A.                               a) Le 16 décembre 2019, X1________ et X2________ ont déposé plainte pénale à l’encontre de Y.________ pour escroquerie, subsidiairement abus de confiance. A l’appui de leur plainte, ils ont expliqué que X1________ avait, le 8 mars 2019, accordé un prêt de 200'000 francs, intérêt à 5% payable semestriellement et remboursable au plus tard le 31 décembre 2022, à la société A.________ SA et que X2________ avait accordé, le 20 mars 2019, un prêt de 150'000 francs aux mêmes conditions à cette société. Les prêteurs avaient octroyé ces sommes importantes en raison notamment de la notoriété dont jouissait Y.________ dans le domaine des neurosciences, ce dernier occupant la fonction d’administrateur de la société emprunteuse, avec signature individuelle. Selon les plaignants, Y.________ n’avait, toutefois, jamais eu l’intention, ni les moyens financiers de payer les mensualités convenues, sa société étant, selon eux, une coquille vide qu’il avait amenée rapidement à l’insolvabilité. En outre, ils soupçonnaient que les sommes prêtées aient été utilisées pour créer la société B.________ AG, à V.________(ZG), dont le capital de 100'000 francs avait été entièrement libéré, Y.________ assumant à nouveau une fonction dirigeante au sein de son conseil d’administration et disposant là aussi de la signature individuelle.

b) Le 23 janvier 2020, le Ministère public a ordonné l’ouverture d’une instruction pénale à l’encontre de Y.________ pour escroquerie, subsidiairement abus de confiance en raison des faits susvisés.

B.                               Le 20 février 2020, le Ministère public a ordonné le séquestre des valeurs patrimoniales déposées auprès de la banque I.________ banque I.________, soit le compte privé no [aaa] et le compte courant no [bbb] ouverts au nom de Y.________ ; les comptes courants no [ccc] et no [ddd] ouverts au nom de A.________ SA ; le compte consignation no [eee] ouvert au nom de C.________ ; les comptes courants no [fff] et no [ggg] ouverts au nom de D.________ SA. 

                        Le 20 février 2020, le Ministère public a également ordonné le séquestre des valeurs patrimoniales déposées sur divers comptes ouverts au nom de B.________ AG auprès de la banque P.________, soit le compte entreprise en CHF IBAN [xxxxxxxxxxxx] ; le compte entreprise en EUR IBAN [aaaaaaaaaaaa] ; le compte de consignation de capital en CHF IBAN CH [bbbbbbbbbbbb] (MP.2019.656/65-66).

                        Les séquestres portaient aussi sur le contenu des éventuels coffre-fort liés aux comptes précités. La justification des séquestres résidait dans le soupçon que les valeurs patrimoniales aient pu être obtenues au moyen d’actes punissables commis par le prévenu, respectivement qu’elles aient pu être épargnées par ce dernier grâce au produit d’actes punissables. Ces valeurs étaient ainsi séquestrées afin de servir de garantie des frais (art. 263 let. b CPP), d’être restituées aux lésés (art. 263 let. c CPP) et/ou d’être confisquées (art. 263 let. d CPP).

C.                               a) Le 2 mars 2020, Y.________, A.________ SA, D.________ SA, C.________ et B.________ AG ont recouru contre le séquestre des valeurs patrimoniales leur appartenant.

                        b) L’Autorité de céans a rejeté ces recours par arrêt du 25 mars 2020 en considérant notamment que l’instruction pénale était à un stade précoce et que, selon la plainte pénale, la société A.________ SA de Y.________ n’avait jamais respecté ni les termes de versements des intérêts, ni ceux des remboursements desdits prêts (après dénonciation de ceux-ci par les plaignants), Y.________ proposant uniquement aux plaignants de rembourser cette dette « sur l’honneur » à condition qu’il détienne une fortune personnelle de 1'500'000 francs d’ici 2024 ; que la tromperie, au sens de l’article 146 CP, pouvait notamment porter sur les intentions actuelles de l’auteur quant à son comportement futur ; que celui qui promettait une prestation sans avoir l’intention de l’exécuter agissait astucieusement parce qu’en promettant, il donnait le change sur ses véritables intentions, ce que la dupe était dans l’impossibilité de vérifier ; qu’en l’espèce, la question de l’existence d’une astuce (qui impliquait celle de savoir si Y.________ avait, dès le début des pourparlers contractuels avec les emprunteurs, l’intention de ne pas tenir les engagements qu’il prenait) était délicate ; qu’à ce stade de la procédure, il n’était pas possible d’affirmer que les recourants n’étaient responsables d’aucun acte pénalement répréhensible.

D.                               Y.________ a été interrogé en qualité de prévenu par la police neuchâteloise le 16 avril 2020. À cette occasion, il a contesté les accusations portées contre lui par X1________ et X2________, les qualifiant de fantaisistes et calomnieuses et précisant notamment avoir été l’unique apporteur d’affaires de A.________ SA (le chiffre d’affaires correspondait à la totalité de ses revenus d’auteur et conférencier) ; que E.________ et F.________ détenaient chacun 14% de cette société et en percevaient de hauts salaires, en leurs qualités respectives de directrice financière et des ressources humaines et de directeur général ; que les deux directeurs commerciaux qui avaient été engagés comme salariés par E.________ n’avaient apporté aucune clientèle à la société ; que deux brillants mathématiciens avaient aussi travaillé au service de A.________ SA ; détenir lui-même le solde des actions de cette société et n’en avoir jamais organisé l’insolvabilité ; que X1________ lui avait été présentée par son amie de longue date E.________ ; que c’est cette dernière qui était à l’initiative des prêts « X1________ » et « X2________ » et qui avait mené la négociation, à une époque où lui-même lui faisait toute confiance ; que par la suite, lui-même en était venu à soupçonner E.________ de pratiquer « la cavalerie », soit de contracter un nouveau prêt pour en rembourser un ancien, aggravant ainsi le surendettement ; que les prêts « X1________ » et « X2________ » ne l’engageaient pas en nom propre ; que E.________ en était responsable, vu son statut de directrice financière et coadministratice et son haut salaire ; avoir été présent lors de la signature des contrats de prêt, tout comme X1________, X2________, E.________ et F.________ ; n’avoir jamais rencontré les plaignants avant la signature des contrats de prêt ; ignorer ce qu’il était advenu des 350'000 francs prêtés ; s’être rendu dans les locaux de la police neuchâteloise pour réclamer une enquête à ce propos ; que E.________ et F.________ avaient délibérément détruit toutes les données enregistrées sur leurs ordinateurs professionnels et avaient possiblement commis un abus de confiance ; être lui-même la personne la plus flouée financièrement par l’état de A.________ SA ; que lui-même avait été le tout premier à prendre contact avec X1________, lorsqu’il avait eu connaissance de la volonté du premier client de A.________ SA – un client étranger que lui-même avait apporté – de cesser toute relation d’affaire avec cette société (car il soupçonnait E.________ et F.________ d’avoir agi contre ses intérêts), ce qui faisait peser des risques sérieux sur le prêt consenti par X1________ ; avoir, suite aux auto-licenciements de E.________ et F.________, été mis devant le fait accompli d’administrer seul A.________ SA et d’en faire analyser les comptes et la situation financière ; avoir demandé en urgence l’aide de la police à cette fin ; que cette analyse lui avait révélé des factures impayées, des irrégularités administratives et de TVA ; que c’était A.________ SA – et non lui-même – qui devait rembourser les plaignants.

