies établie sur la base des images de vidéosurveillance, prises au stade à Neuchâtel et à la gare de cette ville. La même planche a aussi été envoyée à la police tessinoise, en raison de liens étroits unissant la « Section Grenat » (fans club du FC Servette) et le groupe « Teste Matte » (FC Lugano). En fonction des premières réponses obtenues, les enregistrements vidéo ont ensuite été transmis aux polices argovienne et genevoise.

                        c) Sur la base des images, la police genevoise a identifié dix-sept personnes, dont X.________, né en 1986 et paysagiste de profession (qui serait, d’après le rapport de la police genevoise, la personne P9-GE apparaissant sur les images, le visage découvert sur des images prises dans le stade et la tête dissimulée par un bas sur prises de vues à la gare). La police tessinoise a en reconnu une et la police argovienne neuf, dont trois à titre éventuel. Un rapport de la police argovienne du 19 février 2020 mentionnait qu’interrogé dans une autre affaire, l’un des ultras argoviens avait admis avoir participé à l’affrontement en gare de Neuchâtel et précisé que trois supporters argoviens avaient été blessés et dû se rendre à l’hôpital ; un contrôle à l’hôpital d’Aarau avait permis de confirmer que des personnes avaient été soignées en urgence dans la nuit suivant les faits du 25 janvier 2020.

                        d) Le 13 avril 2020, la police neuchâteloise a adressé au Ministère public un rapport au sujet de ses investigations. Elle relevait que trois supporters genevois identifiés, dont X.________, avaient déjà fait l’objet d’une dénonciation pour émeute après avoir, à la suite d’un match joué par le FC Servette à Neuchâtel, le 20 septembre 2017, refusé de regagner le car qui devait les ramener à Genève, des objets ayant été lancés sur les agents lors des événements et la police ayant dû faire usage de balles en caoutchouc pour rétablir l’ordre. La police proposait au Ministère public de faire interpeller quatre partisans du FC Servette, dont X.________, et quatre du FC Aarau, qu’il soit procédé à des perquisitions dans leurs logements et leurs téléphones et qu’ils soient entendus. L’audition de tous les autres mis en cause, avec mesures d’identification, était également suggérée, ainsi que l’audition du délégué aux fans du FC Servette.

B.                              a) Le 4 mai 2020, le Ministère public a ouvert une instruction contre 24 personnes, dont X.________, toutes prévenues d’infractions aux articles 260 CP (émeute), 144 CP (dommages à la propriété), 238 CP (entrave au service des chemins de fer) et 24 de la Loi cantonale sur la prévention de la violence à l'occasion de manifestations sportives (LVispo, dissimulation du visage). Les prévenus sont majoritairement domiciliés dans les cantons de Genève et d’Argovie, un autre habitant à Yverdon-les-Bains et le dernier au Tessin.

                        b) Le même jour, le Ministère public a adressé un mandat d’investigation à la police neuchâteloise, cellule hooliganisme, informé les ministères publics genevois et vaudois du fait que la police neuchâteloise procéderait à des actes d’enquête dans leurs cantons et envoyé des demandes d’entraide aux autorités pénales tessinoises et argoviennes, tout cela afin que les actes d’enquête proposés dans le rapport du 13 avril 2020 soient effectués. En outre, il a notamment décerné un mandat de perquisition et de séquestre contre X.________.

C.                              a) X.________ a été interpellé à Genève le 20 août 2020. Au cours d’une perquisition à son domicile, la police a saisi une veste, une paire de gants, une chaîne de vélo et un téléphone portable. Interrogé le même jour, le prévenu a indiqué qu’il ne souhaitait pas faire appel à un avocat ; il a répondu « Je n’ai rien à déclarer » à toutes les questions qui lui ont été posées, mais demandé la mise sous scellés de son téléphone portable et refusé d’en fournir les codes d’accès.

                        b) Par lettre du 21 août 2020, Me A.________ a fait savoir au Ministère public qu’il avait été chargé de la défense des intérêts de X.________. Il confirmait la demande de mise sous scellés du téléphone portable de son client, en relevant que l’utilité potentielle de l’exploitation des données était douteuse et que l’appareil contenait des échanges avec lui, échanges couverts par le secret professionnel. Il demandait une copie du dossier et que l’assistance judiciaire soit accordée à son client.

                        c) Le 26 août 2020, le Ministère public a adressé au Tribunal des mesures de contrainte du Littoral et du Val-de-Travers (ci-après : le TMC) une demande de levée des scellés et d’examen, en rapport avec le téléphone portable de X.________. Il relevait notamment que l’intérêt à la poursuite pénale de faits graves, soit des actes de violence contre des personnes et des biens, l’emportait sur la protection de la personnalité du prévenu. Il rappelait qu’en matière de hooliganisme, l’échange de messages et la prise d’images intervenaient très régulièrement.

