Arrêt du Tribunal Fédéral

Arrêt du 28.10.2020 [6B_825/2020]

 

 

 

 

 

A.                               a) X.________, né en 1999 et donc actuellement âgé de 21 ans, est ressortissant de la République dominicaine. En décembre 2017, il a déclaré qu’il n’avait pas de formation, vivait officiellement chez sa mère (tout en logeant « un peu à droite à gauche ») et dépendait des services sociaux, qui lui versaient 1'117 francs par mois ; sur ce montant, il donnait la moitié à sa mère pour son loyer ; il avait des dettes et sûrement des poursuites, mais il n’en connaissait pas le montant. En 2017, il avait vécu pendant quelques mois dans un hôtel à Z.________, où les services sociaux l’avaient placé. Devant le ministère public, le 19 mars 2019, X.________ expliquait qu’il avait vécu en République dominicaine jusqu’en 2011, avec ses grands-parents maternels et son père ; il y fréquentait une école privée ; il était ensuite venu en Suisse avec son frère et sa sœur, pour y rejoindre leur mère, qui s’y trouvait déjà depuis quelques années ; il avait suivi l’école obligatoire, mais pas accompli d’apprentissage ; il avait vécu un temps dans un foyer fermé, en raison de problèmes avec la justice ; comme occupation professionnelle, il n’avait fait qu’une fois un stage, à V.________ ; il avait eu un enfant, né en 2019, avec sa copine et était sur le point de déménager pour s’installer avec elle, dans un appartement que les services sociaux devaient leur trouver ; sa mère avait résilié le bail de l’appartement et il ne voulait plus vivre avec elle ; sa copine avait toujours bénéficié de l’aide sociale, sauf pendant qu’elle occupait un emploi temporaire dans l’entreprise de son père ; lui-même ne recevait plus l’aide sociale depuis une année environ et ses besoins étaient couverts par sa mère ; il cherchait un emploi, soit un apprentissage de cuisinier, mécanicien ou vendeur de vêtements ; il n’était pas retourné en République dominicaine depuis trois ans environ et n’avait plus beaucoup de contacts avec son père, le dernier contact avec lui étant une conversation téléphonique suite à la naissance de l’enfant. Le 6 mai 2019, X.________ indiquait encore à la police que tout se passait bien avec la mère de son enfant, qu’il ne travaillait pas et qu’il ne touchait pas d’argent des services sociaux ; selon lui, il avait alors des poursuites pour 25'000 francs. Il résultait en outre du dossier que l’intéressé avait séjourné en République dominicaine entre août 2014 et janvier 2015 et qu’il s’y était alors rendu dans l’intention première de s’y installer.

                        b) Pendant sa minorité, X.________ a bénéficié d’une curatelle au sens de l’article 308 al. 1 CC. Par décision du 22 janvier 2018, l’Autorité de protection de l’enfant et de l’adulte, a, puisque l’intéressé avait atteint l’âge adulte, mis fin à cette mesure et institué, à la place, une curatelle de représentation et de gestion.

                        c) Une procédure de renouvellement de l’autorisation de séjour de X.________ est en cours ; jusqu’à une décision définitive, l’intéressé est autorisé à séjourner en Suisse.

                        d) Le casier judiciaire de X.________ fait état de trois condamnations :

                        - 31 octobre 2017 : 10 jours-amende sans sursis et amende de 500 francs pour voies de fait et dommages à la propriété ;

                        - 8 février 2018 : 20 jours-amende avec sursis pendant 2 ans et 300 francs d’amende pour conduite d’un véhicule sans moteur en état d’incapacité, violence ou menace contre les autorités et les fonctionnaires et délit et contravention contre la loi sur les stupéfiants (peine complémentaire à la précédente) ;

                        - 18 janvier 2019 : 90 jours-amende avec sursis pendant 2 ans pour émeute, dommages à la propriété et violence ou menace contre les autorités et les fonctionnaires (peine complémentaire aux deux autres).