Le jour de son interrogatoire, Y.________ a remis une liasse de documents à la police judiciaire. Le 16 avril 2020, le prénommé a transmis au Ministère public une prise de position de 39 pages et des annexes.

E.                               Entendue par la police le 29 avril 2020 en qualité de personne appelée à donner des renseignements, X1________ a déclaré avoir entendu parler de Y.________ par le biais de son compagnon X2________, qui « avait vu cette personne via le net » ; avoir ensuite regardé et trouvé intéressantes certaines de ses vidéos ; avoir été invitée par E.________ – qu’elle connaissait « depuis un moment », qui était « une amie » et qui travaillait avec Y.________ – à une conférence que ce dernier donnait dans le quartier (…) à Z.________(NE) au printemps 2018 ; avoir trouvé intéressante sa vision de l’agriculture (dépollution du sol, traitement de la terre) ; avoir assisté à une deuxième conférence au (…) à Z.________ ; avoir salué Y.________ après chacune de ces conférences, mais ne pas avoir discuté avec lui et ne pas l’avoir vu entre ces deux conférences ; avoir appris par E.________ que Y.________ allait ouvrir une entreprise en Suisse et s’être intéressée à cela, dans le cadre de ses discussions avec E.________ ; qu’elle était intéressée par les projets de A.________ SA et « souhaitait connaître l’avance des projets » ; avoir mangé dans les locaux de A.________ SA le 27 février 2019 avec « toute l’équipe », soit notamment E.________, F.________, Y.________, un mathématicien et un graphiste ; avoir dîné chez F.________ et son épouse le 5 mars 2019, en compagnie de X2________, E.________ et Y.________.

                        Au sujet de son prêt à la société A.________ SA, X1________ a déclaré que personne n’était venu la démarcher, mais qu’elle en avait eu elle-même l’idée ; qu’elle voulait placer de l’argent qu’elle avait touché suite au décès de son père, survenu en 2018 ; que comme elle était en lien avec E.________, « [s]a fiduciaire », elle avait « discuté avec elle de ce placement, ceci pour aider la planète » ; qu’elle en avait aussi parlé à X2________, mais pas directement avec Y.________ ; qu’à sa connaissance, le document relatif au prêt avait été fait par E.________ ; que les intérêts avaient été « calculés par rapport à la prise de risque » ; s’être renseignée sur la situation financière de A.________ SA ; que les prêts étaient censés « combler un trou d’air, du fait que de l’argent allait venir le combler », en provenance de l’étranger ; avoir signé le contrat le 8 mars 2019 « dans leurs locaux à U.________ (NE) » ; avoir eu « l’impression de donner quelque chose à quelqu’un qui pouvait faire quelque chose de plus [qu’elle] pour la planète » ; que X2________ avait signé le contrat le concernant le 20 mars 2019, à l’occasion d’un souper qui s’était fait chez le couple X1________-X2________ ; que par la suite, s’agissant de l’avancement des projets, F.________ les rassurait sur le fait que tout allait bien et que la société était saine ; qu’elle-même ne s’était « pas inquiétée sur les remboursements » ; que par la suite, à la fin du printemps ou en juin-juillet 2019, Y.________ lui avait dit par téléphone « que le client étranger demandait la démission de E.________ et F.________ » ; qu’elle-même et X2________ étaient choqués et tombés des nues du fait que « [l]’équipe de A.________ SA explosait » ; avoir par la suite eu des contacts avec E.________ et découvert des problèmes financiers et de liquidités ; que E.________ lui avait conseillé de prendre contact avec Me G.________ ; avoir ensuite eu quelques échanges avec Y.________ et lui avoir « demandé des nouvelles des projets » ; que les retours de ce dernier ne correspondaient pas à leurs attentes ; avoir eu l’impression qu’il se moquait d’elle parce qu’il n’avait pas l’intention de la rembourser.

F.                               Entendu par la police le 29 avril 2020 en qualité de personne appelée à donner des renseignements, X2________ a déclaré avoir vu par hasard vers fin 2017 des vidéos de Y.________ qui lui avaient bien plu ; que vers l’automne 2018, sa compagne X1________ lui avait dit avoir une amie qui travaillait dans le staff de Y.________ ; que lui-même et sa compagne avaient assisté à deux conférences à Z.________. Au printemps 2019, E.________ avait « évoqué un trou d’air », soit qu’il « manquait un peu d’argent dans la caisse » et qu’« [i]ls voulaient se recentrer sur un projet soit [xxxx], un logiciel » ; que X1________ avait prêté 200'000 francs à la société début mars 2019 et que lui-même avait prêté quelques jours après 150'000 francs à la même société « pour leur permettre de passer ce trou d’air, qu’ils puissent trouver des solutions en vue éventuellement de pouvoir travailler avec eux plus tard ». En juillet 2019, Y.________ les avait informés que la société allait tomber en faillite parce qu’une société à l’étranger avait décidé d’interrompre ses paiements tant que E.________ et F.________ seraient dans l’entreprise ; il leur avait proposé de patienter jusqu’en 2025.   

