A.                               Le 4 juillet 2019, X.________ s’est présentée au poste de gendarmerie de Z.________ afin d’annoncer des violences subies de la part de son ami Y.________ et de porter plainte contre lui.

B.                               Le 17 juillet 2019, Me A.________ a informé le Ministère public qu’il avait été mandaté pour représenter les intérêts de X.________ et que celle-ci se portait partie plaignante et ferait valoir des conclusions civiles.

C.                               Le 3 septembre 2019, par l’intermédiaire de Me B.________, Y.________ a déposé plainte contre X.________ pour dommages à la propriété et injures.

D.                               a) Par ordonnances pénales et ordonnance de non-entrée en matière du 12 septembre 2019, le Ministère public a renoncé à entrer en matière sur la plainte de X.________ en tant qu’elle concernait des faits constitutifs de contrainte sexuelle ou de viol et d’injure ; condamné Y.________ à 30 jours-amende à 30 francs avec sursis pendant 2 ans et à une amende de 300 francs comme peine additionnelle pour lésions corporelles simples ; condamné X.________ à 150 francs d’amende pour dommages à la propriété ; condamné Y.________ à une part réduite des frais arrêtée à 375 francs et a laissé le solde à la charge de l’Etat ; condamné X.________ à une part réduite des frais arrêtés à 150 francs et a laissé le solde à la charge de l’Etat ; n’a alloué aucune indemnité au sens de l’article 429 CPP.

                        b) Les parties ont formé opposition contre leurs condamnations respectives les 18 (Y.________) et 23 septembre 2019 (X.________ ; l’intéressée demandait en outre à être mise au bénéfice de l’assistance judiciaire). Le même jour (23 septembre 2019), X.________ a recouru contre l’ordonnance de non-entrée en matière au bénéfice de Y.________. Le 25 septembre 2019, X.________ a demandé au Ministère public à être mise au bénéfice de l’assistance judiciaire, en déposant à l’appui un formulaire d’assistance judiciaire dûment rempli et des annexes.

                        c) Par arrêt du 2 mars 2020, l’Autorité de céans a rejeté le recours de X.________, laquelle avait été mise au bénéfice de l’assistance judiciaire pour les besoins de la procédure de recours par ordonnance du juge instructeur du 4 octobre 2019.

E.                               Le 30 mars 2020, le Ministère public a accordé l’assistance judiciaire à X.________, en sa qualité de prévenue, et désigné Me A.________ en qualité de défenseur d’office dès le 23 septembre 2019.

F.                               a) Le 1er avril 2020, le Ministère public a déclaré maintenir les ordonnances pénales du 12 septembre 2019 et transmis le dossier au Tribunal de police du Littoral et du Val-de-Travers.

                        b) Le 7 mai 2020, Y.________ et X.________ ont transmis à la juge de police un écrit par lequel ils manifestaient leur volonté de retirer mutuellement leurs plaintes et que les frais soient laissés à la charge de l’Etat.

                        c) Par ordonnance du 25 mai 2020, la juge de police a pris acte du retrait des plaintes (dispositif, ch. 1), ordonné le classement du dossier (ch. 2), fixé les frais de justice à 348 francs et mis ces frais à raison de 174 francs à la charge de Y.________ et 174 francs à la charge de X.________ (dispositif, ch. 3).

                        d) Me A.________ recourt contre cette ordonnance le 5 juin 2020, en concluant principalement à ce que le dispositif soit complété dans le sens de la fixation de l’indemnité de Me A.________ à hauteur de 2'290 francs, frais et TVA compris ; subsidiairement au renvoi de la cause au tribunal de police ; en tout état de cause à ce que les frais de la procédure de recours soient laissés à la charge de l’Etat et à l’octroi d’une indemnité de dépens.

                        e) Le 8 juin 2020, le président de l’Autorité de céans a invité la juge de police à indiquer si elle entendait compléter son dispositif en rendant prochainement une décision séparée relative au montant de l’indemnité due à Me A.________, d’une part, et à l’obligation pour X.________ de rembourser cette indemnité à l’Etat, d’autre part et, dans la négative, à transmettre le dossier de la cause et ses observations éventuelles.

                        f) Le 11 juin 2020, le juge de police a transmis son dossier et indiqué ne pas avoir d’observations à formuler.

                        g) Le 18 juin 2020, le Ministère public a indiqué ne pas avoir d’observations à formuler.

