A.                               a) X.________, née en 1987, ressortissante de la République démocratique du Congo et domiciliée à Z.________, a suivi sa scolarité obligatoire dans le canton de Neuchâtel, puis obtenu en 2017 un CFC d’employée de commerce et ensuite, en 2019, une maturité professionnelle. Elle est titulaire d’un permis C.

                        b) Elle a déjà été condamnée à deux reprises, la première le 10 juillet 2017 par le Ministère public du canton de Bâle-Ville à 180 jours-amende, avec sursis pendant 2 ans, et 900 francs d’amende, pour délit manqué de contrainte, menaces, dommages à la propriété, violation de domicile, injures et soustraction d’une chose mobilière, et la seconde le 21 février 2019 par le Ministère public neuchâtelois à 180 jours-amende, avec sursis pendant 4 ans (peine partiellement complémentaire à la précédente), pour contrainte, diffamation, menaces, injure et utilisation abusive d’une installation de télécommunication.

B.                               Le 17 juin 2020, une instruction a été ouverte contre X.________. Cette instruction a ensuite été étendue plusieurs fois, en raison de faits nouveaux imputables à la prévenue. En l’état actuel de la prévention, il est reproché à l’intéressée :

·       l’exercice illicite de la prostitution, dans la région genevoise, d’octobre 2018 à juillet 2020 au moins, entretenant des relations sexuelles sadomasochistes avec notamment Y1________, Y2________, Y3________ et Y4________, sans s’être annoncée aux autorités et sans être au bénéfice d’une autorisation ;

·       d’avoir, de décembre 2019 à juin 2020, fait chanter Y2________ et Y4________ en les menaçant de révéler leurs relations à son entourage, leur extorquant ainsi 2'515 francs pour le premier et 22'933 francs pour le second (extorsion et chantage ; pour un exemple de la manière dont la prévenue a procédé, cf. ses échanges de messages avec Y4________) ;

·       d’avoir, dès décembre 2019, envoyé de nombreux messages et courriels insultants et menaçants à Y2________ (utilisation abusive d’une installation de télécommunication et menaces) ;

·       d’avoir, le 29 décembre 2019, publié sur un site internet de petites annonces une fausse annonce disant que Y2________ cherchait à payer des jeunes femmes pour avoir des relations sexuelles avec lui (calomnie, subsidiairement diffamation) ;

·       d’avoir, en juillet 2019, menacé Y3________ de dévoiler des photos de lui nu et de révéler leurs relations à son entourage (tentative de contrainte, subsidiairement menaces) ;

·       d’avoir, entre le 30 juin et le 3 juillet 2019, après avoir entretenu une relation à distance avec un tiers pendant quelques mois, relation à laquelle il avait mis fin, pris contact des dizaines de fois avec l’intéressé, par téléphone et par écrit, l’injuriant et le menaçant de divulguer à sa famille des éléments de sa vie privée et de le calomnier au sein de l’entreprise dans laquelle il travaillait (injures, menaces et utilisation abusive d’une installation de télécommunication) ;

·       une obtention illicite de prestations de l’aide sociale, entre octobre 2018 et juillet 2020 au moins, obtenant des prestations d’aide sociale et n’annonçant pas au service concerné les revenus qu’elle réalisait par la prostitution (préjudice encore indéterminé) ;

·       d’avoir, en octobre 2018 et depuis avril 2019, menacé Y1________ de dévoiler des photos de lui nu, en les mettant dans les boîtes aux lettres de ses voisins et en les envoyant à des connaissances de sa fille, ainsi que de publier une fausse annonce érotique s’il refusait de la voir et de la payer (tentative de contrainte) ;

·       d’avoir détenu un joint de marijuana le 7 mai 2019 (infraction à la loi fédérale sur les stupéfiants).

C.                               a) Interrogée par la procureure le 4 septembre 2020, la prévenue a, pour l’essentiel, admis les faits qui lui étaient reprochés ; elle a notamment déclaré qu’elle ne savait pas pourquoi elle avait agi ainsi envers les lésés et qu’elle avait « déconné grave » et « perdu la tête » ; elle disait avoir besoin d’aide, soit d’un suivi psychologique. À cette audience, la procureure a proposé des mesures de substitution à la détention, soit l’interdiction d’entrer en contact de quelque façon que ce soit avec les plaignants et de commettre de nouvelles infractions du même genre, ainsi que l’obligation d’entreprendre un suivi psychologique par le biais du service de probation et de respecter ce suivi avec sérieux. La prévenue a dit accepter ces mesures.