G.                               Entendue par la police le 14 mai 2020 en qualité de personne appelée à donner des renseignements, E.________ a déclaré que l’université étrangère avait signé avec A.________ SA un contrat « à hauteur de 1 million » pour développer un projet appelé « [xxxx] » ; que l’université avait eu des retards de paiement, si bien que A.________ SA avait eu « des soucis dans le paiement des salaires » ; avoir cherché en vain un financement auprès de banques et d’un institut suisse aidant les sociétés en contact avec l’étranger, si bien que la seule possibilité était le financement privé ; que son propre travail consistait à trouver des investisseurs privés ; que la société cherchait entre 600'000 et 1'000'000 francs ; que X1________, qui était une de « [s]es clientes du fiduciaire », était intéressée à investir un héritage perçu en 2019 dans les projets de Y.________ ; que pour rembourser X2________ et X1________, A.________ SA comptait sur l’argent provenant de l’étranger et sur les produits de la vente de « [xxxx] » ; que Y.________ avait pris une deuxième Tesla en leasing « [l]orsque l’argent de X1________ et X2________ est arrivé », bien qu’elle-même lui avait signifié sa désapprobation ; que Y.________ apportait des fonds à A.________ SA et qu’il estimait donc qu’il s’agissait de son argent ; que Y.________ avait « dû prendre de l’argent chez A.________ pour payer ses impôts» ; que A.________ SA devait aussi faire face à des « charges courantes trop élevées » ; que les dépenses étaient excédentaires par rapport aux entrées ; que Y.________ lui avait ordonné de licencier trois employés vers juin 2019 ; que le projet « [xxxx] » « en prenait un coup suite à ces licenciements » ; qu’elle-même et F.________ avaient été licenciés le 27 juillet 2019 ; que tous deux avaient rendu leurs clés, annulé leurs accès sur le serveur (mais pas effacé les données sur ce serveur) et étaient partis le même jour, se licenciant mutuellement et quittant le conseil d’administration.

H.                               Entendu par la police le 19 mai 2020 en qualité de personne appelée à donner des renseignements, F.________ a déclaré, au sujet des prêts accordés par X2________ et X1________, que A.________ SA manquait de liquidités, qu’elle cherchait de l’argent et que la possibilité s’était présentée d’en obtenir par ce couple ; que A.________ SA était toujours en manque de liquidités ; que ce phénomène était tout à fait normal, en ce sens qu’il y avait « toujours un décalage entre ses besoins et ses encaissements » ; que la société « tournait essentiellement autour » d’un gros contrat signé en janvier 2019 ; que A.________ SA devrait rembourser X2________ et X1________ ; ignorer pourquoi elle ne l’avait pas fait. F.________ a encore déclaré avoir eu des doutes sur l’approche du travail et sur les capacités du logiciel « [xxxx]» à faire acquérir à ses utilisateurs une connaissance rapide des langues. Après une séance avec une dame disposée à investir où Y.________ avait « pété un plomb », lui-même avait fait part à Y.________ de son souhait de « [s]’éloigner et partir ». Alors qu’il était à l’étranger, Y.________ avait téléphoné pour dire que le client étranger souhaitait le départ de F.________ et celui de E.________, à défaut de quoi il cesserait ses paiements. Lui-même et E.________ se sont alors licenciés, se sont désinscrits au registre du commerce et ont quitté les lieux. En partant, lui-même avait formaté le disque dur de son ordinateur, mais toutes les données restaient stockées sur le serveur.

I.                                 a) Le 19 juin 2020, l’avocat du prévenu a demandé au Ministère public d’ordonner la levée des séquestres.

                        b) Le 24 juin 2020, les plaignants ont conclu au maintien des séquestres.

                        c) Le 2 juillet 2020, le Ministère public a ordonné la levée des séquestres frappant les valeurs patrimoniales déposées sur les dix comptes cités plus haut (let. B), et ce dès l’entrée en force de sa décision. À l’appui de cette ordonnance, il a retenu et considéré que les prêts résultaient d’une initiative des plaignants et non de Y.________, lequel ne leur avait pas caché l’état des finances de A.________ SA ; que l’argent prêté – 350'000 francs au total – avait servi « principalement aux dépenses courantes de A.________ SA, soit à payer le loyer, les salaires, etc., comme cela avait été convenu dans les contrats de prêts conclus entre le prévenu et les plaignants » ; que l’enquête touchait actuellement à sa fin, seule une dernière audition du prévenu étant prévue, laquelle serait suivie par le rapport de la police judiciaire ; qu’une commission rogatoire internationale à l’étranger était en cours ; que malgré les nombreux actes d’enquête ayant été mis en œuvre, les soupçons à l’encontre du prévenu d’avoir commis une escroquerie, subsidiairement un abus de confiance envers les plaignants n’étaient pas suffisants pour maintenir les séquestres ; que le prévenu affirme connaitre actuellement une situation difficile en raison des séquestres, en ce sens qu’il n’est pas en mesure de payer le salaire des employés de ses sociétés et de son association.

                        d) Le 8 juillet 2020, X2________ et X1________ ont déclaré se porter partie civile contre Y.________, en rapport avec les prêts accordés à A.________ SA.

J.                                X1________ et X2________ recourent contre l’ordonnance de levée de séquestre le 8 juillet 2020, en concluant à ce que le dispositif du 2 juillet 2020 soit « cassé », sous suite de frais et dépens. La recourante demande en outre le blocage « [d]es comptes objets du dispositif de la décision querellée (1 à 7) jusqu’à droit connu au fond ».

Sur le fond, les recourants allèguent et font valoir que Y.________ a sciemment privé A.________ SA de tout revenu à partir d’août 2019 ; que le Ministère public a retenu arbitrairement que les 350'000 francs prêtés par les plaignants avaient servi principalement aux dépenses courantes de A.________ SA ; que Y.________ n’avait pas collaboré à l’instruction en déposant les pièces utiles ; qu’il n’avait notamment pas prouvé les difficultés financières alléguées.  

K.                               Par ordonnance du 9 juillet 2020, le président de l’Autorité de céans a notamment rejeté la demande d’effet suspensif/demande de blocage provisionnel déposée par la recourante ; rappelé qu’à mesure que la levée de séquestre était ordonnée dès l’entrée en force de la décision la prononçant, les valeurs patrimoniales visées par l’ordonnance querellée demeuraient séquestrées tant que la recourante n’avait pas retiré son recours ou tant que l’autorité de recours n’avait pas rejeté le recours ou refusé d’entrer en matière sur celui-ci ; invité le Ministère public et le mandataire du prévenu à présenter des observations éventuelles dans les 10 jours.

L.                               Le 17 juillet 2020, Y.________ conclut au rejet des recours. Il allègue et fait valoir qu’il était fondé à refuser de déposer le contrat conclu avec l’université étrangère tant qu’il n’avait pas l’accord exprès de celle-ci, vu le caractère confidentiel de ce document ; avoir déposé toutes les pièces comptables en sa possession ; que les plaignants opèrent un revirement argumentatif ; que « c’est jusqu’au moment où l’argent des plaignants a été totalement dépensé qu’il faut s’interroger et non ensuite » ; qu’en l’occurrence, « chacun se plaît à reconnaître que le montant des prêts a été consommé en 6 semaines environ (…), soit avant la rupture de confiance avec l’Université étrangère ».

C O N S I D E R A N T

1.                                a) Les recours ont été interjetés dans les formes et délai légaux (art. 393 al. 1 let. a et 396 al. 1 CPC). Les recourants sont parties plaignantes à la procédure et allèguent avoir subi respectivement un préjudice de 200'000 et 150'000 francs suite à la commission des infractions qu’ils ont dénoncées dans leur plainte. Ils disposent partant d’un intérêt juridiquement protégé au maintien des séquestres litigieux, au sens de l’article 382 al. 1 CPP. Les recours sont dès lors recevables.

