A.                            a) Le 9 juillet 2020 X.________, ressortissante bosniaque née en 1967, s’est présentée aux Urgences de l’Hôpital neuchâtelois, après avoir fui la Bosnie-Herzégovine, où elle passait un séjour avec son mari Y.________, né en 1954. L’intéressée a dit y avoir reçu des coups à répétition de la part de son mari, en précisant que cela était habituel, mais que dernièrement, son mari avait essayé de l’étrangler et lui avait asséné des coups au moyen d’une fourche. Le 16 juillet 2020, X.________, s’est présentée dans les locaux de la police de proximité, en compagnie d’une collaboratrice du SAVI et d’une interprète de langue bosniaque, afin de déposer plainte pénale contre Y.________.

B.                            Le lendemain (17 juillet 2020), le Ministère public a ordonné l’ouverture d’une instruction pénale contre Y.________ pour tentative de lésions corporelles graves (art. 122 al. 1 cum 22 al. 1 CP), subsidiairement lésions corporelles simples qualifiées (art. 123 ch. 2 al. 2 et 3 CP), lésions corporelles simples qualifiées (art. 123 ch. 2 al. 3 CP), injure (art. 177 al. 1 CP), menaces qualifiées (art. 180 al. 2 let. a CP), contrainte (art. 181 CP), contrainte sexuelle (art. 189 al. 1 CP) et viol (art. 190 CP). La décision d’ouverture reprenait les accusations portées la veille par X.________ contre Y.________. Concrètement, le Ministère public reprochait au prévenu d’avoir :

1)         à la rue [aaaaa], W.________ :

 

1.1)   frappé son épouse X.________ (avec laquelle il faisait ménage commun) trimestriellement de 2005 jusqu’en 2017, puis à raison de deux à trois fois par mois jusqu’en avril 2020, puis quotidiennement jusqu’au 6 juillet 2020, en lui donnant des coups de poings au visage, sur les joues et les yeux ; de l’avoir saisie plusieurs fois par les cheveux, puis agenouillée de force pour lui frapper le dos ; de l’avoir empoignée par le col, frappée sur le torse jusqu’au ce qu’elle perde le souffle et jusqu’à ce qu’elle ait de la peine à se relever, lui provoquant ainsi des blessures, notamment des bleus et des yeux au beurre noir, étant précisé que ces violences étaient prodiguées régulièrement devant A.________, le fils du couple né en 2005 ;

 

1.2)   depuis avril 2020, forcé X.________ à avoir des relations sexuelles trois fois par jour, malgré ses protestations, en commençant par la frapper, puis en la prenant et la pénétrant de force, soit vaginalement, soit analement ;

 

1.3)   depuis avril 2020, menacé X.________ plusieurs fois de la tuer, en alarmant cette dernière ;

 

1.4)   depuis avril 2020, injurié X.________, en la traitant notamment de prostituée ;

 

1.5)   depuis mai 2020, entravé X.________ dans la liberté d’action en fermant à clé l’appartement conjugal, en gardant la clé sur lui pendant la nuit, en s’enfermant dans la chambre à coucher, en interdisant à X.________ d’y dormir, en sommant cette dernière de dormir dans la chambre de son fils ;

 

2)      en Bosnie-Herzégovine, à V.________, dans la région administrative de U.________,

 

2.1)   frappé X.________ pendant trois jours entre le 3 et le 6 juillet 2020, soit lui avoir donné des coups de poing et des coups de pieds sur le dos et sur les cuisses ; l’avoir saisie par les cheveux, puis frappé la tête sur le carrelage d’un mur ; lui avoir brisé une assiette sur le front, lui occasionnant ainsi une coupure ;

 

2.2)   le 6 juillet 2020, alors qu’ils se trouvaient dans un cimetière, en compagnie de leur fils A.________ :

 

2.2.1)   frappé X.________ à coups de poing sur le torse, puis pris une débroussailleuse par le manche et frappé X.________ sur la bouche, la faisant saigner, ainsi que dans le ventre avec le côté de la machine où se trouve le moteur, lui coupant le souffle, ce qui l’avait contrainte à s’asseoir ;

 

2.2.2)   devant leur voiture, recommencé à frapper X.________ avec une fourche, en prenant la fourche par le manche et en frappant X.________ sur la cuisse avec le bout métallique, la fourche s’étant ensuite cassée en deux ; ensuite pris le manche en bois pour lui taper le bras et la jambe ; ensuite pris le bout métallique de la fourche pour lui frapper la tête ; ainsi cassé le bras gauche de X.________ et fait saigner abondamment la prénommée, notamment du visage ;

 

2.2.3)   ensuite tenté de planter le bout métallique de la fourche dans le torse de X.________, qui avait retenu le coup avec son bras droit, ce qui avait eu pour effet de la faire saigner ;

 

2.2.4)   ensuite enroulé un foulard autour du cou de X.________ et serré pendant 10 secondes, lorsqu’elle s’est assise dans la voiture, la victime parvenant à l’empêcher de serrer trop fort en penchant la tête en avant ;

 

2.2.5)   ensuite freiné fort deux fois dans la voiture, dans le but que X.________ parte en avant et se cogne contre le siège avant, la victime ayant ensuite perdu connaissance sur le trajet du retour jusqu’au domicile.

 

C.                            Le même 17 juillet 2020, Y.________ a été arrêté, puis interrogé en qualité de prévenu par la police. À cette occasion, il a déclaré qu’il soupçonnait son épouse de l’avoir trompé ; qu’en date du 10 avril 2020 à W.________, alors qu’il était rentré la veille d’un séjour de près de deux mois en Bosnie-Herzégovine, il avait constaté des tuméfactions sur les cuisses et les parties intimes de son épouse ; qu’il avait exigé qu’elle lui donne des explications à ce propos, ce qu’elle n’avait pas fait ; s’être énervé à ce propos le 6 juillet 2020 au cimetière de V.________ (Bosnie-Herzégovine) ; avoir à cette occasion frappé son épouse avec son poing et au moyen d’une fourche ; que le soir, une fois de retour à la maison, X.________ s’était enfuie à travers champs. Le prévenu a aussi admis avoir cassé une assiette sur la tête de X.________, en Bosnie-Herzégovine. Il a admis avoir traité son épouse de prostituée, depuis avril 2020, s’être enfermé dans sa chambre et avoir enfermé son épouse durant la nuit, mais il a contesté avoir menacé de la tuer et l’avoir contrainte à avoir des rapports sexuels avec lui.

Interrogé le même jour par le Ministère public, Y.________ a confirmé ses déclarations faites à la police et donné des précisions.

Le 17 juillet 2020, le Ministère public a mis Y.________ au bénéfice de l’assistance judiciaire et désigné Me B.________ en qualité d’avocat d’office.

