A.                               Le 22 avril 2020, le Service pénitentiaire, Office d’exécution des sanctions et de probation, a saisi le Tribunal de police des Montagnes et du Val-de-Ruz d’une proposition de révocation de la libération conditionnelle accordée à X.________. L’office exposait que l’intéressé avait été condamné par ordonnances pénales des 7 avril, 11 juillet 2017, 6 juin, 15 octobre, 22 novembre 2018 et 22 janvier 2019 du Ministère public, parquet régional de La Chaux-de-Fonds, ainsi que par jugement du Tribunal de police des Montagnes et du Val-de-Ruz du 7 juillet 2017 à un total de 200 jours de peine privative de liberté pour voies de fait, dommages à la propriété, utilisation abusive d’une installation de télécommunication, injure, menaces, contrainte, jet dangereux de matières, bruit excessif et infractions à la loi sur les stupéfiants. L’exécution de ces peines avait commencé le 9 juillet 2019 et, aux deux tiers de cette exécution, soit le 19 novembre 2019, l’office avait rendu une décision de libération conditionnelle avec assistance de probation durant le délai d’épreuve d’une année. Depuis le début de l’année 2020, la situation de X.________ s’était cependant péjorée, en ce sens qu’hormis le fait de tenir des propos délirants, il admettait avoir recommencé à consommer de grandes quantités de cannabis, n’était plus joignable par l’office et avait fait l’objet de deux plaintes pénales au mois de mars 2020, pour des faits similaires à ceux pour lesquels il avait été condamné. Outre la consommation de stupéfiants, quotidienne à en croire ses aveux du 2 mars 2020, X.________ aurait tenu envers l’office « un discours très orienté autour de la religion, subdélirant, voire délirant, indiquant notamment que Dieu lui aurait donné pour mission de marier son ex-compagne, d’avoir un travail et des enfants avec elle, que celle-ci ne comprendrait pas cette mission mais qu’elle finirait par s’y plier ». Une plainte pénale avait été déposée le 27 mars 2020 contre X.________ par son ex-compagne et la mère de cette dernière, pour des violences dont il serait l’auteur et qui auraient été commises le 22 mars 2020. Les contacts téléphoniques que l’office avait tenté de mettre en place du fait de la situation sanitaire liée au Covid-19 avaient échoué puisque l’intéressé n’avait pas répondu ni rappelé ; il se soustrayait dès lors à l’assistance de probation. Au vu des propos délirants exprimés, des plaintes pénales déposées et de la reprise de ses consommations, l’office craignait de nouveaux passages à l’acte. Il proposait dès lors au juge du tribunal de police d’ordonner la réintégration de X.________ dans l’exécution de sa peine, en application de l’article 95 CP. Selon l’office, un avertissement, une modification du cadre ou une prolongation du délai d’épreuve n’était pas propre à écarter un risque de récidive, en particulier au vu des plaintes pénales déposées et de l’état de santé mentale de l’intéressé.

B.                               X.________ a été convoqué par le tribunal de police à une audience du 23 septembre 2020. La convocation lui a été remise en main propre par l’agence de sécurité déléguée à la notification, le 3 septembre 2020. Il ne s’est pas présenté à l’audience.

C.                               Par ordonnance du 23 septembre 2020, la juge du tribunal de police a ordonné la réintégration de X.________ dans l’exécution de sa peine, en application de l’article 95 al. 5 CP, et statué sans frais. Elle a retenu que la situation du condamné s’était péjorée depuis le début de l’année 2020, que son risque de récidive s’était considérablement aggravé et d’ailleurs concrétisé, vu les nouvelles plaintes pénales déposées à son encontre, et qu’il y avait donc lieu d’ordonner la réintégration de l’intéressé.

                        L’ordonnance a été remise à X.________ le 1er octobre 2020.