                        d) Invité par le Ministère public à compléter sa demande d’assistance judiciaire, X.________, agissant par son mandataire, a déposé le 4 septembre 2020 un formulaire de demande, accompagné d’un lot de pièces justificatives. Il mentionnait qu’il touchait des prestations d’assurance-chômage, soit 2'700 à 3'000 francs par mois, mais que l’indemnisation prendrait fin le 2 décembre 2020 et que, par la suite, il devrait très vraisemblablement faire appel à l’aide sociale. Il demandait au Ministère public de tenir compte du fait que les frais de défense s’annonçaient particulièrement élevés, compte tenu des faits reprochés, du nombre de personnes à entendre, des lieux des auditions envisagées et de la procédure de levée de scellés. Il demandait l’assistance judiciaire, avec effet au 20 août 2020, subsidiairement le constat qu’il s’agissait d’un cas de défense obligatoire et la confirmation, dans ce cadre, du mandat de son avocat.

D.                              Par décision du 14 septembre 2020, le Ministère public a rejeté la requête de défense d’office. Il a retenu que les infractions reprochées au prévenu ne constituaient pas un cas de défense obligatoire, vu la peine encourue, inférieure à un an, et le fait que le Ministère public n’avait pas indiqué qu’il entendrait participer personnellement à la procédure devant le tribunal de première instance. À ce stade, il n’était pas établi que le prévenu risquerait une peine supérieure à 120 jours-amende ou 4 mois de privation de liberté, pour émeute (étant précisé que la question pourrait être reprise une fois connus les faits concrètement reprochés au prévenu). Le calcul des revenus et charges du prévenu amenait au constat qu’il avait un disponible de 297 francs par mois. Les investigations se limiteraient à un ou deux interrogatoires du prévenu, voire l’audition d’un témoin, puis au prononcé d’une ordonnance de classement ou d’une ordonnance pénale. Le mandataire n’aurait pas à assister à tous les actes d’enquête dans les divers cantons, ce que ne ferait pas l’avocat de celui qui devrait le rémunérer lui-même. Le prévenu était ainsi à même de payer l’activité raisonnable de son avocat, sur une année (disponible d’environ 3'500 francs), voire deux ans (disponible d’environ 7'100 francs). Enfin, la cause ne présentait aucune complexité, en fait – les faits devant être établis par le Ministère public – ou en droit.

E.                               Le 2 octobre 2020, X.________ recourt contre la décision susmentionnée, en concluant à son annulation et à l’octroi de l’assistance judiciaire, avec effet rétroactif au 20 août 2020, subsidiairement au renvoi de la cause au Ministère public pour nouvelle décision, en tout état de cause à ce qu’il soit exempté des frais de procédure et qu’une indemnité de 1'000 francs, plus TVA, lui soit octroyée pour ses dépens en lien avec le recours. En résumé, il expose que son droit au chômage devrait prendre fin le 2 décembre 2020 et qu’il sera ensuite au bénéfice de l’aide sociale, donc sans disponible. Un montant de 297 francs par mois pour octobre et novembre 2020, soit 594 francs en tout, sera insuffisant pour couvrir ses frais de défense et est déjà dépassé avec l’audience de levée de scellés. Des actes d’instruction devront vraisemblablement se tenir à Genève, La Chaux-de-Fonds, Boudry, voire Aarau et Lugano, exigeant plusieurs heures de déplacements pour le prévenu et son conseil. Il n’appartient pas au Ministère public de déterminer la stratégie de défense ou de déterminer que le droit de défense doit être limité pour ne pas augmenter les frais et dépens de procédure. Le prévenu a un droit à participer à l’ensemble des actes d’instruction, notamment à l’audition de toute personne entendue. Le défenseur a le devoir de sauvegarder les intérêts du prévenu, en exerçant les droits de la défense de manière compétente, assidue et efficace, et d’examiner la nécessité de certaines mesures procédurales. Il appartient au défenseur de décider comment il veut assumer le mandat. Les montants que le prévenu peut mettre à disposition ne suffisent pas à couvrir les frais de sa défense. Par ailleurs, le prévenu n’est pas seulement poursuivi pour émeute et on ne peut pas raisonnablement exclure qu’une peine supérieure à 120 jours-amende soit requise contre lui. Dans sa demande au TMC, le procureur a d’ailleurs qualifié lui-même les faits de « graves ». Enfin, la procédure est particulièrement complexe, compte tenu du nombre de personnes impliquées et du fait que certaines auditions se dérouleront dans une autre langue que le français, apparemment sans qu’une traduction soit prévue ; le prévenu, qui a une formation de paysagiste, n’a aucune connaissance juridique et ne peut pas assurer seul sa défense.