D.                            Interrogé par la police en qualité de personne appelée à donner des renseignements le 17 juillet 2020, A.________, né en 2005, fils de la plaignante et du prévenu, a déclaré ignorer où était sa mère, après qu’elle avait fui la Bosnie-Herzégovine ; que la situation était tendue entre ses parents depuis le 10 avril 2020, date du retour de son père de Bosnie-Herzégovine ; qu’au cimetière en Bosnie-Herzégovine, son père avait asséné à sa mère un coup de poing sur le sternum, un coup de poing au niveau de la bouche et des gifles ; qu’il l’avait frappée à la cuisse et à la tête au moyen d’une fourche, avait tenté de la transpercer au moyen du même outil, avait étranglé X.________ au moyen d’un foulard pendant environ 10 secondes, l’avait menacée de la tuer, lui avait lancé à plusieurs reprises des clés au visage et lui avait crié dessus, lui reprochant d’avoir fait quelque chose et la sommant de lui dire « qui c’est » ; que dans la voiture, son père avait freiné fort deux fois et que sa mère était partie en avant ; que son père avait agi ainsi « pour qu’elle se ramasse le siège » ; que dans la voiture, X.________ n’était pas bien, avait un bras très gonflé et que lui-même pensait qu’elle avait le cubitus fracturé ; que deux jours plus tôt, Y.________ avait cassé une assiette sur la tête de X.________. A.________ a précisé avoir toujours (depuis sa naissance) vu son père « gueul[er] » ; que depuis 1992, son père reprochait à sa mère d’avoir couché avec un autre homme ; qu’il ne la frappait « pas tout le temps », mais que « depuis le 10 avril, c’[était] vraiment chaud », en ce sens que Y.________ « ne f[aisait] que de gueuler tous les jours, 15 fois par jour » et que lui-même avait vu sa mère avec un bleu sur le côté droit du menton, ainsi qu’un œil au beurre noir ; qu’il ne posait pas de question mais « sa[vait] très bien ce qui se pass[ait] ».

E.                            Le 17 juillet 2020, le Ministère public a saisi le TMC d’une requête tendant au placement de Y.________ en détention provisoire pour une durée de trois mois. Ledit tribunal a fait suite à cette requête par ordonnance du 19 juillet 2020, en ordonnant cette détention jusqu’au 17 octobre 2020.

F.                            Auditionnée une nouvelle fois le 20 juillet 2020, X.________ a notamment déclaré que, depuis 5 ou 6 ans, Y.________ la forçait à se dénuder devant lui pour examiner son corps, notamment ses parties intimes (« il s’y prend comme un gynécologue »), afin de vérifier si un homme l’avait touchée. Au sujet des violences sexuelles, elle a déclaré qu’elles avaient commencé en 2012 environ et précisé, notamment : « il veut que j’enlève mes vêtements et que je me promène toute nue dans l’appartement. Quant à lui, il est assis dans le fauteuil. Moi, je continue à faire des tâches ménagères » ; « lorsque je ne veux pas de relation sexuelle, il me dit "tu te gardes pour un autre homme". Il veut et je dois le faire » ; « [s]i je n’accepte pas, il me frappe jusqu’à ce que je me taise. Donc je me laisse faire, il fait seulement l’acte » ; « je lui disais toujours que je ne pouvais pas le faire non-stop » ; « je dois lui faire des fellations. (…). Je n’aime pas ça. Je fais cela pour qu’il arrête de me frapper » ; « [q]uand quelqu’un utilise la violence, on n’a pas envie de le caresser ou d’avoir du sexe avec lui. C’est parce que je n’avais pas envie de lui, il a cru que j’avais un amant » ; « nous avons parfois 3 fois par jour des relations sexuelles. Je lui dis que nous n’avons plus l’âge pour une telle fréquence. Il me répond que c’est l’amour qui le pousse à faire ça » ; que les marques sur son corps – dans lesquelles le prévenu voyait, de manière obsessionnelle, le fait d’un autre homme – étaient causées par la fréquence des rapports sexuels qu’elle avait avec Y.________, elle-même n’ayant jamais eu d’amant.

G.                           Interrogé le 21 juillet 2020 en qualité de personne appelée à donner des renseignements, C.________, fils de Y.________ et de X.________, né en 1992, a notamment déclaré avoir pensé que si sa mère était partie, c’était parce que son père avait « franchi la limite de la violence qui ne devrait pas être franchie dans un couple » ; que lui-même avait vécu avec ses parents jusqu’à l’âge de 20 ans ; que X.________ était une femme soumise qui devait faire ce que Y.________ lui ordonnait de faire « dans tous les domaines » ; que lorsqu’il était petit, il avait vu Y.________ frapper X.________ « constamment » ; avoir vu en rentrant de l’école des bleus sur le visage de sa mère ; que Y.________ frappait X.________ notamment quand il était contrarié, même pour un plat trop salé ; que son petit frère A.________ lui avait dit que ces derniers temps, Y.________ frappait X.________ « plus fort » ; que lui-même avait reçu des coups de ceinture et de câbles électriques de la part de son père (« à peine on faisait une connerie, on y avait droit ») et qu’il avait compris qu’il fallait toujours aller dans le sens de son père et ne pas le contrarier, « même si sa décision était aberrante » ; n’avoir par contre jamais vu son père frapper A.________.

H.                            Le 21 juillet 2020, le Ministère public a ordonné la mise en œuvre d’une expertise psychiatrique en vue de déterminer la responsabilité du prévenu et d’évaluer le risque de récidive. L’expert a rendu son rapport d’expertise psychiatrique le 18 septembre 2020. Il a répondu à une question complémentaire le 23 septembre 2020, puis a déposé un complément le 7 octobre 2020.

I.                              Le prévenu a été interrogé par la police le 15 septembre 2020.

J.                            Le 12 octobre 2020, le Ministère public a sollicité du TMC la prolongation de la détention provisoire de Y.________ pour une nouvelle durée de trois mois. Le TMC a fait suite à cette requête le 22 octobre 2020, en ordonnant cette détention jusqu’au 17 janvier 2021. À l’appui de sa décision, le juge des mesures de contrainte a retenu et considéré, en résumé, que la compétence des autorités suisses pour poursuivre et juger les faits commis en Bosnie-Herzégovine n’était « pas d’emblée exclue » ; que l’enquête n’avait apporté aucun élément excluant que les faits se soient passés de la manière décrite par X.________, bien au contraire ; que ces faits témoignaient d’une grande violence, laquelle devait causer de sérieuses inquiétudes ; que les risques de récidive et de passage à l’acte étaient patents ; qu’il y avait fort à craindre que le prévenu s’en prenne à nouveau à X.________ et qu’on ne pouvait exclure à ce stade qu’il s’en prenne au bien juridique le plus précieux, à savoir la vie de cette dernière ; que le risque de fuite était aussi donné, à mesure que le prévenu pourrait chercher à partir dans son pays natal pour se soustraire à la poursuite pénale ; qu’aucune mesure de substitution ne pouvait être prononcée, vu l’absence de prise de conscience du prévenu.

