A.                            a) Le 9 mars 2020, A.X.________, née en 1925, accompagnée de son fils, B.X.________, s’est rendue dans les locaux de la police de Z.________ pour déposer plainte pénale pour escroquerie et abus de confiance contre les époux Y.________, locataires depuis février 2019 d’un appartement propriété de la plaignante, sis à Z.________. Auditionnée le même jour par la police, elle a déclaré que les époux Y.________ ne payaient pas les loyers ; qu’« après insistance », ils avaient tout de même payé quatre loyers jusqu'à fin 2020 ; qu’en février 2019, A.Y.________ lui avait « demandé avec insistance » qu’elle lui prête 6'000 francs, pleurant et expliquant avoir déposé 5'000 francs sur une table du salon le jour de son déménagement et que ses déménageurs lui auraient dérobé ladite somme. A.Y.________ avait signé une reconnaissance de dette le 17 avril 2019, puis un second document, par lequel elle s’engageait à rembourser jusqu’à fin mai 2019, mais A.X.________ n’avait jamais récupéré les 6'000 francs prêtés.

                        b) Le 7 avril 2020, les époux Y.________ ont déposé une plainte pénale pour tentative de contrainte contre B.X.________, à qui ils reprochaient d’avoir utilisé divers procédés illicites pour tenter de les déloger de leur appartement.

                        c) Le 6 juillet 2020, les époux Y.________ ont déposé une nouvelle plainte pénale contre B.X.________, pour diffamation.

                        d) Interrogé le 2 novembre 2020 par la police en qualité de prévenu, B.Y.________, né en 1952, a admis que lui-même et son épouse avaient emprunté 6'000 francs à A.X.________ en avril ou mai 2019, et n’avaient pas remboursé cette somme. Il a précisé que lui-même et son épouse avaient toujours eu de bons contacts avec A.X.________, qu’ils aidaient notamment dans ses commissions ou pour la véhiculer ; que, par mesure de rétorsion, B.X.________ leur avait coupé le chauffage et qu’à une reprise, il avait coupé l’électricité en leur absence, ce qui leur avait fait perdre la nourriture stockée dans le congélateur.

                        e) Interrogée le même 2 novembre 2020 par la police en qualité de prévenue, A.Y.________, née en 1954, a admis avoir emprunté 6'000 francs à A.X.________ et n’avoir pas remboursé cette somme. Elle a précisé être prête à commencer à rembourser par mensualités et avoir les moyens de le faire ; que son avocat avait préparé une convention à cet effet, mais que B.X.________ avait refusé les mensualités de 500 francs par mois proposées.

                        f) Interrogé le même 2 novembre 2020 par la police en qualité de prévenu, B.X.________, né en 1959, a admis avoir « baissé le chauffage » des époux Y.________, au motif que ceux-ci ne payaient pas leur loyer. Il a précisé avoir dû recourir à la justice pour obtenir leur expulsion et ne pas se souvenir leur avoir coupé l’électricité. Au sujet de la convention de remboursement proposée par les époux Y.________, B.X.________ a admis qu’il la refusait, au motif que lesdits époux étaient de « mauvais payeurs », en qui il n’avait pas confiance, et que cette proposition était « une arnaque » visant à ce qu’ils puissent rester dans la maison.

                        g) Le 13 novembre 2020, la police a établi un rapport concernant cette affaire.

B.                            Par ordonnance du 26 novembre 2020, le Ministère public a prononcé une non-entrée en matière tant en faveur des époux Y.________ (dispositif, ch. 1) que de B.X.________ (ch. 2), n’a alloué aucune indemnité ou réparation du tort moral (ch. 3) et a laissé les frais de la cause à la charge de l’État (ch. 4). À l’appui de la non-entrée en matière au bénéfice des époux Y.________, le Ministère public a considéré que ceux-ci n’avaient fourni aucune information contraire à la réalité au sujet de leur capacité financière ; que la demande d’un prêt d’un montant de 6'000 francs démontrait par essence des difficultés financières rencontrées par l’emprunteur ; que la simple consultation des extraits du registre des poursuites des époux Y.________ aurait suffi à démontrer ces difficultés ; que dans ce contexte, le fait que les époux Y.________ n’aient pas fourni leur prestation contractuelle ne constituait pas une infraction pénale.

