A.                               X._________ est né en 1970 en France. Troisième d’une fratrie de cinq enfants, il a vécu dans la ferme familiale jusqu’à son départ pour l’armée vers l’âge de 20 ans. Il a obtenu un CAP (certificat d'aptitude professionnelle) et un BEP (brevet d’enseignement professionnel). Marié une première fois en 1997 (il avait rencontré sa première épouse alors qu’il travaillait comme ouvrier à côté de U.________) (NE), il a eu trois enfants qui vivent avec leur mère en France. La relation avec ces enfants est assez distante. Il a travaillé en France chez des agriculteurs, puis dans une usine. Il a ensuite été chauffeur-livreur. En raison de problèmes de santé, il a dû changer d’emploi et a repris une activité d’ouvrier. En 2002 il a fait la connaissance de son épouse actuelle, Y._________. Ils se sont mis en couple en 2005. Ils ont eu ensemble deux enfants, A._________ et B._________, nés en 2007 et 2010. Sa femme était déjà mère de sept enfants quand il l’a rencontrée. La famille a déménagé en Suisse en novembre 2013 et s’est installée à Z.________(NE). X._________ a travaillé comme ouvrier dans la région, puis a traversé une période de chômage de deux ans. En mai 2017, il a trouvé du travail comme ouvrier à W._________. Il s’est fait licencier à fin décembre 2017. Après une période de détention provisoire liée à la présente procédure, X._________ a retrouvé du travail et il occupe désormais un emploi d’ouvrier à V._________, d’une durée limitée au 30 juin 2019, avec la possibilité de trouver un nouvel engagement, selon lui sans difficulté. X._________ décrit une vie de famille agréable.

B.                               Le casier judiciaire suisse de X._________ ne mentionne pas d’inscription. Son casier judiciaire français fait état d’une condamnation pour une conduite d’un véhicule à moteur sans assurance en 2009.

C.                               Le 11 décembre 2017, Y2.________, née en 1992, l'une des filles de l'épouse de X._________, a pris contact avec l'office de protection de l'enfant (ci-après l'OPE) pour relater que sa sœur, Y1.________, née en 2003, lui avait confié avoir subi des attouchements de la part de son beau-père, à plusieurs reprises depuis août 2017.

D.                               Le 13 décembre 2017, le ministère public a ordonné l’ouverture d’une instruction pénale à l’encontre de X._________ pour actes d’ordre sexuel avec une enfant et contrainte sexuelle. Y1.________, sa sœur Y2.________ et sa mère Y._________ ont été entendues. Y1.________ a déposé plainte pénale. X._________ a été interpellé et interrogé le 13 décembre 2017 par la police, entendu le lendemain par la procureure et placé en détention provisoire par ordonnance du 15 décembre 2017. Le 9 mars 2018, le tribunal des mesures de contrainte (ci-après : TMC) a mis fin avec effet immédiat à la détention provisoire et ordonné les mesures de substitution suivantes : obligation de se soumettre à un traitement médical; obligation de se soumettre à un suivi de probation.

E.                               Entendu le 13 décembre 2017, X._________ a d'abord seulement admis avoir invité Y1.________ à venir dormir avec lui, après qu’ils avaient regardé la télévision ensemble sur le canapé, déclarant qu'il avait dû la caresser en dormant. Ensuite, il a notamment reconnu qu'il n'était pas endormi et qu'il l'avait caressée au niveau des seins, du pubis et du clitoris. Il a déclaré ne pas se souvenir avoir « doigté » l’adolescente. Il a indiqué avoir passé la main de celle-ci sur son sexe en érection. Les faits s’étaient produits à deux reprises, ou cinq à six fois, voire sept à huit fois selon les dires de Y1.________, mais dans ces derniers cas, il n’y avait pas eu d’attouchement systématique. Il a confirmé ces déclarations devant le ministère public. Lors d’un second interrogatoire par la police, le 6 mars 2018, X._________ a précisé que les faits ne s’étaient déroulés que quatre fois (il y avait réfléchi en prison), en mai, juin, septembre et novembre 2017 ; il avait caressé sa belle-fille les trois premières fois et ensuite il s’était endormi ; la quatrième fois, il l’avait touchée au niveau du clitoris. Il s’est aussi expliqué sur ses relations avec la sœur aînée de Y1.________, Y2.________ ; il a reconnu que, quelques années auparavant, il avait pris par erreur dans son sommeil la main de Y2.________, qu’il avait confondue avec celle de sa femme pour la poser sur son sexe.

F.                               Le 13 décembre 2017, Y1.________ a été emmenée par sa sœur Y2.________ aux urgences pédiatriques afin qu’un constat médical y soit effectué. Durant cette consultation et lors des rendez-vous ultérieurs, la jeune fille a refusé les examens gynécologiques. Elle a déclaré qu’il n’y avait jamais eu de pénétration pénienne ou digitale.

                        Le même 13 décembre 2017, Y1.________ a fait l’objet d’une décision de mesures superprovisionnelles de l’Autorité de protection de l’enfant et de l’adulte (ci-après : APEA), ordonnant son placement d’abord chez sa sœur Y2.________, puis en foyer d’accueil d’urgence. Une enquête sociale au profit des enfants du couple XY._________ a été diligentée. Le 19 décembre 2017, l’APEA a désigné Me C._________ en qualité de curatrice de représentation de Y1.________ dans le cadre de la procédure ouverte contre son beau-père. Le 12 février 2018, l’APEA a ratifié le placement de l’adolescente au GAU et institué une curatelle (art. 308 al. 1 et 2 CC) à l’égard de la prénommée. 

G.                               Durant l’instruction, une expertise judiciaire a été confiée au Dr D._________, directeur médical au Centre neuchâtelois de psychiatrie (ci-après : CNP). Celui-ci, assisté de E._________, médecin cheffe de clinique adjointe, a rendu son rapport le 5 mars 2018. Il conclut que X._________ souffre d’un trouble de la préférence sexuelle de pédophilie. Sa capacité de discernement demeurait conservée au moment des faits. Sa capacité à se déterminer d’après cette appréciation doit être considérée comme partiellement diminuée du fait du caractère compulsif du trouble dont il souffre. L’expertisé présente un risque faible de récidive sur le court terme, le risque de récidive d’agression sexuelle sur le moyen terme étant qualifié de faible à modéré. Le trouble psychique dont souffre l’expertisé et les faits poursuivis doivent être mis en relation. Le trouble psychique peut être traité par le biais d’une thérapie psychologique, éventuellement avec un appui pharmacologique. Le résultat de ce traitement est incertain. Le prévenu est prêt à s’y soumettre. L’expert préconise donc la mise en place d’un traitement au sens de l’article 63 CP, lequel peut être mis en œuvre pendant l’exécution de la peine.

                        Seule la plaignante a demandé un complément d’expertise. L’expert a rendu le 9 avril 2018 son rapport complémentaire, portant sur le risque de récidive.

H.                                 « Le ministère public a transmis son acte d’accusation au Tribunal criminel des Montagnes et du Val-de-Ruz le 24 mai 2018. Les faits reprochés à X._________ sont les suivants :

I.                   Actes d’ordre sexuel avec un(e) enfant (art. 187 ch. 1 al. 1 CP), contrainte sexuelle (art. 189 al. 1 CP)

1.              1.1      à Z.________, [aaaaa], au domicile familial,

                 1.2      dès mai-juin 2017 jusqu’à une date indéterminée, situé fin octobre, début novembre 2017, à réitérées reprises, mais au moins à 7 ou 8 reprises,

                 1.3      au préjudice de Y1.________, âgée de 14 ans (née en 2003), la fille de sa compagne Y._________, avec laquelle il fait ménage commun depuis 2002,

                 1.4      allant chercher Y1.________ dans son lit et lui demandant de le rejoindre dans le lit conjugal, profitant de l’absence de sa compagne,

                 1.5      la touchant partout sur le corps, lui massant les seins, lui touchant les fesses par dessus et par dessous les vêtements, une fois sur deux lui mettant un doigt dans le vagin, et le bougeant à l’intérieur, l’embrassant à quelques reprises sur la bouche, une fois en y mettant la langue,

                 1.6      à une reprise, lui avoir saisi la main pour la placer sur son sexe en érection sous les vêtements, tout en la touchant elle sur le corps,

                 1.7      en particulier, fin octobre, début novembre 2017, être allé la réveiller dans son lit, avoir commencé à la toucher sur tout le corps, alors qu’elle faisait semblant de dormir, lui avoir demandé de le suivre dans le lit conjugal, en l’absence de sa compagne, l’avoir touchée sur tout le corps, les fesses, les seins, par dessous son pyjama, lui avoir écarté les jambes alors qu’elle était couchée sur le dos, l’avoir tournée sur le côté, avoir continué de la toucher sur tout le corps, les seins, les fesses et le vagin, alors qu’elle lui demandait d’arrêter, avoir mis un doigt à plusieurs reprises dans son vagin, se tenant couché derrière elle en lui tenait le bras au niveau du poignet, pour l’empêcher de partir, cela durant environ 10 minutes, au cours desquelles elle a demandé plusieurs fois d’arrêter sans qu’il ne l’écoute, Y1.________ parvenant finalement à partir après lui avoir pincé la main gauche avec laquelle il la tenait. »

I.                                 Par décision du 29 mai 2018, le TMC a prolongé les mesures de substitution ordonnées à l’encontre de X._________.