K.                            Y.________ recourt contre cette décision le 2 novembre 2020, en concluant principalement à son annulation et à sa libération immédiate ; subsidiairement au prononcé de mesures de substitution ; en tout état de cause à l’octroi de l’assistance judiciaire et à ce que les frais soient laissés à la charge de l’État. Il fait valoir que les autorités suisses ne sont pas compétentes pour poursuivre et juger les faits commis en Bosnie-Herzégovine, conteste l’existence des risques de récidive et de passage à l’acte, et se plaint d’une violation du principe de proportionnalité.

L.                 Le Ministère public transmet une copie du dossier et conclut au rejet du recours, en exposant les raisons pour lesquelles, à son avis, la compétence des autorités suisses serait donnée pour poursuivre et juger les faits commis en Bosnie-Herzégovine ; il renvoie pour le reste à la décision du TMC. 

C O N S I D E R A N T

1.                            Déposé dans les formes et le délai prévus par la loi, par une personne disposant manifestement d’un intérêt à obtenir la modification de la décision attaquée, le recours est recevable (art. 222, 393 al. 1 let. c et 396 al. 1 CPP).

2.                            Aux termes de l’article 221 al. 1 CPP, la détention provisoire ne peut être ordonnée que lorsque le prévenu est fortement soupçonné d’avoir commis un crime ou un délit et qu’il y a sérieusement lieu de craindre qu’il se soustraie à la procédure pénale ou à la sanction prévisible en prenant la fuite (let. a ; risque de fuite), qu’il compromette la recherche de la vérité en exerçant une influence sur des personnes ou en altérant des moyens de preuves (let. b, risque de collusion) ou qu’il compromette sérieusement la sécurité d’autrui par des crimes ou des délits graves après avoir déjà commis des infractions du même genre (let. c, risque de récidive). La détention peut aussi être ordonnée s’il y a sérieusement lieu de craindre qu’une personne passe à l’acte après avoir menacé de commettre un crime grave (art. 221 al. 2 CPP ; risque de passage à l’acte).

3.                            En l’espèce, certains faits reprochés au recourant se sont produits en Bosnie-Herzégovine (v. supra Faits, B/2).

3.1                   Dès lors que la détention provisoire ne doit pas durer plus longtemps que la peine privative de liberté prévisible (art. 212 al. 3 CPP), il est clair que la détention provisoire ne peut être ordonnée – au contraire de la détention en vue d’extradition, qui relève de la compétence d’autorités fédérales – qu’en rapport avec des faits que les autorités suisses sont compétentes pour poursuivre et juger. Par contre, des faits commis à l’étranger non seulement peuvent, mais doivent être pris en compte par le juge de la détention au moment d’évaluer les risques de fuite, de collusion, de récidive et de passage à l’acte.

3.2                   a) En l’espèce, le Ministère public se trompe en voyant dans l’article 6 CP cum article 44 al. 2 de la Convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique (Convention d’Istanbul, RS 0.311.35) une base légale fondant la compétence des autorités suisses.

                        b) Aux termes de l’article 6 al. 1 CP, le Code pénal suisse est applicable à – et partant les autorités suisses sont compétentes pour poursuivre et juger – quiconque commet à l’étranger un crime ou un délit que la Suisse s’est engagée à poursuivre en vertu d’un accord international si l’acte est aussi réprimé dans l’État où il a été commis ou que le lieu de commission de l’acte ne relève d’aucune juridiction pénale (let. a) et si l’auteur se trouve en Suisse et qu’il n’est pas extradé (let. b).

                        Cette disposition est une norme de renvoi transposant en droit interne suisse des dispositions conventionnelles prévoyant une compétence dite de représentation (ou de substitution ; stellvertretende Strafrechtspflege, i. e. fondée sur la maxime aut dedere aut judicare). Ces dispositions conventionnelles ne sont en effet pas directement applicables. Seules les dispositions conventionnelles par lesquelles la Suisse s’est engagée à prévoir une compétence de représentation sont pertinentes pour l’article 6 CP (Dupuis et al. [Édit.], PC CP, n. 3 in fine ad art. 6 ; Henzelin in CR CP, n. 14 ad art. 6 [pour une liste exemplative des conventions prévoyant une obligation d’établir une compétence de représentation, voir n. 13] ; Popp/Keshelava, Basler Kommentar StGB, n. 3 ad art. 6). En d’autres termes, le critère n’est pas celui de l’existence d’une convention internationale à laquelle la Suisse est partie et criminalisant un certain comportement, mais bien que la disposition conventionnelle prévoyant la compétence de représentation impose ladite compétence (p. ex. « Les États parties s’engagent à… » ou « Les États parties prennent les mesures nécessaires pour… »), par opposition, par exemple, à la forme potestative (« Les États parties s’efforcent de… »). Si la disposition conventionnelle prévoit une simple possibilité, ou impose des efforts, en vue d’établir une compétence, seul l’article 7, al. 2, let. a CP trouve application (compétence de représentation dite résiduelle). Dans ce cas, à teneur de cet article, une demande d’extradition doit avoir été présentée, et doit être refusée pour des motifs autres que la nature (politique, militaire ou fiscale) de l’acte (art. 3 de la loi fédérale sur l’entraide internationale en matière pénale [EIMP, RS 351.1]).

                        c) Selon l’article 44 § 1 de la Convention d’Istanbul, « [l]es Parties prennent les mesures législatives ou autres nécessaires pour établir leur compétence à l’égard de toute infraction établie conformément à la présente Convention, lorsque l’infraction est commise » sur leur territoire (let. a), à bord d’un navire battant leur pavillon (let. b), à bord d’un aéronef immatriculé selon leurs lois internes (let. c), par un de leurs ressortissants (let. d) ou par une personne ayant sa résidence habituelle sur leur territoire (let. e). Cette disposition impose la compétence de représentation, mais seule la lettre e entre en ligne de compte dans le cas d’espèce. Or la Suisse s’est réservé le droit de ne pas appliquer l’article 44, § 1, let. e de la Convention.  

                        d) Selon l’article 44 § 2 de la Convention d’Istanbul, « [l]es Parties s’efforcent de prendre les mesures législatives ou autres nécessaires pour établir leur compétence à l’égard de toute infraction établie conformément à la présente Convention, lorsque l’infraction est commise contre l’un de leurs ressortissants ou contre une personne ayant sa résidence habituelle sur leur territoire ». Contrairement au paragraphe précédent, cette disposition est formulée de manière potestative. Elle n’implique donc pas d’obligation pour la Suisse d’établir une compétence et ne tombe par conséquent pas dans le champ de l’article 6 CP. Il était donc inutile que la Suisse formule une réserve en rapport avec l’article 44 § 2 de la Convention d’Istanbul.

