A.                               a) Le 17 août 2020, A._________ a déposé plainte pénale contre A.Y.________, à qui elle reprochait notamment d’avoir, le 21 juin 2020 à Z.________, mis en danger des tiers en leur fonçant dessus au moyen de son véhicule.

b) Le 3 septembre 2020, B.________ a déposé plainte pénale contre A.Y.________ et son mari B.Y.________, à qui elle reprochait de l’avoir injuriée, le 15 août 2020 à Z.________ ; elle reprochait aussi à A.Y.________ de l’avoir menacée de lui « casser la gueule », le même jour au même lieu.

c) Le 23 septembre 2020, agissant au nom et pour le compte de C.________, Me D.________ a déposé plainte pénale contre A.Y.________ et B.Y.________ pour menaces, contrainte et injure. Au chiffre 13 de cette plainte, il était notamment écrit : « La jurisprudence concernant les tristes événements du régime nazi a déjà considéré que traiter quelqu'un de cafard est une injure, élément que A.Y.________ connait puisqu'elle est d'origine allemande ».

d) Ces trois plaintes font l’objet du dossier d’instruction MP.2020.4280.

B.                               a) Par écrit du 20 octobre 2020, A.Y.________ et B.Y.________ ont pris position sur les trois plaintes précitées, concluant à ce qu’il ne soit pas entré en matière à leur propos, contestant les accusations portées à leur encontre et indiquant notamment être victimes d’une « véritable "vendetta" » et que les plaintes devaient « être considérées comme de la "munition pour procès civils" » opposant les mêmes parties ; que la plainte de C.________ devait être « considérée comme de la dénonciation calomnieuse et de l’induction de la justice en erreur, voire comme de la calomnie et de la diffamation » ; « que le rapprochement fait entre l'intimée qui est d'origine allemande et le régime nazi est totalement injurieux, ce d'autant plus que dans le cadre d'explications données le 18 septembre 2020 dans la procédure de mesures provisionnelles, soit avant le dépôt de la plainte de C.________, ses propos avaient été expliqués ».

                        b) Le 20 octobre 2020, A.Y.________ et B.Y.________ ont déposé plainte pénale contre A._________, B.________, C.________ et « toutes les personnes ayant participé de près ou de loin » à la rédaction de leurs plaintes, pour dénonciation calomnieuse, induction de la justice en erreur, voire calomnie et diffamation, ainsi que pour infractions aux articles 179bis, 179ter et 179quater CP. Ils déposaient en outre plainte pénale contre C.________, à qui ils reprochaient de les avoir « bousculé[s] de manière violente et sans aucune raison le 15 août 2020 ». Enfin, ils déposaient plainte pour injure contre C.________, Me D.________, B.________, Me E.________ et la Fondation F.________, en raison des « rapprochements inadmissibles » faits dans la plainte du premier rédigé par le deuxième, dans la plainte de la troisième et dans une requête de mesures superprovisionnelle rédigée par le quatrième au nom de la cinquième, entre, d’une part, A.Y.________, qui est d'origine allemande et, d'autre part, « le nazisme et l'apartheid raciste ».

C.                      a) Le 25 novembre 2020, le mandataire de A.Y.________ et B.Y.________ a écrit au Ministère public que, dans la mesure où la plainte de C.________ avait été rédigée et signée par Me D.________, un potentiel conflit d'intérêts entre lui et son mandant, de même que son implication directe par A.Y.________ et B.Y.________, « devraient conduire à ce que le Ministère public ne reconnaisse pas son mandat et l'écarte de la procédure en sa qualité de défenseur » ; il était demandé au Ministère public de trancher cette question « en urgence », à mesure que des auditions de police étaient prévues le 27 novembre 2020.

                        b) Le 26 novembre 2020, Me D.________ a contesté l’existence d’un conflit d’intérêts, d’une part, et qu’un rapprochement ait été fait dans la plainte du 23 septembre 2020 entre le régime nazi et A.Y.________, d’autre part.