C.                            a) A.X.________ recourt contre ce prononcé le 8 décembre 2020, en concluant, avec suite de frais et dépens, à son annulation et au renvoi de la cause au Ministère public pour complément d’instruction et délivrance d’une ordonnance pénale à l’encontre des époux A.Y.________ et B.Y.________. À l’appui de ses conclusions, elle fait valoir que A.Y.________ lui a menti pour obtenir le prêt litigieux ; que les époux Y.________ n’avaient « jamais eu l’attention (sic) non seulement d’honorer leur loyer, mais encore de rembourser le prêt » ; qu’au moment de consentir ce prêt, A.X.________ « était persuadée que les époux Y.________ étaient solvables et que s'ils n'avaient pas encore payés (sic) leurs loyers, c'[était] en raison du vol dont ils se plaignaient » ; qu’au moment de la conclusion du bail et du contrat de prêt, les époux Y.________ avaient dissimulé « qu'ils n'avaient pas les moyens où (sic) l'intention de payer leur loyer », d’une part, et le prêt de 6'000 francs, d’autre part, lequel n'avait d'ailleurs toujours pas été remboursé.

                        b) Le Ministère public conclut au rejet du recours, sans formuler d’observations.

                        c) Le 15 janvier 2021, les époux Y.________ observent qu’au moment de discuter avec B.X.________ du projet de convention de remboursement préparé par leur avocat, dans l’appartement de A.X.________, B.X.________ s’était montré verbalement agressif, à telle enseigne que A.Y.________ avait préféré quitter les lieux avant que cela ne dégénère ; que A.X.________ avait ensuite rappelé A.Y.________ pour s’excuser du comportement de son fils ; qu’eux-mêmes s’estimaient lésés par les agissements de B.X.________ (intrusion sans droit dans leur appartement, coupures d’électricité et de chauffage) ; que si le procureur avait refusé d’entrer en matière, c’était parce qu’il avait bien compris les tenants et aboutissants de la situation.

                        d) Le Ministère public ne formule pas d’observations complémentaires à ce propos. Quant aux recourants, ils répliquent que la présente affaire concerne A.X.________ et non B.X.________ ; que ce dernier a fait opposition partielle à l’ordonnance pénale ayant été rendue contre lui ; que A.X.________ conteste les propos des époux Y.________ et confirme ses conclusions.

                        e) Les époux Y.________ n’ont pas déposé de nouvelles observations dans le délai imparti.

C O N S I D E R A N T

1.                            Interjeté dans les formes et délai légaux, le recours est recevable (art. 396 CPP).

2.                            Conformément à l'article 310 al. 1 let. a CPP, le ministère public rend immédiatement une ordonnance de non-entrée en matière s'il ressort de la dénonciation ou du rapport de police que les éléments constitutifs de l'infraction ou les conditions à l'ouverture de l'action pénale ne sont manifestement pas réunis. L'entrée en matière peut encore être refusée au terme des investigations policières (art. 306 et 307 CPP) – même diligentées à l'initiative du procureur – si les conditions de l'article 310 al. 1 let. a CPP sont réunies. Selon la jurisprudence, cette disposition doit être appliquée conformément à l'adage in dubio pro duriore. Celui-ci découle du principe de la légalité (art. 5 al. 1 Cst. et 2 al. 1 CPP en relation avec les articles 309 al. 1, 319 al. 1 et 324 CPP) et signifie qu'en principe un classement ou une non-entrée en matière ne peuvent être prononcés par le ministère public que lorsqu'il apparaît clairement que les faits ne sont pas punissables ou que les conditions à la poursuite pénale ne sont pas remplies. La procédure doit se poursuivre lorsqu'une condamnation apparaît plus vraisemblable qu'un acquittement ou lorsque les probabilités d'acquittement et de condamnation apparaissent équivalentes, en particulier en présence d'une infraction grave (arrêt du TF du 25.02.2015 [6B_1206/2014] cons. 2.2 et les références citées ; ATF 143 IV 241 cons. 2.2.1). Des motifs de fait peuvent justifier une non-entrée en matière, lorsque la preuve d’une infraction n’est pas apportée par les pièces dont dispose le ministère public et qu’aucun acte d’enquête ne semble pouvoir étayer les charges contre la personne concernée (Moreillon/Parein-Reymond, Petit commentaire CPP, 2e éd., n. 6 ad art. 310).