 

C O N S I D E R A N T

1.                                L’avocat d’office du prévenu ne compte pas parmi les parties ou autres participants désignés par les articles 104 et 105 CPP ; sa qualité pour recourir contre la fixation de ses honoraires ne résulte pas de l’article 382 CPP, mais de la réglementation spéciale prévue par l’article 135 alinéa 3 CPP (ATF 140 IV 213, cons. 1.4 [trad. JdT 2015 IV 57]). Aux termes du texte clair de cette disposition, le défenseur d’office peut recourir devant l’autorité de recours contre la décision du ministère public et du tribunal de première instance fixant son indemnité. En réalité, ils le doivent, la voie du recours étant la seule voie de droit ouverte au conseil d’office qui souhaite contester la quotité insuffisante de l’indemnité d’office qui lui a été accordée (ATF 140 IV 213 cons. 1.4 ; 139 IV 199 cons. 5.2 ; arrêt du TF du 08.02.2017 [6B_451/2016] cons. 2.1).

                        En l’espèce, le recours est interjeté par l’avocat d’office contre le silence de l’ordonnance de classement du tribunal de police relativement à la fixation de son indemnité. Interjeté dans les 10 jours à compter de la notification de l’ordonnance querellée, le recours est recevable.

2.                                Le Ministère public a accordé l’assistance judiciaire à X.________, en sa qualité de prévenue, par ordonnance du 30 mars 2020. À cette date, antérieure à la transmission du dossier au Tribunal de police, le Ministère public était investi de la direction de la procédure (art. 61 let. a CPP) et partant compétent pour statuer sur la demande d’assistance judiciaire et désigner l’avocat d’office (art. 133 al. 1 CPP).

2.1                   Dès lors qu’elle était valable, cette décision liait le tribunal de police, en ce sens que l’octroi de l’assistance judiciaire et la désignation de l’avocat d’office demeuraient valables après la transmission du dossier au tribunal de police : la demande d’assistance judiciaire n’avait pas à être renouvelée auprès de cette juridiction après la naissance de la litispendance ; une fois saisi, ce tribunal pouvait tout au plus révoquer le mandat du défenseur désigné, aux conditions de l’article 134 al. 1 CPP (cf. 328 al. 2 CPP), ce que le tribunal de police n’a pas fait en l’espèce, avec pour corollaire qu’il était tenu de statuer sur le montant de l’indemnité due à Me A.________ dans sa décision finale (art. 135 al. 2, 421 al. 1 et 81 al. 4 let. b CPP) et de motiver sa décision sur ce point (art. 81 al. 3 let. a CPP).

2.2                   En effet, l’avocat d’office n’exerce pas un mandat privé, mais accomplit une tâche étatique soumise au droit public cantonal, qui lui confère une prétention de droit public à être rémunéré dans le cadre des normes cantonales applicables (ATF 141 IV 124 cons. 3.1 ; art. 135 al. 1 CPP). Les frais imputables à la défense d’office sont des débours (art. 422 al. 2 let. a CPP) ; ils constituent par conséquent des frais de procédure et doivent, conformément à l’article 421 alinéa 1 CPP, être fixés par l’autorité pénale dans la décision finale au plus tard. L’article 135 alinéa 2 CPP précise que le ministère public ou le tribunal statuant au fond fixe l’indemnité à la fin de la procédure. Les jugements de première instance doivent contenir dans leur exposé des motifs une motivation des frais (art. 81 al. 3 let. a CPP) et dans leur dispositif le prononcé relatif aux frais (art. 81 al. 4 let. b CPP) (Glassey, Contestations relatives à l’indemnisation de l’avocat d’office et du conseil juridique gratuit par les tribunaux de première instance : procédure et compétences in RJN 2019 15 ss, p. 21 s.).

2.3                   En omettant de statuer, dans l’ordonnance querellée, sur le montant de l’indemnité due à Me A.________ en sa qualité de défenseur d’office de la prévenue, d’une part, et sur la question de savoir si X.________ doit ou non rembourser cette indemnité à l’Etat dès que sa situation financière le permet, d’autre part (v. art. 135 al. 4 let. a et Glassey, op. cit., p. 23), le tribunal de police n’a pas respecté ces prescriptions. Cette omission, constitutive d’un déni de justice formel, aurait pu être corrigée d’office par le tribunal de police en application de l’article 83 al. 1 CPP, mais cette juridiction n’a pas fait usage de cette faculté, si bien qu’il se justifie d’admettre le recours et de renvoyer la cause au tribunal de police, avec pour instruction de compléter le dispositif et les considérants de l’ordonnance querellée. En effet, l’autorité de céans ne saurait statuer sur ces questions en première instance, sous peine de priver les parties du double degré de juridiction cantonal prévu par le législateur. Dans le cadre du renvoi, le tribunal de police est invité à arrêter le montant de l’indemnité due à Me A.________ pour son activité de défenseur de la prévenue durant la phase de l’instruction et pour l’activité déployée après la saisine du Tribunal de police. Le même tribunal tranchera la question de savoir si X.________ devait ou non rembourser cette indemnité à l’Etat dès que sa situation financière le permet, d’autre part (v. art. 135 al. 4 let. a et Glassey, op. cit., p. 23).