                        c) Le 4 décembre 2020, le Ministère public a fait interdiction à Me D.________ de représenter C.________ dans le cadre de sa procédure MP.2020.4280. à l’appui de sa décision, la procureure exposait avoir pris contact avec la gendarme en charge du dossier, laquelle lui avait « confirmé qu'une plainte avait bel et bien été déposée par A.Y.________ et B.Y.________ » contre Me D.________ et Me E.________, lors d’une audition du 27 novembre 2020 ; qu’à ce titre, « même si cette plainte, protocolée au procès-verbal, vaut plainte pénale formelle, il serait loisible que les époux Y.________ la confirment et la motivent par-devant le Ministère public, afin que le dossier puisse être instruit par l'un de [s]es collègues », elle-même ne pouvant s’en saisir, étant déjà chargée de la procédure MP.2020.4280 ; qu’il existait un conflit d'intérêts entre Me D.________ et C.________, également visé par ladite plainte.

                        d) Le 4 décembre 2020, Me D.________ a écrit à la procureure, notamment, qu’il entendait maintenir son mandat ; qu’aucun conflit d’intérêts ne pouvait exister tant et aussi longtemps qu'aucune instruction n'était ouverte contre lui-même ; qu’il entendait recourir contre la décision du 4 décembre 2020 et demander l’octroi de l’effet suspensif au recours, afin que son client puisse continuer de bénéficier d’une défense effective dans les prochains jours.

D.                               Me D.________ recourt contre la décision du 4 décembre 2020 précitée, le 14 décembre 2020, en concluant à l’octroi de l’effet suspensif au recours, à titre incident ; à l’annulation de la décision querellée et à ce qu’il soit confirmé que Me D.________ est autorisé à représenter C.________ dans la procédure MP.2020.4280 ; à ce que les frais soient laissés à la charge de l’État ; à l’octroi d’une indemnité de 1'954.20 francs pour la procédure de recours.

E.                               Le 15 décembre 2020, le président de l’Autorité de céans a imparti au Ministère public un délai pour déposer ses observations éventuelles et indiquer s’il consentait à la suspension de la procédure MP.2020.4280 jusqu’à droit connu sur le recours. Il octroyait l’effet suspensif au recours à titre superprovisoire.

F.                               Le 15 décembre 2020, le Ministère public a conclu au rejet du recours, sans formuler d’observations, et ordonné la suspension de la procédure MP.2020.4280 jusqu’à droit connu sur le recours. 

C O N S I D E R A N T

1.                                Interjeté par écrit dans le délai utile de 10 jours dès la réception de la décision attaquée et motivé, le recours est recevable sous cet angle (art. 396 CPP). Le recourant a la qualité pour recourir, au sens de l’article 382 CPP, du fait que la décision querellée le restreint dans l’acceptation d’un mandat (arrêts de l’Autorité de céans du 08.12.2020 [ARMP.2020.145] cons. 1 ; du 26.09.2014 [ARMP.2014.81-84] cons. 1a).

2.                                a) L'autorité en charge de la procédure statue d'office et en tout temps sur la capacité de postuler d'un mandataire professionnel (ATF 141 IV 257 cons. 2.2 ; arrêts du TF du 19.09.2019 [1B_209/2019] cons. 4.4.1 ; du 15.09.2016 [1B_226/2016] cons. 2 ; du 05.09.2013 [1B_149/2013] cons. 2.4.2). En effet, l'interdiction de postuler dans un cas concret – à distinguer d'une suspension provisoire ou définitive – ne relève en principe pas du droit disciplinaire, mais du contrôle du pouvoir de postuler de l'avocat (ATF 138 II 162 cons. 2.5.1 ; arrêts du TF du 19.09.2019 [1B_209/2019] cons. 4.4.1 ; du 15.09.2016 [1B_226/2016] cons. 2).

                        b) Dans les règles relatives aux conseils juridiques, l'article 127 al. 4 CPP réserve la législation sur les avocats.

                        L'article 12 de la Loi fédérale du 23 juin 2000 sur la libre circulation des avocats (LLCA, RS 935.61) énonce les règles professionnelles auxquelles l'avocat est soumis. Selon l'article 12 let. a LLCA, il doit exercer sa profession avec soin et diligence. L'article 12 let. a LLCA constitue une clause générale qui permet d'exiger de l'avocat qu'il se comporte correctement dans l'exercice de sa profession. Sa portée n'est pas limitée aux rapports professionnels de l'avocat avec ses clients, mais comprend aussi les relations avec les confrères et les autorités (ATF 144 II 473 cons. 4.1 ; 130 II 270 cons. 3.2 ; arrêt du TF du 08.01.2020 [2C_307/2019] cons. 7.1).

