A.                            Le 23 mars 2019, vers 16h40, X.________, alors qu’il circulait au volant de son véhicule immatriculé VD XXXXXX, s’est fait arrêter par les forces de l’ordre, à Z.________ (NE). La police lui a infligé 40 francs d’amende pour avoir circulé sans feu de jour. X.________ ne s’est pas acquitté du montant de cette amende. Le 19 août 2019, le Ministère public, parquet général, a rendu une ordonnance pénale le condamnant pour les faits survenus le 23 mars 2019 à une amende de 40 francs et aux frais de la cause par 100 francs.

B.                            Le 26 août 2019, X.________ a fait opposition à cette ordonnance pénale, en faisant valoir qu’il n’avait commis aucune infraction pénale, à mesure qu’il ne circulait pas sans feu de jour, puisqu’il avait ses feux de position allumés.

Par courrier du 18 septembre 2019, le Ministère public a maintenu sa position et confirmé l’ordonnance pénale, au motif que l’article 41 al. 1 LCR prévoit depuis le 1er janvier 2014 – date d’entrée en vigueur de Via Sicura – que « les véhicules automobiles en marche doivent être éclairés en permanence » ; que cette disposition est à interpréter dans le sens qu’entre la tombée de la nuit et le lever du jour, de même qu’en cas de mauvaise visibilité et dans les tunnels, les feux de croisement doivent être allumés ; que le reste du temps, l’utilisation des feux de circulation diurne ou des feux de croisement était obligatoire ; que l’éclairage obligatoire en journée, tel qu’il ressort de l’article 41 LCR fait ainsi référence aux feux diurne et de croisement, non aux feux de position.

Le 20 septembre 2019, X.________ a déclaré maintenir son opposition.

C.                            Le 27 novembre 2019, le Ministère public a transmis le dossier au Tribunal de police, comme objet de sa compétence et en vue de la tenue de débats.

Par mandat de comparution du 2 décembre 2019, le Tribunal de police a cité X.________ à comparaître à l’audience prévue le 11 février 2020, à 14h00.

Le 11 février 2020, vers 10h15, une personne affirmant être l’épouse de X.________ a téléphoné au greffe du Tribunal de police pour l’avertir que son mari était malade depuis deux jours et qu’il ne pourrait pas venir à l’audience prévue à 14h00. Le greffe du Tribunal de police lui a répondu qu’une audience ne pouvait être renvoyée sur la base d’un appel téléphonique ; qu’un courriel devait à tout le moins être envoyé ; que ce courriel serait soumis au magistrat compétent, afin qu’il se détermine sur la suite à donner.

Par courriel du même jour à 10h53, X.________ a confirmé qu’il était tombé malade et qu’il ne pourrait pas se présenter à l’audience, en précisant qu’il maintenait son opposition.

Le même 11 février 2020, le Tribunal de police a imparti à X.________ un délai de 10 jours pour déposer un certificat médical attestant que, pour raisons de santé, il n’était pas en mesure de comparaître à l’audience de l’après-midi. La juge précisait qu’à défaut, le Tribunal de police considérerait que X.________ avait fait défaut aux débats sans être excusé et sans s’être fait représenter, de sorte que l’opposition qu’il avait formée serait réputée retirée.

Par courriel du même jour, X.________ a répondu au Tribunal de police que s’il était à même de pouvoir sortir pour aller voir un médecin, il serait venu à l’audience ; souffrir « probablement d’un "refroidissement" bénin » ; n’avoir pas l’intention de faire appel à un médecin pour cela ; que sa présence aux débats n’était pas utile, vu la teneur de ses écrits ; espérer avoir « quand même droit à un jugement équitable, malgré le fait [qu’il] n’étai[t] pas là », tout en précisant qu’à défaut, il en prendrait acte.

Le 12 février 2020, la juge de police a renvoyé X.________ à ses lignes du 11 février 2020. Le même jour, ce dernier lui a répondu que cette détermination était « malheureusement trop formaliste et kafkaïenne pour [lui] ».