J.                                Par décision du 19 juin 2018, le président du tribunal criminel a admis l’audition du témoin Y._________ et le dépôt de diverses pièces, notamment un extrait vierge du casier judiciaire français et des preuves de recherche d’emploi. Le tribunal a aussi requis de l’Office d’exécution des sanctions et de probation un rapport concernant le suivi des mesures de substitution, décrivant le traitement médical en cours et le suivi de celui-ci par le prévenu. Ce rapport a été déposé le 22 juin 2018. Le 28 juin 2018, la plaignante a déposé des conclusions civiles.

K.                               A l’audience du 29 juin 2018, Y._________ a été entendue et le prévenu interrogé. Ce dernier a en particulier déclaré qu’il avait repris la vie commune avec Y._________ et trois des enfants, que la plaignante, placée en début d’année au foyer F.________, était restée dans cette institution, qu'il n’avait pas de contact avec elle et qu'il avait retrouvé un travail. Il a confirmé qu’il admettait l’ensemble des faits qui lui étaient reprochés dans l’acte d’accusation, sous réserve d’avoir mis son doigt dans le sexe de Y1.________. Il a émis des regrets sur ce qu’il avait fait et souhaité que Y1.________ retourne à la maison « car c’est [s]a fille ».

L.                               Dans son jugement motivé, le tribunal criminel a retenu les faits au sens de l’acte d’accusation, y compris l’introduction répétée d’un doigt dans le sexe de Y1.________. A cet égard, le tribunal s'est fondé sur la crédibilité des déclarations de la plaignante, l'absence de conflit entre elle et le prévenu, l'absence d'indice de suggestion par un tiers, et la concordance pour l'essentiel des déclarations des parties. S'agissant de la contradiction relative à l'introduction d'un doigt dans le vagin, niée par le prévenu ainsi que par la plaignante devant les médecins, le tribunal a jugé que la contestation du prévenu n'était pas crédible, que la plaignante n'était pas forcément très au clair avec l'utilisation de vocabulaire en la matière et que de toute façon il ne fallait pas perdre de vue que le prévenu avait admis avoir caressé le clitoris de sa belle-fille. Il a considéré que les actes du prévenu tombaient sous le coup des articles 187 al. 1 et 189 al. 1 CP. Au moment de fixer la peine, le tribunal a tenu compte d'une culpabilité importante. Les actes commis étaient graves. Ils avaient eu lieu à plusieurs reprises durant une période assez courte. Le prévenu avait agi pour satisfaire ses pulsions. Il fallait retenir une responsabilité partiellement diminuée, sur la base de l'expertise psychiatrique judiciaire. Sous réserve d'une condamnation pour infraction au code de la route figurant dans le casier judiciaire français, le prévenu n'avait pas d'antécédent. Sa situation personnelle était mitigée, sans être défavorable. Le rapport de l'Office d'exécution des sanctions et de probation du 22 juin 2018 était positif : il y était indiqué que le prévenu se montrait régulier et ponctuel aux entretiens et qu'il était respectueux des cadres, y compris en ce qui concerne le suivi psychothérapeutique. Le prévenu formulait des regrets, mais paraissait se rendre difficilement compte du mal qu'il avait causé. Il avait fait preuve d'une relative franchise durant l'instruction. Sur le vu des éléments précités, le tribunal criminel a considéré qu'avant de prendre en compte la diminution liée à la responsabilité pénale, la peine théorique à prononcer représenterait une peine privative de liberté de 2 ans et demi. Avec la diminution de responsabilité ressortant de l'expertise, la peine privative de liberté a été arrêtée à 2 ans. Les facteurs liés au prévenu ont été qualifiés de neutres dans le cadre de la fixation de la peine. Les 87 jours de détention avant jugement ont été déduits. Les conditions du sursis étaient réunies et celui-ci a été accordé, avec un délai d'épreuve de 3 ans pour tenir compte d'un risque de récidive faible à modéré à moyen terme. Une assistance de probation a été ordonnée au vu des difficultés sociales rencontrées par le prévenu. Le maintien du sursis a été subordonné au respect par celui-ci des règles de conduite correspondant aux mesures de substitution en vigueur.

                        Enfin, le tribunal criminel a jugé que les conditions de l'expulsion obligatoire étaient réunies. Il a écarté l'existence de circonstances exceptionnelles permettant de renoncer à l'expulsion au sens de l'article 66a al. 2 CP. A cet égard, il a retenu que le prévenu était arrivé en Suisse en 2013 seulement. Il conservait des liens avec la France où se trouvaient sa mère, ses frères et sœurs et ses enfants aînés. Il avait eu le projet de retourner en France s'il ne trouvait pas de travail en Suisse. Il venait cependant d'obtenir un emploi dans notre pays, ce qui lui était favorable. Les actes délictueux étaient assez récents. Depuis cela, le comportement du prévenu avait été plutôt bon, mais il avait été détenu pendant une partie de la période. Son épouse et leurs deux enfants communs étaient de nationalité française. Le prévenu n'avait pas de lien particulier avec notre pays. Il n'y avait pas d'élément d'ordre médical qui s'opposerait à l'expulsion. Le prévenu ne rencontrerait aucune difficulté pour se resocialiser dans son pays d'origine. Il représentait un danger pour l'ordre et la sécurité publique puisqu'il était question d'un risque de récidive, à moyen terme, faible à modéré. Ainsi, l'expulsion du prévenu ne le placerait pas dans une situation personnelle grave et l'intérêt public à l'expulsion l'emportait sur l'intérêt privé du prévenu à demeurer en Suisse.

                        Il a été donné acte à Y1.________ de l'acquiescement du prévenu au paiement de la somme de 15'000 francs, avec intérêts à 5 % dès le 28 juin 2018, à titre de réparation morale.

M.                              a) X._________ appelle de ce jugement, en concluant à l'annulation du chiffre 7 du dispositif et à la renonciation à son expulsion, sous suite de frais et dépens.

                        Le ministère public interjette un appel joint limité à la quotité de la peine. Il requiert la condamnation du prévenu à une peine privative de liberté de trois ans dont un an ferme et deux ans avec sursis pendant deux ans, dont à déduire les jours de détention déjà subis. Le ministère public ne sollicite pas de preuve.

                        Par ordonnance de mesures de substitution à la détention pour motifs de sûreté du 5 octobre 2018, la présidente de la Cour pénale a ordonné au prévenu de continuer à se soumettre à un traitement thérapeutique et à un suivi de probation.

                        b) Durant la procédure d'appel, la plaignante a adressé à diverses autorités un courrier manuscrit daté du 3 octobre 2018. Elle y a écrit qu'elle ne souhaitait pas que le procès ait lieu et qu'elle voulait retirer sa plainte. Elle avait menti : les faits ne s'étaient passés qu'une seule fois, alors que son beau-père dormait et n'était pas conscient de ses actes. Sa sœur Y2.________ s'était servie d'elle.

                        La défense a déclaré former d'ores et déjà une demande de révision du jugement du 29 juin 2018 pour le cas où il serait considéré que Y1.________ était l'auteur du courrier et que celui-ci reflétait sa volonté. Elle a signalé une fugue de la plaignante du foyer où elle était placée, pour se rendre chez sa mère (croisant le prévenu), qui l’a reconduite à l’institution.

                        Interpellée par la direction de la procédure, la curatrice de représentation (par courrier du 5 novembre 2018) a indiqué que la jeune fille, par son courrier, avait voulu pourvoir tourner la page au plus vite, quitter l'institution où elle vivait dorénavant et reprendre sa vie avec sa mère et ses frères et sœurs. L'intéressée lui avait confirmé que les faits s'étaient en réalité déroulés à plusieurs reprises comme elle les avait décrits notamment à la police.

                        Le 20 novembre 2018, la défense a fait parvenir à la Cour pénale une deuxième lettre manuscrite de Y1.________, datée du 19 novembre 2018, contestant les dires de sa curatrice de représentation (adressée à l’avocat du prévenu « Bonjours l’avocat de X._______ ») et répétant que « sa s’étais passer 1 fois », qu’elle avait écouté sa sœur Y2.________ qui voulait se venger et déclarant « je vais grandir et enlever ma plainte ».

                        c) A l'audience du 21 novembre 2018, les débats ont été suspendus de manière à permettre l'audition de la plaignante par des policiers spécialisés, conformément aux règles de la LAVI.