                        b) Le 8 septembre 2020, le Ministère public a demandé au TMC de ratifier les mesures de substitution prévues ; il relevait un fort risque de réitération et de passage à l’acte et indiquait qu’une expertise psychiatrique allait être mise en œuvre rapidement.

                        c) Le TMC a ordonné ces mesures pour une durée de trois mois, par décision du 16 septembre 2020, en considérant qu’elles paraissaient justifiées et proportionnées en fonction du risque de réitération et de passage à l’acte et en relevant que la prévenue y consentait ; la prévenue était avisée que si des faits nouveaux l’exigeaient ou si elle ne respectait pas les interdictions et obligations qui lui étaient imposées, le TMC pourrait en tout temps révoquer les mesures de substitution et en ordonner d’autres ou prononcer la détention provisoire.

                        d) Par courriels des 28 septembre, 6, 13 et 19 octobre 2020, l’Office d’exécution des sanctions et de probation (ci-après : OESP) a fait savoir au Ministère public que la prévenue n’avait pas répondu aux convocations qu’il lui avait adressées.

                        e) Il est en outre apparu que la prévenue persistait à harceler le plaignant Y2________, qui l’a signalé au Ministère public.

                        f) La procureure a écrit les 8 et 13 octobre 2020 au mandataire de X.________ qu’elle demanderait le placement en détention si la prévenue continuait à ne pas respecter les mesures ordonnées par le TMC, en ne se présentant pas à ses rendez-vous à l’OESP et en contactant l’un des plaignants.

                        g) Le mandataire a répondu le 19 octobre 2020 que sa cliente avait commencé des études à W.________ (BS), ce qui pouvait expliquer qu’elle ne se soit pas présentée à l’OESP, vu le temps de trajet pour venir à Neuchâtel.

                        h) Le 21 octobre 2020, Y2________ a déposé une nouvelle plainte contre la prévenue, à qui il reprochait de continuer à le harceler, à l’injurier et à le menacer, par des courriels et d’autres messages.

D.                               a) Le 23 octobre 2020, le Ministère public a demandé au TMC de révoquer les mesures de substitution et de prononcer la détention provisoire de la prévenue pour une durée de trois mois. Il invoquait un risque de réitération, en fonction des antécédents de la prévenue, des faits qui lui étaient reprochés, des éléments nouveaux et du fait que la prévenue avait reconnu elle-même qu’elle avait besoin d’un suivi et que, sans ce suivi, elle risquerait de commettre de nouvelles infractions. Un risque de fuite était également présent, du fait que la prévenue suivait des études essentiellement à V.________ (F) et que l’expulsion serait probablement requise. Un risque de collusion existait car une expertise psychiatrique avait été ordonnée et tout portait à croire que la prévenue ne se présenterait pas aux rendez-vous fixés par l’expert. La procureure précisait que, pour terminer l’enquête, il s’agissait de terminer l’analyse du matériel informatique de la prévenue et de procéder à l’expertise psychiatrique ; ensuite, une audience récapitulative serait citée, puis l’avis de prochaine clôture serait adressé aux parties ; une détention d’une durée de trois mois était nécessaire pour terminer l’instruction et couvrir la période entre l’éventuel renvoi de la cause en tribunal et le prononcé d’une détention pour motifs de sûreté par ledit tribunal.

                        b) Le TMC a cité la prévenue à comparaître à une audience fixée au 29 octobre 2020, à 14h15. Elle ne s’est pas présentée à l’heure dite. Son mandataire a plaidé et s’en est remis à l’appréciation du TMC. Ensuite, pendant que le juge délibérait, la prévenue a appelé le greffe pour dire qu’elle arrivait et elle s’est présentée au tribunal à 15h15.