                        b) L'autorité de céans jouit d'un plein pouvoir d'examen, en fait, en droit et en opportunité (art. 393 CPP), sans être liée par les motifs invoqués par les parties ni par les conclusions de celles-ci (art. 391 CPP).

2.                                a) Aux termes de l'article 263 al. 1 CPP, des objets et valeurs patrimoniales appartenant au prévenu ou à des tiers peuvent être mis sous séquestre lorsqu'il est probable qu'ils seront utilisés comme moyens de preuves (let. a), qu’ils seront utilisés pour garantir le paiement des frais de procédure, des peines pécuniaires, des amendes et des indemnités (let. b), qu’ils devront être restitués au lésé (let. c) ou qu'ils devront être confisqués (let. d). En tant que mesure de contrainte au sens de l’article 196 CPP, le séquestre ne peut être ordonné que lorsqu’il est prévu par la loi, que des soupçons suffisants laissent présumer une infraction, que les buts poursuivis ne peuvent pas être atteints par des mesures moins sévères et que la mesure apparaît justifiée au regard de la gravité de l'infraction (art. 197 al. 1 CPP). Si le motif de séquestre disparaît, le Ministère public ou le tribunal lève la mesure et restitue les objets et valeurs patrimoniales à l’ayant droit (art. 267 al. 1 CPP).

                        b) Le séquestre en vue de confiscation (art. 263 al. 1 let. d CPP) est une mesure conservatoire provisoire – destinée à préserver les objets ou les valeurs que le juge du fond pourrait être amené à confisquer – fondée sur la vraisemblance et qui se justifie aussi longtemps qu'une simple possibilité de confiscation en application du Code pénal semble, prima facie, subsister (ATF 139 IV 250 cons. 2.1 ; 137 IV 145 cons. 6.4 et les réf. citées). L'article 70 al. 1 CP autorise le juge à confisquer des valeurs patrimoniales qui sont le résultat d'une infraction, si elles ne doivent pas être restituées au lésé en rétablissement de ses droits. Inspirée de l'adage selon lequel « le crime ne paie pas », cette mesure a pour but d'éviter qu'une personne puisse tirer avantage d'une infraction (ATF 139 IV 209 cons. 5.3). Pour appliquer cette disposition, il doit notamment exister entre l'infraction et l'obtention des valeurs patrimoniales un lien de causalité tel que la seconde apparaisse comme la conséquence directe et immédiate de la première (ATF 140 IV 57 cons. 4.1 ; ATF 129 II 453 cons. 4.1). Lorsque l'avantage illicite doit être confisqué, mais que les valeurs patrimoniales en résultant ne sont plus disponibles – parce qu'elles ont été consommées, dissimulées ou aliénées –, le juge ordonne le remplacement par une créance compensatrice de l'Etat d'un montant équivalent. Le but de cette mesure est d'éviter que celui qui a disposé des objets ou valeurs à confisquer soit privilégié par rapport à celui qui les a conservés ; elle ne joue qu'un rôle de substitution de la confiscation en nature et ne doit donc, par rapport à celle-ci, engendrer ni avantage ni inconvénient. En raison de son caractère subsidiaire, la créance compensatrice ne peut être ordonnée que si, dans l'hypothèse où les valeurs patrimoniales auraient été disponibles, la confiscation eût été prononcée : elle est alors soumise aux mêmes conditions que la confiscation. Néanmoins, un lien de connexité entre les valeurs saisies et l'infraction commise n'est pas requis (ATF 140 IV 57 cons. 4.1.2). L'article 71 al. 3 CP permet à l'autorité de poursuite pénale de placer sous séquestre, en vue de l'exécution d'une créance compensatrice, des valeurs patrimoniales appartenant à la personne concernée, sans lien de connexité avec les faits faisant l'objet de l'instruction pénale (arrêt de l’Autorité de céans du 14.07.2017 [ARMP.2017.68] cons. 3 et 4). Ce n'est que dans le cadre du jugement au fond que seront examinés l'éventuel prononcé définitif de la créance compensatrice et sa possible allocation au lésé (cf. art. 73 al. 1 let. c CP) ; tant que l'instruction n'est pas achevée et que subsiste une possibilité qu'une créance compensatrice puisse être ordonnée, la mesure conservatoire doit être maintenue, car elle se rapporte à des prétentions encore incertaines (ATF 140 IV 57 cons. 4.1.2 et les réf. citées).

3.                       L’atteinte causée par une mesure de séquestre présuppose l’existence de présomptions concrètes à l’encontre de la ou des personnes visées par la procédure pénale. Au début de l’enquête, il est admis qu’un soupçon crédible ou un début de preuve de l’existence de l’infraction reprochée suffise à permettre le séquestre, ce qui laisse une grande place à l’appréciation du juge (Lembo/Julen Berthod in : CR CPP, 2e éd., n. 22 ad art. 263 et les références citées). Les probabilités d’une confiscation, respectivement du prononcé d’une créance compensatrice, doivent se renforcer au cours de l’instruction (ATF 122 IV 91 cons. 4 ; arrêts du TF du 05.07.2018 [1B_118/2018] cons. 4.1 et du 28.05.2018 [1B_194/2018] cons. 4.3).

3.1                   a) En l’espèce, sous l’angle de l’escroquerie, l’instruction a démontré que Y.________ n’avait adopté aucun comportement actif visant à approcher la recourante, à la démarcher ou à chercher de quelque manière que ce soit à obtenir un prêt de sa part. Lors de son audition par la police, la recourante a exposé que l’initiative de proposer un prêt à Y.________ venait d’elle, ce qui a été confirmé tant par X2________ que par E.________.