                        e) Il ressort en outre du dossier que, par jugement du 18 octobre 2016, le Tribunal pénal des mineurs, à La Chaux-de-Fonds, a condamné X.________ à une peine privative de liberté de 9 mois sans sursis, le prévenu étant maintenu en détention, pour trois vols de motos/quadricycles, un brigandage, de nombreux dommages à la propriété, trois autres vols, des actes d’ordre sexuel avec un enfant et diverses contraventions ; avant jugement, le prévenu avait été placé dans l’établissement de (...) durant 159 jours, dont 122 jours de fugue, et détenu pendant 196 jours. Le jugement mentionnait qu’une ordonnance pénale avait déjà été décernée en 2013 contre l’intéressé. Le dossier contient par ailleurs une copie d’une ordonnance pénale rendue le 7 février 2017 par le juge des mineurs, condamnant X.________ à 50 francs d’amende pour détention de marijuana, ainsi qu’une ordonnance pénale du 28 mars 2017, également rendue par le juge des mineurs, condamnant l’intéressé à une peine privative de liberté ferme de 30 jours pour contrainte, séquestration et consommation de cannabis.

B.                               Suite à une enquête de police, le ministère public a ouvert le 30 novembre 2018 une instruction contre X.________. En raison de faits nouveaux, cette instruction a été étendue les 18 décembre 2018, 4 mars 2019 et 20 mai 2019. Le prévenu a admis certains faits et en a contesté d’autres.

C.                               « Par acte d’accusation du 18 juin 2019, le ministère public a renvoyé X.________ devant le tribunal de police, en lui reprochant les infractions suivantes :

I.            Vol simple (art. 139 ch. 1 CPS), dommages à la propriété (art. 144 CPS) et violation de domicile (art. 186 CPS)

1.              1.1.           à Z.________, rue (…) (cf. rapport de constat du 27 juillet 2017,

1.2.           entre le dimanche 9 juillet et le mardi 18 juillet 2017,

1.3.           agissant de concert avec A.________, lequel est mineur,

1.4.           dans un dessein d’enrichissement illégitime,

1.5.           au préjudice de B.________, laquelle a déposé plainte pénale,

1.6.           avoir pénétré sans droit dans le studio de B.________, en brisant la vitre nord du studio, causant des dommages estimés à CHF 1'100 (réparation de la vitre et installation de panneaux pour sécuriser le studio),

1.7.           soustrait les valeur et objets suivants pour un montant total estimé de CHF 1’800

1.7.1.        1 télévision de marque Sony (valeur estimée de CHF 700)

1.7.2.        5 colliers en or (valeur non estimée)

1.7.3.        3 bagues en or (valeur non estimée)

1.7.4.        de l'argent en espèces, CHF 50

II.              Vol en bande (art. 139 ch. 3 CPS), éventuellement vol simple (art. 139 ch. 1 CP), dommages à la propriété (art. 144 CPS) et violation de domicile (art. 186 CPS), infraction simple LStup (art. 19 al. 1 LStup)

1.              1.1.           à W.________ (BE), (…),

1.2.           le 30 septembre 2017, entre 1900 et 2000,

1.3.           de concert avec C.________ (mineur déféré séparément) et D.________, qui les a préalablement véhiculés

1.4.           dans un dessein d’enrichissement illégitime,

1.5.           au préjudice de E.________, lequel a déposé plainte pénale,

1.6.           pénétrant sans droit dans l'appartement sis à cet endroit, en brisant la fenêtre de la porte d'entrée, fouillant les lieux, pendant que D.________ faisait le guet, causant à E.________ des dommages qui n’ont pas été chiffrés, mais qui peuvent être estimés à au moins CHF 500,

1.7.           avoir soustrait 500 gr de marijuana et une Playstation 4, dont la valeur n’est pas chiffrée, mais estimée à plus de CHF 1'500.