                        c) Interrogée alors par le TMC, la prévenue a notamment déclaré qu’elle avait commencé le 21 septembre 2020 un bachelor à la haute école B.________, à W.________, et, dans ce cadre, étudiait depuis fin septembre à V.________ (F), où elle habitait durant la semaine dans une chambre d’une cité universitaire. Elle rentrait à Z.________ le week-end. Au sujet de l’état – assez consternant – de son logement au moment d’une intervention de police, elle a dit qu’elle n’avait pas d’explications, mais que ça n’allait pas, notamment du fait du récent décès de son père et d’une opération à la hanche qu’elle avait subie ; elle se renfermait sur elle-même et s’isolait ; elle avait fait des rangements après la prise des photographies par les policiers. La prévenue a expliqué le ton des messages envoyés aux lésés par la colère et la haine et le fait qu’elle avait été touchée par de fausses promesses. Elle admettait avoir compris les interdictions et obligations imposées par les mesures de substitution et n’avoir pas respecté la décision du TMC. Elle avait contacté le plaignant Y2________, tout en sachant qu’elle ne devait pas le faire, et n’avait pas d’excuses pour ce qu’elle lui avait écrit, précisant tout de même qu’elle était alcoolisée au moment de rédiger ses messages. Elle admettait avoir besoin de soins. Si elle ne s’était pas présentée aux rendez-vous de l’OESP, c’était en raison de ses cours ; elle espérait trouver une date qui irait, pour un rendez-vous. Elle disait ne pas vouloir aller en prison et être prête à se soigner.

                        d) Le mandataire de la prévenue a plaidé et conclu au rejet de la requête, mais à la modification des mesures de substitution, en ce sens qu’il devrait être ordonné à la prévenue de se rendre chaque mardi après-midi aux rendez-vous de l’OESP et de choisir, dans les 15 jours, un psychiatre à Neuchâtel ou à W.________.

                        e) Par décision du même 29 octobre 2020, le TMC a ordonné la détention provisoire de la prévenue, pour une durée de trois mois. Les considérants seront repris plus loin, dans la mesure utile.

E.                               Dans un rapport établi le 27 octobre 2020, la police a indiqué qu’un premier examen des téléphones portables et ordinateurs de la prévenue avait permis de retrouver de nombreuses conversations dans lesquelles elle menaçait et injuriait des hommes qui avaient été ses clients dans son exercice de la prostitution, tentant en outre de faire chanter certains d’entre eux ; quatre de ces clients étaient autres que ceux déjà concernés par la procédure ; les analyses techniques n’étaient pas encore terminées et un rapport plus détaillé serait établi.

F.                               Le 9 novembre 2020, X.________ recourt contre la décision du TMC, en concluant à ce qu’il soit constaté qu’une détention provisoire d’un mois est proportionnée et adéquate, qu’une détention jusqu’au 27 novembre 2020 soit ordonnée et qu’ensuite un suivi psychiatrique soit mis en place au sens des conclusions de l’expert, sous suite de frais et dépens.

G.                               Dans ses observations du 11 novembre 2020, le Ministère public conclut au rejet du recours.

H.                               La recourante a encore déposé des observations le 16 novembre 2020.

C O N S I D E R A N T

1.                                Déposé dans les formes et le délai prévus par la loi, par une personne disposant manifestement d’un intérêt à obtenir la modification de la décision attaquée, le recours est recevable (art. 382, 393 al. 1 let. c et 396 al. 1 CPP).

2.                                a) Conformément à l’article 221 al. 1 in initio CPP, la détention provisoire ne peut être ordonnée que lorsque le prévenu est fortement soupçonné d'avoir commis un crime ou un délit.

                        b) Le TMC a retenu des présomptions sérieuses de culpabilité à l’encontre de la prévenue, en relevant qu’elle ne le contestait d’ailleurs pas. La recourante ne le conteste pas non plus en procédure de recours (même si elle expose que les faits sont en partie admis et en partie contestés et que, s’il existe des présomptions sérieuses de culpabilité contre elle, cela ne veut pas dire qu’elle admet tous les faits). Il n’y a dès lors pas lieu de s’arrêter plus avant sur cette question, sinon pour constater que le dossier établit assez clairement que des charges suffisantes existent contre la recourante pour les infractions qui lui sont reprochées.

3.                                a) Le TMC a considéré qu’il existait un risque de réitération. Il a relevé que les mesures de substitution ordonnées le 16 septembre 2020 n’avaient pas été respectées par la prévenue, sans qu’elle puisse apporter de justifications valables à son comportement. Elle avait déjà été condamnée pour des faits comparables et ces condamnations, malgré leur importance, ne l’avaient pas empêchée de récidiver. La prévenue avait expliqué ses actes par le fait qu’elle avait « pété un plomb » et admis qu’elle avait besoin d’aide. Afin de pallier le risque de récidive, un suivi psychologique avait été ordonné à titre de mesure de substitution, mais la prévenue, en raison de ses absences aux rendez-vous fixés par l’OESP, n’avait pas permis la mise sur pied de ce suivi. De plus, la prévenue n’avait pas cessé de s’en prendre à l’un des plaignants, continuant à l’injurier et à le menacer. Elle avait agi quand bien même elle avait bien compris ce qui lui était imposé dans le cadre des mesures de substitution. Elle admettait devoir être soignée. Aucune mesure de substitution ne paraissait suffisante pour pallier efficacement ce risque et les mesures proposées par la prévenue n’étaient pas bien différentes, ni foncièrement plus astreignantes que celles ordonnées à l’origine et dont l’inefficacité avait été démontrée.