                        L'article 12 let. b LLCA prévoit notamment que l'avocat exerce son activité professionnelle en toute indépendance. L'indépendance est un principe essentiel de la profession d'avocat (ATF 123 I 193 cons. 4a et b). Elle doit être garantie tant à l'égard du juge et des parties, que du client ; celui qui s'adresse à un avocat doit pouvoir admettre que celui-ci est libre de tout lien, de quelque nature que ce soit et à l'égard de qui que ce soit, qui pourrait restreindre sa capacité de défendre les intérêts de son client, dans l'accomplissement du mandat que ce dernier lui a confié (arrêts du TF du 21.07.2009 [2C_889/2008] cons. 3 ; du 09.03.2004 [2A.293/2003] cons. 4.2).

                        L'article 12 let. c LLCA prescrit à l'avocat d'éviter tout conflit entre les intérêts de son client et ceux des personnes avec lesquelles il est en relation sur le plan professionnel ou privé. Même si cette disposition ne le mentionne pas expressément, cette règle vise également, et a fortiori, les conflits entre les intérêts du client et de l'avocat lui-même ; aussi, selon la doctrine et la jurisprudence, un avocat ne doit-il clairement pas accepter un mandat, respectivement, dans le cas où il l'a accepté, doit-il se dessaisir d'un mandat quand les intérêts du client entrent en collision avec ses propres intérêts (Fellmann, Anwaltsrecht, 2e éd., n. 361 s., p. 158 ss et les réf. citées). Ainsi, par exemple, en cas de conflit personnel d'une certaine importance avec un confrère qu'il sait assister la partie adverse, un avocat ne doit-il pas accepter le mandat, dès lors qu'il sait qu'il ne pourra pas le remplir avec toute l'indépendance requise (ibid., n. 363, p. 160). Cette règle est en lien avec la clause générale de l'article 12 let. a LLCA précité, de même qu'avec l'obligation d'indépendance rappelée à l'article 12 let. b LLCA (ATF 141 IV 257 cons. 2.1 ; 134 II 108 cons. 3 ; arrêt du TF du 14.03.2019 [1B_510/2018] cons. 2.1).

                        c) Les règles susmentionnées visent avant tout à protéger les intérêts des clients de l'avocat, en leur garantissant une défense exempte de conflit d'intérêts. Elles tendent également à garantir la bonne marche du procès, en particulier en s'assurant qu'aucun avocat ne soit restreint dans sa capacité de défendre l'un de ses clients – notamment en cas de défense multiple –, respectivement en évitant qu'un mandataire puisse utiliser les connaissances d'une partie adverse acquises lors d'un mandat antérieur au détriment de celle-ci (ATF 141 IV 257 cons. 2.1).

                        Il faut éviter toute situation potentiellement susceptible d'entraîner des conflits d'intérêts. Un risque purement abstrait ou théorique ne suffit pas, le risque doit être concret. Il n'est toutefois pas nécessaire que le danger concret se soit réalisé et que l'avocat ait déjà exécuté son mandat de façon critiquable ou en défaveur de son client (arrêts du TF du 31.05.2018 [1B_59/2018] cons. 2.4 ; du 23.02.2017 [1B_20/2017] cons. 3.1). Dès que le conflit d'intérêts survient, l'avocat doit mettre fin à la représentation (ATF 135 II 145 cons. 9.1 ; 134 II 108 cons. 4.2.1). Celui qui, en violation des obligations énoncées à l'article 12 LLCA, accepte ou poursuit la défense alors qu'il existe un tel risque de conflit doit se voir dénier par l'autorité la capacité de postuler. L'interdiction de plaider est, en effet, la conséquence logique du constat de l'existence d'un tel conflit (arrêt du TF du 18.03.2003 [1A.223/2002] cons. 5.5).