F.                               Par courrier du 8 octobre 2020, le Ministère public a indiqué qu’il n’avait pas d’observations à formuler sur le recours et conclu à son rejet.

C O N S I D E R A N T

1.                                Interjeté dans les formes et délai légaux, le recours est recevable.

2.                                Selon l'article 132 CPP, la direction de la procédure ordonne une défense d'office si le prévenu ne dispose pas des moyens nécessaires et que l'assistance d'un défenseur est justifiée pour sauvegarder ses intérêts (al. 1 let. b). La défense d'office aux fins de protéger les intérêts du prévenu se justifie notamment lorsque la cause n'est pas de peu de gravité et qu'elle présente, sur le plan des faits ou du droit, des difficultés que le prévenu seul ne pourrait pas surmonter (al. 2). En tout état de cause, une affaire n'est pas de peu de gravité lorsque le prévenu est passible d'une peine privative de liberté de plus de quatre mois ou d'une peine pécuniaire de plus de 120 jours-amende (al. 3).

3.                                a) Le Ministère public a retenu que le recourant disposait des moyens nécessaires pour rémunérer un mandataire. Le recourant le conteste.

                        b) D’après la jurisprudence (arrêt du TF du 26.03.2020 [1B_574/2019] cons. 2.2), une personne ne dispose pas des moyens nécessaires, donc est indigente, lorsqu'elle n'est pas en mesure d'assumer les frais de la procédure sans porter atteinte au minimum nécessaire à son entretien et à celui de sa famille. Pour déterminer l'indigence, il convient de prendre en considération l'ensemble de la situation financière du requérant au moment où la demande est présentée, celui-ci devant indiquer de manière complète et établir autant que possible ses revenus, sa situation de fortune et ses charges. Il y a lieu de mettre en balance, d'une part, la totalité des ressources effectives du requérant et, d'autre part, l'ensemble de ses engagements financiers. Il incombe au requérant de prouver les faits qui permettent de constater qu'il remplit les conditions de la mesure qu'il sollicite.

                        c) En l’espèce, il n’est pas contesté que le recourant bénéficie, actuellement, d’un disponible de 297 francs par mois, en fonction de ses revenus et charges, comme l’a retenu le procureur. Selon lui, le délai-cadre pour les prestations d’assurance-chômage auxquelles il a droit viendra à échéance le 2 décembre 2020 (cf. les décomptes produits devant le Ministère public) et il devra ensuite avoir recours à l’aide sociale. La situation est en fait différente : si le droit maximum aux indemnités du recourant était de 400 jours selon le décompte du 23 mars 2020, ce droit a ensuite passé à 520 jours selon le décompte du 6 avril 2020 et les décomptes ultérieurs ; c’était de toute évidence la conséquence de l’ordonnance COVID-19 assurance-chômage du Conseil fédéral qui, en raison de la situation extraordinaire, a permis aux caisses de chômage d’accorder, entre mars et août 2020, jusqu’à 120 indemnités journalières supplémentaires à toutes les personnes y ayant droit. D’après le décompte le plus récent produit par le recourant, soit celui daté du 5 août 2020, le solde de son droit aux indemnités était d’ailleurs encore de 252,3 jours à ce moment-là, ce qui représentait plus d’une année d’indemnités. L’ordonnance du Conseil fédéral a ensuite été modifiée le 12 août 2020 (soit postérieurement au décompte du 5 août 2020). Elle prévoit maintenant, à son article 8a, que le délai-cadre d’indemnisation des assurés qui ont eu droit à 120 indemnités journalières au plus entre le 1er mars et le 31 août 2020 est prolongé de la durée pendant laquelle la personne assurée a eu droit aux indemnités journalières supplémentaires, mais de 6 mois au maximum. Le délai-cadre devrait donc être prolongé, pour le recourant. Il apparaît dès lors que le prévenu bénéficiera encore pendant un certain nombre de mois de son disponible de 297 francs, soit bien après le 2 décembre 2020 et vraisemblablement jusque vers juin 2021, dans la mesure où il continuera à percevoir des indemnités journalières, sauf pour lui à retrouver un emploi dans l’intervalle. Rien n’exclut – évidemment – qu’il y parvienne. Il a suivi une formation de jardinier, soit dans un domaine où il n’existe pas notoirement de difficultés particulières à trouver du travail. Il est encore jeune et apparemment en bonne santé (il ne soutient pas le contraire). Considérer a priori qu’il ne retrouvera pas de travail en été 2021 au plus tard est évidemment impossible, ceci indépendamment du fait que sa situation, pour l’octroi de l’assistance judiciaire, doit s’examiner au moment du dépôt de la demande. Il faut donc retenir que le recourant pourra consacrer au moins environ 3'600 francs, sur un an, voire environ 7'200 francs, sur deux ans, à la rémunération d’un mandataire. C’est assez pour garantir une défense dans une affaire de ce genre, ou en tout cas ce qu’une personne raisonnable et disposant de moyens plus larges accepterait d’investir dans une telle procédure, en fonction des enjeux tout de même limités de celle-ci. On peut noter au passage que, d’après le dossier tel qu’il a été communiqué à l’Autorité de recours en matière pénale, le recourant n’a en l’état pas demandé à être avisé des auditions déjà prévues et à prévoir et qu’il est plus que probable que les autorités pénales des autres cantons concernés par l’enquête ont déjà entendu un certain nombre de personnes durant les plus de cinq mois écoulés depuis le 4 mai 2020, date à laquelle elles ont été requises de procéder à ces auditions, ceci même si les procès-verbaux n’ont pas encore été transmis au Ministère public.