                        b) La recourante admet qu’un suivi psychiatrique doit être ordonné et rappelle qu’elle ne s’est pas opposée à la désignation de l’expert. Ce dernier a indiqué qu’il la verrait les 5 et 6 novembre 2020 à la prison de W.________. Son rapport est ainsi attendu dans les prochains jours et la mise en œuvre de l’expertise ne peut pas justifier une détention pour une durée de trois mois.

                        c) Le Ministère public indique que le rapport de l’expert sera déposé d’ici la fin de l’année 2020, mais pas en novembre déjà.

                        d) L’article 221 al. 1 let. c CPP prévoit que la détention d’un prévenu peut être ordonnée si le risque existe qu’il compromette sérieusement la sécurité d’autrui par des crimes ou des délits graves après avoir déjà commis des infractions du même genre.

                        e) Le Tribunal fédéral retient (arrêt du TF du 20.03.2020 [1B_112/2020] cons. 3.1) que, pour admettre un risque de récidive, les infractions redoutées, tout comme les antécédents, doivent être des crimes ou des délits graves. Plus l'infraction et la mise en danger sont graves, moins les exigences sont élevées quant au risque de réitération. En principe, le risque de récidive ne doit être admis qu'avec retenue comme motif de détention. Dès lors, un pronostic défavorable est nécessaire pour admettre l'existence d'un tel risque. Pour établir le pronostic de récidive, les critères déterminants sont la fréquence et l'intensité des infractions poursuivies. Cette évaluation doit prendre en compte une éventuelle tendance à l'aggravation telle qu'une intensification de l'activité délictuelle, une escalade de la violence ou une augmentation de la fréquence des agissements. Les caractéristiques personnelles du prévenu doivent en outre être évaluées.

                        f) En l’espèce, un risque de réitération doit être retenu. Comme l’a relevé le TMC, la recourante a déjà été condamnée à deux reprises pour des faits semblables, ceci à des peines significatives, même s’il s’agissait de peines pécuniaires prononcées avec sursis. Elle n’a pas tenu compte de ces avertissements, a récidivé à bref délai, ce qui a entraîné l’ouverture d’une instruction, puis s’est encore – au sens de la plainte de Y2________ – livrée à des actes similaires contre une victime déjà identifiée, alors même que des mesures de substitution à la détention provisoire avaient été ordonnées, avec l’accord de la prévenue. Les infractions qui lui sont reprochées sont d’une certaine gravité, ce qu’elle ne conteste pas. Elles sont de nature à causer un dommage – matériel et psychique – assez important à ceux qui en sont les victimes. Il paraît probable qu’elles sont en partie liées à l’état psychique de la recourante, ceci dans une mesure qui n’est pas encore déterminée. Une expertise est indispensable pour évaluer la responsabilité pénale de la prévenue, l’opportunité d’une mesure thérapeutique et le risque de récidive. La procureure l’a ordonnée et le rapport de l’expert est attendu pour la fin de l’année 2020. Dans l’intervalle, il faut considérer que le risque de récidive est suffisamment important pour empêcher une libération de la recourante. Celle-ci semble partir de l’idée que l’expert préconisera un traitement et que celui-ci devrait être mis en œuvre après sa sortie de prison. C’est aller un peu vite en besogne car, en l’état, il n’est pas possible d’anticiper les conclusions de l’expert, sinon pour constater qu’un traitement, sous une forme ou sous une autre, sera sans doute nécessaire – mais pas forcément suffisant – pour éviter que la recourante commette de nouvelles infractions. Sous l’angle du risque de récidive, une libération de la recourante ne peut pas être envisagée avant que l’expert ait déposé son rapport et que le Ministère public ait pu procéder, sur cette base notamment, à une nouvelle évaluation de ce risque et prendre ensuite les décisions qui s’imposeront.