                        e) Plus généralement, la Suisse ne connaît pas de compétence à raison du domicile ou de la résidence. C’est la raison pour laquelle la Suisse a émis une réserve en rapport avec l’article 44 § 1 let. e de la Convention d’Istanbul, disposition qui prévoit une obligation d’établir une compétence à raison de la résidence habituelle. Les violences conjugales commises à l’étranger par un étranger contre un étranger, même si les protagonistes résident durablement en Suisse, ne sont donc pas soumises à la compétence des autorités pénales suisses (Ludwiczak Glassey, Une compétence pénale fondée sur le critère du domicile, analyse de lege lata et réflexions de lege ferenda, Revue pénale suisse 2017, p. 5 ss, en particulier p. 23 ss.).

                        f) S’agissant en l’espèce des actes reprochés au recourant et ayant eu lieu sur le sol bosniaque (v. supra Faits, B/2), les autorités suisses ne seront très vraisemblablement pas compétentes pour les poursuivre et les juger, car cela supposerait que la Bosnie-Herzégovine ait demandé l’extradition du recourant et que la Suisse lui ait refusé cette mesure pour un motif autre que la nature de l’acte (art. 7 al. 2 CP), hypothèse assez peu probable. Ces faits peuvent toutefois être dénoncés par la Suisse aux autorités pénales de Bosnie-Herzégovine, État où ils se sont déroulés, par l’application de l’article 21 de la Convention européenne d’entraide judiciaire en matière pénale (CEEJ, RS 0.351.1), à laquelle sont parties les deux États concernés. Il n’en découle toutefois aucune obligation pour la Bosnie-Herzégovine d’ouvrir une procédure pénale.

                        g) En l’absence de compétence suisse, il peut être envisagé que l’État territorial (i. e. la Bosnie-Herzégovine) délègue sa poursuite pénale à la Suisse, pour autant qu’il ait ouvert une telle procédure et que son droit le lui permette. Dans ce cas, l’acceptation par la Suisse serait soumise aux conditions restrictives de l’article 85 EIMP, parmi lesquelles figure le fait que la personne doit « répondre en Suisse d’autres infractions plus graves » (art. 85 al. 1 let. b EIMP). Or il douteux que cette condition soit remplie en l’espèce (sur cette condition, v. Ludwiczak Glassey, Entraide pénale internationale, Précis de droit suisse, n. 1259 ss et les références citées).

                        h) Vu l’ensemble de ce qui précède, il n’est, en l’état du dossier (pas d’instruction ouverte en Bosnie-Herzégovine contre le recourant ; pas de demande d’extradition ni de demande de délégation bosniaque adressée à la Suisse), pas vraisemblable que la Suisse soit compétente pour poursuivre et juger les faits commis en Bosnie-Herzégovine.

4.                            Le recourant estime que les faits commis en Suisse qui lui sont reprochés (v. supra Faits, B/2) ne feraient pas peser sur lui des soupçons suffisants d’avoir commis un crime ou un délit, au sens de l’article 221 al. 1 CPP (recours, p. 10).

4.1                   S’agissant des accusations de violences sexuelles, le recourant fait valoir qu’elles reposent sur les seuls dires de la plaignante (recours, ch. 51). Les violences domestiques et les violences sexuelles sont toutefois généralement commises dans l’intimité du foyer et sans témoin. Le fait qu’une personne se rende à la police pour déposer plainte et décrive les faits dont il se prétend victime constitue bien un indice que ces faits ont pu avoir lieu. En l’espèce, aucun élément du dossier ne permet de douter de la crédibilité des accusations de violences sexuelles portées par X.________ contre Y.________ (v. supra Faits, let. F). Au contraire, l’expérience d’un père violent et d’une mère soumise décrite par C.________ (v. supra Faits, let. G) tend plutôt à confirmer la plausibilité de ces accusations, tout comme les passages de l’expertise dessinant les contours de la personnalité du prévenu. À titre d’exemples, on peut citer les passages suivants : « [i]l considère que tout ce qui s’est passé est la faute de son épouse et jette donc le doute sur elle tant par rapport à la péjoration des rapports du couple qu’aux faits délictuels qui nous occupent. Ce fonctionnement parait généralisé chez l’expertisé qui se trouve en conflit avec bon nombre de membres de sa famille, sans pour autant se remettre en question » ; Y.________ se montre « peu empathique vis-à-vis de la souffrance d’autrui (notamment épouse et fils) qu’il parait banaliser, voire ignorer. Il dit ne pas connaître les raisons pour lesquelles son épouse l’accuse faussement, déplaçant toute la responsabilité de ses comportements sur cette dernière ("elle n’avait qu’à me dire qui lui a fait cela") » ; « [o]n observe chez lui une forme d’immaturité affective associée à des défaillances narcissiques à l’origine d’un besoin de contrôle et ceci sur la base d’une personnalité fruste avec prédominance de défenses archaïques telles que le déni et le clivage ». Des violences sexuelles sont en effet susceptibles de s’inscrire dans le cadre de l’augmentation du pouvoir de contrôle de Y.________ sur son épouse. Enfin, X.________ a décrit de la même manière les violences sexuelles subies au personnel de l’Hôpital neuchâtelois, lors de sa consultation du 20 juillet 2020 (not. pénétrations vaginales et fellations forcées subies quotidiennement de la part de Y.________ depuis des années).

4.2                   Le raisonnement exposé ci-dessus en rapport avec les violences sexuelles s’applique aussi aux accusations d’autres formes de violence (coups, menaces, atteintes à la liberté de mouvement et injures) commises en Suisse (v. supra Faits, B/1). Lors de son premier interrogatoire, le prévenu a déclaré que frapper sa femme était « une tradition » en Bosnie-Herzégovine et qu’aucune loi ne l’interdisait, respectivement « [s]i une femme dit qu’elle n’est pas d’accord avec son mari, tout de suite elle reçoit une claque. C’est comme ça depuis la nuit des temps ». C.________ a déclaré avoir, durant son enfance, vu le recourant frapper sa mère « constamment ». Tant C.________ que son frère A.________ ont vu sur le corps de leur mère des hématomes (bleus, œil au beurre noir), soit des marques laissées par des coups pouvant à première vue être qualifiés de lésions corporelles simples. A.________ a qualifié une gifle donnée par le mari à son épouse comme « normale », au contraire d’un coup de poing, ce qui donne une idée des pratiques auxquelles il a pu assister, de la part de son père. Il ressort du procès-verbal relatif à l’audition de A.________ que cet enfant, qui vit toujours chez ses parents, se trouve dans une situation de conflit d’intérêts et cherche à protéger son père, en taisant certains faits dont il a été témoin. Or C.________ a déclaré que son petit frère lui avait dit avoir constaté que les violences de Y.________ envers X.________ avaient dernièrement augmenté en intensité. L’épisode du 6 juillet 2020 en Bosnie-Herzégovine le confirme d’ailleurs clairement. 