4.                                a) Le Ministère public a mentionné dans la décision entreprise qu’à ce stade de la procédure, il n’envisageait pas contre le prévenu une peine dépassant 120 jours-amende ou quatre mois de peine privative de liberté, si la seule infraction d’émeute – d’ailleurs contestée par le prévenu – était retenue.

                        b) Le recourant relève qu’il est aussi prévenu d’autres infractions que l’émeute (la liste qu’il dresse, en se référant à un rapport de police, est cependant trop longue et il convient de se référer plutôt à la décision d’ouverture de l’instruction, qui retient moins de qualifications juridiques) et qu’il est ainsi douteux qu’une peine ne dépassant pas le seuil prévu à l’article 132 al. 3 CPP sera requise contre lui.

                        c) L’appréciation de la sanction prévisible s’effectue de manière concrète, soit aussi en fonction de la situation personnelle du prévenu, et non de manière abstraite ; il ne faut pas se fonder sur la seule peine menace prévue par la loi, mais surtout tenir compte des circonstances particulières du cas d’espèce et de la peine concrètement encourue (Moreillon/Parein-Reymond, Petit commentaire CPP, 2ème éd., n. 30 ad art. 132).

                        d) En l’espèce, la procédure a ceci de particulier qu’il est très difficile de déterminer d’emblée quelles infractions, en fait et en droit, pourraient finalement être reprochées aux prévenus. La plupart des participants aux actes poursuivis ont agi après s’être dissimulé le visage par une cagoule ou un bas, ceci dans une mêlée où il n’est pas simple de discerner les faits et gestes de chacun, sur la base des images de vidéosurveillance et dans un contexte où il serait un peu vain de compter sur la collaboration des prévenus eux-mêmes (en tout cas pas sur celle du recourant). À ce stade, spéculer sur la peine concrètement encourue par le recourant est donc forcément un peu hasardeux. Il est cependant possible d’envisager raisonnablement que cette peine ne devrait pas dépasser la limite fixée à l’article 132 al. 3 CPP, dans la mesure où les images de vidéosurveillance dont la police genevoise a indiqué qu’elles pourraient concerner le recourant ne le montrent pas, par exemple, en train de frapper un tiers. Le recourant ne soutient pas qu’il risquerait une peine plus sévère en raison d’antécédents pénaux ; son casier judiciaire ne figure pas au dossier ; on ne sait pas ce qu’il est advenu de la dénonciation dont il a apparemment fait l’objet en 2017 (cf. plus haut). Que le procureur ait utilisé le terme de « grave » dans sa demande au TMC ne change rien au fait qu’il n’envisage, à ce stade, pas une peine dépassant 120 jours-amende ou 4 mois de privation de liberté. En l’état, il faut dès lors retenir que l’assistance judiciaire ne se justifie pas du fait de la peine encourue. Comme le procureur l’a lui-même rappelé, cette appréciation pourrait devoir être revue, en fonction des faits qui, suivant le résultat de l’enquête, seront plus tard concrètement reprochés au prévenu, ou pas.

5.                                a) Le Ministère public a retenu que la procédure ne présentait pas de complexité, en fait ou en droit. Pour le recourant, la cause est complexe, notamment du fait de la pluralité de prévenus et des actes en cause, ce qui fait qu’il ne pourrait pas se défendre seul.