4.                                a) Le TMC a retenu un risque de collusion. Il a considéré qu’on pouvait sérieusement craindre que si la prévenue était laissée en liberté, elle chercherait à obtenir par des moyens illégaux que les personnes qui l’accusent se rétractent, de sorte qu’un sérieux risque de collusion existait, qu’aucune mesure de substitution ne serait à même de pallier. La prévenue avait écrit à Y4________ après que celui-ci s’était adressé à la police, exerçant des pressions sur lui pour qu’il retire sa plainte. Y1________ avait relaté des pressions comparables de la part de la prévenue. Celle-ci avait aussi contacté Y2________ lorsqu’elle avait su qu’il avait porté plainte contre elle, le harcelant par la suite. C’était notamment pour limiter le risque de collusion que le TMC avait interdit à la prévenue d’entrer en contact, de quelque façon que ce soit, avec chacun des plaignants. La prévenue n’avait pas cessé de s’en prendre au plaignant Y2________, lui reprochant notamment la plainte qu’il avait déposée contre elle (« tu te prends pour qui a (sic) porter plainte au fait ? »), le menaçant et indiquant notamment « ET TU PENSE (sic) ENCORE CONTINUER ?!?!?? ».

                        b) La recourante relève, en le regrettant, qu’elle n’a plus été interrogée après son audition par le Ministère public en septembre 2020. Les plaignants Y4________ et Y2________ ont indiqué à l’autorité pénale qu’ils avaient eu des contacts avec la prévenue, mais n’ont pas été entendus ; ils devraient l’être car la prévenue peut « déterminer que c’est bien les plaignants qui ont pris contact avec elle ». Pour la recourante, si les plaignants n’ont pas été entendus, c’est que le risque de collusion « n’[est] pas si évident que cela ».

                        c) Dans ses observations, le Ministère public indique que plusieurs auditions doivent encore être effectuées par la police, qui doit aussi terminer l’analyse du matériel informatique de la prévenue. Il ne précise pas qui devrait encore être entendu.

                        d) Avec ses dernières déterminations, la recourante dépose un courriel de la police à son mandataire, du 13 novembre 2020, qui indique les dates prévues, entre le 17 et le 26 novembre 2020, pour sept auditions de plaignants et lésés, étant précisé que trois lésés n’ont pas encore pu être atteints. La recourante relève que plus aucune audition n’avait été effectuée pendant deux mois, avant cela, soit depuis l’interrogatoire du 4 septembre 2020, alors qu’elle-même était en liberté, et qu’un risque de collusion peut donc difficilement être retenu à cet égard.

                        e) Au sens de l’article 221 al. 1 let. b CPP, un risque de collusion doit être admis lorsqu’il y a sérieusement lieu de craindre que le prévenu ne compromette la recherche de la vérité en exerçant une influence sur des personnes ou en altérant des moyens de preuve.

                        f) Selon la jurisprudence (arrêt du TF du 11.08.2020 [1B_382/2020] cons. 3.1), pour retenir l'existence d'un risque de collusion, l'autorité doit démontrer que les circonstances particulières du cas d'espèce font apparaître un danger concret et sérieux de manœuvres propres à entraver la manifestation de la vérité, en indiquant, au moins dans les grandes lignes et sous réserve des opérations à conserver secrètes, quels actes d'instruction elle doit encore effectuer et en quoi la libération du prévenu en compromettrait l'accomplissement. Dans cet examen, entrent en ligne de compte les caractéristiques personnelles du détenu, son rôle dans l'infraction ainsi que ses relations avec les personnes qui l'accusent. Entrent aussi en considération la nature et l'importance des déclarations, respectivement des moyens de preuve susceptibles d'être menacés, la gravité des infractions en cause et le stade de la procédure. Plus l'instruction se trouve à un stade avancé et les faits sont établis avec précision, plus les exigences relatives à la preuve de l'existence d'un risque de collusion sont élevées.

                        g) En l’espèce, la nouvelle plainte de Y2________, du 21 octobre 2020, n’a pas encore été instruite. En particulier, la recourante n’a pas été entendue à ce sujet. Elle estime que d’autres plaignants devraient aussi être (ré)entendus sur les contacts qu’elle a eus avec eux après que le TMC avait ordonné des mesures de substitution. Effectivement, ces auditions paraissent utiles ; elles sont d’ailleurs prévues par la police, au sens du courriel adressé au mandataire le 13 novembre 2020. En fonction des pressions que la recourante a, par le passé, exercées sur des lésés, il est important que ces auditions aient lieu sans qu’elle puisse, au préalable, tenter d’influencer – par les mêmes moyens que précédemment – les personnes concernées (pour un exemple de ces pressions, cf. des messages à Y4________). Cela vaut également pour l’audition des lésés potentiels que la police a pu identifier par les premiers examens des téléphones et ordinateurs de celle-ci. L’examen du matériel électronique est toujours en cours – ce genre d’analyse prend forcément du temps – et on ne peut pas exclure qu’il amène des éléments nouveaux, qui pourraient nécessiter d’autres vérifications encore, que la prévenue ne doit pas pouvoir mettre en péril. Les auditions ne pourront sans doute pas être terminées à fin novembre 2020, notamment parce que trois lésés potentiels n’ont pas encore pu être contactés. À ce stade, le risque de collusion justifie donc le maintien en détention, mais il faut préciser que les auditions et l’analyse informatique doivent être effectuées à bref délai. La police semble d’ailleurs s’y atteler sérieusement et dans des délais qui ne prêtent pas le flanc à la critique.