                        Les critères suivants peuvent permettre de déterminer l'existence ou non de mandats opposés dans un cas concret : l'écoulement du temps entre deux mandats, la connexité (factuelle et/ou juridique) de ceux-ci, la portée du premier mandat – à savoir son importance et sa durée –, les connaissances acquises par l'avocat dans l'exercice du premier mandat, ainsi que la persistance d'une relation de confiance avec l'ancien client. Le devoir de fidélité exclut a fortiori que l'avocat procède contre un client actuel (ATF 145 IV 218 cons. 2.1 ; 134 II 108 cons. 5.2). Il y a notamment violation de l'article 12 let. c LLCA lorsqu'il existe un lien entre deux procédures et que l'avocat représente dans celles-ci des clients dont les intérêts ne sont pas identiques. Il importe peu en principe que la première des procédures soit déjà terminée ou encore pendante, dès lors que le devoir de fidélité de l'avocat n'est pas limité dans le temps (ATF 134 II 108 cons. 3). Il y a aussi conflit d'intérêts au sens de la disposition susmentionnée dès que survient la possibilité d'utiliser, consciemment ou non, dans un nouveau mandat les connaissances acquises antérieurement, sous couvert du secret professionnel, dans l'exercice d'un mandat antérieur (arrêts du TF du 30.01.2019 [2C_898/2018] cons. 5.2 ; du 23.02.2017 [1B_20/2017] cons. 3.1).

3.                                En l’espèce, on ne comprend guère les références faites par le Ministère public, dans la décision querellée, aux propos qu’auraient tenus les plaignants lors de leur audition de police, ainsi qu’à une éventuelle confirmation future de ces propos devant le Ministère public. En effet, la volonté de A.Y.________ et B.Y.________ de déposer plainte pénale (notamment) contre Me D.________ et contre C.________ ressort clairement de leur écrit du 20 octobre 2020, tout comme l’objet de ladite plainte. On comprend toutefois de la décision querellée – et c’est là l’essentiel – que le Ministère public voit un conflit d’intérêts, et partant un empêchement à ce que Me D.________ représente le plaignant C.________ dans le cadre de la procédure MP.2020.4280, dans le fait que les prévenus dans cette dernière procédure (soit A.Y.________ et B.Y.________) ont déposé une plainte pénale contre C.________ et Me D.________, en raison des propos contenus dans cette plainte (de manière générale pour dénonciation calomnieuse, induction de la justice en erreur, voire calomnie et diffamation, et pour injure en rapport avec le chiffre 13 de cette plainte).

4.                                La décision querellée ne mentionne pas les dispositions légales qui ont été appliquées, ni a fortiori les raisons pour lesquelles le Ministère public est parvenu à la conclusion que ces conditions étaient réalisées, avec pour conséquence l’impossibilité pour Me D.________ de représenter le plaignant B.Y.________ dans la procédure MP.2020.4280. La lecture de la décision querellée ne permet pas de comprendre en quoi la situation pointée par le Ministère public engendrerait concrètement un risque, pour C.________, de ne pas bénéficier d’une défense exempte de conflit d’intérêts dans le cadre de la procédure MP.2020.4280, ni en quoi, du point de vue du Ministère public, Me D.________ serait, du fait de cette situation, restreint dans sa capacité de défendre les intérêts de C.________ dans la procédure MP.2020.4280, ou alors mis en situation de pouvoir utiliser les connaissances acquises dans la procédure MP.2020.4280 dans le cadre d’une autre procédure, possiblement au détriment de C.________. Dans ces conditions, il est douteux que la décision querellée respecte les exigences minimales de motivation découlant du droit d'être entendu (art. 29 al. 2 Cst. ; ATF 141 III 28 cons. 3.2.4 ; 139 IV 179 cons. 2.2 ; 139 IV 179 cons. 2 ; 138 I 232 cons. 5.1).

5.                                Cette question peut souffrir de demeurer ouverte, à mesure que la conclusion de l’autorité intimée ne résiste de toute manière pas à l’examen.

5.1                   Un conflit d’intérêts pourrait certes exister, théoriquement, entre Me D.________ et C.________ dans le cadre de la procédure relative à la plainte de A.Y.________ et B.Y.________ dirigée (notamment) contre eux, et dans laquelle Me D.________ et C.________ pourraient être co-prévenus, en raison des propos figurant dans la plainte du 23 septembre 2020. En effet, un prévenu pourrait – théoriquement – chercher à se décharger sur son co-prévenu.