3.                            L'article 146 al. 1 CP réprime, au titre d'escroquerie, le comportement de celui qui, dans le dessein de se procurer ou de procurer à un tiers un enrichissement illégitime, aura astucieusement induit en erreur une personne par des affirmations fallacieuses ou par la dissimulation de faits vrais ou l'aura astucieusement confortée dans son erreur et aura de la sorte déterminé la victime à des actes préjudiciables à ses intérêts pécuniaires ou à ceux d'un tiers.

                        Sur le plan objectif, l'escroquerie suppose en particulier que l'auteur ait usé de tromperie. Une seule affirmation fallacieuse suffit, soit que l’auteur soutienne l'existence d'un fait qui en réalité n’existe pas. L’affirmation doit en principe porter sur un fait, passé ou actuel (ATF 122 II 428 cons. bb) ; l’affirmation fausse peut également porter sur les intentions actuelles de l’auteur quant à son comportement futur (ATF 135 IV 78 cons. 5.1). La tromperie peut consister non pas à affirmer un fait faux, mais à dissimuler un fait vrai. La tromperie peut enfin consister à conforter la dupe dans son erreur.

La tromperie doit être astucieuse. L'astuce au sens de l'article 146 CP est réalisée lorsque l'auteur recourt à un édifice de mensonges, à des manœuvres frauduleuses ou à une mise en scène, mais aussi lorsqu'il donne simplement de fausses informations, dont la vérification n'est pas possible, ne l'est que difficilement ou ne peut raisonnablement être exigée, de même que si l'auteur dissuade la dupe de vérifier ou prévoit, en fonction des circonstances, qu'elle renoncera à le faire en raison d'un rapport de confiance particulier (ATF 122 II 422 cons. 3a ; 122 IV 246 cons. 3a et les arrêts cités). Il y a notamment manœuvre frauduleuse lorsque l'auteur fait usage de titres falsifiés ou obtenus sans droit ou de documents mensongers (ATF 122 IV 197 cons. 3d ; 116 IV 23 cons. 2c). La dupe doit être dans l’erreur, en ce sens qu’elle doit se faire une fausse représentation de la réalité.

L'astuce n'est pas réalisée si la dupe pouvait se protéger avec un minimum d'attention ou éviter l'erreur avec le minimum de prudence que l'on pouvait attendre d'elle. Il n'est pas nécessaire, pour qu'il y ait escroquerie, que la dupe ait fait preuve de la plus grande diligence et qu'elle ait recouru à toutes les mesures de prudence possibles ; la question n'est donc pas de savoir si elle a fait tout ce qu'elle pouvait pour éviter d'être trompée (ATF 122 IV 246 consid. 3a). L'astuce n'est exclue que lorsque la dupe est coresponsable du dommage en ce qu'elle n'a pas observé les mesures de prudence élémentaires qui s'imposaient (ATF 126 IV 165 cons. 2a ; 119 IV 28 cons. 3f). Le principe de coresponsabilité doit amener les victimes potentielles à faire preuve d'un minimum de prudence ; il s'agit là d'une mesure de prévention du crime, la concrétisation d'un programme de politique criminelle (cf. Cassani, Der Begriff der arglistigen Täuschung als kriminalpolitische Herausforderung, in RPS 117/1999 p. 174).

L'escroquerie implique que l'erreur ait déterminé la dupe à disposer de son patrimoine. Il faut ainsi un acte de disposition effectué par la dupe et un lien de causalité ou de motivation entre cet acte et l'erreur. L'acte de disposition est constitué par tout acte ou omission qui entraîne « directement » un préjudice au patrimoine.