D.                               Le 6 octobre 2020, X.________ recourt contre l’ordonnance précitée en sollicitant implicitement son annulation. Il fait valoir qu’il « n’y a aucune raison valable et justifiable ni aucun risque de récidive ». Il considère que les faits qui lui sont reprochés par son ex-amie sont en partie faux, qu’il a eu un comportement exemplaire, en dehors d’une scène de ménage, et soutient qu’il souhaite avancer dans la vie et reconstruire quelque chose avec un accompagnement, citant l’association Feu-Vert et un projet de contrat ISP.

C O N S I D E R A N T

1.                                Interjeté dans les formes et délai légaux, le recours est recevable.

2.                                Selon l’article 393 al. 2 CPP, l’autorité de recours statue avec un plein pouvoir d’examen en droit, en fait et même en opportunité.

3.                                Dans un arrêt du 22 février 2019, le Tribunal fédéral s’est exprimé comme suit en lien avec un arrêt de la Cour de céans du 11 septembre 2018, qu’il annulait :

« Eu égard aux principes exposés dans l'arrêt 6B_799/2017 précité, la cour cantonale ne pouvait pas statuer sans débats au motif que le droit d'être entendu du condamné avait été respecté et que le mandataire de ce dernier n'avait pas formellement sollicité une nouvelle audience et n'avait pas soutenu qu'un interrogatoire de son client était susceptible de peser dans l'appréciation du tribunal. Compte tenu des conséquences de la procédure pour l'intéressé, à savoir une privation de liberté de plusieurs mois, et de l'importance de sa comparution devant l'autorité, elle devait faire usage de la possibilité offerte par l'art. 365 al. 1 CPP d'ordonner des débats » (arrêt du Tribunal fédéral du 22.02.2019 [6B_1022/2018], cons. 1.3).

                        Cette conclusion du Tribunal fédéral se fondait sur une jurisprudence – qu’il n’a pas considérée comme « directement transposable en matière de révocation de sursis », mais qui donnait néanmoins « un éclairage pertinent » – relative à un cas de prolongation d’une mesure institutionnelle et dans le cadre de laquelle il avait relevé « que dans ce contexte l’impression personnelle faite par l’intéressé est primordiale, de sorte qu’une décision des autorités cantonales de renoncer à la procédure orale doit être motivée et expliquée par des circonstances particulières, qui justifient que l’on renonce à entendre l’intéressé » (arrêt précité du 22.02.2019, cons. 1.1, in fine).

                        Par ailleurs, dans le même arrêt, répondant aux griefs du recourant qui demandait à être mis au bénéfice de l’article 366 al. 1 CPP, qui régit la procédure par défaut, le Tribunal fédéral a indiqué :

« La procédure en cas de décisions judiciaires ultérieures des art. 363 ss CPP institue, aux art. 364 et 365 CPP, un régime spécifique en ce qui concerne la procédure et la décision à rendre. Pour le surplus, en l'absence de règles spéciales les dispositions générales du CPP s'appliquent (…). Ainsi, en cas d'absence de l'intéressé, la procédure par défaut doit être mise en œuvre, pour le moins lorsque la tenue de débats s'imposait en application des principes exposés au cons. 1.1 ci-dessus (…) » (arrêt précité du 22.02.2019, cons. 1.4). 

4.                                Il découle de la jurisprudence précitée – rendue dans le cadre d’une affaire qui concernait la révocation d’un sursis, mais qui faisait application de la même disposition légale que celle qui est en cause lorsque le juge prononce une réintégration en cours de libération conditionnelle, à savoir l’article 95 al. 5 CP – que la première juge, au vu de l’absence de X.________ à l’audience du 23 septembre 2020, devait mettre en œuvre la procédure par défaut, au sens de l’article 366 al. 1 CPP, et fixer de nouveaux débats. La cause porte en effet sur la réintégration en détention d’un justiciable qui a été libéré conditionnellement, pour une durée qui dépassera deux mois, motivée par un risque de récidive suite à des faits partiellement contestés par l’intéressé et sur lesquels une audition du condamné s’impose, ce que la première juge avait elle-même retenu en convoquant précisément des débats (dans l’affaire qui avait donné lieu à la jurisprudence citée ci-dessus, le premier juge n’avait pas ordonné de débats et le Tribunal fédéral avait vu en cela une violation de l’article 365 al. 1 CPP, vu les conséquences de la procédure pour le justiciable). En considérant comme ici que la tenue d’une audience s’imposait, la juge de police devait, en l’absence du prévenu, mettre en œuvre la procédure par défaut (arrêt du Tribunal fédéral précité cons. 1.4 in fine). Ne l’ayant pas fait et cette informalité devant être relevée d’office, sans être réparable au stade du recours afin d’assurer le respect du double degré de juridiction, il convient d’annuler l’ordonnance querellée, de renvoyer la cause au Tribunal de police afin qu’il organise les débats durant lesquels le condamné pourra s’exprimer, ces débats valant nouveaux débats au sens de l’article 366 al. 1 CPP, puis rendre une nouvelle décision. Le Tribunal de police, vu le signalement alarmant de l’Office d’exécution des sanctions et de probation est invité, dans toute la mesure du possible, à tenir cette audience dans les plus brefs délais, compte tenu bien sûr de la situation sanitaire.