                         b) L’instruction n’a ensuite pas apporté le début d’un élément qui tendrait à asseoir la thèse selon laquelle, au moment de signer le contrat de prêt liant A.________ SA à X1________, Y.________ n’aurait d’emblée pas eu l’intention d’exécuter les prestations stipulées par A.________ SA, qu’il représentait. Cette thèse est affaiblie par le fait que l’initiative de ce contrat est celle de la plaignante et non celle du prévenu. Ensuite, il ressort des déclarations concordantes de X1________ et de X2________ que les prêteurs avaient été expressément informés que l’emprunteuse se trouvait dans une situation de manque de liquidités au moment du prêt. S’agissant de la capacité de A.________ SA à effectuer les prestations promises (soit le remboursement du prêt d’ici au 31 décembre 2022 et le service d’un intérêt de 5%, payable semestriellement), X1________ n’a procédé à aucune investigation approfondie et n’a requis aucune garantie, si bien que le prêt présentait un risque élevé, ce dont X1________ avait d’ailleurs conscience, puisqu’elle a déclaré lors de son interrogatoire : « [p]our les intérêts, ils ont été calculés par rapport à la prise de risque (…) on m’a dit que le taux était élevé mais possible par rapport à la prise de risque ». à l’occasion de son interrogatoire, X2________ a déclaré que lors de la séance de signature du contrat, Y.________ avait « parlé du contrat avec l’étranger, en disant que de l’argent allait arriver », soit 400'000 francs « d’ici la fin de l’année ». L’instruction a permis d’établir que ce projet étranger consistait à développer un logiciel ayant pour but l’apprentissage des langues (en ce sens notamment supra Faits, let. F, G et H). Or il ne ressort pas du dossier que X1________ aurait reçu des informations mensongères sur l’état d’avancement de ce projet, sur la capacité de A.________ SA de développer le logiciel sur lequel elle travaillait ou encore sur les garanties existant en rapport avec l’entrée des fonds étrangers. Dans ces conditions, à ce stade du dossier, il n’y a pas lieu de soupçonner que les recourants aient pu être amenés à prêter des fonds à A.________ SA du fait d’une tromperie astucieuse dont ils auraient été victimes ; au contraire, tout porte à croire qu’ils ont décidé librement d’investir des fonds dans un placement qu’ils devaient identifier comme très risqué, vu les informations dont ils disposaient (A.________ SA manquait de liquidités et elle n’avait qu’un seul client, ayant son siège à l’étranger). Le séquestre ne se justifie donc pas en relation avec des soupçons d’escroquerie, au sens de l’article 146 CP.

3.2                   a) Commet un abus de confiance, au sens de l'article 138 ch. 1 al. 1 CP, celui qui, pour se procurer ou pour procurer à un tiers un enrichissement illégitime, se sera approprié une chose mobilière appartenant à autrui et qui lui avait été confiée. Sur le plan objectif, l'infraction réprimée par cette disposition suppose l'existence d'une chose mobilière appartenant à autrui ; une autre personne que l'auteur doit avoir un droit de propriété sur la chose, même si ce droit n'est pas exclusif ; il faut encore que la chose ait été confiée à l'auteur, ce qui signifie qu'elle doit lui avoir été remise ou laissée pour qu'il l'utilise de manière déterminée dans l'intérêt d'autrui, en particulier pour la conserver, l'administrer ou la livrer selon des instructions qui peuvent être expresses ou tacites (ATF 120 IV 276 cons. 2 ; arrêt du TF du 03.05.2019 [6B_54/2019] cons. 2.1). L'acte d'appropriation signifie tout d'abord que l'auteur incorpore économiquement la chose ou la valeur de la chose à son propre patrimoine, pour la conserver, la consommer ou pour l'aliéner ; il dispose alors d'une chose comme propriétaire, sans pour autant en avoir la qualité (ATF 129 IV 223 cons. 6.2.1 ; 121 IV 25 cons. 1c ; 118 IV 148 cons. 2a).

                        b) Commet un abus de confiance au sens de l'article 138 ch. 1 al. 2 CP, celui qui, sans droit, aura employé à son profit ou au profit d'un tiers des valeurs patrimoniales qui lui avaient été confiées. Sur le plan objectif, l'infraction suppose qu'une valeur ait été confiée, autrement dit que l'auteur ait acquis la possibilité d'en disposer, mais que, conformément à un accord (exprès ou tacite) ou un autre rapport juridique, il ne puisse en faire qu'un usage déterminé, en d'autres termes, qu'il l'ait reçue à charge pour lui d'en disposer au gré d'un tiers, notamment de la conserver, de la gérer ou de la remettre (ATF 133 IV 21 cons. 6.2). Le comportement délictueux consiste à utiliser la valeur patrimoniale contrairement aux instructions reçues, en s'écartant de la destination fixée (ATF 129 IV 257 cons. 2.2.1). L'alinéa 2 de l'art. 138 ch. 1 CP ne protège pas la propriété, mais le droit de celui qui a confié la valeur à ce que celle-ci soit utilisée dans le but qu'il a assigné et conformément aux instructions qu'il a données ; est ainsi caractéristique de l'abus de confiance au sens de cette disposition le comportement par lequel l'auteur démontre clairement sa volonté de ne pas respecter les droits de celui qui lui fait confiance (ATF 129 IV 257 cons. 2.2.1 ; 121 IV 23 cons. 1c).

                        c) En l’espèce, les contrats signés par les recourants et les représentants de A.________ SA ne prévoient pas que les recourants conservent la propriété des fonds prêtés à A.________ SA, si bien qu’un abus de confiance au sens de l’article 138 ch. 1 al. 1 CP est d’emblée exclu. Quant à l’abus de confiance au sens de l’article 138 ch. 1 al. 2 CP, il est exclu du fait que le même contrat ne contient aucune instruction des recourants relative à la destination des fonds prêtés.

4.                     Les recourants accusent encore Y.________ de gestion déloyale au sens de l’article 158 CP – infraction non mentionnée dans la plainte du 16 décembre 2019.

4.1                   L'article 158 ch. 1 CP punit celui qui, en vertu de la loi, d'un mandat officiel ou d'un acte juridique, est tenu de gérer les intérêts pécuniaires d'autrui ou de veiller sur leur gestion et qui, en violation de ses devoirs, aura porté atteinte à ces intérêts ou aura permis qu'ils soient lésés (al. 1) ; le cas de la gestion déloyale aggravée est réalisé lorsque l'auteur a agi dans le dessein de se procurer ou de procurer à un tiers un enrichissement illégitime (al. 3). L'article 158 ch. 2 CP sanctionne celui qui dans le dessein de se procurer ou de procurer à un tiers un enrichissement illégitime, aura abusé du pouvoir de représentation que lui confère la loi, un mandat officiel ou un acte juridique et aura ainsi porté atteinte aux intérêts pécuniaires du représenté. Cette disposition sanctionne, d'une part, la gestion déloyale (cf. art. 158 ch. 1 CP) et, d'autre part, l'abus du pouvoir de représentation (cf. art. 158 ch. 2 CP).