                        Le prévenu a déclaré que les faits n'étaient arrivés qu'une fois ; qu’il s’était réveillé les mains dans la culotte de l’adolescente, qu’il avait renvoyée dans sa chambre ; qu'il se souvenait l’avoir caressée ; que lors de son premier interrogatoire par la police, il s’était imaginé des choses parce qu’il était sous pression ; qu'ensuite, il était en prison et pas bien dans sa tête ; que lors des entretiens avec l’expert, il était « parti dans les histoires [qu’il avait] racontées » ; qu'il s'était réconcilié avec la plaignante et n'envisageait pas de se séparer de sa femme.

                        Le 3 décembre 2018, les curateurs de Y1.________ ont fait parvenir à la Cour pénale un retrait de plainte signé par l'intéressée.

                        Le 4 février 2019, la police a rendu son rapport complémentaire concernant l'audition de Y1.________. L’intéressée avait expliqué, en bref, que « le retrait de plainte, c’est pour rentrer chez moi et parce qu’il dormait au moment des faits ».

                        d) A la suite d’une requête du ministère public, les parties ont eu la faculté de verser au dossier des copies de pièces tirées du dossier de l’APEA dont elles entendaient se prévaloir dans la procédure pénale.

                        e) A l’audience de ce jour, le prévenu et son épouse ont été entendus.

                        Le prévenu a confirmé qu'il n’y avait eu qu’un seul épisode avec sa belle-fille Y1.________ selon ses déclarations lors de l’audience du 21 novembre 2018. Il a exposé qu’il était en arrêt de travail depuis le 3 juin 2019 en raison de l’affaire, qui l’angoissait beaucoup ; que ça se passait bien avec son employeur ; que son contrat allait jusqu’au 30 juin 2019 ; qu’il était en train de chercher un nouvel emploi et qu’à cette époque de l’année, cela devrait être assez facile ; qu’à la maison l’ambiance était normale ; qu’il était déprimé ; que ça se passait bien avec Y1.________ ; qu’elle avait eu peur qu’il ne « l'engueule », ce qu’il n’avait pas fait ; qu’il s’était excusé parce qu’il avait mis sa main dans sa culotte, mais qu’il ne s'en souvenait pas ; qu’elle lui avait dit qu’il ne s’était rien passé d’autre ; qu’il avait essayé de parler de son somnambulisme à la police ou à l’expert, mais qu’on ne l’écoutait pas.

                        f) Dans son réquisitoire, la représentante du ministère public soutient que le retrait de plainte de la victime doit être considéré comme l’appel au secours d’une jeune fille qui se trouve en difficulté et n’a d’autre choix que de se rétracter. Le prévenu a admis les faits, à plusieurs reprises, sans être l’objet de pressions. Il y a banalisation indécente d’actes graves de la part de la mère. Celle-ci a choisi son camp ; elle a choisi sa famille et de ne pas quitter son mari. La victime, qui ne veut pas perdre les siens, n’avait pas d’autre choix que de se rétracter. Le dossier de l’APEA – voir notamment un e-mail du 7 mars 2019 d’un responsable d’unité socio-éducative du foyer se référant à un SMS dans lequel la mère expliquerait à l’adolescente qu’à cause d’elle, A._________ et B._________ ne pourraient plus manger à leur faim - montre les pressions qu’elle a subies, en particulier de la part de sa mère. Les faits se sont déroulés comme l’ont retenu les premiers juges.

                        En revanche, la peine infligée en première instance n’est pas assez lourde. Le prévenu, qui a agi dans un but exclusivement égoïste, n’a aucunement pris conscience de la gravité de ses actes. Les actes sexuels sont très graves, d’autant plus qu’ils ont été commis à l’encontre d’une personne faible. Ils ne doivent pas être banalisés. Il y a atteinte à l’intégrité physique et à la confiance placée dans ses parents par une enfant, qui s’est vue perdre sa famille qui la rendait responsable de la situation. L’expulsion doit être confirmée.

                        g) Pour la défense, personne ne dit qu’il ne s’est rien passé : le prévenu reconnaît qu'il a mis la main dans la culotte de l'adolescente, ce qui est choquant pour une jeune fille de 14 ans. Celle-ci est « en quelque sorte » une victime. Néanmoins, si le prévenu n’était pas conscient lors des faits, il n’y a pas d’intention et les préventions doivent être abandonnées.

                        S’agissant des faits, on se trouve face à deux versions : la première version du prévenu correspondant à la dernière version de la victime d'une part, d’autre part la première version de Y1.________ correspondant à la deuxième version du prévenu. Pour déterminer à laquelle de ces versions accorder la préférence, il faut appliquer le principe selon lequel le doute doit profiter à l’accusé. Si manipulations il y a eu, celles-ci émanent de Y2.________, très remontée contre le prévenu ; certes, il n’y a pas eu de pressions de la part de la police, mais il a été dit à l’intéressé (lors de l’audition du 13 décembre 2017) que, s’il reconnaissait les faits, le risque de collusion disparaissait et qu’il n’y avait plus de motif de détention préventive ; le prévenu est assez fruste ; il a eu l’impression d’être jugé à l’avance par tout le monde. Tant les éducateurs que la police ont cru les premières déclarations de Y1.________ et ont cherché à la conforter dans ses accusations ; durant le séjour en institution de l’adolescente, un éducateur relève toutefois que celle-ci ment tout le temps. Il n’est pas vraisemblable que, si les faits décrits dans l’acte d’accusation sont vrais, Y1.________ ait voulu retourner dans sa famille. On ne peut pas accorder trop de poids à l’e-mail adressé le 7 mars 2019 par le responsable d’unité socio-éducative du foyer d’accueil F.________ à la présidente de l’APEA, faute pour l’auteur dudit e-mail d’avoir été entendu selon les formes en qualité de témoin, et faute pour le SMS d’avoir été versé au dossier.

                        L’expulsion n’avait pas été requise par le ministère public en première instance. Il doit y être renoncé, en tenant compte de la situation de la famille, notamment des enfants scolarisés dans le canton. Y4._________ doit terminer son apprentissage. Y1.________ souhaite aussi rester en Suisse.

C O N S I D E R A N T

1.                                Interjetés dans les formes et délai légaux, appel et appel joint sont recevables.

2.                                Selon l'article 398 CPP, la juridiction d'appel jouit d'un plein pouvoir d'examen sur les points attaqués du jugement (al. 2). L'appel peut être formé pour violation du droit, y compris l'excès ou l'abus du pouvoir d'appréciation, le déni de justice et le retard injustifié, pour constatation incomplète ou erronée des faits et pour inopportunité (al. 3). La Cour pénale limite son examen aux violations décrites dans l'acte d'appel (art. 404 al. 1 CPP), sauf en cas de décision illégale ou inéquitable (art. 404 al. 2 CPP).

3.                                Les faits et leur qualification juridique ne font pas partie des points attaqués dans l’appel et l’appel joint. Les nouvelles déclarations de la victime, qui a retiré sa plainte, constituent néanmoins un élément propre à influencer en sa faveur l’appréciation de la culpabilité du prévenu – s’agissant d’infractions qui de toute façon se poursuivent d’office. La Cour pénale réexaminera donc les faits retenus par les premiers juges malgré l’absence d’appel sur ce point.

4.                                Deux dispositions cardinales doivent en l’espèce guider le juge dans l’appréciation des faits, à savoir l’article 10 CPP qui pose en son alinéa premier le principe de la présomption d’innocence, en son alinéa 2 la règle selon laquelle le tribunal apprécie librement les preuves recueillies selon l’intime conviction qu’il retire de l’ensemble de la procédure et qui consacre en son alinéa 3 le principe in dubio pro reo qui signifie que le doute doit toujours profiter au prévenu. Par ailleurs, le juge doit aussi tenir compte de l’article 160 CPP, qui commande de s’assurer de la crédibilité des déclarations d’un prévenu qui avoue.

                        a) La présomption d'innocence, garantie par les articles 14 § 2 Pacte ONU 2, 6 § 2 CEDH et 32 al. 1 Cst., ainsi que son corollaire, le principe in dubio pro reo, concernent tant le fardeau de la preuve que l'appréciation des preuves. En tant que règle relative au fardeau de la preuve, la présomption d'innocence signifie que toute personne prévenue d'une infraction pénale doit être présumée innocente jusqu'à ce que sa culpabilité soit légalement établie et, partant, qu'il appartient à l'accusation de prouver la culpabilité de celle-là (ATF 127 I 38 cons. 2a ; arrêt du TF du 30.06.2016 [6B_914/2015] cons. 1.1). Comme règle d'appréciation des preuves, le principe in dubio pro reo est violé si le juge du fond se déclare convaincu de faits défavorables à l'accusé sur lesquels, compte tenu des éléments de preuve qui lui sont soumis, il aurait au contraire dû, objectivement, éprouver des doutes; on parle alors de doute raisonnable (cf. ATF 120 Ia 31 ; arrêt du TF du 19.04.2016 [6B_695/2015] cons. 1.1). L'appréciation des preuves est l'acte par lequel le juge du fond évalue la valeur de persuasion des moyens de preuve à disposition et pondère ceux-ci afin de parvenir à une conclusion sur la réalisation ou non des éléments de fait pertinents pour l'application du droit pénal matériel. L'appréciation des preuves est dite libre, car le juge peut par exemple accorder plus de crédit à un témoin, même un prévenu dans la même affaire, dont la déclaration va dans un sens, malgré plusieurs témoins soutenant la thèse inverse; il peut fonder une condamnation sur un faisceau d'indices ; en cas de versions contradictoires, il doit déterminer laquelle est la plus crédible. En d'autres termes, ce n'est ni le genre ni le nombre de preuves qui est déterminant, mais leur force de persuasion (Verniory, in : CR CPP, n. 34 ad art. 10, et les références). Il convient de faire une évaluation globale de l'ensemble des preuves rassemblées au dossier, en s'attachant à la force de conviction de chaque moyen de preuve et non à la nature de la preuve administrée (cf. notamment arrêt du TF du 05.11.2014 [6B_275/2014] cons. 4.2).