4.3                   Les atteintes à la liberté sexuelle dénoncées par X.________ peuvent à première vue être qualifiées de viols (art. 190 CP) pour ce qui est des pénétrations vaginales et de contraintes sexuelles au sens de l’article 189 CP, pour ce qui est des fellations. Les deux infractions sont des crimes, au sens de l’article 10 al. 2 CP. Certains autres comportements du prévenu sont en outre susceptibles de réaliser les conditions objectives et subjectives de trois délits (au sens de l’art. 10 al. 3 CP) différents, soit les infractions de menaces (art. 180 CP), contrainte (art. 181 CP) et lésions corporelles simples (art. 123 CP).

5.                            Le recourant ne conteste pas l’existence d’un risque de fuite, pourtant tenu pour « existant » par le TMC, en ce sens que le prévenu « pourrait chercher à partir dans son pays natal pour se soustraire à la poursuite pénale ».

5.1                   L’existence d’un tel risque doit s'analyser en fonction d'un ensemble de critères tels que le caractère de l'intéressé, sa moralité, ses ressources, ses liens avec l'État qui le poursuit ainsi que ses contacts à l'étranger, qui font apparaître le risque de fuite non seulement possible, mais également probable ; la gravité de l'infraction ne peut pas, à elle seule, justifier la prolongation de la détention, même si elle permet souvent de présumer un danger de fuite en raison de l'importance de la peine dont le prévenu est menacé (arrêt du TF du 03.08.2011 [1B_374/2011], cons. 3.1). Le risque de fuite s’étend également au risque de se soustraire à la procédure pénale ou à la sanction prévisible en tombant dans la clandestinité à l’intérieur du pays (ATF 143 IV 160 cons. 4.3).

5.2                   En l’espèce, il ressort du dossier que le recourant, titulaire d’un permis C, est propriétaire d’une maison en Bosnie-Herzégovine et qu’il se rend régulièrement dans ce pays – où la vie est notoirement moins chère qu’en Suisse –, parfois pour de longs séjours. Tant X.________ que C.________ ont déclaré que Y.________ souhaiterait rentrer en Bosnie-Herzégovine. Une fuite en Bosnie-Herzégovine, pays dont il est ressortissant, le mettrait à l’abri d’une extradition vers la Suisse. Le recourant pourrait être tenté de fuir la Suisse au premier motif qu’il est susceptible d’y être condamné à une lourde peine (le viol est puni à lui seul d’une peine privative de liberté minimale d’un an) et au second motif qu’une condamnation pour contrainte sexuelle (art. 189 CP) et/ou viol (art. 190 CP) entraînerait en principe son expulsion obligatoire de Suisse pour une durée de cinq à quinze ans (art. 66a CP), ce qui lui ôterait à moyen terme toute perspective d’avenir en Suisse.

6.                            L’existence d’un risque de récidive ou de passage à l’acte ne doit pas obligatoirement être examinée, vu l’existence du risque de fuite. On ne peut toutefois que se rallier à l’avis du TMC sur ce point, en précisant ce qui suit.

6.1                   a) En vertu de l'article 221 al. 1 let. c CPP, la détention provisoire peut être ordonnée lorsqu'il y a sérieusement lieu de craindre que le prévenu « compromette sérieusement la sécurité d'autrui par des crimes ou des délits graves après avoir déjà commis des infractions du même genre ». Cette disposition pose trois conditions pour admettre un risque de récidive. En premier lieu, le prévenu doit en principe déjà avoir commis des infractions du même genre et il doit s'agir de crimes ou de délits graves. Deuxièmement, la sécurité d'autrui doit être sérieusement compromise. Troisièmement, une réitération doit, sur la base d'un pronostic, être sérieusement à craindre (ATF 143 IV 9 cons. 2.5 ; arrêt du TF du 17.01.2019 [1B_3/2019] cons. 3.1). Bien qu'une application littérale de cette disposition suppose l'existence d'antécédents, le risque de réitération peut être également admis dans des cas particuliers alors qu'il n'existe qu'un antécédent, voire aucun dans les cas les plus graves ; la prévention du risque de récidive doit en effet permettre de faire prévaloir l'intérêt à la sécurité publique sur la liberté personnelle du prévenu (ATF 137 IV 13 cons. 3-4 ; arrêt du TF du 17.01.2019 [1B_3/2019] cons. 3.1).

                        b) L’article 221 al. 2 CPP permet quant à lui d'ordonner la détention lorsqu'il y a lieu de craindre un passage à l'acte, même en l'absence de toute infraction préalable. Il doit s'agir d'un crime grave et non seulement d'un délit (ATF 137 IV 122 cons. 5). Il convient de faire preuve de retenue dans l'admission de ce risque et ne l'admettre que lorsque le pronostic est très défavorable. Il n'est toutefois pas nécessaire que la personne soupçonnée ait déjà pris des dispositions concrètes pour passer à l'exécution des faits redoutés. Il suffit que le passage à l'acte apparaisse comme hautement vraisemblable sur la base d'une appréciation globale de la situation personnelle de l'intéressé et des circonstances. En particulier en cas de menace d'infractions violentes, on doit prendre en considération l'état psychique de la personne soupçonnée, son imprévisibilité ou son agressivité (ATF 140 IV 19 cons. 2.1.1 ; 137 IV 122 cons. 5). Plus l'infraction redoutée est grave, plus la mise en détention se justifie lorsque les éléments disponibles ne permettent pas une évaluation précise de ce risque (ATF 140 IV 19 cons. 2.1.1 ; arrêt du TF du 19.01.2016 [1B_446/2015] cons. 2.1).

 6.2                  En l’espèce, X.________ a affirmé non seulement que Y.________ avait menacé de la tuer à plusieurs reprises, mais encore qu’il avait tenté de le faire récemment à deux reprises (une fois au moyen d’une fourche et une fois en l’étranglant au moyen d’un foulard).

                        a) Témoin direct d’une partie des faits qui se sont déroulés le 6 juillet 2020 dans le cimetière de V.________ (Bosnie-Herzégovine), A.________ a confirmé ces accusations en disant avoir entendu son père menacer de tuer sa mère et avoir vu son père tenter de transpercer sa mère au moyen d’une fourche, puis étrangler celle-ci au moyen d’un foulard pendant environ 10 secondes. Sous l’angle de l’appréciation du risque de récidive ou de passage à l’acte, il n’est pas relevant que ces faits ne se soient pas passés sur le territoire suisse, ni que les autorités suisses ne soient pas compétentes, en l’état du moins, pour les poursuivre et les juger.

