A.                               Le 12 novembre 2019, X.________, agissant par son mandataire Me A.________, a adressé au ministère public une plainte pénale à l’encontre Y.________ et inconnus pour dommages à la propriété. Le plaignant exposait être propriétaire d’une maison sise à la rue [aaaa] 1 à Z.________, correspondant aux articles [1] et [2] du cadastre de cette commune, la ou les personne(s) visée(s) par la plainte occupant la plupart des appartements situés dans l’immeuble mitoyen, rue [aaaa] 3, article [3] du cadastre de la même commune. Il ajoutait louer depuis plus de quarante ans une parcelle de terrain aux anciennes propriétaires de l’immeuble, les sœurs B.________, et avoir planté, avec l’accord de celles-ci, deux arbres à kiwis sur le fonds voisin à quelques centimètres de la limite de la propriété, mais sur une zone dont il était locataire. Par un jeu de transfert de propriété sans doute dû à des successions, les actuels occupants de l’immeuble rue [aaaa] 3, avaient, courant septembre 2015, fauché la totalité de leur parcelle, y compris le terrain donné en location, qui comprenait plusieurs massifs de plantes vivaces et aromatiques, ainsi que plusieurs framboisiers, à la suite de quoi, le plaignant avait résilié son bail et obtenu une compensation pour les dommages causés. Au préalable, les voisins avaient posé une barrière autour du fonds du plaignant, tout en lui laissant un droit de passage, qu’ils avaient cependant supprimé au printemps 2018, sans avertissement préalable et sans respecter les normes de la LICC et du code rural. A cette occasion, le plaignant avait sollicité un accès à la parcelle de ses voisins non seulement pour recueillir les fruits tombant sur son mur, mais aussi pour ramasser les chutes consécutives à la taille des kiwis. Ce droit d’accès ne lui avait pas été concédé et, le 11 mars 2019, il avait dû s’adresser à nouveau au mandataire de ses voisins pour leur reprocher des tailles effectuées sur son arbre sans son consentement et de manière contraire aux règles de l’art, et lui faire part du fait que les branches de l’arbre à kiwis tirées sur des fils posés sur la façade du plaignant avaient été sectionnées, les fils arrachés et l’abri pour mésange subtilisé, empêchant ainsi l’intéressé de justifier d’un accès pour cueillir les fruits poussant sur sa propre façade, l’entretien de ce mur n’étant pas périodique. Le 22 juillet 2019, le plaignant avait procédé à la taille de ses kiwis avec l’aide de sa fille et de son petit-fils, ces derniers passant par-dessus la barrière du voisin pour ramasser les chutes d’arbre, lequel avait appelé la police. Les agents intervenus sur les lieux avaient obtenu une conciliation entre les parties, ce qui n’avait pas empêché Y.________ de déposer plainte trois mois plus tard pour violation de domicile. Le plaignant poursuivait en indiquant que, le 10 septembre 2019, il s’était aperçu que le plant mâle de ses kiwis avait été sectionné, ce qui aurait pour conséquence que les plants femelles ne pourraient plus produire de fruits dès l’année suivante. Les policiers avaient informé le plaignant que son voisin avait déclaré spontanément avoir coupé l’arbre à kiwis pour régler le problème. Cet acte de justice propre, comme d’ailleurs tous ceux qui l’avaient précédé, était, selon le plaignant, absolument insupportable et il était temps que « cet individu apprenne à respecter les règles régissant les rapports entre personnes dans notre pays ».

B.                               Le 22 novembre 2019, la procureure en charge du dossier, a demandé à la police de procéder à une investigation pour établir les faits.

C.                               Le 22 janvier 2020, Y.________ a été entendu par la police en qualité de prévenu. Il a exposé que sa mère, propriétaire de l’immeuble, avait mandaté une entreprise pour couper les branches qui se trouvaient sur sa propriété, l’arbre lui-même n’ayant pas été sectionné. Il a ajouté ne pas être concerné, n’ayant pas coupé lui-même ces branches, ni fait appel à l’entreprise qui s’en était chargée, n’étant que locataire.