                        b) L'aveu est une preuve ordinaire qui n'a pas de valeur particulière. Il permet la condamnation de l'auteur lorsque le juge est convaincu qu'il est intervenu sans contrainte et paraît vraisemblable. Face à des aveux suivis de rétractation, le juge doit procéder conformément au principe de la libre appréciation des preuves. Le juge doit donc en particulier se forger une conviction aussi bien sur les premières déclarations du prévenu que sur les nouvelles, valant rétractation, et apprécier les circonstances dans lesquelles celui-ci a modifié ses déclarations initiales (arrêt du TF du 24.03.2006 [6P.156/2005] cons.1.3 et les références citées ; voir aussi RJN 1995 p. 119).

5.                                Pour asseoir sa conviction, la Cour pénale prend en considération les éléments suivants :

·       Y1.________, en début d’instruction, était d’accord avec un placement en institution et son séjour au foyer d’accueil F.________ s’est bien déroulé. La situation a changé depuis son arrivée au foyer I.________ à l’été 2018. L’adolescente a fugué, s’est rendue chez sa mère à Z.________, où était aussi présent son beau-père, a passé des week-ends avec sa sœur Y3.___________ et a rompu avec sa sœur Y2.________ ; des passages en secret chez sa mère ont été notés.

·       Y1.________ est revenue sur ses précédentes déclarations, en particulier par les deux courriers des 3 octobre 2018 et 19 novembre 2018, semble-t-il précédés d’une première lettre du 17 août 2018 qui ne figure pas au dossier.

·       Le courrier du 3 octobre 2018 avait été écrit chez Y3.___________, sœur de Y1.________. Il a été envoyé à diverses autorités. Le courrier du 19 novembre 2018 semble avoir été rédigé chez Y._________. Il est adressé au mandataire du prévenu (voir cependant PV d’audition, devant la Cour pénale, de Y._________, qui nie que la lettre du 19 novembre 2018 ait été préparée chez elle). Celui-ci l’a reçu des mains du prévenu ou de sa femme, et non par la poste.

·       Après le courrier du 3 octobre 2018, Y1.________ a eu un entretien avec sa curatrice de représentation. A celle-ci, elle aurait déclaré qu’elle souhaitait alors pouvoir retourner à domicile, pour y retrouver sa mère et ses frères et sœurs, mais que les faits s’étaient bel et bien déroulés à plusieurs reprises.

·       Le 3 décembre 2018, Y1.________ a signé un retrait formel de plainte préparé par ses deux curateurs selon sa volonté.

·       Lors de son audition, menée selon les formes de la LAVI, du 28 janvier 2019, Y1.________ a expliqué qu’elle n’était pas d’accord avec la lettre de sa curatrice de représentation. L’adolescente avait oublié qu’elle avait rédigé deux lettres, singulièrement celle du 19 novembre 2018. Elle a supposé qu’elle devait être alors chez sa mère ; elle avait pris connaissance de la missive de sa curatrice de représentation chez sa mère, où il y avait du courrier sur la table. Elle voulait sortir du foyer, car rien ne bougeait. La lettre du 3 octobre 2018 avait été envoyée par sa sœur Y3.___________, mais celle-ci ne lui avait pas dit quoi écrire, lui corrigeant seulement les fautes. Ce n’était pas sa mère qui lui avait demandé d’écrire la lettre du 19 novembre 2018. Elle n’avait plus le souvenir d’avoir envoyé le courrier ou d’avoir écrit une adresse, pensant que c’était peut-être sa mère qui avait remis le pli à l’avocat de son beau-père. S’agissant des faits litigieux, Y1.________ a expliqué que son beau-père dormait et qu’elle savait qu’il avait des problèmes de sommeil. Sa sœur Y2.________ voulait une vengeance. Elle lui avait fait dire « des trucs » en allant dans « les détails ». Elle ne se souvenait plus de quels détails.

·       Un rapport d’un responsable d’unité du foyer - établi à la demande de la présidente de l’APEA, sur réquisition de la Cour pénale – relate que Y._________ aurait déclaré que Y1.________ n’aurait pas dû porter plainte contre son beau-père, que celui-ci avait fait une « grosse connerie » et que cela devait être « réglé dans le cadre de la famille ». Le rapport signale un SMS envoyé par sa mère à Y1.________ expliquant qu’à cause d’elle la famille n’avait plus d’argent et que ses petits frères et sœurs ne pouvaient plus manger à leur faim. Le rapport relate que, durant son placement, Y1.________ a confié tant aux éducateurs qu’aux autres enfants les abus sexuels qu’elle aurait subis en donnant des détails et qu’il a fallu la protéger de l’emprise familiale, le responsable pensant que si Y1.________ maintenait sa plainte contre son beau-père, il ne faisait aucun doute qu’elle perdrait toute sa famille et se retrouverait seule au monde, vu l’emprise de la mère sur le clan familial.

·       Un rapport d’une éducatrice du foyer I.________ – établi dans les mêmes circonstances que le rapport susmentionné – relate les rencontres autorisées et non autorisées entre Y1.________ et sa famille dès le 14 août 2018, en relevant que la jeune fille « ment sans cesse pour aller voir sa mère ».

·       Les circonstances dans lesquelles le retrait de plainte est intervenu sont aussi décrites dans un rapport du 14 décembre 2018 du curateur de Y1.________ à l’adresse de l’APEA ; on y voit que l’adolescente a repris des contacts nourris avec sa famille, qu’il n’est plus possible de faire respecter le droit de visite fixé par décision du 12 février 2018 (cf. consid. F ci-dessus) et que l’intéressée est très fâchée contre sa curatrice de représentation.

                        Les éléments qui précèdent montrent que le prévenu a confirmé ses aveux, avec certes quelques variations quant au nombre de fois où les faits se sont passés, à plusieurs reprises, auprès de la police, du ministère public, des experts, voire de son thérapeute après sa mise en liberté. En particulier, le prévenu a admis devant le tribunal criminel, où il n’était soumis à aucune pression indue, que les faits s’étaient déroulés à sept ou huit reprises. Il n’a pas contesté sa culpabilité devant la Cour pénale, jusqu’au moment où les lettres de rétractation de sa belle-fille sont parvenues à diverses autorités. Par ailleurs, le dossier ne montre aucune investigation médicale quant au somnambulisme invoqué par le prévenu, que les experts n’ont pas considéré comme un élément relevant – les détails fournis lors des aveux ne se concilient pas avec cette hypothèse – et que le CNP ne désigne pas comme tel, se bornant à relever l’affirmation du prévenu selon laquelle il était « entre la veille et le sommeil », donc qu'il pratiquait ses attouchements « quasiment sans se rendre compte » qu’il s’agissait de sa belle-fille et non de son épouse (attestation du 18.06.2019 déposée à l’audience de ce jour). Y1.________ s’est quant à elle exprimée en début de procédure de façon crédible, sans chercher à charger le prévenu, avec lequel elle n’était pas en conflit. La Cour pénale ne peut accorder foi aux rétractations de la victime, bien que renouvelées à plusieurs reprises. Lors de son audition devant la police le 28 janvier 2019, l’adolescente a déclaré ne pas se souvenir de sa dernière lettre, ce qui ne laisse pas de surprendre si son contenu correspond bien à la vérité. Que le courrier soit adressé à l’avocat du prévenu et lui ait été remis par le prévenu ou sa femme permettent aussi de mettre en doute l’indépendance de la jeune fille lors de la rédaction. La Cour pénale retient que c’est en raison de son éloignement de la maison, qui lui pesait, et sans doute sous l’influence de sa sœur Y3.___________ et de sa mère, que l’adolescente est revenue sur ses premières déclarations, en admettant toutefois un attouchement, correspondant dans les grandes lignes à celui dont sa sœur Y2.________ s’était plainte il y a quelques années. Comme l’intéressée l’a déclaré elle-même, son but était de pouvoir reprendre sa vie dans sa famille, en compagnie de ses frères et sœurs. Même si aucune peine privative de liberté ferme n’avait été prononcée par le tribunal criminel, la mesure d’expulsion ordonnée continuait à mettre en péril l’avenir économique et l’unité de la famille.