Un rapport de causalité ou de motivation doit exister entre les différents éléments constitutifs précités : la tromperie astucieuse doit causer l’erreur (sauf dans le cas où l’erreur est préexistante) ; l’erreur doit causer l’acte de disposition et l’acte de disposition doit causer le dommage (ATF 128 IV 256 cons. 2e/aa ; 115 IV 32 cons. 3a). Il faut donc un lien entre la tromperie et le dommage (ATF 120 IV 135 cons. bb) ou, autrement dit, que la tromperie astucieuse motive l’acte qui lèse le patrimoine (ATF 128 IV 256 cons. 2e/aa).

Subjectivement, l’escroquerie est une infraction intentionnelle. L’intention doit porter sur tous les éléments constitutifs de l’infraction. Agit intentionnellement quiconque commet un crime ou un délit avec conscience et volonté ; l'auteur agit déjà intentionnellement lorsqu'il tient pour possible la réalisation de l'infraction et l'accepte au cas où celle-ci se produirait (art. 12 al. 2 CP). L'auteur doit d'abord avoir conscience de tous les éléments constitutifs objectifs de l'infraction. Il n'est pas nécessaire qu'il soit conscient de leur qualification juridique ; il suffit que son appréciation corresponde à celle communément admise par des non-juristes (ATF 129 IV 238 cons. 3.2.2 ; 127 IV 122 cons. 4c/aa ; 99 IV 57 cons. 1a).

4.                            En l’espèce, en rapport avec la conclusion du bail, la recourante contredit ses propres déclarations (supra Faits, let. A/a) en faisant valoir que les époux Y.________ n’avaient d’emblée ni l’intention ni les moyens de payer le loyer. Il ressort également de la note dactylographiée de B.X.________ que les époux Y.________ ont payé les loyers d’août, septembre, octobre et novembre 2019. Au moment du dépôt de sa plainte, A.X.________ n’a pas dit estimer avoir été victime d’une escroquerie en rapport avec la signature du bail, alors qu’elle le fait dans le mémoire de recours, sans toutefois alléguer que des loyers seraient encore en souffrance. Quoi qu’il en soit, avant de contracter, tout bailleur d’un bien immobilier – même d’un âge avancé – doit, pour respecter les obligations de diligence élémentaires découlant de la nature de l’affaire, s’interroger sur la capacité du candidat locataire à payer son loyer ; pour cela, il peut et doit obtenir du candidat locataire les informations et documents (attestations relatives aux revenus, extrait du registre des poursuites, etc.) aptes à le renseigner sur la situation économique de l’éventuel cocontractant. Le bailleur qui néglige ces incombances ne fait pas preuve de l’attention et de la prudence minimales imposées par les circonstances. Le candidat locataire qui ne dévoile pas spontanément sa situation obérée avant de conclure ne commet ainsi pas une escroquerie. Une infraction est partant exclue en l’espèce, en rapport avec la conclusion du bail. La non-entrée en matière doit donc être confirmée à ce sujet.

5.                            S’agissant du volet concernant le prêt de 6'000 francs (ou 6'300 francs), il ressort du dossier que le bail liant A.X.________ aux époux Y.________ a débuté le 1er février 2019 que A.X.________ a prêté 6'000 francs à A.Y.________ le 17 avril 2019, à titre de « prêt personnel ». Pour le reste, les auditions faites par la police sont sommaires et l’instruction n’a pas porté sur les questions élémentaires devant être résolues, compte tenu des circonstances du cas d’espèce.

                        Le contrat de bail ne figure pas dans le dossier d’instruction, mais il a été déposé en annexe au recours. Ce document confirme que le loyer mensuel de l’appartement que la plaignante louait aux époux Y.________ était de 1'200 francs, charges comprises. Selon le même document, le bail commençait le 1er février 2019 et le loyer devait être payé chaque mois d’avance sur un compte bancaire. Au moment du dépôt de sa plainte, A.X.________ a déclaré qu’initialement, les époux Y.________ ne payaient pas leurs loyers, ce qui est confirmé par la note dactylographiée de B.X.________. Au jour de l’octroi du prêt (17 avril 2019), trois loyers étaient donc impayés, soit ceux relatifs aux mois de février, mars et avril 2019, portant sur un total de 3'600 francs. Dans un tel contexte, on ne peut que s’étonner que A.X.________ ait décidé de prêter encore 6'000 francs aux époux Y.________. Le Ministère public devait donc chercher à mettre en lumière plusieurs éléments.