                        b) D’après la jurisprudence fédérale (arrêt du TF du 06.07.2020 [1B_325/2020] cons. 3), si les deux conditions mentionnées à l'article 132 al. 2 CPP doivent être réunies cumulativement, il n'est pas exclu que l'intervention d'un défenseur soit justifiée par d'autres motifs, en particulier dans les cas où cette mesure est nécessaire pour garantir l'égalité des armes ou parce que l'issue de la procédure pénale a une importance particulière pour le prévenu, par exemple s'il est en détention (ou, aussi, également par exemple, s’il encourt une révocation de l'autorisation d'exercer sa profession ou risque de perdre la garde de ses enfants : arrêt du TF du 13.11.2015 [1B_354/2015] cons. 3.2.2). La désignation d'un défenseur d'office peut ainsi s'imposer selon les circonstances, lorsque le prévenu encourt une peine privative de liberté de quelques semaines à quelques mois si, à la gravité relative du cas, s'ajoutent des difficultés particulières du point de vue de l'établissement des faits ou des questions juridiques soulevées, qu'il ne serait pas en mesure de résoudre seul. En revanche, lorsque l'infraction n'est manifestement qu'une bagatelle, en ce sens que son auteur ne s'expose qu'à une amende ou à une peine privative de liberté de courte durée, l'auteur n'a pas de droit constitutionnel à l'assistance judiciaire.

                        Le Tribunal fédéral retient aussi (arrêt du TF du 29.07.2019 [1B_210/2019] cons. 2.1) que pour évaluer si l'affaire présente des difficultés que le prévenu ne pourrait pas surmonter sans l'aide d'un avocat, il y a lieu d'apprécier l'ensemble des circonstances concrètes. La nécessité de l'intervention d'un conseil juridique doit ainsi reposer sur des éléments objectifs, tenant principalement à la nature de la cause, et sur des éléments subjectifs, fondés sur l'aptitude concrète du requérant à mener seul la procédure. S'agissant de la difficulté objective de la cause, il faut se demander si une personne raisonnable et de bonne foi, qui présenterait les mêmes caractéristiques que le requérant mais disposerait de ressources suffisantes, ferait ou non appel à un avocat. La difficulté objective d'une cause est admise sur le plan juridique lorsque la subsomption des faits donne lieu à des doutes, que ce soit de manière générale ou dans le cas particulier. Pour apprécier la difficulté subjective d'une cause, il faut tenir compte des capacités du prévenu, notamment de son âge, de sa formation, de sa plus ou moins grande familiarité avec la pratique judiciaire, de sa maîtrise de la langue de la procédure, ainsi que des mesures qui paraissent nécessaires, dans le cas particulier, pour assurer sa défense, notamment en ce qui concerne les preuves qu'il devra offrir.

                        Le Tribunal fédéral a, par exemple, considéré que ne justifiait pas une défense d’office la cause d’un prévenu condamné par ordonnance pénale à 45 jours-amende avec sursis et à une amende pour conduite d'un véhicule non couvert par une assurance-responsabilité civile, non-restitution de permis de circulation ou de plaques de contrôle, ainsi que conduite sous défaut de permis de circulation ou de plaques de contrôle (arrêt du TF du 24.01.2020 [1B_12/2020] cons. 1 et 3.2). Il est arrivé à la même conclusion dans le cas d’une personne condamnée à une peine privative de liberté ferme de trois mois pour séjour illégal, vol de peu d’importance, violation de domicile et voies de fait, seule cette dernière infraction étant réellement contestée ; ces infractions ne posaient aucune difficulté de compréhension, même pour une personne dépourvue de toute connaissance juridique ; le prévenu invoquait d'éventuels vices de procédure à soulever et des preuves à requérir, mais ne fournissait aucune explication à ce propos ; il disait souffrir d'alcoolisme, mais ne démontrait pas qu'il serait atteint de manière permanente dans ses facultés de compréhension et d'expression (arrêt du TF du 20.12.2019 [1B_494/2019] cons. 3.2). Le Tribunal fédéral n’a pas non plus censuré une décision refusant un défenseur d’office à une prévenue d’induction de la justice en erreur, entrave à l'action pénale et mise à disposition d'un véhicule automobile à une personne non titulaire du permis de conduire (arrêt du TF du 16.06.2020 [1B_261/2020] cons. 1 et 4).