                        La Cour pénale retiendra donc, comme les premiers juges, les faits tels qu’ils sont décrits dans l’acte d’accusation. On peut se référer sur ce point au raisonnement du tribunal criminel (consid. C du jugement attaqué), qui n’est pas critiqué par la défense (art. 82 al. 4 CPP). 

6.                                Le prévenu ne conteste pas la qualification juridique des faits. La Cour pénale ne voit dans le raisonnement des premiers juges nulle violation du droit, de sorte que le jugement attaqué peut être confirmé sur ce point (art. 82 al. 4 CPP).

7.                                Le prévenu doit donc être reconnu coupable de contraintes sexuelles et d’actes d’ordre sexuels avec des enfants. La première infraction est passible d’une peine privative de liberté de 10 ans au plus ou d’une peine pécuniaire, la seconde d’une peine privative de liberté de 5 ans au plus ou d’une peine pécuniaire.

                        a) L'article 47 CP prévoit que le juge fixe la peine d'après la culpabilité de l'auteur. Il prend en considération les antécédents et la situation personnelle de ce dernier ainsi que l'effet de la peine sur son avenir (al. 1). La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l'acte, par les motivations et les buts de l'auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (al. 2).

                        b) Selon la jurisprudence (arrêt du TF du 30.01.2018 [6B_807/2017] cons. 2.1), la culpabilité de l'auteur doit être évaluée en fonction de tous les éléments objectifs pertinents, qui ont trait à l'acte lui-même, à savoir notamment la gravité de la lésion, le caractère répréhensible de l'acte et son mode d'exécution. Du point de vue subjectif, sont pris en compte l'intensité de la volonté délictuelle ainsi que les motivations et les buts de l'auteur. A ces composantes de la culpabilité, il faut ajouter les facteurs liés à l'auteur lui-même, à savoir les antécédents, la réputation, la situation personnelle (état de santé, âge, obligations familiales, situation professionnelle, risque de récidive, etc.), la vulnérabilité face à la peine, de même que le comportement après l'acte et au cours de la procédure pénale (ATF 142 IV 137 cons. 9.1 ; 141 IV 61 cons. 6.1.1).

                        c) Pour le Tribunal fédéral (arrêt du TF du 24.01.2017 [6B_335/2016] cons. 3.3.5), la culpabilité de l'auteur dont la responsabilité pénale est restreinte, au sens de l’article 19 al. 2 CP, est moins grande que celle de l'auteur dont la responsabilité est pleine et entière. Le principe de la faute exige dès lors que la peine prononcée en cas d'infraction commise en état de responsabilité restreinte soit inférieure à celle qui serait infligée à un auteur pleinement responsable. La peine moins sévère résulte d'une faute plus légère. Il ne s'agit donc plus d'une atténuation de la peine, mais d'une réduction de la faute. Dans une première étape, le juge doit apprécier la culpabilité relative à l'acte (et éventuellement fixer la peine hypothétique en résultant), comme s'il n'existait aucune diminution de responsabilité. Dans un deuxième temps, il doit motiver comment la diminution de responsabilité se répercute sur l'appréciation de la faute et indiquer la peine (hypothétique). Dans une dernière phase, cette peine est éventuellement augmentée ou diminuée en raison des facteurs liés à l'auteur. Le Tribunal fédéral rappelle aussi (arrêt du TF du 10.07.2012 [6B_246/2012] cons. 2.1.3) qu’en cas de tentative au sens de l’article 22 CP, l’atténuation de la peine – selon les critères de l’article 48a CP – n'est que facultative, mais que si le juge n'a pas l'obligation de sortir du cadre légal, il devrait tenir compte de cette circonstance atténuante en application de l'article 47 CP, la mesure de l'atténuation dépendant de la proximité du résultat et des conséquences effectives des actes commis.

                        d) Aux termes de l'article 49 al. 1 CP, si, en raison d'un ou de plusieurs actes, l'auteur remplit les conditions de plusieurs peines de même genre, le juge le condamne à la peine de l'infraction la plus grave et l'augmente dans une juste proportion. Il ne peut toutefois excéder de plus de la moitié le maximum de la peine prévue pour cette infraction. Il est en outre lié par le maximum légal de chaque genre de peine.

                        e) D’après la jurisprudence (ATF 144 IV 313 cons. 1.1.1), l'exigence, pour appliquer l'article 49 al. 1 CP, que les peines soient de même genre, implique que le juge examine, pour chaque infraction commise, la nature de la peine à prononcer pour chacune d'elle. Le prononcé d'une peine d'ensemble en application du principe de l'aggravation contenu à l'article 49 CP n'est ensuite possible que si le juge choisit, dans le cas concret, le même genre de peine pour sanctionner chaque infraction commise. Que les dispositions pénales applicables prévoient abstraitement des peines de même genre ne suffit pas. Si les sanctions envisagées concrètement ne sont pas du même genre, elles doivent être prononcées cumulativement. La peine privative de liberté et la peine pécuniaire ne sont pas des sanctions du même genre. La peine pécuniaire constitue la sanction principale dans le domaine de la petite et moyenne criminalité, les peines privatives de liberté ne devant être prononcées que lorsque l'Etat ne peut garantir d'une autre manière la sécurité publique. Lorsque tant une peine pécuniaire qu'une peine privative de liberté entrent en considération et que toutes deux apparaissent sanctionner de manière équivalente la faute commise, il y a en règle générale lieu, conformément au principe de la proportionnalité, d'accorder la priorité à la première, qui porte atteinte au patrimoine de l'intéressé et constitue donc une sanction plus clémente qu'une peine privative de liberté, qui l'atteint dans sa liberté personnelle. Le choix de la sanction doit être opéré en tenant compte au premier chef de l'adéquation de la peine, de ses effets sur l'auteur et sur sa situation sociale ainsi que de son efficacité du point de vue de la prévention. La faute de l'auteur n'est en revanche pas déterminante.

                        f) Le même arrêt (cons. 1.1.2) précise que lorsqu'il s'avère que les peines envisagées concrètement sont de même genre, l'article 49 al. 1 CP impose au juge, dans un premier temps, de fixer la peine pour l'infraction abstraitement – d'après le cadre légal fixé pour chaque infraction à sanctionner – la plus grave, en tenant compte de tous les éléments pertinents, parmi lesquels les circonstances aggravantes ou atténuantes. Dans un second temps, il augmentera cette peine pour sanctionner chacune des autres infractions, en tenant là aussi compte de toutes les circonstances y relatives. La jurisprudence avait admis que le juge puisse s'écarter de cette méthode concrète dans plusieurs configurations, mais le Tribunal fédéral est toutefois revenu sur ce point en soulignant que cette disposition ne prévoyait aucune exception.

8.                                a) S’agissant de la contrainte sexuelle au sens de l’article 189 al. 1 CP décrite au chiffre 1.7 de l’acte d’accusation, infraction abstraitement et concrètement la plus grave, la culpabilité relative aux actes commis est importante. L’auteur a porté atteinte à la liberté sexuelle d’une jeune fille de quatorze ans, confiée à sa garde, qu’il connaissait depuis qu’elle avait deux ans. Il a exercé de la force à la fois physique et psychique et n’a pas respecté les demandes de la victime pour qu’il s’arrête. Il a agi alors que la mère de l’adolescente était absente et il représentait pour la jeune fille la figure paternelle puisque le père de la victime était absent. Les actes commis ne sont pas anodins, notamment car il y eu insertion d’un doigt dans le vagin. Les motifs d’agir étaient exclusivement égoïstes. L’invraisemblable excuse du somnambulisme dénote une certaine lâcheté et un manque certain de conscience des effets de ses agissements sur ses victimes. L’auteur n’a pas contesté qu’il avait auparavant déjà commis un attouchement sur sa belle-fille Y2.________, ce qui ne l’a pas amené à éviter durant son sommeil la proximité physique avec les enfants l’entourant. Ces éléments commandent une sanction équivalant à un an. S’agissant du genre de la peine, le ministère public a d’emblée requis une peine privative de liberté et ce choix n’a pas été contesté par la défense. Compte tenu de la grave banalisation par l’auteur de son comportement, et du bien juridique protégé, il convient d’opter pour une peine privative de liberté plutôt qu’une peine pécuniaire. Une peine pécuniaire ne marquerait pas en l'espèce avec suffisamment de clarté le caractère inadmissible des actes perpétrés. La prise en compte des faits décrits aux points 1.2 à 1.5 et 1.6 de l'acte d'accusation conduit à fixer la peine à un an et trois mois – étant précisé que pour chacun des actes visés (étroitement liés entre eux du point de vue factuel et temporel) la privation de liberté s’impose aussi pour les raisons déjà mentionnées à propos du chiffre 1.7 de l’acte d’accusation. Le concours idéal avec les actes d’ordre sexuels sur un enfant, selon l’article 187 ch. 1 al. 1 CP, commande d’augmenter cette peine par paliers – selon le raisonnement exposé en relation avec la contrainte sexuelle – pour parvenir à un total de deux ans et six mois. En effet, le prévenu a porté atteinte au développement harmonieux d’une adolescente tout juste nubile. En niant et en banalisant ses actes, il a amené sa mère et la majorité de la famille à mettre en doute les déclarations de la jeune fille et à lui en vouloir de troubler l’harmonie du foyer ; sa victime a dû être placée en institution et s’est vue séparée de ses frères et sœurs à un moment crucial de son développement, tant sur le plan intime (premières règles) que professionnel (fin de la scolarité et choix d’une formation).