4.1.1                 L'infraction de gestion déloyale au sens de l'article 158 ch. 1 CP suppose la réunion de quatre éléments, à savoir un devoir de gestion ou de sauvegarde, la violation de ce devoir, un dommage et l'intention. Seul peut avoir une position de gérant celui qui dispose d'une indépendance suffisante et qui jouit d'un pouvoir de disposition autonome sur les biens qui lui sont remis (ATF 129 IV 124 cons. 3.1 ; 123 IV 17 cons. 3b ; 120 IV 190 cons. 2b). Ce pouvoir peut se manifester non seulement par la passation d'actes juridiques, mais également par la défense, sur le plan interne, d'intérêts patrimoniaux ou par des actes matériels. Il faut cependant que le gérant ait une autonomie suffisante sur tout ou partie de la fortune d'autrui, sur les moyens de production ou le personnel d'une entreprise (ATF 123 IV 17 cons. 3b ; 120 IV 190 cons. 2b). Pour qu'il y ait gestion déloyale, il ne suffit pas que l'auteur ait été gérant, ni qu'il ait violé une quelconque obligation de nature pécuniaire à l'endroit de la personne dont il gère tout ou partie du patrimoine ; le terme de gestion déloyale et la définition légale de l'infraction exigent que l'obligation qu'il a violée soit liée à la gestion confiée (ATF 120 IV 190 cons. 2b ; 105 IV 307 cons. 3).

4.1.2                L'infraction d'abus du pouvoir de représentation au sens de l'article 158 ch. 2 CP suppose la réunion de quatre éléments, à savoir un pouvoir de représentation, l'abus du pouvoir, un dommage et l'intention. L'auteur doit avoir un pouvoir de représentation, découlant de la loi, d'un mandat officiel ou d'un acte juridique. Le comportement délictueux consiste à abuser du pouvoir de représentation, c'est-à-dire à l'employer sur le plan externe, dans un rapport avec autrui, mais en violation des règles internes fixant les limites et les buts du pouvoir conféré (FF 1991 II 1018 ; Corboz, Les infractions en droit suisse, vol. I, n. 15 ad art. 158). 

4.1.3                L'infraction de gestion déloyale n'est consommée que s'il y a eu un préjudice (ATF 120 IV 190 cons. 2b). Tel est le cas lorsqu'on se trouve en présence d'une véritable lésion du patrimoine, c'est-à-dire d'une diminution de l'actif, d'une augmentation du passif, d'une non-diminution du passif ou d'une non-augmentation de l'actif, ou d'une mise en danger de celui-ci telle qu'elle a pour effet d'en diminuer la valeur du point de vue économique; un préjudice temporaire suffit (ATF 121 IV 104 cons. 2c). 

4.2                   Selon le site du registre du commerce, A.________ SA, dont Y.________ est l’unique administrateur, a notamment pour but statutaire le développement de logiciels, progiciels et toutes activités associées, la recherche et le développement en mathématiques, intelligence artificielle, économie et bio-inspiration, le négoce de cryptodevises et le placement de capital risque, la recherche et le développement en économie, économétrie et développement durable. En sa qualité d’administrateur et d’actionnaire principal, Y.________ avait manifestement un devoir de gestion et de sauvegarde vis-à-vis de A.________ SA. Or l’instruction a mis en lumière un certain nombre de faits susceptibles de constituer une violation par Y.________ du devoir de gestion qui lui incombait

4.2.1                Premièrement, E.________ a déclaré que Y.________ considérait les actifs de A.________ SA comme les siens propres et qu’il les utilisait parfois dans son propre intérêt. Elle a notamment déclaré que Y.________ avait puisé dans la caisse de la société pour payer des dettes d’impôt dont il était personnellement redevable au fisc français. Un tel comportement, s’il devait être avéré, serait à première vue contraire aux intérêts patrimoniaux de la société, qui n’est en rien concernée par la dette fiscale de son actionnaire principal.

                        S’agissant de la prise en leasing d’une deuxième Tesla évoquée par E.________, son existence est confirmée par les pièces produites par la banque H.________. On peut se demander en quoi une Tesla était nécessaire ou même utile à A.________ SA et si l’un de ces véhicules ou ces deux véhicules ne servaient pas en réalité exclusivement à l’usage privé des administrateurs de la société. En effet, à première vue, on voit mal en quoi ces deux véhicules particulièrement onéreux – les pièces produites par la banque H.________ confirment les chiffres avancés par E.________, soit un apport de 4'000 francs et un loyer mensuel de plus de 1'000 francs pour une seule voiture – seraient utiles à l’activité d’une société dont le but est le développement d’un logiciel dans des locaux à S.________(NE) sur mandat d’une université étrangère. Cette impression est renforcée par le fait que E.________ a déclaré avoir désapprouvé cet usage des fonds, d’une part (ce qui laisse à penser que ce véhicule n’était pas utile à la société ou que les frais engagés étaient trop élevés en rapport avec le but visé), et que la prise en leasing de la deuxième Tesla avait été décidée après l’entrée des fonds X1________/X2________, et peut-être financée par ce biais, d’autre part.   

                        Vu les déclarations de Y.________, E.________ et F.________, on peut également douter que les salaires versés aux administrateurs de A.________ SA correspondaient à un travail effectif des personnes concernées en vue du développement du logiciel d’apprentissage des langues qu’aurait commandé l’université étrangère. Ces déclarations laissent au contraire à penser que les administrateurs ont pu extraire les actifs de A.________ SA en se versant des salaires disproportionnés par rapport à la nature et à l’intensité de leur travail en vue du développement du logiciel « [xxxx] ». À cet égard, Y.________ a notamment reproché à E.________ d’avoir perçu un salaire élevé sans travailler en contrepartie au service de A.________ SA, d’une part, et d’avoir, « par copinage », engagé deux directeurs commerciaux n’ayant jamais apporté le moindre client à A.________ SA. Il reproche aussi à F.________ de n’avoir rien fait pour A.________ SA. Si, lors de son audition, Y.________ a évoqué des personnes susceptibles d’avoir travaillé au développement du logiciel, soit une mathématicienne et un informaticien célèbre, ces personnes n’ont pas été entendues dans le cadre de la procédure et on ne trouve aucun contrat de travail à leurs noms au dossier. Il en va de même s’agissant de J.________ et de K.________, soit deux directeurs commerciaux accusés d’incompétence par Y.________, et de L.________, également mise en cause par le prévenu. En tout état de cause et quand bien même il rejette sur les autres associés et collaborateurs la responsabilité de l’« échec catastrophique » de A.________ SA, il n’est pas d’emblée exclu que Y.________ porte aussi une part de responsabilité – sous l’angle pénal –, vu sa qualité d’administrateur et d’actionnaire majoritaire de A.________ SA, si, comme il le prétend, les liquidités de A.________ SA ont été dilapidées dans l’engagement de personnel inutile et/ou incompétent, sans que lui-même n’intervienne.