D.                               Dans un courriel adressé à l’enquêteur le 11 février 2020, C.________ lui a confirmé, suite à un entretien téléphonique du même jour, que, le 10 septembre 2019, il avait à la demande « de son client », effectué un travail d’entretien de sa parcelle, soit la fauche de la prairie, l’enlèvement d’un sureau mort et de la partie d’un kiwi qui se trouvait sur la propriété de son mandant.

E.                               Le 20 avril 2020, le ministère public a rendu une ordonnance de non-entrée en matière suite à la plainte pénale déposée le 12 novembre 2019 par X.________ en mettant à la charge de celui-ci une partie des frais de la cause, arrêtée à 400 francs. Il a dit qu’il n’y avait pas lieu d’allouer une indemnité fondée sur l’article 429 CPP et a renvoyé X.________ à agir par la voie civile pour faire valoir ses éventuelles conclusions civiles. Il a retenu qu’il ressortait du dossier que trois actinidias avaient été plantés sur les parcelles appartenant aux familles de Y.________ et de X.________ plusieurs années auparavant, d’entente avec les anciens propriétaires de la parcelle appartenant à la famille Y.________, deux des trois arbres, dont l’arbre mâle sectionné par Y.________, étant plantés sur la parcelle de la famille Y.________. L’arbre litigieux se trouvant sur la propriété de la famille Y.________, faisait donc partie de celle-ci, aucune restriction légale au sens de l’article 667 al. 2 CC – selon lequel la propriété d’une parcelle comprend, sous réserve des restrictions légales, les constructions, les plantations et les sources – n’étant à discerner, le plaignant ne s’en prévalant pas et relevant en outre lui-même qu’il n’était plus locataire de la parcelle depuis le 1er janvier 2016. Ainsi, la famille Y.________, étant propriétaire de l’arbre en question, pouvait en disposer à sa guise, de sorte que le comportement de Y.________ était licite, celui-ci n’ayant pas commis de dommages à la propriété d’un tiers même si la mort de l’arbre en cause avait pour effet que la pollinisation des arbres femelles du plaignant ne pouvait plus s’opérer, l’intéressé pouvant par ailleurs acquérir un plant adulte mâle. En ce qui concerne les faits relatifs à des événements qui seraient survenus en mars 2019, la plainte était tardive. La position défendue par le plaignant, qui agissait par un mandataire professionnel, apparaissait mal fondée au point qu’une partie des frais de la cause devait être mise à sa charge.

F.                               X.________ recourt contre cette ordonnance en concluant à son annulation et au renvoi de la cause au ministère public pour instruction complémentaire et délivrance d’une ordonnance pénale, l’Autorité de céans disant que le ministère public doit libérer le recourant des frais de justice mis à sa charge par 400 francs et le mettre au bénéfice d’une indemnité 433 CPP, sous suite de frais et dépens. Le recourant s’insurge tout d’abord contre la part de frais judiciaires mise à sa charge par le ministère public en se prévalant d’une inégalité de traitement dans la mesure où l’ordonnance de non-entrée en matière rendue le 20 avril 2020 par la même procureure en faveur de X1________, suite à la plainte pénale déposée à l’encontre de celle-ci le 11 septembre 2019 par Y1________, ne condamne pas le plaignant à une part de frais de justice. Sur le fond, le recourant fait valoir l’hypothèse de sa propriété sur les deux arbres à kiwis dans la mesure où, jusqu’au 31 décembre 2015, il était locataire du terrain sur lequel il les a plantés et où il a continué de les exploiter paisiblement depuis lors. Il allègue ensuite pouvoir justifier de sa possession sur l’arbre coupé « sur la base de plusieurs hypothèses, que l’on peut apprécier cumulativement ou alternativement », soit celle d’un prêt à usage gratuit, d’un usufruit mobilier et du droit à l’inscription d’une servitude, en soulignant que l’article 144 al. 1 CP protège aussi la chose frappée d’un droit d’usage ou d’usufruit au bénéfice d’autrui. Enfin, il prétend que l’article 181 CP, qui réprime la contrainte, s’appliquerait aussi en l’occurrence par analogie avec la situation du bailleur qui en récupérant les locaux de force à l’issue du bail se rend coupable de cette infraction.