                        a) Premièrement, quelles sont les circonstances précises entourant ce prêt : quand et où ont eu lieu les pourparlers ? Qu’est-ce qui s’est dit exactement entre les parties dans ce cadre (A.Y.________ n’a jamais été interrogée sur le contenu des discussions intervenues au moment de la demande de prêt, et en particulier sur la question de savoir si, comme le prétend A.X.________, elle avait ou non affirmé en pleurant que des déménageurs lui avaient dérobé 5'000 francs qui étaient posés sur une table ; le cas échéant, les époux Y.________ ont-ils réclamé aux déménageurs la restitution d’un montant de 5'000 francs ou déposé plainte contre eux  ?) ? Quand, où et de quelle manière a eu lieu la remise de l’argent (transfert en liquide ? virement bancaire ?) ? Un intérêt et un plan de remboursement ont-ils été discutés et convenus ? Pourquoi A.X.________ a-t-elle accepté de prêter 6'300 francs à ses locataires, à un moment où ces derniers lui devaient déjà 3'600 francs de loyers impayés ? A.X.________ s’est-elle posé la question de la capacité des époux Y.________ à rembourser ce prêt ? Si oui, qu’est-ce qui lui permettait de penser que les époux Y.________ pourraient rembourser le prêt (au moment de l’octroi du prêt, A.Y.________ était en effet retraitée, tout comme son mari, et le fait même qu’elle demande à sa propriétaire de renoncer provisoirement au paiement de cinq mois de loyer sous le prétexte que des déménageurs avaient volé au couple 5'000 francs déposés sur une table démontre clairement que le couple, retraité, ne disposait de strictement aucune épargne, et partant que les époux Y.________ ne pourraient, selon toute vraisemblance, que très difficilement rembourser le prêt) ?

                        b) Deuxièmement, B.Y.________ a-t-il joué un rôle dans l’octroi de ce prêt ? A.X.________ ne lui a attribué aucun comportement actif, mais son audition par la police a été sommaire et, lors de son interrogatoire du 2 novembre 2020, B.Y.________ a admis se sentir lié par le prêt : « on a emprunté cette somme » et non « A.Y.________ a emprunté cette somme ». La question doit donc être éclaircie.

                        c) Troisièmement, compte tenu des circonstances du cas d’espèce, de l’âge de A.X.________ à l’époque du prêt litigieux (93 ans) et des déclarations de son fils B.X.________ selon lesquelles A.X.________ « signait n’importe quoi », l’autorité de poursuite devait s’interroger sur la question de savoir si les capacités cognitives de l’intéressée étaient restreintes au moment des faits (p. ex. altération des facultés due au grand âge ou faiblesse d’esprit) ou si A.X.________ se trouvait en situation de dépendance, d'infériorité ou de détresse vis-à-vis des époux Y.________. Sur ce dernier point, B.Y.________ a déclaré qu’au moment du prêt, lui-même et son épouse avaient de bons contacts avec A.X.________, s’occupaient d’elle et lui rendaient service lorsqu’elle en avait besoin, notamment en faisant ses courses et en la véhiculant. Lorsqu’il s’agit de trancher la question de savoir si le caractère astucieux de la tromperie est ou non exclu d’emblée et à l’aune du principe in dubio pro duriore, il convient en effet de garder à l’esprit que pour apprécier si l'auteur a usé d'astuce et si la dupe a omis de prendre des mesures de prudence élémentaires, il ne suffit pas de se demander comment une personne raisonnable et expérimentée aurait réagi à la tromperie, mais il faut, au contraire, prendre en considération la situation particulière de la dupe, telle que l'auteur la connaît et l'exploite (ATF 128 IV 18 cons. 3a ; arrêt du TF du 17.11.2017 [6B_136/2017] cons. 3.1).

                        d) Quatrièmement, et en rapport avec une possible infraction d’abus de confiance (mentionnée tant dans la fiche d’annonce de plainte que dans le rapport de police), A.X.________ et les époux Y.________ auraient dû être interrogés sur la question de savoir si des instructions ont ou non été convenues en rapport avec l’affectation des 6'000 (ou 6'300 francs) prêtés.