                        b) Il n’y a pas lieu de s’écarter des conclusions des experts qui retiennent une diminution de responsabilité. Le mandat d'expertise a en effet été confié à une personne qualifiée, avec la faculté notamment de faire appel à d'autres personnes travaillant sous sa responsabilité (l’expert a communiqué qu'il effectuerait son expertise avec la Dre E._________, médecin psychiatre en formation au CNP, ce qui n'a pas donné lieu à opposition). Le rapport d'expertise psychiatrique a été établi selon les règles de l'art. Il décrit le contexte de l'expertise et rappelle les faits et la position de l'expertisé par rapport aux actes commis ; il contient une anamnèse complète suivie d'une évaluation psychologique ainsi qu'un exposé des résultats de plusieurs épreuves psychométriques réalisées. Il pose un diagnostic selon la classification internationale des troubles méntaux et des troubles de comportement, CIM-10 sous la forme d'une pédophilie et précise que le manuel diagnostic et statistique des troubles métaux (DSM-IV-TR) permet également d'aboutir au diagnostic de pédophilie, sous la forme d'une pédophilie non exclusive. Ces diagnostics sont suivis d'une discussion (compréhension du cas) claire et complète et exempte de contradictions. Il est vrai que celle-ci n'aborde pas la problématique d'une éventuelle irresponsabilité totale ou responsabilité restreinte selon l'article 19 CP. Les experts ne précisent pas les éléments médicaux qui leur ont permis de mesurer le degré de responsabilité, ainsi que cela était demandé dans le mandat. Ce n'est qu'au moment de répondre à la question 2, qui porte sur le point de savoir s'il y avait irresponsabilité au sens de l'article 19 al. 1 CP, que les experts indiquent : « réponse : non, le trouble n’a pas diminué ou altéré les capacités de l’expertisé à apprécier le caractère illicite de ses actes ou de se déterminer d’après cette appréciation. La réitération et un certain degré de planification dans les comportements délictuels commis par l’expertisé signalent une bonne maîtrise de ses faits et gestes ainsi qu’un lien préservé avec l’environnement qui l’entourait. Il ne nie pas les faits commis. Malgré le fait que les troubles présentent un caractère compulsif, sa capacité à se déterminer d’après cette appréciation doit être considérée comme largement préservée ». A la question de savoir s’il y a responsabilité partielle au sens de l’article 19 al. 2 CP, les experts donnent la réponse suivante : « la capacité de discernement demeure conservée au moment des faits. Sa capacité à se déterminer d'après cette appréciation doit être considérée comme partiellement diminuée du fait du caractère compulsif du trouble dont il souffre ». Le ministère public n’a pas sollicité une explication ou un complément d’expertise à ce sujet. En effet, on comprend sans hésitation des réponses des experts qu’ils attribuent un caractère compulsif au trouble dont souffre l'expertisé, et que celui-ci diminue partiellement la capacité de ce dernier à se déterminer d’après son appréciation. On ne voit pas ce qui, dans le dossier, permettrait de retenir une autre solution.

                        Le tribunal criminel a estimé que la diminution de responsabilité permettait de retrancher six mois de privation de liberté à la peine à prononcer. Le ministère public ou la défense n’exposent pas en quoi cette appréciation serait contraire au droit fédéral. La Cour pénale peut s’y rallier.

                        c) En ce qui concerne les facteurs liés au prévenu, les premiers juges ont retenu une situation personnelle mitigée mais pas défavorable. Au plan professionnel, l’auteur a connu d’assez longues périodes sans emploi, mais il en a retrouvé un. Il est père de trois enfants nés en 1999, 1997 et 2001 qui vivent en France et avec qui il n’a plus guère de contact. Il vit avec ses enfants A._________ et B._________, nés en 2007 et 2010, qu’il a eus avec son épouse, laquelle est également mère de sept enfants plus âgés, dont la plaignante. Le rapport de l’office d’exécution des sanctions et de probation du 22 juin 2018 est positif. L’auteur respecte le cadre et évolue positivement, bien que des efforts conséquents soient encore à consentir. Comme les experts, les auteurs de ce rapport notent que l’intéressé a du mal à saisir les conséquences de ses actes sur autrui. Le rapport du CNP déposé à l’audience de ce jour montre que l’appelant se rend régulièrement aux entretiens fixés. La Cour pénale peut se rallier aux premiers juges pour estimer que les facteurs liés au prévenu sont neutres et n’amènent pas à revoir à la hausse ou à la baisse la peine de deux ans.

                        L’appelant a consulté en urgence le 4 juin 2019 en raison d’une altération de son état psychique due, selon son interrogatoire de ce jour, à l’angoisse liée à l’audience. En soi, cette angoisse, bien naturelle, ne permet pas de retenir une sensibilité accrue à la sanction (cf. Dupuis, Moreillon et al., PC CP, n° 11 ad art. 47 CP).

9.                                a) D’après l’article 42 al. 1 CP, dont la teneur n’a pas changé, en rapport avec le type de peine concerné, avec la révision entrée en vigueur le 1er janvier 2018, le juge suspend en règle générale l'exécution d'une peine privative de liberté de deux ans au plus lorsqu'une peine ferme ne paraît pas nécessaire pour détourner l'auteur d'autres crimes ou délits.

                        b) Le Tribunal fédéral considère (arrêt du TF du 23.02.2018 [6B_715/2017] cons. 1.1) que l'octroi du sursis au sens de l'article 42 CP est la règle et que pour formuler un pronostic sur l'amendement de l'auteur, le juge doit se livrer à une appréciation d'ensemble, tenant compte des circonstances de l'infraction, des antécédents de l'auteur, de sa réputation et de sa situation personnelle au moment du jugement, notamment de l'état d'esprit qu'il manifeste. Il doit prendre en considération tous les éléments propres à éclairer l'ensemble du caractère de l'accusé et ses chances d'amendement. Le défaut de prise de conscience de la faute peut justifier un pronostic défavorable, car seul celui qui se repent de son acte mérite la confiance que l'on doit pouvoir accorder au condamné bénéficiant du sursis.

                        c) Selon l’article 43 aCP, applicable car en vigueur lorsque les faits ont été commis, le juge peut suspendre partiellement l’exécution d’une peine privative de liberté d’un an au moins et de trois ans au plus afin de tenir compte de façon appropriée de la faute de l’auteur. La partie à exécuter ne peut excéder la moitié de la peine. En cas de sursis partiel à l’exécution d’une peine privative de liberté, la partie suspendue, de même que la partie à exécuter, doivent être de 6 mois au moins. Les règles d’octroi de la libération conditionnelle (art. 86 CP) ne sont pas applicables. Selon la jurisprudence (arrêt du TF du 11.12.2017 [6B_682/2017]), les conditions subjectives auxquelles l’article 42 CP soumet l’octroi du sursis intégral s’appliquent également à l’octroi du sursis partiel.

                        Le Tribunal fédéral rappelle aussi (arrêt du TF du 02.09.2016 [6B_1323/2015]) que, pour fixer la durée de la partie ferme et avec sursis de la peine, le juge dispose d’un large pouvoir d’appréciation. A titre de critère de cette appréciation, il y a lieu de tenir compte de façon appropriée de la faute de l’auteur. Le rapport entre les deux parties de la peine doit être fixé de telle manière que la probabilité d’un comportement futur de l’auteur conforme à la loi et sa culpabilité soient équitablement pris en compte. Ainsi, plus le pronostic est favorable et moins l’acte apparaît blâmable, plus la partie de la peine assortie du sursis doit être importante. Mais en même temps, la partie ferme de la peine doit demeurer proportionnée aux divers aspects de la faute. Ainsi la faute constitue au premier chef un critère d’appréciation pour la fixation de la peine (art. 47 CP) puis doit être pris en compte de manière appropriée dans un deuxième temps pour déterminer la partie de la peine qui devra être exécutée.

                        d) Pour le Tribunal fédéral, lorsqu’il est question de peine privative de liberté d’un à deux ans, le sursis au sens de l’article 42 CP s’impose en principe et le sursis partiel se conçoit comme une exception. Il faut en outre examiner si le sursis combiné avec une peine pécuniaire ou une amende suffit du point de vue de la prévention spéciale (ATF 134 IV 1). Le sursis partiel entre en ligne de compte si des motifs liés à la prévention spéciale justifient le fait de n’assortir du sursis qu’une partie de la peine (ATF 134 IV 1 ; 134 IV 60).