                        Le Tribunal fédéral a par contre admis la nécessité d’une défense d’office, dans le cadre d’une procédure d’appel, pour une personne reconnue coupable en première instance de lésions corporelles simples, voies de fait, diffamation, injure, menaces et infractions à la LCR et condamnée à une peine pécuniaire de 90 jours-amende, cette personne appelant aussi de l’acquittement de son frère, dans la même cause, des préventions de soustraction d'une chose mobilière, voies de fait, vol, dommages à la propriété et de diffamation ; il a considéré que comme la personne concernée faisait appel à la fois en qualité de prévenue et de partie plaignante, cette double qualité compliquait la procédure et présentait des difficultés qu’elle avait de la peine à surmonter seule ; l’appelant avait été condamné pour six infractions protégeant des biens juridiques de nature différente, ce qui entraînait l'application des règles sur le concours (art. 49 CP), à propos desquelles le système légal et la jurisprudence n’étaient pas simples à comprendre pour une personne non juriste ; des questions juridiques se posaient encore (preuve de la vérité ou de la bonne foi) ; les réquisitions de preuves de l’appelant, tendant à l’audition de témoins, avaient été rejetées en première instance (arrêt du TF du 29.07.2019 [1B_210/2019] cons. 2.3). Il a aussi admis que l’assistance judiciaire devait être accordée dans le cas d’un prévenu âgé de 80 ans et à la retraite depuis une quinzaine d’années, dans une procédure où l’établissement des faits n'était pas aisé dans la mesure où le litige entre le prévenu et les parties plaignantes avait de nombreuses ramifications et remontait à une vingtaine d'années ; une audience avait duré près de trois heures ; par ordonnance pénale, le prévenu avait été condamné pour quatre infractions et le mécanisme de la preuve de la bonne foi, pour une infraction contre l’honneur et dans le cas particulier, impliquait le soutien d'un avocat, d'autant plus que le montant total en jeu sur le plan civil était de plusieurs dizaines de milliers de francs ; les parties plaignantes étaient représentées par un avocat (arrêt du TF du 27.11.2019 [1B_481/2019] cons. 2.3). Le Tribunal fédéral a retenu que la cause était complexe et nécessitait l'intervention d'un avocat dans le cas d’une prévenue qui demandait une indemnité pour une fouille de police et avait été condamnée par ordonnance pénale sur la base de nombreuses dispositions légales fédérales et cantonales, pour des infractions – commises sur trois jours différents – protégeant des biens juridiques de nature différente (art. 285 CP, 37 et 45 CPN, 10, 31, 41 al. 1, 51, 55, 90 al. 1, 91a, 92 al. 1 et 95 al. 1 let. b LCR, 30 et 39 OCR), ce qui entraînait l'application des règles sur le concours, à propos desquelles le système légal et la jurisprudence n’étaient pas simples à comprendre pour une personne non juriste, le prononcé d'une peine complémentaire n’étant en outre pas exclu (arrêt du TF du 04.09.2020 [1B_360/2020] cons. 2.4).

                        d) Dans un arrêt récent, l’Autorité de recours en matière pénale a refusé l’assistance judiciaire à un ressortissant et résident français, à qui il était reproché d’avoir consommé des stupéfiants, un vol à l’étalage dans un magasin, une entrée dans ce magasin en violation d’une interdiction, des violences ou menaces contre les autorités et les fonctionnaires et des contraventions de droit cantonal, soit une ivresse publique et une désobéissance à la police (arrêt du 24.06.2019 [ARMP.2019.66] cons. 3 ss). Elle a statué dans le même sens dans le cas d’un requérant d’asile togolais arrivé en Suisse en 2014 et financièrement autonome depuis 2017, à qui il était reproché un abus de confiance, la forme aggravée de cette infraction étant d’emblée exclue, le dossier n’établissant pas qu’en raison de son état physique ou psychique ou pour d'autres motifs, il ne pourrait pas suffisamment défendre ses intérêts dans la procédure, quand bien même il ne disposait pas d’une formation juridique ou économique suisse (arrêt du 20.05.2019 [ARMP.2019.51] cons. 4 à 6). La défense d’office a aussi été refusée à un ressortissant et résident géorgien, arrêté dans un train alors qu’il transitait par la Suisse et à qui il était reproché d’avoir volé des objets se trouvant en sa possession et d’avoir refusé de se soumettre à une prise signalétique (arrêt du 06.05.2019 [ARMP.2019.29] cons. 2.3), ainsi qu’à un prévenu accusé de vol dans une station-service et d’avoir circulé – à contresens – avec une voiture à laquelle il avait enlevé les plaques d’immatriculation, qui contestait les faits, se plaignait de vices de procédure et dont le co-prévenu avait, lui, obtenu l’assistance judiciaire (arrêt non-publié du 07.07.2020 [ARMP.2020.71] cons. 5). Tout récemment, la défense d’office a été refusée à un prévenu à qui il était reproché d’avoir conduit sa voiture sans permis et sous l’influence de stupéfiants et d’avoir mis ce véhicule à disposition de personnes qui avaient consommé de la drogue (arrêt de l’ARMP du 31.08.2020 [ARMP.2020.111] cons. 3). L’Autorité de recours en matière pénale a par contre, par exemple, considéré que la défense d’office se justifiait, en raison de la nature de la cause, dans un cas d’infractions à la loi sur la concurrence déloyale, la cause n’étant dans le cas d’espèce pas dénuée de difficultés, tant quant à l'établissement des faits pertinents que sur le plan du droit, et la prévenue, étrangère d'origine et sans connaissances du droit suisse, ne pouvant s'atteler seule à sa défense (RJN 2016 p. 389). La même solution a prévalu dans le cas d’une mère accusée d'infractions réitérées à l'article 220 CP (enlèvement d’enfant), l'issue de la procédure pénale pouvant remettre en cause l'attribution à l'intéressée de la garde de ses enfants et la vision particulière de la prévenue sur les faits qui lui étaient reprochés démontrant qu'elle n'avait pas la capacité d'assurer elle-même sa défense sans l'assistance d'un avocat (RJN 2015 p. 210).