5.                                Vu ce qui précède, le recours est admis, l’ordonnance querellée est annulée et la cause renvoyée au Tribunal de police pour suite utile au sens des considérants. Les frais du présent arrêt restent à la charge de l’Etat, sans allocation de dépens.

Par ces motifs,
l'Autorité de recours en matière pénale

1.    Admet le recours et annule l’ordonnance du 23 septembre 2020 au sens des considérants.

2.    Renvoie le dossier au Tribunal de police pour suite utile au sens des considérants.

3.    Laisse les frais du présent arrêt à la charge de l’Etat.

4.    N’alloue pas de dépens.

5.    Notifie le présent arrêt à X.________, c/o (…), à La Chaux-de-Fonds, au Tribunal de police des Montagnes et du Val-de-Ruz, à La Chaux-de-Fonds (POL.2020.474), à l’Office d’exécution des sanctions et de probation, à La Chaux-de-Fonds (EXP.2018.1489), et au Ministère public, à La Chaux-de-Fonds (pour information).

Neuchâtel, le 10 novembre 2020

Art. 95 CP
Dispositions communes
 

1 Avant de statuer sur l’assistance de probation ou les règles de conduite, le juge et l’autorité d’exécution peuvent demander un rapport à l’autorité chargée de l’assistance de probation, du contrôle des règles de conduite ou de l’exécution de l’interdiction d’exercer une activité, de l’interdiction de contact ou de l’interdiction géographique.1 La personne concernée peut prendre position sur ce rapport. Les avis divergents doivent y être mentionnés.

2 Le jugement ou la décision doit fixer et motiver les dispositions sur l’assistance de probation et les règles de conduite.

3 Si le condamné se soustrait à l’assistance de probation, s’il viole les règles de conduite ou si l’assistance de probation ou les règles de conduite ne peuvent pas être exécutées ou ne sont plus nécessaires, l’autorité compétente présente un rapport au juge ou à l’autorité d’exécution.2

4 Dans les cas prévus à l’al. 3, le juge ou l’autorité d’exécution peut:

a. prolonger le délai d’épreuve jusqu’à concurrence de la moitié de sa durée;

b. lever l’assistance de probation ou en ordonner une nouvelle;

c. modifier les règles de conduite, les révoquer ou en imposer de nouvelles.

5 Dans les cas prévus à l’al. 3, le juge peut aussi révoquer le sursis ou ordonner la réintégration dans l’exécution de la peine ou de la mesure s’il est sérieusement à craindre que le condamné ne commette de nouvelles infractions.


1 Nouvelle teneur selon le ch. I 1 de la LF du 13 déc. 2013 sur l’interdiction d’exercer une activité, l’interdiction de contact et l’interdiction géographique, en vigueur depuis le 1er janv. 2015 (RO 2014 2055; FF 2012 8151).
2 Nouvelle teneur selon le ch. I 1 de la LF du 13 déc. 2013 sur l’interdiction d’exercer une activité, l’interdiction de contact et l’interdiction géographique, en vigueur depuis le 1er janv. 2015 (RO 2014 2055; FF 2012 8151).