G.                               Dans ses observations, le ministère public conclut au rejet du recours, les frais devant être mis à la charge du recourant. Il relève, en ce qui concerne le droit du recourant sur l’actinidia, qu’il ne lui appartenait pas d’envisager d’hypothétiques scénarios qui n’avaient jamais été invoqués par le plaignant, celui-ci se contentant d’affirmer sa propriété sur l’arbre planté sur le fonds de son voisin. Il ajoute que la multitude d’hypothèses soulevées par le recourant pour tenter de justifier de son droit sur l’arbre litigieux, alors qu’il n’est plus locataire de la parcelle concernée depuis des années et qu’aucune inscription de servitude ne ressort du cadastre, donne à penser qu’il n’a pas un tel droit.

H.                               Le recourant réplique en confirmant les conclusions de son mémoire de recours.

C O N S I D E R A N T

1.                                Interjeté dans les formes et délai légaux, le recours est recevable.

2.                                Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, « conformément à l’article 310 al. 1 let. a CPP, le ministère public rend immédiatement une ordonnance de non-entrée en matière s’il ressort de la dénonciation ou du rapport de police que les éléments constitutifs de l’infraction ou les conditions à l’ouverture de l’action pénale ne sont manifestement pas réunis. L’entrée en matière peut encore être refusée au terme des investigations policières (art. 306 et 307 CPP) – même diligentées à l’initiative du procureur – si les conditions de l’art. 310 al. 1 let. a CPP sont réunies. Selon la jurisprudence, cette disposition doit être appliquée conformément à l’adage in dubio pro duriore. Celui-ci découle du principe de la légalité (art. 5 al. 1 Cst et 2 al. 1 CPP en relation avec les articles 309 al. 1, 319 al. 1 et 324 CPP) et signifie qu’en principe un classement ou une non-entrée en matière ne peuvent être prononcés par le ministère public que lorsqu’il apparaît clairement que les faits ne sont pas punissables ou que les conditions à la poursuite pénale ne sont pas remplies. […] La procédure doit se poursuivre lorsqu’une condamnation apparaît plus vraisemblable qu’un acquittement ou lorsque les probabilités d’acquittement et de condamnation apparaissent équivalentes, en particulier en présence d’une infraction grave » (arrêt du TF du 25.02.2015 [6B_1206/2014] cons. 2.2 et les références citées). Une non-entrée en matière s’impose lorsque le litige est de nature purement civile (ATF 137 IV 285 cons. 2.3).

3.                                Selon l’article 144 CP, se rend coupable de dommages à la propriété celui qui aura endommagé, détruit ou mis hors d’usage une chose appartenant à autrui ou frappée d’un droit d’usage ou d’usufruit au bénéfice d’autrui. L’infraction doit porter sur un objet corporel, mobilier ou immobilier, appartenant à autrui, même si l’auteur en est également propriétaire (arrêt du TF du 16.01.2018 [6B_77/2017] cons. 2.1)