10.                             En l’espèce, le prévenu n’a qu’un seul antécédent, peu grave et datant de plus de cinq ans avant les faits, en matière de circulation routière (d'ailleurs radié du casier judiciaire français). Selon les experts, qui ont pris en considération la tendance de l’auteur à banaliser les faits (avant le retrait de plainte et les rétractations du prévenu, qu’on peut penser dictées par les circonstances), le risque de récidive à court terme est faible, faible à modéré sur le moyen terme. Les experts ont préconisé la mise en place d’un traitement médical ambulatoire, suivis en cela par le tribunal des mesures de contrainte qui a ordonné des mesures de substitution consistant en un traitement médical et un accompagnement de probation, auquel le prévenu s’est montré compliant. Il n’y a pas lieu de revenir sur ces mesures, qui ne sont pas contestées par la défense. Renoncer au sursis total au profit d’un sursis partiel n’est pas nécessaire pour des motifs de prévention spéciale. L’appel joint du ministère public doit être rejeté.

11.                             a) Aux termes de l’article 66a CP, le juge expulse de Suisse pour une durée de 5 à 15 ans l’étranger qui est condamné, quelle que soit la quotité de la peine prononcée à son encontre, notamment pour infractions aux articles 187 ch. 1 et 189 CP (art. 66 a al. 1 let. h CP).

                        Selon l'article 66a al. 2 CP, le juge peut exceptionnellement renoncer à une expulsion lorsque celle-ci mettrait l'étranger dans une situation personnelle grave et que les intérêts publics à l'expulsion ne l'emportent pas sur l'intérêt privé de l'étranger à demeurer en Suisse. A cet égard, il tiendra compte de la situation particulière de l'étranger qui est né ou qui a grandi en Suisse.

                        Les conditions pour appliquer l'article 66a al. 2 CP sont cumulatives. Afin de pouvoir renoncer à une expulsion prévue par l'article 66a al. 1 CP, il faut, d'une part, que cette mesure mette l'étranger dans une situation personnelle grave et, d'autre part, que les intérêts publics à l'expulsion ne l'emportent pas sur l'intérêt privé de l'étranger à demeurer en Suisse (arrêts du TF du 14.02.2019 [6B_1329/2018] cons. 2.2 ; du 29.01.2019 [6B_1262/2018] cons. 2.2 ; du 23.11.2018 [6B_209/2018] cons. 3.3 destiné à la publication). Comme le rappelle le Tribunal fédéral, le juge doit faire usage du pouvoir d'appréciation qui lui est conféré par une norme potestative dans le respect des principes constitutionnels. S'il devait refuser de renoncer à l'expulsion alors que les conditions de la clause de rigueur sont remplies, le principe de proportionnalité ancré à l'article 5 al. 2 Cst. serait violé (arrêt du TF précité [6B_1329/2018] cons. 2.2 ; arrêt du TF précité [6B_1262/2018] cons. 2.2 ; arrêt du TF précité [6B_209/2018] cons. 3.3 destiné à la publication).

                        b) La loi ne définit pas ce qu'il faut entendre par une « situation personnelle grave » (première condition cumulative) ni n'indique les critères à prendre en compte dans la pesée des intérêts (seconde condition cumulative).

                        Selon la jurisprudence, en recourant à la notion de cas de rigueur dans le cadre de l'article 66a al. 2 CP, le législateur a fait usage d'un concept ancré depuis longtemps dans le droit des étrangers. Compte tenu également du lien étroit entre l'expulsion pénale et les mesures du droit des étrangers, il est justifié de s'inspirer, de manière générale, des critères prévus par l'article 31 al. 1 de l'ordonnance relative à l'admission, au séjour et à l'exercice d'une activité lucrative (OASA ; RS 142.201) et de la jurisprudence y relative, dans le cadre de l'application de l'article 66a al. 2 CP. L'article 31 al. 1 OASA prévoit qu'une autorisation de séjour peut être octroyée dans les cas individuels d'extrême gravité. Elle commande de tenir compte notamment de l'intégration, du respect de l'ordre juridique suisse par le requérant, de la situation familiale, particulièrement de la période de scolarisation et de la durée de la scolarité des enfants, de la situation financière ainsi que de la volonté de prendre part à la vie économique et d'acquérir une formation, de la durée de la présence en Suisse, de l'état de santé ainsi que des possibilités de réintégration dans l'Etat de provenance. Comme la liste de l'article 31 al. 1 OASA n'est pas exhaustive et que l'expulsion relève du droit pénal, le juge devra également, dans l'examen du cas de rigueur, tenir compte des perspectives de réinsertion sociale du condamné (cf. arrêts du TF précités [6B_1329/2018] cons. 2.3.1 ; du 11.01.2019 [6B_1117/2018] cons. 2.3.1 ; arrêt du TF précité [6B_209/2018] cons. 3.3.2 destiné à la publication ; du 21.08.2018 [6B_371/2018] cons. 2.4 et 2.5 et les références citées).

                        En règle générale, il convient d'admettre l'existence d'un cas de rigueur au sens de l'article 66a al. 2 CP lorsque l'expulsion constituerait, pour l'intéressé, une ingérence d'une certaine importance dans son droit au respect de sa vie privée et familiale garanti par la Constitution fédérale (art. 13 Cst.) et par le droit international, en particulier l'article 8 CEDH (arrêt du TF précité [6B_1329/2018] cons. 2.3.1 ; arrêt du TF précité [6B_1262/2018] cons. 2.3.1 ; arrêt du TF précité [6B_1117/2018] cons. 2.3.1).

                        Selon la jurisprudence, pour se prévaloir du respect au droit de sa « vie privée » au sens de l'article 8 par. 1 CEDH, l'étranger doit établir l'existence de liens sociaux et professionnels spécialement intenses avec la Suisse, notablement supérieurs à ceux qui résultent d'une intégration ordinaire. Le Tribunal fédéral n'adopte pas une approche schématique qui consisterait à présumer, à partir d'une certaine durée de séjour en Suisse, que l'étranger y est enraciné et dispose de ce fait d'un droit de présence dans notre pays. Il procède bien plutôt à une pesée des intérêts en présence, en considérant la durée du séjour en Suisse comme un élément parmi d'autres et en n'accordant qu'un faible poids aux années passées en Suisse dans l'illégalité, en prison ou au bénéfice d'une simple tolérance (cf. ATF 134 II 10 cons. 4.3 p. 24 ; plus récemment arrêts du TF précité [6B_1329/2018] cons. 2.3.2 ; du 15.11.2018 [6B_965/2018] cons. 4.3 ; du 13.07.2018 [6B_296/2018] cons. 3.1).

                        Par ailleurs, les relations visées par l'article 8 par. 1 CEDH en matière de « vie familiale » sont avant tout celles qui concernent la famille dite nucléaire, soit celles qui existent entre époux ainsi qu'entre parents et enfants mineurs vivant en ménage commun (ATF 144 II 1 cons. 6.1 p. 12 ; 135 I 143 cons. 1.3.2 p. 146).

                        c) Un arrêt récent du Tribunal fédéral dit que le juge doit, dans chaque cas, examiner si l’Accord sur la libre circulation des personnes (ci-après : ALPC) entre la Suisse et les États membres de l’Union européenne empêche une expulsion pénale. Il s’agit essentiellement d’un examen de la proportionnalité de l’acte étatique en lien avec la restriction à la libre circulation des personnes au sein de l’ALPC. Le critère déterminant pour l’expulsion pénale est l’intensité de la mise en danger de l’ordre public, de la sécurité, de la santé ou du bien commun par la volonté criminelle qui se réalise dans les actes qui pourraient justifier une expulsion au sens de l’article 66a al. 1 CP (arrêt du TF du 22.05.2019 [6B_378/2018]).

12.                             En l’espèce, il n’est pas contesté que les conditions d’une expulsion obligatoire sont réunies au sens de l’article 66a al. 1 let. h CP, sous réserve du cas de rigueur et du respect de l’ALPC. Sur ces derniers points, la Cour pénale retient que l’auteur, ressortissant français, vit en Suisse avec sa famille depuis 2013. Il a connu une assez longue période de chômage, de début 2015 à début 2017. Il s’est fait licencier pour fin 2017 de l’emploi qu’il avait retrouvé. Il a ensuite décroché un nouveau poste. A part les liens avec sa femme et leurs enfants – tous de nationalité française -, il n’a pas d’attache avec la Suisse. Son épouse s’est installée quelques mois durant la procédure en France voisine, pour y scolariser leurs deux cadets. Avant de retrouver un travail en Suisse, le prévenu avait envisagé un retour en France. Il n’y a pas d’élément d’ordre médical qui s’opposerait à l’expulsion. On en déduit que l’expulsion du prévenu ne le placera pas – ni sa femme et leurs enfants – dans une situation personnelle grave, ainsi que l’ont retenu les premiers juges. Au besoin Y4._________ pourrait terminer son apprentissage soit en habitant en France voisine (si sa famille choisit à nouveau cette solution), soit en s’installant chez sa sœur Y3.___________, domiciliée en Suisse. Y1.________ n'a pour l'heure pas de projet de formation professionnelle. Enfin, dès lors qu’il existe un risque, certes faible à modéré sur le moyen terme, mais un risque tout de même, d’infractions graves, l’intérêt public à l’expulsion l’emporte sur l’intérêt privé du prévenu à demeurer en Suisse.