                        e) Dans le cas d’espèce, la cause, sur le plan objectif, n’est pas d’une complexité telle que l’assistance d’un mandataire serait nécessaire. Il est vrai qu’elle concerne de nombreux prévenus, mais une très large majorité d’entre eux n’aura sans aucun doute rien à dire sur les actes du recourant, ne serait-ce qu’en raison du fait que, dans une mêlée impliquant des personnes dont le visage est dissimulé, il est toujours difficile de dire qui a fait quoi. Comme le recourant, le seul autre prévenu de la présente affaire dont le procès-verbal d’audition figure déjà au dossier a refusé de s’exprimer (même, par exemple, sur sa présence éventuelle à un match de football à Nyon le jour des faits ou sur d’éventuels antécédents). De l’expérience judiciaire que l’on peut avoir des affaires de hooliganisme, c’est d’ailleurs une attitude assez fréquente chez les personnes mises en cause dans ce type de dossiers. C’est dire que l’on peut partir de l’idée que l’accusation reposera essentiellement sur les images de vidéosurveillance et le résultat des perquisitions, éventuellement celui de l’examen de certains téléphones (pour autant que le TMC dise qu’il peut être effectué). Dans cette mesure, le recourant est parfaitement à même de regarder lui-même les images et d’en tirer les conséquences nécessaires pour sa défense, ce qui n’a rien de complexe. Il a certes un droit à assister aux auditions dans le cadre de la procédure et s’il y participait effectivement, il pourrait obtenir l’assistance d’un interprète, en cas de besoin (art. 68 al. 1 CPP). Poser, le cas échéant, des questions aux personnes entendues ne représenterait pas une tâche insurmontable pour lui, car il s’agirait essentiellement de contester ou faire préciser des déclarations le concernant, en rapport avec des faits précisément circonscrits dans le temps. Une procédure de levée de scellés n’est pas particulièrement complexe non plus ; le recourant devait d’ailleurs déjà être renseigné sur ce genre de procédure, puisqu’il a pu lui-même, alors qu’il n’était pas assisté, demander lors de son interrogatoire qu’une telle procédure soit mise en œuvre (ce qu’a aussi fait le co-prévenu dont le procès-verbal d’interrogatoire figure déjà au dossier ; cette concordance ne résulte pas forcément du hasard). On ne peut pas tirer de la jurisprudence fédérale que la cause devrait être considérée comme complexe dans chaque cas où les règles sur le concours d’infractions pourraient devoir être appliquées, sauf à vouloir étendre de manière extrêmement large le champ de l’assistance judiciaire, ce qui ne peut pas avoir été l’intention du législateur de l’article 132 CPP ; cela ne paraît en tout cas pas être le cas quand, comme en l’espèce, le concours éventuel porterait sur des infractions commises dans le même mouvement et dont les qualifications juridiques ne posent pas de problèmes particuliers ; au demeurant, il est tout à fait possible que, finalement, seule l’infraction d’émeute soit retenue contre le recourant, pour autant qu’elle puisse être établie. Le recourant allègue que d’autres prévenus auraient constitué mandataire, mais – outre le fait que cela ne serait de toute manière pas décisif – le dossier actuel ne révèle rien de tel. Sur le plan objectif, on ne peut donc pas considérer qu’une personne raisonnable et disposant de ressources suffisantes ferait forcément appel à un avocat pour se défendre des accusations portées contre le prévenu. Sur le plan subjectif, rien ne permet de penser que l’enjeu de la cause serait particulièrement important pour le recourant, ce qu’il ne soutient d’ailleurs pas. Le recourant ne risque pas de perdre un emploi, l'autorisation d'exercer sa profession, la garde de ses enfants ou même son permis de conduire. Le risque éventuel – que le recourant n’allègue pas non plus – d’une interdiction de stade n’a pas une importance particulière, qui justifierait la nécessité d’une défense d’office au sens de la jurisprudence fédérale : on ne peut pas, à cet égard, parler d’un enjeu important. Également du point de vue subjectif, la situation personnelle du recourant, telle qu’elle ressort du dossier en son état actuel, ne révèle pas qu’en raison de son état physique ou psychique ou pour d'autres motifs, il ne pourrait pas assumer seul sa défense. Il n’est à l’évidence pas atteint de manière permanente dans ses facultés de compréhension et d'expression. Il a parfaitement su défendre ses intérêts lors de son premier interrogatoire, en refusant de répondre – ce qui était son droit et lui évitait de s’incriminer – et exigeant la mise sous scellés de son téléphone portable. L’expérience judiciaire enseigne que, dans les milieux des supporters de football « ultra », les intéressés connaissent leurs droits et n’hésitent pas à en faire usage, ce qu’on ne peut évidemment pas leur reprocher, mais qui va dans le sens d’une capacité à assumer sa propre défense, sans recours à un mandataire professionnel. Le moment venu, il appartiendra au Ministère public, s’il ne prononce pas un classement en faveur du recourant, de préciser les charges retenues contre lui et de les lui communiquer, le cas échéant avec l’indication des éléments qui le mettent en cause, d’une manière qui lui permette de faire valoir ses moyens de défense, et de le confronter aux personnes qui pourraient l’accuser. Même si le recourant n’a pas de connaissances juridiques, il peut se défendre sans l’assistance d’un mandataire, dans un tel contexte. Envisagée globalement, la situation personnelle du prévenu n’est donc pas telle qu’une défense d’office serait nécessaire.