4.                                En premier lieu, le recourant prétend qu’ayant planté, à ses frais, deux actinidias, un mâle et une femelle, sur la parcelle voisine, dont il était locataire jusqu’au 31 décembre 2015, il est propriétaire de ces arbres, en dépit de la fin du contrat de bail, puisqu’il a continué à les exploiter paisiblement et que la famille de Y.________ n’a pas demandé qu’il les arrache. Ce raisonnement ne saurait être suivi. En effet, selon l’article 667 CC, la propriété du sol emporte celle du dessus et du dessous, dans toute la hauteur et la profondeur utiles à son exercice ; elle comprend, sous réserve des restrictions légales, les constructions, les plantations et les sources (al. 2). L’article 678 CC prévoit quant à lui que si quelqu’un a mis dans son fonds des plantes appartenant à autrui ou ses propres plantes dans le fonds d’un tiers, les intéressés ont les mêmes droits et obligations que dans le cas de constructions élevées avec des matériaux étrangers ou de constructions mobilières (al. 1) ; une servitude correspondant au droit de superficie sur des plantes isolées ou des plantations peut être établie pour dix ans au moins et pour cent ans au plus (al. 2). Or, en l’occurrence, le recourant n’a pas fait inscrire une telle servitude. En ce qui concerne le droit du bail, l’article 260a CO stipule que le locataire n’a le droit de rénover ou de modifier la chose qu’avec le consentement écrit du bailleur (al. 1) ; que, lorsque le bailleur a donné son consentement, il ne peut exiger la remise en état de la chose que s’il en a été convenu par écrit (al. 2) ; que, si, à la fin du bail, la chose présente une plus-value considérable, résultant de la rénovation ou de la modification acceptées par le bailleur, le locataire peut exiger une indemnité pour cette plus-value ; sont réservées les conventions écrites prévoyant des indemnités plus élevées (al. 3). En l’espèce, le recourant ne prétend pas avoir été autorisé par écrit à planter les deux actinidias sur le fonds de son voisin, qui n’a cependant pas exigé la remise en état du terrain à la fin du bail. Il n’en résulte nullement que les arbres en question seraient la propriété du recourant, le droit du bail ne prévoyant rien de semblable, mais tout au plus la possibilité pour le locataire de réclamer une indemnité à certaines conditions particulières, en cas de modification acceptée par écrit par le bailleur, ce que le recourant n’a pas allégué en l’occurrence. Le mandataire du recourant a d’ailleurs écrit à Me D.________, dans une lettre du 13 septembre 2019, que les deux arbres à kiwis avaient été plantés dans un endroit pris en location par son père et juridiquement en possession de celui-ci, jusqu’à il y a peu. Le conseil du recourant admettait ainsi que son mandant, non seulement n’était pas propriétaire des actinidias, mais qu’il n’était même plus en possession de ceux-ci.

5.                                Le recourant soutient ensuite que, même s’il n’est pas propriétaire de l’arbre litigieux, il peut justifier sa possession sur la base de « plusieurs hypothèses que l’on peut apprécier cumulativement ou alternativement ». Or il ressort de la lettre précitée que le recourant admettait au contraire ne plus être en possession du terrain sur lesquels les actinidias ont été plantés, au-delà de la fin du bail, soit après le 31 décembre 2015. Il convient également de relever à ce sujet, à l’instar du ministère public, qu’on ne peut reprocher à celui-ci de n’avoir pas envisagé des hypothèses que le recourant n’a en rien évoquées dans sa plainte pénale. Enfin, la réalisation d’une infraction pénale ne peut se fonder que sur celle de ses divers éléments constitutifs, soit sur des faits et nullement sur des hypothèses. Au surplus celles soulevées par le recourant ne résistent pas à l’examen du dossier. Le recourant se prévaut tout d’abord d’un prêt passé par actes concluants « du fait que Y.________ a laissé en place les kiwis plus de 3,5 ans après la fin du bail tout en laissant X.________ en récupérer les fruits ». S’il est patent que la famille de Y.________ n’a pas exigé du recourant, au terme du bail, la remise en état des lieux, soit l’arrachage des actinidias, on ne saurait en déduire une quelconque volonté des parties de conclure un contrat de prêt à usage. Au surplus, l’arbre litigieux étant un plant mâle, ne produisait pas de fruits, si bien que le recourant ne peut pas prétendre les avoir récoltés. D’ailleurs, le mandataire du recourant n’a fait aucune allusion à un tel contrat de prêt dans ses lettres des 4 mai 2018 et 11 mars 2019 à Me D.________, dans lesquelles il reprochait aux propriétaires de l’immeuble rue [aaaa] 3 d’avoir intégralement clôturé leur fond et de ne pas rétablir d’accès permanent en faveur de son client. L’hypothèse suivante, soit celle d’un usufruit mobilier, doit également être écartée ; on ne discerne en effet pas de transfert de l’arbre litigieux au recourant, ce plant mâle étant au contraire resté planté dans le terrain de ses voisins. Enfin, on ne discerne pas quel argument le recourant pourrait tirer d’un prétendu droit à l’inscription d’une servitude, puisqu’il n’en a jamais fait inscrire aucune. Le recourant se prévaut encore d’un acte de contrainte de la part de Y.________, infraction à laquelle il n’a fait aucune allusion dans sa plainte pénale et qui ne saurait entrer en ligne de compte, la situation d’espèce n’étant en rien assimilable au cas du bailleur qui récupère les locaux de force à la fin du contrat de bail. Il résulte de ce qui précède que le ministère public a, sur le fond, ordonné avec raison une non-entrée en matière.