                        La procédure relative à la plainte de A.Y.________ et B.Y.________ dirigée (notamment) contre Me D.________ et C.________ est toutefois – aussi bien matériellement que formellement – une procédure distincte de la procédure MP.2020.4280 ici en cause. Dans les faits, la demande formelle de jonction figurant dans la plainte de A.Y.________ et B.Y.________ n’a pas été suivie, puisque les plaintes faisant l’objet des lettres A et B ci-dessus sont instruites sous deux numéros distincts, par deux procureurs distincts. C’est le lieu d’ajouter que cette demande de jonction n’avait pas à être suivie, à mesure que les conditions de l’article 29 al. 1 CPP n’étaient manifestement pas réalisées.

                        Il ne ressort pas du dossier que le fait que Me D.________ et C.________ soient accusés de diverses infractions en raison de la teneur de la plainte du 23 septembre 2020 aurait créé entre eux des tensions (si tel était le cas, le mandat aurait sans doute été résilié par l’un ou l’autre des protagonistes). De plus, il n’est pas exclu à ce stade que Me D.________ et C.________ soient mis au bénéfice d’une ordonnance de non-entrée en matière. En l’état, cette situation n’engendre aucun risque, pour C.________, de ne pas bénéficier, de la part de Me D.________, d’une défense exempte de conflit d’intérêts dans le cadre de la procédure MP.2020.4280. De même, on ne voit pas en quoi Me D.________ serait, du fait de cette situation, restreint dans sa capacité de défendre les intérêts de C.________ dans la procédure MP.2020.4280, ou mis en situation de pouvoir utiliser les connaissances acquises dans la procédure MP.2020.4280 dans le cadre d’une autre procédure, possiblement au détriment de C.________. C’est le lieu de relever que la situation présente est susceptible de survenir dans un grand nombre de cas. En effet, toute plainte pénale peut potentiellement faire l’objet d’une contre-plainte du dénoncé contre le dénonçant pour dénonciation calomnieuse, induction de la justice en erreur et/ou infraction contre l’honneur, puisque le fait d’évoquer une infraction pénale ou un comportement clairement réprouvé par les conceptions morales généralement admises est potentiellement attentatoire à l’honneur protégé par le droit pénal (arrêts du TF du 29.03.2019 [6B_226/2019] cons. 3.3 ; du 03.01.2017 [6B_224/2016] cons. 2.2). Suivre le Ministère public aboutirait donc à ce qu’il suffise, de la part du prévenu et pour priver le plaignant de son avocat de (premier) choix, de déposer une plainte pénale conjointement contre ledit plaignant et son avocat, en raison de la teneur de la plainte, ce qui ouvrirait évidemment la porte à tous les abus.   

5.2                   a) S’agissant du caractère potentiellement attentatoire à l’honneur de certains propos figurant dans l’écrit d’un avocat, il ne faut en outre pas perdre de vue que c’est la technicité de la matière qui justifie le recours par le mandant à un avocat, si bien qu’il n’est pas conforme au cours ordinaire des choses que ledit mandant ait préalablement validé les termes utilisés par l’avocat (arrêt de l’Autorité de céans du 20.04.2020 [ARMP.2020.21 et 22] cons. 6). S’agissant de la question de savoir si les termes utilisés franchissent ou non la « ligne rouge » du droit pénal (caractère attentatoire à l’honneur), il est par ailleurs conforme au cours ordinaire des choses que le mandant s’en remette à l’avis de l’avocat, dont la question relève de sa spécialité. Si l’écrit d’un avocat contient des propos attentatoires à l’honneur, la seule personne qui en répondra pénalement sera donc en principe cet avocat (éventuellement également son maître de stage s’il s’agit d’un avocat stagiaire), sauf circonstances exceptionnelles, dont rien ne permet de penser qu’elles pourraient être réalisées ici. 