                        L’instruction devra tâcher d’apporter la lumière sur ces points. Pour ce faire, les documents utiles – notamment la comptabilité et les comptes bancaires de A.________ SA – devront être requis et analysés afin de déterminer comment les liquidités de la société ont été dépensées. En l’état, des soupçons existent que les actifs de A.________ SA, lesquels provenaient de l’université étrangère (commanditaire du logiciel « xxxx » à hauteur d’un million de francs) selon les dires de E.________ et de F.________ et des prêts consentis par X1________ et X2________ à hauteur de 350'000 francs au total, aient pu être utilisés par les administrateurs de cette société dans leurs intérêts propres, et non dans l’intérêt de la société, soit notamment sans rapport avec le développement de « xxxx », défini par tous les administrateurs comme la mission première de la société au moment des faits. Autrement dit, il n’est en l’état pas exclu que les difficultés financières – notamment le manque de liquidités – de A.________ SA ne soient pas dues uniquement à des défauts de paiements de son principal client, soit l’université étrangère, ou à l’échec du développement et/ou de la commercialisation de « xxxx », mais qu’il soit dû en partie à une gestion déloyale de la part de ses administrateurs. Si tous ces administrateurs s’accordent à dire que A.________ SA manquait de liquidités, respectivement que les entrées d’argent servaient à payer les dettes en souffrance, on peine en l’état du dossier à se convaincre que les actifs de A.________ SA aient été affectés intégralement dans l’intérêt de la société, soit en vue du développement de « xxxx », et non en vue d’assurer les dépenses des administrateurs étrangères à ce but.

4.2.2                En second lieu, les déclarations de Y.________ selon lesquelles ce serait l’université étrangère – et non lui-même – qui aurait exigé la démission de X2________ et de X1________ ne sont pas prouvées et elles sont au demeurant assez peu crédibles. En effet, on voit mal que cette université ait voulu s’immiscer dans l’organisation interne de A.________ SA ; a priori, le client est intéressé par le développement du logiciel, mais non par l’organisation administrative de la société qu’il a mandatée en vue de ce développement, si bien que les partenaires dont la personnalité compte pour lui devraient plutôt être Y.________ et les mathématiciens et informaticiens chargés de développer le projet.

                        Le dossier ne contient pas d’accord signé par l’université étrangère. Ce document parait toutefois important, sous l’angle d’une possible infraction de gestion déloyale. Il pourrait renseigner sur l’identité du cocontractant (était-ce A.________ SA ou Y.________ ?), la question de savoir si l’université s’était engagée inconditionnellement à verser des avances à des termes déterminés (ou si les avances futures dépendaient par exemple de l’avancement du projet) et celle de savoir si l’université s’était engagée à verser ces avances à A.________ SA ou à Y.________. Dans cette perspective, si Y.________ devait avoir demandé à l’université de cesser ses paiements en faveur de A.________ SA (pour les verser directement à Y.________, à des sociétés contrôlées par lui ou à des tiers), alors que des paiements étaient dus à cette société, une infraction de gestion déloyale paraitrait aussi à première vue réalisée. Sur ce point encore, des investigations devront être menées.

4.2.3                Pourrait aussi constituer un indice de gestion déloyale le fait que Y.________ ait alimenté les comptes de A.________ SA au moyen des revenus de ses conférences et de la vente de ses livres, alors qu’il ne s’était pas contractuellement engagé à le faire. En effet et à mesure que Y.________ fait valoir ne pas être débiteur des prêts contractés par A.________ SA, il ne parait pas logique qu’il ait injecté des fonds personnels pour éponger les dettes de cette société. À ce stade de l’instruction, la cause la plus vraisemblable de ces versements réside donc dans la volonté de Y.________ de rembourser des prélèvements effectués pour ses propres besoins dans les actifs de A.________ SA, selon le mode opératoire mentionné au considérant 4.2.1 ci-dessus et/ou celui décrit au considérant 4.2.2. À tout le moins s’agit-il d’une situation dans laquelle on peut soupçonner l’administrateur de la société de confondre ses actifs personnels et ceux de la société.

4.2.4                Les raisons pour lesquelles la banque M.________ a décidé de résilier unilatéralement sa relation d’affaires avec N.________ SA, soit la société qui, selon Y.________, « a été rebaptisée A.________ » « à la suite d’une gestion hasardeuse » de E.________ pourraient aussi donner un éclairage sur les modes d’administration de Y.________ et E.________. En tout état de cause, cette résiliation fait planer des doutes quant à cette gestion et si Y.________ estimait « hasardeuse » la gestion de N.________ SA par E.________, on ne comprend guère pour quelles raisons il a souhaité poursuivre sa collaboration avec elle dans le cadre de A.________ SA.

4.2.5                Le fait que le procureur n’ait pas prononcé le classement de la cause, tout comme le contenu de sa lettre du 22 juin 2020 à l’avocat du prévenu et des tiers saisis démontre que le Ministère public estime qu’il existe des raisons de soupçonner Y.________ d’avoir commis des actes préjudiciables aux intérêts patrimoniaux de A.________ SA (et par ricochet de ses créanciers, si la société ne devait plus pouvoir honorer ses dettes). Vu les considérants qui précèdent, c’est à juste titre que le Ministère public cherche à déterminer de quelle manière les actifs de A.________ SA ont été dépensés (était-ce dans l’intérêt de la société, soit en vue du développement de « xxxx », ou dans l’intérêt personnel des administrateurs de la société et de leurs proches, cette dernière hypothèse pouvant être constitutive de gestion déloyale au sens de l’art. 158 CP). Dans ce cadre, l’analyse des documents comptables et bancaires de A.________ SA et des documents contractuels liant A.________ SA à ses clients, soit essentiellement l’université étrangère, parait opportune, tout comme des auditions complémentaires relatives à l’affectation des liquidités de A.________ SA. La question se pose notamment de savoir si Y.________ a payé ses impôts français au moyen des actifs sociaux et s’il a financé au moyen d’actifs sociaux le leasing d’une Tesla qu’il utilisait à des fins privées. De l’avis de la Cour de céans, ces soupçons de gestion déloyale sont suffisamment sérieux (voir les considérants qui précèdent) pour justifier le maintien des séquestres à ce stade de l’enquête. Contrairement à l’avis du prévenu, il n’y a pas lieu de limiter les investigations « jusqu’au moment où l’argent des plaignants a été totalement dépensé ».

5.                     Sous l’angle de la proportionnalité des séquestres, le Ministère public a retenu que le prévenu affirmait connaitre actuellement une situation difficile en raison des séquestres, en ce sens qu’il n’était pas en mesure de payer le salaire des employés de ses sociétés et de son association. Comme le relèvent à juste titre les recourants, ces allégués ne sont nullement prouvés. Rien au dossier ne permet de penser que A.________ SA aurait actuellement une activité opérationnelle ou des salariés. Quant à Y.________, il n’a pas sollicité l’assistance judiciaire, si bien qu’il bénéficie à l’évidence de revenus ou d’une fortune dont il peut disposer librement. Il a par ailleurs refusé de renseigner les autorités sur ses avoirs hors du territoire suisse. En tout état de cause, même s’ils étaient avérés, ces éléments ne justifieraient pas la levée des séquestres et il ne ressort du dossier aucun intérêt privé prépondérant qui exigerait la levée des séquestres litigieux.  