6.     Le recourant conteste enfin sa condamnation à supporter une partie des frais de la procédure d’instruction.

6.1                   La répartition des frais de procédure repose sur le principe selon lequel celui qui a causé les frais doit les supporter (ATF 138 IV 248 cons. 4.4.1 ; arrêts du TF du 12.06.2018 [6B_108/2018] cons. 3.1 ; du 14.06.2017 [6B_467/2016] cons. 2.3). Aux termes de l'article 427 al. 2 CPP, en cas d'infractions poursuivies sur plainte, les frais de procédure peuvent être mis à la charge de la partie plaignante ou du plaignant qui, ayant agi de manière téméraire ou par négligence grave, a entravé le bon déroulement de la procédure ou rendu celle-ci plus difficile, lorsque la procédure est classée ou le prévenu acquitté (let. a) et lorsque le prévenu n'est pas astreint au paiement des frais conformément à l'art. 426 al. 2 CPP (let. b). 

                        Selon la jurisprudence, dans ce contexte, le plaignant doit être compris comme la personne qui a déposé une plainte pénale et qui a renoncé à user des droits qui sont les siens au sens de l'article 120 CPP, étant précisé que cette renonciation ne vaut pas retrait de la plainte pénale (ATF 138 IV 248 cons. 4.2.1 ; arrêt du TF [6B_108/2018] précité cons. 3.1 ; arrêt du TF du 10.06.2015 [6B_446/2015] cons. 2.1.2). Contrairement à la version française, les versions allemande et italienne opèrent une distinction entre la partie plaignante ("Privatklägerschaft"; "accusatore privato") et le plaignant ("antragstellende Person" ; "querelante"). Ainsi, la condition d'avoir agi de manière téméraire ou par négligence grave et de la sorte entravé le bon déroulement de la procédure ou rendu celle-ci plus difficile posée par l'article 427 al. 2 CPP ne s'applique qu'au plaignant ; cette condition ne s'applique en revanche pas à la partie plaignante, à qui les frais peuvent être mis à charge sans autre condition (ATF 138 IV 248 cons. 4.2.2 ; arrêts du TF [6B_108/2018] précité cons. 3.1 ; [6B_446/2015] précité cons. 2.1.2). La personne qui porte plainte pénale et qui prend part à la procédure comme partie plaignante doit assumer entièrement le risque lié aux frais, tandis que la personne qui porte plainte mais renonce à ses droits de partie ne doit supporter les frais qu'en cas de comportement téméraire (ATF 138 IV 248 cons. 4.2.3 ; arrêts du TF [6B_108/2018] précité cons. 3.1 ; [6B_467/2016] précité cons. 2.3). Cette solution correspond à la volonté du législateur et s'inscrit dans une tendance de fond sur laquelle repose le Code de procédure pénale, consistant, d'une part, à étendre les droits procéduraux de la partie plaignante tout en prévoyant, d'autre part, la possibilité de mettre davantage de frais à sa charge (ATF 138 IV 248 cons. 4.2.3 ; arrêt du TF du 07.02.2019 [6B_369/2018] cons. 2.1 ; Message du 21 décembre 2005 relatif à l'unification du droit de la procédure pénale [Message CPP], FF 2006 1311 ad art. 434 P-CPP).