5.                                a) Le TMC a retenu un risque de fuite, du fait que la prévenue était ressortissante congolaise, sans emploi et sans revenus, menant apparemment des études à W.________ et à V.________ (F), que son permis de séjour semblait être en voie de révocation et que le dossier démontrait qu’à plusieurs reprises, la prévenue n’avait pas pu être atteinte par les autorités et qu’elle ne s’était pas présentée aux rendez-vous qui lui étaient fixés, l’audience du TMC apparaissant comme une exception.

                        b) La recourante expose qu’elle a débuté le 21 septembre 2020 une formation dans une haute école à W.________ et dans le Bade-Wurtemberg. Elle a toujours son appartement à Z.________, où elle réside du vendredi soir au dimanche soir, même si elle a quitté l’aide sociale, et elle loge à V.________ (F) durant la semaine. Le Ministère public n’a pas retenu de risque de fuite ; la prévenue s’est d’ailleurs présentée – certes avec retard – devant le TMC et si elle n’est pas allée aux rendez-vous fixés précédemment, c’est parce qu’après avoir « galéré pendant 10 ans », elle étudiait à V.________ (F), les cours étant très importants pour elle. Pour la recourante, le risque de fuite ne peut ainsi pas être retenu.

                        c) D’après l’article 221 al. 1 let. a CPP, la détention provisoire peut être fondée sur un risque de fuite, soit lorsqu'il y a sérieusement lieu de craindre que le prévenu se soustraie à la procédure pénale ou à la sanction prévisible en prenant la fuite.

                        d) Selon la jurisprudence (arrêt du TF du 15.07.2020 [1B_321/2020] cons. 4.1), le risque de fuite doit s'analyser en fonction d'un ensemble de critères, tels que le caractère de l'intéressé, sa moralité, ses ressources, ses liens avec l'État qui le poursuit ainsi que ses contacts à l'étranger, qui font apparaître le risque de fuite non seulement possible, mais également probable. La gravité de l'infraction ne peut pas, à elle seule, justifier le placement ou le maintien en détention, même si elle permet souvent de présumer un danger de fuite en raison de l'importance de la peine dont le prévenu est menacé. Le risque de fuite s'étend également au risque de se soustraire à la procédure pénale ou à la sanction prévisible en tombant dans la clandestinité à l'intérieur du pays.

                        e) En l’espèce, la situation de la recourante ne permet pas d’exclure a priori un risque de fuite. Elle dispose certes d’un logement à Z.________, mais, jusqu’à sa mise en détention, n’y résidait plus que le week-end, passant la semaine à V.________ (F) pour ses études. Selon elle, elle ne reçoit plus l’aide sociale, alors qu’elle en vivait « depuis toujours ». Elle ne dit pas de quels revenus elle disposerait, mais il a été question d’une bourse d’études (cela devrait être éclairci). La recourante, de nationalité congolaise, a vécu en Suisse durant toute sa scolarité obligatoire, puis pendant son apprentissage et son cursus de maturité professionnelle, assez récemment achevé. Un pronostic quant à une éventuelle expulsion pénale est donc hasardeux à ce stade. L’éventuel non-renouvellement de son permis d’établissement n’est pas acquis. La peine à laquelle s’expose la recourante est significative, en fonction des faits qui lui sont reprochés et de la probabilité non négligeable d’une révocation du sursis accordé en 2019. Si, comme elle le relève, elle s’est présentée – en retard – à l’audience du TMC, cette présence volontaire a plutôt constitué une exception, comme ce tribunal l’a rappelé à juste titre. Au moment d’entamer sa formation, le 21 septembre 2020, la prévenue connaissait les mesures de substitution mises en place et il lui appartenait de s’organiser pour s’y conformer, au besoin en recherchant avec l’OESP des dates possibles pour les rendez-vous. Déjà avant cette formation, elle manifestait peu d’empressement à déférer aux convocations (cf. le rapport de police du 11 juin 2020, qui mentionnait qu’elle ne s’était pas présentée pour être entendue, malgré deux convocations téléphoniques, puis deux mandats de comparution ; cf. un cas où la prévenue n’a pas comparu à une audience devant la procureure, fixée au 3 septembre 2020 ; elle n’a pu être interrogée le 4 septembre 2020 que par l’effet d’un mandat d’amener). Cela étant, la question du risque de fuite peut être laissée ouverte, les risques de récidive et de collusion justifiant de toute manière le maintien en détention.