D.                            Par ordonnance du 27 février 2020, le Tribunal de police a constaté que X.________ avait fait défaut à l’audience du 11 février 2020 (dispositif, ch. 1) ; dit que l’opposition du 26 août 2019 était réputée retirée (ch. 2) ; constaté que l’ordonnance pénale du 19 août 2019 était en force (ch. 3) ; ordonné le classement de son dossier (ch. 4) ; mis à la charge de X.________ les frais de justice arrêtés à 120 francs (ch. 5).

E.                            X.________ recourt contre cette ordonnance de classement le 16 mars 2020, en concluant implicitement à son annulation. Il expose ne pas avoir retiré son opposition et souhaiter savoir quel type de feu doit être allumé de jour. Il fait valoir que le fait d’être resté chez lui « lors d’une grippe passagère, sans même aller voir un médecin, correspond[ait] aux recommandations fédérales données en ces temps d’épidémie ».

F.                            Le Tribunal de police conclut au rejet du recours, sans formuler d’observations.


 

C O N S I D E R A N T

1.                            Interjeté dans les formes et délai légaux, le recours est recevable (art. 393 al. 1 let. b et 396 CPP).

2.                            Aux termes de l'article 205 al. 1 CPP, quiconque est cité à comparaître par une autorité pénale est tenu de donner suite au mandat de comparution ; cette disposition consacre une obligation générale de comparution à la charge des personnes citées (ATF 142 IV 158 cons. 3.2 ; 140 IV 82 cons. 2.4). Celui qui est empêché de donner suite à un mandat de comparution doit en informer sans délai l'autorité qui l'a décerné ; il doit indiquer les motifs de son empêchement et lui présenter les pièces justificatives éventuelles (art. 205 al. 2 CPP). Une absence est considérée comme valablement excusée non seulement lorsqu'elle se rapporte à un cas de force majeure, soit d'impossibilité objective de comparaître, mais aussi en cas d'impossibilité subjective, due à des circonstances personnelles ou à une erreur non imputable au défaillant (ATF 127 I 213 cons. 3a ; arrêts du TF du 14.12.2015 [6B_1092/2014] cons. 2.2.2 ; du 06.05.2014 [6B_289/2013] cons. 11.3). Un mandat de comparution peut être révoqué pour de justes motifs. La révocation ne prend effet qu'à partir du moment où elle a été notifiée à la personne citée (art. 205 al. 3 CPP). Seule l'autorité compétente qui a décerné le mandat de comparution, respectivement la direction de la procédure, peut révoquer le mandat (cf. art. 12 et 13 CPP cum art. 61 s. CPP, art. 201 CPP et art. 331 al. 4 CPP) ; il appartient en outre à la direction de la procédure de décider, le cas échéant, d'un éventuel renvoi lorsqu'une demande d'ajournement lui parvient avant les débats (art. 331 al. 5 CPP) ; a contrario, l'intéressé ne peut admettre de son propre chef un renvoi, en l'absence de décision idoine (arrêt du TF du 05.07.2018 [6B_365/2018] cons. 2.1).