                        b) A.________ a déclaré avoir peur pour sa mère (« j’ai peur pour ma maman » ; « j’ai peur qu’il fasse une bêtise s’il la revoyait ». On comprend des autres passages suivants que A.________ pense le recourant capable d’attenter à la vie de X.________ : « à un moment donné, par rapport à la fourche, j’ai eu peur pour la vie de ma maman. En fait, avec la fourche, j’ai eu peur qu’il la transperce. En fait, il a essayé de la transpercer une fois avec la fourche, mais en me voyant, il a direct arrêté. Il m’a dit que s’il la transperçait, il se tuerait aussi et il a pensé que je resterais tout seul » ; « [Y.________] m’a dit prends de l’essence et une hache. Je me suis dit que je ne vais pas prendre la hache car un truc se serait passé. Donc je n’ai pris que l’essence et je suis vite revenu. (…). Je me suis dit qu’il ferait un truc sur ma mère avec la hache ».

                        c) X.________ a aussi déclaré avoir craint pour sa vie le 6 juillet 2020 (« le 6 juillet 2020, j’ai eu peur et j’ai cru qu’il allait me tuer. Je considère que si je ne m’étais pas enfuie, il m’aurait tué[e], je suis convaincue » et craindre pour sa vie aujourd’hui encore (« [s]i je retourne vivre avec lui, il va me couper la gorge ».

                        d) C.________ croit aussi Y.________ capable d’attenter à la vie de X.________, voire de A.________. Il a narré et commenté comme suit l’épisode du 6 juillet 2020, tel que le lui avait décrit son petit frère A.________ : « [v]ous me demandez ce que A.________ m’a raconté depuis vendredi. On a discuté un peu. Il m’a expliqué que mon père était assez nerveux. Vous me demandez au sujet des faits avant la fuite. Il m’a dit que mon père avait tapé ma mère. Ils tondaient le gazon dans le cimetière dont on s’occupe à V.________/ Bosnie-Herzégovine. Mon père questionnait ma mère en lui disant qu’elle le trompait. Ensuite, comme elle disait qu’il n’y avait que lui, le père est monté en pression et lui a foutu sur la gueule avec les objets qu’il avait sous la main. C’était les claques, des coups de poings, des coups avec la fourche de jardinage et avec des menaces de mort, des insultes. Il dit par exemple : "dis-moi ou je t’arrache la tête" ou "je te coupe la tête" et "grosse pute", "connasse". C’est des trucs quotidiens qu’il dit dans notre langue. Ensuite, ils sont rentrés à la maison. Ils ont déchargé les affaires à la maison. Il lui avait demandé qu’il la regarde, qu’il la déshabille pour que A.________ voie que le corps de sa mère avait changé et qu’il avait été détérioré suite à ses rencontres extra-conjugales. A.________ trouvait que son père était complétement fou et ma mère ne l’a pas fait. Ensuite, les voisins sont arrivés. S’ils n’étaient pas arrivés, je pense qu’on ne serait pas là aujourd’hui. Je ne sais pas comment ça aurait fini. Quand je vois l’état de ma mère, les explications de mon frère et les explications vagues de mon père, je pense qu’il y aurait eu un drame. Heureusement que les voisins sont arrivés et qu’elle a pu en profiter pour partir ».

                        Concernant ce même épisode, A.________ avait déclaré ce qui suit à la police : « [a]près, on est retournés à la maison, on a fait une pause, vu que les deux hommes sont arrivés à la maison, elle a utilisé sa chance pour partir je pense. Vous me demandez pourquoi je parle de "chance". Vu qu’il a mis deux gifles et vu les disputes déjà à W.________, elle a dit que c’était énervant et que c’était assez et elle est partie. Je ne sais pas ce qu’il y aurait eu si elle n’était pas partie ».

                        e) Un autre élément troublant, au moment d’évaluer le risque que le recourant ne s’en prenne à l’intégrité corporelle de X.________, voire n’attente à sa vie, réside dans le fait que le recourant a menti à la police en disant que trois armes à feu, soit un fusil russe de calibre 12 mm, un pistolet Glock de calibre 9 mm et une carabine avaient été volés dans sa maison en Bosnie-Herzégovine à l’occasion d’un cambriolage, alors qu’en réalité, il avait déposé ces trois armes au poste de police de T.________, probablement justement pour éviter de se les faire voler lorsqu’il s’absentait en Suisse. Les attestations relatives au dépôt de ces trois armes à feu étaient glissées dans la notice d’utilisation du véhicule du recourant, laquelle se trouvait elle-même dans la boîte à gants de ce véhicule. Depuis la prison, le recourant a demandé à son fils C.________ de récupérer ces documents.  

                        f) L’expert psychiatre a quant à lui répondu par l’affirmative à la question de savoir si le recourant présentait des risques de commettre des infractions à l’avenir ; il a en outre qualifié le risque pour la violence domestique de « modéré à sévère » sur la base de l’échelle HCR-20 et de « moyen » sur la base de l’échelle PCL-R. Cette conclusion est notamment motivée comme suit :

Ø « Globalement, il s’agit de violence envers les femmes. Celle-ci peut se présenter dans deux types de situations. D’une part envers son épouse actuelle, aussi bien dans le cas où la vie en commun reprend que dans le cas d’une séparation définitive. Dans le premier, Y.________ risque de faire payer à son épouse la blessure narcissique d’une situation qu’il perçoit encore aujourd’hui comme injuste ; dans le deuxième, toutes les études s’accordent à dire que le moment de la séparation est un moment majeur du risque de passage à l’acte agressif dans la mesure où il renvoie l’agresseur à un sentiment de vide qui lui est insupportable et qui favorise chez les personnes impulsives et à faibles capacités de mentalisation le passage à l’acte. Certes Y.________ a déjà vécu plusieurs séparations précédemment, dont il semble s’être bien remis, toutefois il était bien plus jeune et la période de cohabitation avec ces femmes plus courte. Il existe également un risque dans le cas où il entame une nouvelle relation, car la jalousie, « l’objectalisation » de l’autre et la violence semblent des mécanismes bien ancrés dans son fonctionnement depuis des années (déclaration de la victime mais également de son propre enfant). La probabilité est jugée moyenne » ;

 

Ø « Pour éviter de ressentir l’angoisse de perte d’objet, le sujet violent va exercer une domination, dans un but de maîtrise de la situation, en mettant l’autre sous emprise. Il ne peut pas supporter que ce dernier ne soit pas conforme à ce qu’il attend de lui ou d’elle, qu’il lui échappe ou qu’il vive quelque chose en-dehors de lui. Il va s’épuiser à tenter de le contrôler. Le rapport amoureux est alors soumis au désir et à la pulsion, qui visent toujours la possession de l’autre, lequel est réduit à l’état d’objet de satisfaction et sous l’emprise de la toute-puissance » ;