                        Le tribunal criminel a prononcé l’expulsion pour la durée minimale légale de cinq ans. Cet élément n’est pas remis en cause par le ministère public.

                        Selon l’article 66 CCP, l’expulsion s’appliquera dès l’entrée en force du jugement, sans tenir compte des règles de conduite applicables en Suisse pour le maintien du sursis (cf. Office fédéral de la justice, Commentaire de l’Ordonnance sur la mise en œuvre de l’expulsion pénale, p. 13).

13.                             Au vu de ce qui précède, appel et appel joint doivent être rejetés. L’appelant supportera les deux tiers des frais de justice. Le mandataire de X._________ a droit à une indemnité pour son activité. Le mémoire d’honoraires qu’il a déposé mentionne certains actes qui relèvent d’un travail de secrétariat ne pouvant être facturés. La durée de l’audience de ce jour a par ailleurs été sous-évaluée. Ces éléments se compensent, de sorte que le montant réclamé par l’avocat sera alloué. L’indemnité d’avocat d’office sera remboursable à raison des deux tiers par X._________, aux conditions de l’article 135 al. 4 CPP.

Par ces motifs,
la Cour pénale décide

vu les articles 19, 20, 42, 47, 49, 51, 66a CP, 135 al. 4, 428 ss CPP

1.    L’appel de X._________ est rejeté.

2.    L’appel joint du ministère public est rejeté.

3.    Les frais de la procédure d’appel, arrêtés à 3'000 francs, sont mis pour 2'000 francs à la charge de X._________, le solde étant laissé à la charge de l’Etat.

4.    L’indemnité d’avocat d’office due à Me H.________ est arrêtée à 6'526.70 francs, frais, débours et TVA compris ; elle sera remboursable à raison des 2/3 par X._________ aux conditions de l’article 135 al. 4 CPP.

Neuchâtel, le 19 juin 2019

Art. 47 CP
Principe
 

1 Le juge fixe la peine d’après la culpabilité de l’auteur. Il prend en considération les antécédents et la situation personnelle de ce dernier ainsi que l’effet de la peine sur son avenir.

2 La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l’acte, par les motivations et les buts de l’auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures.

Art. 49 CP
Concours
 

1 Si, en raison d’un ou de plusieurs actes, l’auteur remplit les conditions de plusieurs peines de même genre, le juge le condamne à la peine de l’infraction la plus grave et l’augmente dans une juste proportion. Il ne peut toutefois excéder de plus de la moitié le maximum de la peine prévue pour cette infraction. Il est en outre lié par le maximum légal de chaque genre de peine.

2 Si le juge doit prononcer une condamnation pour une infraction que l’auteur a commise avant d’avoir été condamné pour une autre infraction, il fixe la peine complémentaire de sorte que l’auteur ne soit pas puni plus sévèrement que si les diverses infractions avaient fait l’objet d’un seul jugement.

3 Si l’auteur a commis une ou plusieurs infractions avant l’âge de 18 ans, le juge fixe la peine d’ensemble en application des al. 1 et 2 de sorte qu’il ne soit pas plus sévèrement puni que si les diverses infractions avaient fait l’objet de jugements distincts.

Art. 66a1 CP
Expulsion
Expulsion obligatoire
 

1 Le juge expulse de Suisse l’étranger qui est condamné pour l’une des infractions suivantes, quelle que soit la quotité de la peine prononcée à son encontre, pour une durée de cinq à quinze ans:

a. meurtre (art. 111), assassinat (art. 112), meurtre passionnel (art. 113), incitation et assistance au suicide (art. 115), interruption de grossesse punissable (art. 118, al. 1 et 2);

b. lésions corporelles graves (art. 122), mutilation d’organes génitaux féminins (art. 124, al. 1), exposition (art. 127), mise en danger de la vie d’autrui (art. 129), aggression (art. 134);

c. abus de confiance qualifié (art. 138, ch. 2), vol qualifié (art. 139, ch. 2 et 3), brigandage (art. 140), escroquerie par métier (art. 146, al. 2), utilisation frauduleuse d’un ordinateur par métier (art. 147, al. 2), abus de cartes-chèques ou de cartes de crédit par métier (art. 148, al. 2), extorsion et chantage qualifiés (art. 156, ch. 2 à 4), usure par métier (art. 157, ch. 2), recel par métier (art. 160, ch. 2);

d. vol (art. 139) en lien avec une violation de domicile (art. 186);

e. escroquerie (art. 146, al. 1) à une assurance sociale ou à l’aide sociale, obtention illicite de prestations d’une assurance sociale ou de l’aide sociale (art. 148a, al. 1);

f. escroquerie (art. 146, al. 1), escroquerie en matière de prestations et de contributions (art. 14, al. 1, 2 et 4, de la loi fédérale du 22 mars 1974 sur le droit pénal administratif2), fraude fiscale, détournement de l’impôt à la source ou autre infraction en matière de contributions de droit public passible d’une peine privative de liberté maximale d’un an ou plus;

g. mariage forcé, partenariat forcé (art. 181a), traite d’êtres humains (art. 182), séquestration et enlèvement (art. 183), séquestration et enlèvement qualifiés (art. 184), prise d’otage (art. 185);

h.3 actes d’ordre sexuel avec des enfants (art. 187, ch. 1), contrainte sexuelle (art. 189), viol (art. 190), actes d’ordre sexuel commis sur une personne incapable de discernement ou de résistance (art. 191), encouragement à la prostitution (art. 195), pornographie (art. 197, al. 4, 2e phrase);

i. incendie intentionnel (art. 221, al. 1 et 2), explosion intentionnelle (art. 223, ch. 1, al. 1), emploi, avec dessein délictueux, d’explosifs ou de gaz toxiques (art. 224, al. 1), emploi intentionnel sans dessein délictueux (art. 225, al. 1), fabriquer, dissimuler et transporter des explosifs ou des gaz toxiques (art. 226), danger imputable à l’énergie nucléaire, à la radioactivité et aux rayonnements ionisants (art. 226bis), actes préparatoires punissables (art. 226ter), inondation, écroulement causés intentionnellement (art. 227, ch. 1, al. 1), dommages intentionnels aux installations électriques, travaux hydrauliques et ouvrages de protection (art. 228, ch. 1, al. 1);

j. mise en danger intentionnelle par des organismes génétiquement modifiés ou pathogènes (art. 230bis, al. 1), propagation d’une maladie de l’homme (art. 231, ch. 1), contamination intentionnelle d’eau potable (art. 234, al. 1);

k. entrave qualifiée de la circulation publique (art. 237, ch. 1, al. 2), entrave intentionnelle au service des chemins de fer (art. 238, al. 1);

l. actes préparatoires délictueux (art. 260bis, al. 1 et 3), participation ou soutien à une organisation criminelle (art. 260ter), mise en danger de la sécurité publique au moyen d’armes (art. 260quater), financement du terrorisme (art. 260quinquies);

m. génocide (art. 264), crimes contre l’humanité (art. 264a), infractions graves aux conventions de Genève du 12 août 19494 (art. 264c), autres crimes de guerre (art. 264d à 264h);

n. infraction intentionnelle à l’art. 116, al. 3, ou 118, al. 3, de la loi fédérale du 16 décembre 2005 sur les étrangers5;

o. infraction à l’art. 19, al. 2, ou 20, al. 2, de la loi du 3 octobre 1951 sur les stupéfiants (LStup)6.

2 Le juge peut exceptionnellement renoncer à une expulsion lorsque celle-ci mettrait l’étranger dans une situation personnelle grave et que les intérêts publics à l’expulsion ne l’emportent pas sur l’intérêt privé de l’étranger à demeurer en Suisse. À cet égard, il tiendra compte de la situation particulière de l’étranger qui est né ou qui a grandi en Suisse.

3 Le juge peut également renoncer à l’expulsion si l’acte a été commis en état de défense excusable (art. 16, al. 1) ou de nécessité excusable (art. 18, al. 1).


1 Introduit par le ch. I 1 de la LF du 20 mars 2015 (Mise en oeuvre de l’art. 121, al. 3 à 6, Cst. relatif au renvoi des étrangers criminels), en vigueur depuis le 1er oct. 2016 (RO 2016 2329; FF 2013 5373).
2 RS 313.0
3 Erratum de la CdR de l’Ass. féd. du 28 nov. 2017, publié le 12 déc. 2017 (RO 2017 7257).
4 RS 0.518.12; 0.518.23; 0.518.42; 0.518.51
5 RS 142.20
6 RS 812.121