                        b) S’agissant des infractions contre l’administration de la justice (dénonciation calomnieuse au sens de l’art. 303 CP ; induire la justice en erreur au sens de l’art. 304 CP), il est conforme au cours ordinaire des choses et à l’expérience judiciaire que l’avocat qui dépose une plainte au nom d’un mandant n’a pour seule connaissance des faits que la version que lui en a donné son mandant, sous réserve des cas dans lesquels les allégués du client reposent par exemple sur des documents, d’autres éléments matériels ou des déclarations de tiers déjà connues. Il est donc en principe difficilement concevable, quand le récit du client constitue le seul élément disponible, que l’avocat puisse savoir d’emblée qu’il dénonce une personne innocente (art. 303 CP) ou une infraction n’ayant en réalité pas été commise (art. 304 CP). Rien ne permet de penser que cela pourrait être le cas ici.

6.                                Vu l’ensemble de ce qui précède, le recours doit être admis et la décision querellée annulée.

7.                                Le recourant a droit à une indemnité de dépens, à la charge de l’État (art. 436 al. 3 CPP). Il a respecté son obligation de chiffrer et de justifier ses prétentions (art. 433 al. 2 CPP, applicable par renvoi de l’art. 436 al. 1 CPP). Le mémoire d’honoraires déposé fait état de 6 heures et 25 minutes d’activité de l’avocat au tarif horaire de 270 francs, soit des honoraires de 1'732.50 francs. Le tarif horaire est admissible eu égard à la pratique du Tribunal cantonal (indemnisation de l’avocat de choix au tarif horaire de 250 à 300 francs, en fonction de la nature, de l’ampleur et de la difficulté de la cause), tout comme le nombre d’heures consacrées au dossier, dont l’avocat a dû prendre connaissance. Les frais de photocopies par 32 francs ne se justifient pas, à mesure que c’est en version numérique (et non papier) que le dossier a été transmis dans son intégralité à Me G.________. On ne voit pas non plus à quels frais effectifs pourraient correspondre les 50 francs de frais « pour l’ouverture du dossier » mentionnés dans le mémoire d’honoraires. Après ajout de la TVA par 133.40 francs, on parvient à un total de 1'865.90 francs.

Par ces motifs,
l'Autorité de recours en matière pénale

1.    Admet le recours.

2.    Annule la décision querellée.

3.    Alloue au recourant une indemnité de 1'865.90 francs, à la charge de l’État (art. 436 al. 3 CPP).

4.    Notifie le présent arrêt au recourant (avec copie de la lettre du Ministère public du 15 décembre 2020), par Me G.________ et au Ministère public (MP.2020.4280-MPNE/nt).

Neuchâtel, le 21 décembre 2020

Art. 12 LLCA
Règles professionnelles
 

L’avocat est soumis aux règles professionnelles suivantes:

a. il exerce sa profession avec soin et diligence;

b. il exerce son activité professionnelle en toute indépendance, en son nom personnel et sous sa propre responsabilité;

c. il évite tout conflit entre les intérêts de son client et ceux des personnes avec lesquelles il est en relation sur le plan professionnel ou privé;

d. il peut faire de la publicité, pour autant que celle-ci se limite à des faits objectifs et qu’elle satisfasse à l’intérêt général;

e. il ne peut pas, avant la conclusion d’une affaire, passer une convention avec son client par laquelle ce dernier accepterait de faire dépendre les honoraires du résultat de l’affaire; il ne peut pas non plus s’engager à renoncer à ses honoraires en cas d’issue défavorable du procès;

f.1 il doit être au bénéfice d’une assurance responsabilité civile professionnelle offrant une couverture adaptée à la nature et à l’étendue des risques liés à son activité; la somme couvrant les événements dommageables pour une année doit s’élever au minimum à un million de francs; des sûretés équivalentes peuvent remplacer l’assurance responsabilité civile;

g. il est tenu d’accepter les défenses d’office et les mandats d’assistance judiciaire dans le canton au registre duquel il est inscrit;

h. il conserve séparément les avoirs qui lui sont confiés et son patrimoine;

i. lorsqu’il accepte un mandat, il informe son client des modalités de facturation et le renseigne périodiquement ou à sa demande sur le montant des honoraires dus;

j. il communique à l’autorité de surveillance toute modification relative aux indications du registre le concernant.


1 Nouvelle teneur selon le ch. I de la LF du 23 juin 2006, en vigueur depuis le 1er janv. 2007 (RO 2006 4399; FF 2005 6207).