 

Ø « Les personnalités paranoïaques (hypothèse retenue chez l’expertisé) correspondent à une organisation psychique rigide, très défensive, avec des pulsions agressives développées. Elle se manifeste par des troubles du caractère et une tendance au rationalisme qui peut aller jusqu’au délire. Le paranoïaque agressif est généralement bien adapté. Dans les relations usuelles hiérarchisées, il est dur envers les inférieurs et respectueux et obséquieux envers les supérieurs (ce qui explique probablement le relativement bon ancrage professionnel chez l’expertisé). Cette adaptation s’émousse s’il est envahi par des préoccupations délirantes trop importantes. Comme référent d’objet sexualisé, l’autre est vu sous des jours très variables. Il est tantôt perçu comme étant très bon et idéal (femme aimante), tantôt entièrement mauvais (femme qui trahit). Il est fait peu de cas de ses caractéristiques propres à cet objet d’amour (un « objet » qui n’a pas de besoins propres). Il y a aussi chez le paranoïaque une volonté d’omnipotence qui consiste à contrôler, manipuler, utiliser la personne servant de référent objectal. La relation est toujours grevée par la jalousie ».

 

                        g) Vu ce qui précède, en contestant présenter le risque de commettre des infractions graves à l’avenir, le recourant va non seulement à l’encontre de l’avis de l’expert psychiatre, mais il se heurte à une série de moyens de preuve récoltés dans le cadre de l’instruction. Il ignore notamment les craintes exprimées à ce propos par sa femme et ses fils, qui paraissent pourtant bien placés pour savoir ce dont il est capable. Est particulièrement à redouter le risque que le recourant ne s’en prenne à l’intégrité corporelle ou à la vie de X.________ pour se venger du fait qu’elle ait déposé plainte contre lui et/ou qu’elle souhaite se séparer de lui, ou si elle venait à le contrarier en refusant de retirer sa plainte (le recourant a exprimé instamment sa volonté en ce sens dans ses lettres à son fils C.________, à qui il demandait de « convaincre » X.________ de retirer sa plainte) ou de reprendre la vie commune avec lui. Sur ce dernier point, le recourant allègue dans son recours qu’il a « bien compris que la vie commune avec son épouse était terminée ». Cet allégué est toutefois clairement contredit par les lettres écrites par le recourant depuis la prison à son fils C.________ (p. ex. : « ne la laisse pas aller vers un autre, qu’elle revienne dans l’appartement » ; « [s]i elle veut qu’on revive ensemble il n’y a aucun problème, plus jamais, je le jure, elle n’a pas à avoir peur », d’une part, et à X.________ d’autre part. Le risque que le prévenu ne s’en prenne à l’un ou l’autre des fils du couple, à mesure que les dires de ces derniers appuient ceux de leur mère, n’est pas d’emblée à écarter non plus. L’aîné a indiqué les sévices physiques subis de la part de son père et celui-ci a lui-même fait peu d’efforts pour cacher son ressentiment lorsque quelqu’un de sa famille ne se plie pas à ses volontés « d’homme de la famille ».

7.                            a) En vertu des articles 31 alinéa 3 Cst. féd. et 5 paragraphe 3 CEDH, toute personne qui est mise en détention préventive a le droit d'être jugée dans un délai raisonnable ou d'être libérée pendant la procédure pénale. Une durée excessive de la détention constitue une limitation disproportionnée de ce droit fondamental, qui est notamment violé lorsque la durée de la détention préventive dépasse la durée probable de la peine privative de liberté à laquelle il faut s'attendre (arrêt du TF du 05.07.2017 [1B_238/2017] cons. 2.2). L'article 212 alinéa 3 CPP prévoit ainsi que la détention provisoire ou pour des motifs de sûreté ne doit pas durer plus longtemps que la peine privative de liberté prévisible. Le juge peut dès lors maintenir la détention préventive aussi longtemps qu'elle n'est pas très proche de la durée de la peine privative de liberté à laquelle il faut s'attendre concrètement en cas de condamnation ; il convient d'accorder une attention particulière à cette limite, car le juge – de première instance ou d'appel – pourrait être enclin à prendre en considération dans la fixation de la peine la durée de la détention préventive à imputer selon l'article 51 CP (ATF 139 IV 270 cons. 3.1 et les arrêts cités). Afin d'éviter d'empiéter sur les compétences du juge du fond, le juge de la détention n’a pas à tenir compte de la possibilité éventuelle de l'octroi, par l'autorité de jugement, d'un sursis, d'un sursis partiel ou d'une libération conditionnelle (ATF 139 IV 270 cons. 3.1 ; arrêts du TF du 27.03.2013 [1B_82/2013] cons. 3.2 et du 05.07.2017 [1B_238/2017] cons. 2.2).

                        b) En l’espèce, le viol est puni d’une peine privative de liberté d’un an au moins et de dix ans au plus. Plusieurs viols sont en outre susceptibles d’entrer en concours, ce qui est une circonstance aggravante (art. 49 CP). Des contraintes sexuelles (passibles d’une peine privative de liberté de dix ans au plus [189 CP]) sont également susceptibles d’avoir été commises. La peine pourrait encore être aggravée si le recourant devait être déclaré coupable de menaces (art. 180 CP), contrainte (art. 181 CP) et/ou lésions corporelles simples (art. 123 CP). Une autre circonstance aggravante – même si elle peut être relativisée, s’agissant d’infractions de nature différente – réside dans le fait que le recourant a été (définitivement) condamné en 2017 à une peine pécuniaire de 40 jours-amende pour conduite d’un véhicule automobile en état d’incapacité (art. 91 al. 2 let. a LCR), conduite d’un véhicule défectueux (art. 93 al. 2 let. a LCR) et violation des règles de la circulation routière (art. 90 al. 1 LCR). C’est dire qu’une détention provisoire de six mois n’atteint – au stade de la vraisemblance – de très loin pas la peine privative de liberté prévisible pour les infractions possiblement commises sur le sol suisse.  

8.                            a) Conformément au principe de la proportionnalité ancré à l’article 36 al. 3 Cst. féd., il convient d'examiner les possibilités de mettre en œuvre d'autres solutions moins dommageables que la détention (règle de la nécessité). Cette exigence est concrétisée par l'article 237 alinéa 1 CPP, qui prévoit que le tribunal compétent ordonne une ou plusieurs mesures moins sévères en lieu et place de la détention provisoire ou de la détention pour des motifs de sûreté si ces mesures permettent d'atteindre le même but que la détention. Selon l'article 237 alinéa 2 lettre f CPP, fait notamment partie des mesures de substitution l'obligation de se soumettre à un traitement médical ou à des contrôles.  