6.2                   En l’espèce, la plainte du 12 novembre 2019 – rédigée par un avocat – a été expressément déposée pour dommages à la propriété, soit une infraction poursuivie sur plainte. À aucun moment le plaignant n’a déclaré renoncer à user des droits qui sont les siens au sens de l'article 120 CPP ; au contraire, il a manifesté sa volonté de faire valoir des prétentions civiles dans le cadre de la procédure pénale en précisant que son dommage « d[evait] encore être évalué par un expert-horticulteur » mais que « la production atteignait près de 100 kgs de fruits par année (à environ CHF 9.-/kg) », qu’il se portait d’ores et déjà partie civile et qu’il prendrait des conclusions civiles une fois son dommage arrêté définitivement. De même, il a requis l’administration de moyens de preuve et une jonction de causes (idem). Dans ces conditions et en application des principes exposés plus haut, X.________ devait assumer entièrement le risque lié aux frais, s’agissant de sa plainte du 12 novembre 2019. À mesure que cette plainte a donné lieu à une non-entrée en matière, les frais pouvaient être mis à la charge du plaignant.

6.3                   Au surplus, la décision du ministère public de faire supporter au plaignant une partie des frais de procédure ne prêterait pas le flanc à la critique même si l’on devait le considérer comme un plaignant et non une partie plaignante ou si l’infraction avait été poursuivie d’office. Dans les deux cas (art. 427 al. 2 CPP et arrêt du TF du 07.02.2019 [6B_369/2018] cons. 2.1 et les arrêts cités dans le premier ; art. 420 CPP et arrêt du TF du 05.09.2019 [6B_705/2019] dans le second), la loi permet en effet la mise de tout ou partie des frais à la charge de la partie plaignante si la situation le justifie, l’autorité statuant à cet égard selon les règles du droit et de l'équité et jouissant d’un large pouvoir d'appréciation. Or en l’occurrence, le recourant, assisté par un mandataire professionnel, pouvait aisément se rendre compte que les éléments constitutifs d’une infraction à l’article 144 CP ne pouvaient être réunis, s’agissant d’un actinidia planté sur le fonds de son voisin, sur un terrain dont lui-même n’était plus locataire depuis le 1er janvier 2016 et la plainte pénale déposée frôlait la témérité. Les autorités judiciaires peuvent se montrer plus sévères envers un plaignant assisté d’un mandataire professionnel qu’à l’égard d’un plaignant agissant seul. Les conditions étaient donc remplies pour qu’une part de frais soit mise à sa charge par le ministère public.

7.                                Vu l’issue de la cause, les frais judiciaires seront mis à la charge du recourant.

Par ces motifs,
l'Autorité de recours en matière pénale

1.    Rejette le recours.

2.    Met les frais judiciaires, arrêtés à 800 francs, à la charge du recourant.

3.    Notifie le présent arrêt à X.________, par son mandataire Me A.________, à Y.________ et au Ministère public (MP.2019.6068).

Neuchâtel, le 11 août 2020 

  

Art. 144 CP
Dommages à la propriété
 

1 Celui qui aura endommagé, détruit ou mis hors d’usage une chose appartenant à autrui ou frappée d’un droit d’usage ou d’usufruit au bénéfice d’autrui sera, sur plainte, puni d’une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d’une peine pécuniaire.

2 Si l’auteur a commis le dommage à la propriété à l’occasion d’un attroupement formé en public, la poursuite aura lieu d’office.

3 Si l’auteur a causé un dommage considérable, le juge pourra prononcer une peine privative de liberté de un à cinq ans. La poursuite aura lieu d’office.

 
Art. 181 CP
Contrainte
 

Celui qui, en usant de violence envers une personne ou en la menaçant d’un dommage sérieux, ou en l’entravant de quelque autre manière dans sa liberté d’action, l’aura obligée à faire, à ne pas faire ou à laisser faire un acte sera puni d’une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d’une peine pécuniaire.

 

Art. 310 CPP
Ordonnance de non-entrée en matière
 

1 Le ministère public rend immédiatement une ordonnance de non-entrée en matière s’il ressort de la dénonciation ou du rapport de police:

a. que les éléments constitutifs de l’infraction ou les conditions à l’ouverture de l’action pénale ne sont manifestement pas réunis;

b. qu’il existe des empêchements de procéder;

c. que les conditions mentionnées à l’art. 8 imposent de renoncer à l’ouverture d’une poursuite pénale.

2 Au surplus, les dispositions sur le classement de la procédure sont applicables.