6.                     Vu l’ensemble de ce qui précède, les recours doivent être admis et l’ordonnance de levée de séquestres querellée doit être annulée.

                        Les frais du présent arrêt au fond sont arrêtés à 700 francs (art. 42 de la loi du 6 novembre 2019 fixant le tarif des frais, des émoluments de chancellerie
et des dépens en matière civile, pénale et administrative (
LTFrais, RSN 164.1). Ils doivent être mis à la charge du prévenu qui a participé à la procédure et qui a succombé (art. 428 al. 1 CPP). L’avance de frais effectuée par les recourants à hauteur de 1'000 francs doit leur être restituée à hauteur de 700 francs, vu les frais (300 francs) mis à la charge de la partie recourante dans le cadre de l’ordonnance du 9 juillet 2020.

                        L'article 433 al. 1 CPP permet à la partie plaignante de demander au prévenu une juste indemnité pour les dépenses obligatoires occasionnées par la procédure lorsqu'elle obtient gain de cause (let. a) ou lorsque le prévenu est astreint au paiement des frais conformément à l'article 426 al. 2 CPP (let. b). Cette disposition fonde le droit des recourants à une indemnité de dépens, à la charge du prévenu (art. 433 al. 1 et 436 al. 1 CPP ; arrêt du TF du 08.07.2013 [6B_234/2013] cons. 5.1). En l’espèce, la partie plaignante n’a pas respecté son obligation de chiffrer et de justifier ses prétentions, ancrée à l’article 433 al. 2 CPP, si bien que l’autorité de recours n’entrera pas en matière sur sa demande de dépens, comme prévu par la même disposition (2e phrase).

                        Le prévenu qui succombe n’a droit à aucune indemnité.

Par ces motifs,
L'AuTORITE DE RECOURS EN MATIERE PENALE

1.    Admet les recours et annule l’ordonnance de levée de séquestres querellée.

2.    Arrête les frais du présent arrêt à 700 francs et les met à la charge du prévenu Y.________.

3.    Invite le greffe à restituer aux recourants l’avance de frais effectuée à hauteur de 700 francs, étant précisé qu’une partie de l’avance effectuée (300 francs) est conservée vu les frais mis à la charge de la partie recourante dans le cadre de l’ordonnance du 9 juillet 2020.

4.    N'alloue pas de dépens.

5.    Notifie le présent arrêt au Ministère public (dossier MP.2019.6756) ; à Y.________, par Me O.________,; à X1________ et X2________, par Me G.________.

Neuchâtel, le 28 juillet 2020

 

Art. 138 CP
Abus de confiance
 

1. Celui qui, pour se procurer ou procurer à un tiers un enrichissement illégitime, se sera approprié une chose mobilière appartenant à autrui et qui lui avait été confiée,

celui qui, sans droit, aura employé à son profit ou au profit d’un tiers des valeurs patrimoniales qui lui avaient été confiées,

sera puni d’une peine privative de liberté de cinq ans au plus ou d’une peine pécuniaire.

L’abus de confiance commis au préjudice des proches ou des familiers ne sera poursuivi que sur plainte.

2. Si l’auteur a agi en qualité de membre d’une autorité, de fonctionnaire, de tuteur, de curateur, de gérant de fortunes ou dans l’exercice d’une profession, d’une industrie ou d’un commerce auquel les pouvoirs publics l’ont autorisé, la peine sera une peine privative de liberté de dix ans au plus ou une peine pécuniaire1.


1 Nouvelle expression selon le ch. II 1 al. 8 de la LF du 13 déc. 2002, en vigueur depuis le 1er janv. 2007 (RO 2006 3459; FF 1999 1787). Il a été tenu compte de cette mod. dans tout le Livre.

Art. 146 CP
Escroquerie
 

1 Celui qui, dans le dessein de se procurer ou de procurer à un tiers un enrichissement illégitime, aura astucieusement induit en erreur une personne par des affirmations fallacieuses ou par la dissimulation de faits vrais ou l’aura astucieusement confortée dans son erreur et aura de la sorte déterminé la victime à des actes préjudiciables à ses intérêts pécuniaires ou à ceux d’un tiers sera puni d’une peine privative de liberté de cinq ans au plus ou d’une peine pécuniaire.

2 Si l’auteur fait métier de l’escroquerie, la peine sera une peine privative de liberté de dix ans au plus ou une peine pécuniaire de 90 jours-amende au moins.

3 L’escroquerie commise au préjudice des proches ou des familiers ne sera poursuivie que sur plainte.

Art. 158 CP
Gestion déloyale
 

1. Celui qui, en vertu de la loi, d’un mandat officiel ou d’un acte juridique, est tenu de gérer les intérêts pécuniaires d’autrui ou de veiller sur leur gestion et qui, en violation de ses devoirs, aura porté atteinte à ces intérêts ou aura permis qu’ils soient lésés sera puni d’une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d’une peine pécuniaire.

Le gérant d’affaires qui, sans mandat, aura agi de même encourra la même peine.

Si l’auteur a agi dans le dessein de se procurer ou de procurer à un tiers un enrichissement illégitime, le juge pourra prononcer une peine privative de liberté de un à cinq ans.

2. Celui qui, dans le dessein de se procurer ou de procurer à un tiers un enrichissement illégitime, aura abusé du pouvoir de représentation que lui confère la loi, un mandat officiel ou un acte juridique et aura ainsi porté atteinte aux intérêts pécuniaires du représenté sera puni d’une peine privative de liberté de cinq ans au plus ou d’une peine pécuniaire.

3. La gestion déloyale au préjudice des proches ou des familiers ne sera poursuivie que sur plainte.

Art. 263 CPP
Principe
 

1 Des objets et des valeurs patrimoniales appartenant au prévenu ou à des tiers peuvent être mis sous séquestre, lorsqu’il est probable:

a. qu’ils seront utilisés comme moyens de preuves;

b. qu’ils seront utilisés pour garantir le paiement des frais de procédure, des peines pécuniaires, des amendes et des indemnités;

c. qu’ils devront être restitués au lésé;

d. qu’ils devront être confisqués.

2 Le séquestre est ordonné par voie d’ordonnance écrite, brièvement motivée. En cas d’urgence, il peut être ordonné oralement; toutefois, par la suite, l’ordre doit être confirmé par écrit.

3 Lorsqu’il y a péril en la demeure, la police ou des particuliers peuvent provisoirement mettre en sûreté des objets et des valeurs patrimoniales à l’intention du ministère public ou du tribunal.