3.                            Dans le cadre de l'opposition à l'ordonnance pénale, l'article 356 al. 4 CPP précise que si l'opposant fait défaut aux débats sans être excusé et sans se faire représenter, son opposition est réputée retirée. Cette disposition consacre une fiction légale de retrait de l'opposition en cas de défaut injustifié, à l'instar de l'article 355 al. 2 CPP, auquel elle correspond (ATF 142 IV 158 cons. 3.1 et 3.5). Au contraire de ce qui prévaut sous l'angle de l'article 205 al. 4 CPP, le défaut peut ici aboutir à une perte de toute protection juridique, et ce quand bien même la personne concernée a précisément voulu obtenir une telle protection en formant opposition (ATF 142 IV 158  cons. 3.2 ; 140 IV 82 cons. 2.4).  Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, eu égard aux spécificités de la procédure de l'ordonnance pénale (art. 352 à 356 CPP), l'article 356 al. 4 CPP doit être interprété à la lumière de la garantie constitutionnelle (art. 29a Cst. féd.) et conventionnelle (art. 6 ch. 1 CEDH) de l'accès au juge, dont l'opposition (art. 354 CPP) vise à assurer le respect en conférant à la personne concernée la faculté de soumettre sa cause à l'examen d'un tribunal ; en ce sens, la fiction de retrait de l'opposition consacrée par l'article 356 al. 4 CPP ne s'applique que si l'opposant a effectivement eu connaissance de la citation à comparaître et des conséquences du défaut ; la fiction légale du retrait ne peut en outre s'appliquer que si l'on peut déduire de bonne foi (art. 3 al. 2 let. a CPP) du défaut non excusé un désintérêt pour la suite de la procédure, lorsque l'opposant a conscience des conséquences de son omission et renonce à ses droits en connaissance de cause (arrêt du TF du 05.07.2018 [6B_365/2018] cons. 3.1 et les nombreux arrêts cités).

4.                            Pour que la fiction de retrait de l'opposition s'applique, il faut donc notamment que l’on puisse déduire de bonne foi du défaut un désintérêt pour la suite de la procédure. Or tel n’est pas le cas ici, puisque dans ses courriels du 11 février 2020, X.________ a clairement manifesté sa volonté de maintenir son opposition (v. supra Faits, let. C). Dans ces conditions, la première juge ne pouvait pas déduire du défaut du recourant à l’audience que l’opposition de ce dernier était réputée retirée. L’ordonnance de classement du 9 mars 2020 doit partant être annulée et la cause renvoyée au Tribunal de police pour suite utile, sans qu’il soit nécessaire d’examiner encore si le défaut du recourant à l’audience était excusable ou non. 

5.                            Au vu de ce qui précède, le recours doit être admis et l’ordonnance querellée doit être annulée. Les frais judiciaires resteront à la charge de l’Etat (art. 428 al. 4 CPP). C’est enfin avec raison que le recourant ne réclame pas d’indemnité de dépens ; il n’y a pas droit, notamment au motif qu’il a agi seul.

Par ces motifs,
l'Autorité de recours en matière pénale

1.    Admet le recours et annule l’ordonnance attaquée.

2.    Renvoie la cause au Tribunal de police pour suite utile.

3.    Laisse les frais judiciaires afférents à la procédure de recours à la charge de l’Etat.

4.    Notifie le présent arrêt à X.________, au Tribunal de police du Littoral et du Val-de-Travers, à Neuchâtel (POL.2019.633) et au Ministère public, parquet général de Neuchâtel (MP.2019.4563).

Neuchâtel, le 28 avril 2020

Art. 356 CPP
Procédure devant le tribunal de première instance
 

1 Lorsqu’il décide de maintenir l’ordonnance pénale, le ministère public transmet sans retard le dossier au tribunal de première instance en vue des débats. L’ordonnance pénale tient lieu d’acte d’accusation.

2 Le tribunal de première instance statue sur la validité de l’ordonnance pénale et de l’opposition.

3 L’opposition peut être retirée jusqu’à l’issue des plaidoiries.

4 Si l’opposant fait défaut aux débats sans être excusé et sans se faire représenter, son opposition est réputée retirée.

5 Si l’ordonnance pénale n’est pas valable, le tribunal l’annule et renvoie le cas au ministère public en vue d’une nouvelle procédure préliminaire.

6 Si l’opposition ne porte que sur les frais et les indemnités ou d’autres conséquences accessoires, le tribunal statue par écrit, à moins que l’opposant ne demande expressément des débats.

7 Si des ordonnances pénales portant sur les mêmes faits ont été rendues contre plusieurs personnes, l’art. 392 est applicable par analogie.