3.                                Les frais de la procédure de recours doivent être laissés à la charge de l’Etat (art. 428 al. 4 CPP).

L’Autorité de céans ne peut entrer en matière sur la conclusion du requérant tendant à l’octroi d’une indemnité de dépens. En effet, le droit à une telle indemnité se fonde sur l’article 434 al. 1 CPP et il est subordonné à ce que le requérant chiffre et justifie ses prétentions (art. 433 al. 2 CPP, applicable par analogie en application de l’art. 434 al. 1, dernière phrase), condition qui n’est pas réalisée en l’espèce.

Par ces motifs,
l'Autorité de recours en matière pénale

1.    Admet le recours.

2.    Renvoie le dossier au Tribunal de police en l’invitant à statuer sur le montant de l’indemnité due à Me A.________ en sa qualité de défenseur d’office de la prévenue X.________, d’une part, et sur la question de savoir si X.________ doit ou non rembourser tout ou partie de cette indemnité à l’Etat dès que sa situation financière le permet, d’autre part.

3.    Laisse les frais de la procédure de recours à la charge de l’Etat.

4.    N’entre pas en matière sur la demande du recourant tendant à l’octroi d’une indemnité de dépens.

5.    Notifie le présent arrêt à Me A.________, au Ministère public (MP.2019.3652-PNE-1/fh) et au Tribunal de police du Littoral et du Val-de-Travers, à Neuchâtel (POL.2020.181).

Neuchâtel, le 14 juillet 2020

Art. 81 CPP
Teneur des prononcés de clôture
 

1 Les jugements et autres prononcés clôturant la procédure contiennent:

a. une introduction;

b. un exposé des motifs;

c. un dispositif;

d. s’ils sont sujets à recours, l’indication des voies de droit.

2 L’introduction contient:

a. la désignation de l’autorité pénale et celle de ses membres qui ont concouru au prononcé;

b. la date du prononcé;

c. une désignation suffisante des parties et de leurs conseils juridiques;

d. s’agissant d’un jugement, les conclusions finales des parties.

3 L’exposé des motifs contient:

a. dans un jugement, l’appréciation en fait et en droit du comportement reproché au prévenu, ainsi que la motivation des sanctions, des effets accessoires ainsi que des frais et des indemnités;

b. dans un autre prononcé de clôture, les motifs du règlement de la procédure tel qu’il est envisagé.

4 Le dispositif contient:

a. la désignation des dispositions légales dont il a été fait application;

b. dans un jugement, le prononcé relatif à la culpabilité et à la sanction, aux frais, aux indemnités et aux éventuelles conclusions civiles;

c. dans un autre prononcé de clôture, l’ordonnance concernant le règlement de la procédure;

d. les décisions judiciaires ultérieures;

e. le prononcé relatif aux effets accessoires;

f. la désignation des personnes et des autorités qui reçoivent copie du prononcé ou du dispositif.

Art. 135 CPP
Indemnisation du défenseur d’office
 

1 Le défenseur d’office est indemnisé conformément au tarif des avocats de la Confédération ou du canton du for du procès.

2 Le ministère public ou le tribunal qui statue au fond fixent l’indemnité à la fin de la procédure.

3 Le défenseur d’office peut recourir:

a. devant l’autorité de recours, contre la décision du ministère public et du tribunal de première instance fixant l’indemnité;

b. devant le Tribunal pénal fédéral, contre la décision de l’autorité de recours ou de la juridiction d’appel du canton fixant l’indemnité.

4 Lorsque le prévenu est condamné à supporter les frais de procédure, il est tenu de rembourser dès que sa situation financière le permet:

a. à la Confédération ou au canton les frais d’honoraires;

b. au défenseur la différence entre son indemnité en tant que défenseur désigné et les honoraires qu’il aurait touchés comme défenseur privé.

5 La prétention de la Confédération ou du canton se prescrit par dix ans à compter du jour où la décision est entrée en force.

Art. 421 CPP
Décision sur le sort des frais
 

1 L’autorité pénale fixe les frais dans la décision finale.

2 Elle peut fixer les frais de manière anticipée dans:

a. les décisions intermédiaires;

b. les ordonnances de classement partiel;

c. les décisions sur recours portant sur des décisions intermédiaires et des ordonnances de classement partiel.

 

 

Art. 422 CPP
Définition
 

1 Les frais de procédure se composent des émoluments visant à couvrir les frais et des débours effectivement supportés.

2 On entend notamment par débours:

a. les frais imputables à la défense d’office et à l’assistance gratuite;

b. les frais de traduction;

c. les frais d’expertise;

d. les frais de participation d’autres autorités;

e. les frais de port et de téléphone et d’autres frais analogues.