6.                       Vu de ce qui précède, le recours doit être rejeté. Les frais de la cause seront mis à la charge du recourant, qui succombe (art. 428 al. 1 CPP). Ils seront cependant fixés au minimum prévu par l’article 42 LTFrais, en fonction de la situation financière du recourant. Il n’y a pas lieu d’accorder l’assistance judiciaire pour la procédure de recours, dans la mesure où le recourant dispose de moyens suffisants, où le recours n’avait pas de chances de succès et où l’on ne peut pas considérer que, dans ce cadre, l’assistance d’un défenseur aurait été nécessaire pour sauvegarder les intérêts du recourant (art. 132 al. 1 let. b in fine CPP).

 

Par ces motifs,
L'AuTORITE DE RECOURS EN MATIERE PENALE

1.    Rejette le recours et confirme la décision entreprise.

2.    Rejette la requête d’assistance judiciaire pour la procédure de recours.

3.    Met les frais de la procédure de recours, arrêtés à 200 francs, à la charge du recourant.

4.    Notifie le présent arrêt à X.________, par Me A.________ et au Ministère public, à La Chaux-de-Fonds (MP.2020.2094-MPNE).

Neuchâtel, le 26 octobre 2020

Art. 132 CPP
Défense d’office
 

1 La direction de la procédure ordonne une défense d’office:

a. en cas de défense obligatoire:

1. si le prévenu, malgré l’invitation de la direction de la procédure, ne désigne pas de défenseur privé,

2. si le mandat est retiré au défenseur privé ou que celui-ci a décliné le mandat et que le prévenu n’a pas désigné un nouveau défenseur dans le délai imparti;

b. si le prévenu ne dispose pas des moyens nécessaires et que l’assistance d’un défenseur est justifiée pour sauvegarder ses intérêts.

2 La défense d’office aux fins de protéger les intérêts du prévenu se justifie notamment lorsque l’affaire n’est pas de peu de gravité et qu’elle présente, sur le plan des faits ou du droit, des difficultés que le prévenu seul ne pourrait pas surmonter.

3 En tout état de cause, une affaire n’est pas de peu de gravité lorsque le prévenu est passible d’une peine privative de liberté de plus de quatre mois ou d’une peine pécuniaire de plus de 120 jours-amende.1


1 Nouvelle teneur selon l’annexe ch. 3 de la LF du 19 juin 2015 (Réforme du droit des sanctions), en vigueur depuis le 1er janv. 2018 (RO 2016 1249; FF 2012 4385).