6.                                a) Enfin, le TMC a considéré que le principe de la proportionnalité était respecté, eu égard à l’importance de la peine encourue et, comme déjà dit, qu’aucune mesure de substitution ne pouvait remplacer la détention.

                        b) Selon le mémoire de recours, le rapport de l’expert est attendu dans les prochains jours et la mise en œuvre de l’expertise ne peut pas justifier une détention pour une durée de trois mois. L’Université à V.________ (F) a attesté qu’une détention d’une durée d’un mois lui permettrait de poursuivre sa formation, alors que celle-ci serait lourdement mise en péril si elle devait rester trois mois en prison. En outre, une détention de trois mois est excessive compte tenu du rôle non négligeable des plaignants « dans la reprise des contacts et dans les actes sexuels ». Elle l’est aussi puisqu’elle ne permettra pas d’appliquer les mesures préconisées par l’expert, alors que ce serait possible après une libération. Les problèmes psychiatriques de la prévenue ne seront pas corrigés par un emprisonnement. La protection de la société et les intérêts individuels de la prévenue doivent amener à la conclusion qu’il est nécessaire qu’elle puisse poursuivre ses cours et donc qu’une détention d’un mois « est parfaitement justifiée et nécessaire ». Ce délai permettrait au Ministère public d’entendre « les éventuels prévenus (recte : lésés) » et d’obtenir l’expertise psychiatrique.

                        c) Le Ministère public soutient qu’une détention de trois mois est nécessaire pour terminer l’enquête et renvoyer la cause au tribunal, avec une requête de mesures de sûretés. Plusieurs auditions doivent encore être effectuées par la police, qui doit aussi terminer l’analyse du matériel informatique de la prévenue. Le rapport d’expertise psychiatrique doit en outre être déposé d’ici la fin de l’année 2020 et ne sera donc pas à disposition à fin novembre.

                        d) Dans ses dernières observations, l’appelante relève qu’à son lieu de détention, à W.________, elle ne peut pas bénéficier d’un suivi par l’OESP. Elle a fait un « travail gigantesque » pour se socialiser, en reprenant des études et une coupure de plus d’un mois dans son cursus serait « irrémédiable ».

                        e) Comme toutes les autres mesures de contrainte, la détention provisoire ne peut être ordonnée que si les buts poursuivis ne peuvent pas être atteints par des mesures moins sévères, et qu'elle apparaît justifiée au regard de la gravité de l'infraction (art. 197 al. 1 let. c et d CPP).

                        f) L'art. 212 al. 3 CPP prévoit que la détention provisoire ne doit pas durer plus longtemps que la peine privative de liberté prévisible. Le juge peut dès lors maintenir une telle mesure aussi longtemps qu'elle n'est pas très proche de la durée de la peine privative de liberté à laquelle il faut s'attendre concrètement en cas de condamnation. Il convient d'accorder une attention particulière à cette limite, car il y a lieu de veiller à ce que les autorités de jugement ne prennent pas en considération dans la fixation de la peine la durée de la détention avant jugement à imputer selon l'article 51 CP. Afin d'éviter d'empiéter sur les compétences du juge du fond, le juge de la détention ne tient en principe pas compte de l'éventuel octroi, par l'autorité de jugement, d'un sursis, d'un sursis partiel ou d'une libération conditionnelle ; pour entrer en considération sur cette dernière hypothèse, son octroi doit être d'emblée évident (arrêt du TF du 29.04.2020 [1B_185/2020] cons. 4.1).

                        g) Par ailleurs, la jurisprudence (arrêt du TF du 11.08.2020 [1B_382/2020] cons. 4.1) retient que, conformément au principe de la proportionnalité (art. 36 al. 3 Cst. féd.), il convient d'examiner les possibilités de mettre en œuvre d'autres solutions moins dommageables que la détention (règle de la nécessité). Cette exigence est concrétisée par l'article 237 al. 1 CPP, qui prévoit des mesures de substitution.