                        Vu ce qui précède, le Ministère public a violé le droit fédéral en prononçant une non-entrée en matière sur le volet du prêt de 6'000 (ou 6'300) francs, au terme d’une instruction trop sommaire, qui n’avait pas mis en lumière les faits qui devaient l’être avant d’évaluer les chances de succès d’une mise en accusation de A.Y.________ et/ou B.Y.________. La question de savoir si les époux Y.________ ont pu, parallèlement, être (civilement et/ou pénalement) lésés par des comportements de B.X.________ n’est pas propre à modifier cette appréciation.

6.                            Vu l’ensemble de ce qui précède, le recours doit être partiellement admis. La recourante succombe sur le volet « conclusion du contrat de bail » (cons. 4), mais obtient gain de cause sur le volet « prêt de 6'000 ou 6'300 francs » (cons. 5). La moitié des frais (400 francs) seront donc mis à sa charge (art. 428 al. 1 CPP), le solde (400 francs) étant laissé à la charge de l’État (art. 428 al. 4 CPP).

                        En rapport avec le volet « prêt de 6'000 ou 6'300 francs », la recourante pourrait prétendre à une indemnité pour les dépenses occasionnées par l’exercice raisonnable de ses droits de procédure, en application de l’article 433 al. 2 CPP. On s’étonne toutefois de ce que la recourante, bien que représentée par un mandataire professionnel, ne se soit pas prévalue du caractère lacunaire de l’instruction, ni n’ait allégué d’elle-même une partie des faits manquants (notamment les circonstances précises et la chronologie entourant l’octroi du prêt). En tout état de cause, il ne sera alloué aucune indemnité à la recourante à mesure que celle-ci, bien que représentée par un avocat, n’a ni chiffré ni justifié ses prétentions, en violation des incombances découlant de l’article 433 al. 2 CPP, connues de son avocat (arrêts du TF du 30.11.2017 [6B_1345/2016 et 6B_1354/2016] cons. 7.1 et 7.2).

Par ces motifs,
l'Autorité de recours en matière pénale

1.    Admet partiellement le recours.

2.    Annule la non-entrée en matière querellée, s’agissant du prêt de 6'000 ou 6'300 francs, et renvoie la cause au Ministère public pour complément d’instruction dans le sens des considérants sur ce volet.

3.    Confirme la non-entrée en matière querellée, s’agissant de la conclusion du contrat de bail.

4.    Fixe les frais du présent arrêt à 800 francs, les met à la charge de la recourante par 400 francs et les laisse à la charge de l’État par 400 francs.

5.    Notifie le présent arrêt à A.X.________, par son mandataire, Me C.________, à A.Y.________ et B.Y.________ et au Ministère public (MP.2020.1956).

Neuchâtel, le 19 février 2021

 

Art. 146 CP
Escroquerie
 

1 Celui qui, dans le dessein de se procurer ou de procurer à un tiers un enrichissement illégitime, aura astucieusement induit en erreur une personne par des affirmations fallacieuses ou par la dissimulation de faits vrais ou l’aura astucieusement confortée dans son erreur et aura de la sorte déterminé la victime à des actes préjudiciables à ses intérêts pécuniaires ou à ceux d’un tiers sera puni d’une peine privative de liberté de cinq ans au plus ou d’une peine pécuniaire.

2 Si l’auteur fait métier de l’escroquerie, la peine sera une peine priva­tive de liberté de dix ans au plus ou une peine pécuniaire de 90 jours-amende au moins.

3 L’escroquerie commise au préjudice des proches ou des familiers ne sera poursuivie que sur plainte.

Art. 310 CPP
Ordonnance de non-entrée en matière
 

1 Le ministère public rend immédiatement une ordonnance de non-entrée en matière s’il ressort de la dénonciation ou du rapport de police:

a. que les éléments constitutifs de l’infraction ou les conditions à l’ouverture de l’action pénale ne sont manifestement pas réunis;

b. qu’il existe des empêchements de procéder;

c. que les conditions mentionnées à l’art. 8 imposent de renoncer à l’ouverture d’une poursuite pénale.

2 Au surplus, les dispositions sur le classement de la procédure sont applicables.