                        b) En l’espèce, subsidiairement à sa libération immédiate, le recourant conclut à être remis en liberté moyennant la saisie de ses documents d’identité, une interdiction de quitter le territoire suisse jusqu’à l’issue de la procédure et une interdiction d’approcher X.________ et de prendre contact avec elle jusqu’à l’issue de la procédure.

                        Vu les soupçons pesant sur lui, les traits de sa personnalité et l’évaluation du risque de récidive ou de passage à l’acte effectuée par l’expert psychiatre, les mesures proposées ne sont manifestement pas aptes à pallier le risque que le recourant, s’il devait être mis en liberté, ne s’en prenne à l’intégrité corporelle ou à la vie d’autrui, en particulier de X.________ ou d’une autre femme qui ne respecterait pas sa volonté ou viendrait le contrarier.

                        En présence d’un risque de fuite, une saisie des documents d’identité, une assignation à résidence et la présentation à un poste de police – le recourant ne propose pas ces deux dernières mesures – ne sont pas de nature à empêcher une personne de s’enfuir à l’étranger, voire de passer dans la clandestinité (ATF 145 IV 503 cons. 3.2 et 3.3.3 ; arrêt du TF du 30.10.2020 [1B_534/2020] cons. 3.3). S’agissant en particulier du dépôt des pièces d’identité, la mesure est d’ailleurs sans effet en ce qui concerne les documents établis par un État étranger (arrêts du TF du 30.10.2020 [1B_534/2020] cons. 3.3 ; du 13.08.2020 [1B_383/2020] cons. 5.2). Les mesures proposées ne sont ainsi manifestement pas aptes à pallier le risque de fuite. Vu notamment la peine à laquelle il s’expose et sa personnalité, une injonction n’est pas propre à dissuader le recourant de fuir. Priver le recourant de ses documents d’identité ne permet en outre pas de garantir qu’il ne parviendra pas à se soustraire à la poursuite en entrant dans la clandestinité ou en ralliant le territoire de la Bosnie-Herzégovine.    

9.                            Le recourant demande à être mis au bénéfice de l’assistance judiciaire pour la procédure de recours. L’octroi d’une telle assistance suppose toutefois que la démarche ne soit pas d’emblée dénuée de chance de succès. L’avocat, dont le rôle ne se limite pas à celui de simple porte-parole dénué d’esprit critique de la personne qu’il assiste, n’est pas tenu de suivre toutes les instructions de celle-ci et il peut en particulier renoncer à introduire un recours qui lui paraît d'emblée voué à l'échec (arrêt du TF du 15.08.2012 [1B_375/2012] cons. 1.2 et les références citées).

En l’espèce, il faut donner acte au recourant que les autorités suisses ne sont vraisemblablement pas compétentes pour poursuivre et juger les faits commis en Bosnie-Herzégovine (v. supra cons. 3). Cette question n’était toutefois pas décisive pour le sort de la cause limitée à l’examen de la licéité de la détention, vu les forts soupçons pesant sur le recourant d’avoir commis en Suisse des crimes, soit des viols (art. 190 CP) et des contraintes sexuelles (art. 189 CP) et des délits, soit des menaces (art. 180 CP), des contraintes (art. 181 CP) et des lésions corporelles simples (art. 123 CP) (v. supra cons. 4). L’existence d’un risque de fuite (v. supra cons. 5) n’étant pas contestée, le sort du recours était scellé. Les éléments fondant le risque de passage à l’acte sont au surplus accablants (v. supra cons. 6). Enfin, la détention ordonnée par le TMC respectait à l’évidence le principe de la proportionnalité, sous tous ses aspects (v. supra cons. 7 et 8). Le recours apparait ainsi comme une démarche dénuée de chance de succès, dont le contribuable n’a pas à assumer les coûts.    

10.                          Vu l’ensemble de ce qui précède, le recours doit être rejeté, aux frais de son auteur (art. 428 al. 2 CPP), à qui l’assistance judiciaire doit être refusée pour la procédure de recours. 

Par ces motifs,
l'Autorité de recours en matière pénale

1.    Rejette le recours et confirme le dispositif de l’ordonnance querellée.

2.    Dit que le recourant n’a pas droit à l’assistance judiciaire pour la procédure de recours.

3.    Arrête les frais de la procédure de recours à 500 francs et les met à la charge du recourant.

4.    Notifie le présent arrêt à Y.________, par Me B.________, au Tribunal des mesures de contrainte du Littoral et du Val-de-Travers, à Neuchâtel (TMC.2020.71) et au Ministère public, à La Chaux-de-Fonds (MP.2020.3533).

Neuchâtel, le 9 novembre 2020

Art. 6 CP
Crimes ou délits commis à l’étranger, poursuivis en vertu d’un accord international
 

1 Le présent code est applicable à quiconque commet à l’étranger un crime ou un délit que la Suisse s’est engagée à poursuivre en vertu d’un accord international:

a. si l’acte est aussi réprimé dans l’État où il a été commis ou que le lieu de commission de l’acte ne relève d’aucune juridiction pénale et

b. si l’auteur se trouve en Suisse et qu’il n’est pas extradé.

2 Le juge fixe les sanctions de sorte que l’auteur ne soit pas traité plus sévèrement qu’il ne l’aurait été en vertu du droit applicable au lieu de commission de l’acte.

3 Sous réserve d’une violation grave des principes fondamentaux du droit constitutionnel et de la CEDH1, l’auteur ne peut plus être poursuivi en Suisse pour le même acte:

a. s’il a été acquitté à l’étranger par un jugement définitif;

b. s’il a subi la sanction prononcée contre lui à l’étranger, que celle-ci lui a été remise ou qu’elle est prescrite.

4 Si, en raison de cet acte, l’auteur a été condamné à l’étranger et qu’il n’y a subi qu’une partie de la peine prononcée contre lui, le juge impute cette partie sur la peine à prononcer. Il décide si la mesure ordonnée et partiellement exécutée à l’étranger doit être poursuivie ou imputée sur la peine prononcée en Suisse.


1 RS 0.101

Art. 221 CPP
Conditions
 

1 La détention provisoire et la détention pour des motifs de sûreté ne peuvent être ordonnées que lorsque le prévenu est fortement soupçonné d’avoir commis un crime ou un délit et qu’il y a sérieusement lieu de craindre:

a. qu’il se soustraie à la procédure pénale ou à la sanction prévisible en prenant la fuite;

b. qu’il compromette la recherche de la vérité en exerçant une influence sur des personnes ou en altérant des moyens de preuves;

c. qu’il compromette sérieusement la sécurité d’autrui par des crimes ou des délits graves après avoir déjà commis des infractions du même genre.

2 La détention peut être ordonnée s’il y a sérieusement lieu de craindre qu’une personne passe à l’acte après avoir menacé de commettre un crime grave.