                        h) En l’espèce, aucune mesure de substitution ne peut pallier le risque de collusion. La recourante a déjà démontré qu’une interdiction de prendre contact avec certaines personnes n’était pas de nature à l’amener à s’abstenir de contacter précisément ces personnes. Par ailleurs, une injonction qui lui serait faite de se présenter régulièrement à l’OESP et de chercher elle-même un psychiatre, comme elle le propose, ne suffirait pas à garantir qu’elle s’y conforme, vu son comportement général et en particulier dans les semaines qui ont précédé son placement en détention. Une limitation de la détention à un mois, telle que demandée par la recourante, ne permettrait pas au Ministère public de recevoir l’expertise et d’en tirer les conséquences, pas plus qu’elle n’apparaît comme suffisante pour terminer l’instruction, vu les actes d’enquête en cours et à prévoir et la nécessité de procéder ensuite à un – en principe dernier – interrogatoire de la prévenue, puis aux opérations de clôture. Le fait que les études entreprises par la recourante pourraient souffrir d’une détention dépassant un mois ne peut pas justifier une libération à fin novembre déjà ; il est certes regrettable que cela puisse mettre son cursus en péril, mais c’est une conséquence inévitable de la situation dans laquelle la recourante s’est mise elle-même, par ses actes subséquents au prononcé des mesures de substitution, ainsi que des nécessités de l’enquête (nouvelle audition des plaignants, en raison des faits survenus après le 4 septembre 2020 ; audition de divers lésés potentiels, identifiés par l’analyse du matériel électronique). La fixation à trois mois, par le TMC, de la durée de la détention, est adéquate, étant entendu que la procureure devra faire le nécessaire pour que les auditions soient effectuées à bref délai, que le dernier rapport de police sur l’analyse du matériel informatique soit déposé rapidement, que les actes de procédure dont la nécessité pourrait apparaître au vu de ce rapport soient immédiatement exécutés, que le rapport d’expertise psychiatrique ne tarde pas (un délai à la fin de l’année est raisonnable, pour ce genre d’examen, l’expert ayant apparemment déjà vu l’expertisée) et qu’ensuite, la prévenue soit interrogée sur des nouveaux éléments de fait et sur les perspectives qu’offrira le rapport d’expertise, et éventuellement confrontée à certains lésés. Enfin, une détention de trois mois reste parfaitement proportionnée à la peine à laquelle s’expose la recourante pour les actes qui lui sont reprochés et l’octroi d’un sursis ne relève en tout cas pas de l’évidence.

7.                                Il résulte de ce qui précède que le recours doit être rejeté. Les frais de la procédure de recours seront mis à la charge de la recourante. Celle-ci est au bénéfice de l’assistance judiciaire, qui lui a été accordée le 8 septembre 2020. L’assistance judiciaire doit cependant être refusée pour la procédure de recours, le recours étant dénué de chances de succès.

Par ces motifs,
l'Autorité de recours en matière pénale

1.    Rejette le recours et confirme la décision entreprise.

2.    Arrête les frais de la procédure de recours à 200 francs et les met à la charge de la recourante.

3.    Refuse l’assistance judiciaire pour la procédure de recours.

4.    Notifie le présent arrêt à X.________, par Me A.________, au Tribunal des mesures de contrainte du Littoral et du Val-de-Travers, à Boudry (TMC.2020.98), et au Ministère public, à La Chaux-de-Fonds (MP.2020.2924).

Neuchâtel, le 19 novembre 2020

Art. 221 CPP
Conditions
 

1 La détention provisoire et la détention pour des motifs de sûreté ne peuvent être ordonnées que lorsque le prévenu est fortement soupçonné d’avoir commis un crime ou un délit et qu’il y a sérieusement lieu de craindre:

a. qu’il se soustraie à la procédure pénale ou à la sanction prévisible en prenant la fuite;

b. qu’il compromette la recherche de la vérité en exerçant une influence sur des personnes ou en altérant des moyens de preuves;

c. qu’il compromette sérieusement la sécurité d’autrui par des crimes ou des délits graves après avoir déjà commis des infractions du même genre.

2 La détention peut être ordonnée s’il y a sérieusement lieu de craindre qu’une personne passe à l’acte après avoir menacé de commettre un crime grave.