III.             Vol simple (art. 139 ch. 1 CP)

1.              1.1.           à V.________, (…),

1.2.           entre le 7 et le 9 mars 2018,

1.3.           dans un dessein d’enrichissement illégitime,

1.4.           au préjudice de F.________, laquelle a déposé plainte pénale, étant précisé que la plainte a par la suite été retirée par courrier non daté reçu le 5 novembre 2018,

1.5.           avoir soustrait l'ordinateur MacBook Air appartenant à F.________, dont la valeur est estimée à plus de CHF 1'000.

2.                  2.1.           à Z.________, (…) (cf. rapport du 24 janvier 2019),

2.2.              le jeudi 3 janvier 2019, entre 02:00 heures et 03:30 heures,

2.3.              dans un dessein d'enrichissement illégitime,

2.4.              au préjudice de G.________, lequel a déposé plainte pénale (cf. plainte pénale du 3 janvier 2019),

2.5.              avoir soustrait la console Playstation 4 Slim d'une valeur de CHF 349.00, une manette Playstation 4 bluetooth d'une valeur de CHF 50.00 (inclue dans le pack lors de l'achat de la console) et un sac à dos noir de marque Dakine d'une valeur de CHF 50.00, de G.________ alors qu'il passait la soirée chez lui avec son amie H.________,

2.6.              avoir ensuite revendu la console et la manette à I.________, pour le prix de CHF 150.00, étant précisé que la console et la manette ont été restituées au plaignant.

IV.             Abus de confiance (art. 138 CP), év. vol simple (art. 139 ch. 1 CP)

1.              1.1.           à Z.________, Hôtel (…), rue (…),

1.2.           entre le vendredi 8 septembre 2017 et le vendredi 10 novembre 2017,

1.3.           au préjudice de J.________, gérant de l’Hôtel (…), lequel a déposé plainte pénale,

1.4.           s’être approprié sans autorisation la clé de la chambre d’hôtel qui lui avait été remise pour la période où il occupait cette chambre, ne restituant pas ladite clé qu’il a remise à des tiers,

V.              Menaces (art. 180 al. 1 CP)

1.              1.1.           à Z.________, rue (…),

1.2.           le dimanche 29 octobre 2017,

1.3.           au préjudice de K.________, lequel a déposé plainte pénale,

1.4.           avoir menacé K.________ au téléphone en déclarant « j’ai quelque chose dans les mains pour toi », alors que ce dernier était intervenu pour porter secours à H.________, la petite amie de X.________, qui était blessée au visage suite à des coups qui lui avaient été donnés par X.________.

VI.          Brigandage (art. 140 CP), éventuellement vol simple (art. 139 ch. 1 CP)

1.              1.1.           à Z.________, Hôtel (…),

1.2.           le dimanche 10 septembre 2017, à 16 heures,

1.3.           au préjudice de L.________, laquelle a déposé plainte pénale,

1.4.           dans un dessein d’enrichissement illégitime,

1.5.           agissant avec violence, bousculant L.________, laquelle portait son sac à main en bandoulière,

1.6.           avoir soustrait, après l’avoir bousculée en le lui arrachant, le sac à main de cette dernière, lequel contenait CHF 100 et divers documents, cartes de crédit et abonnement de bus, étant précisé que le sac à main et le porte-monnaie, sans l’argent, ont été retrouvés et restitués à L.________.

VII.            Obtention frauduleuse d'une prestation (art. 150 CP)

1.                  1.1.           à Z.________, entre la rue (…) et la place (…),

1.2.              le samedi 29 septembre 2018 à 00h30,

1.3.              au préjudice de M.________, chauffeur de taxi,

1.4.              avoir commandé un taxi afin de faire un déplacement en ville de Z.________,

1.5.              une fois la course terminée, avoir déclaré au chauffeur que ce dernier avait fait une erreur et que, dès lors, la course devait être gratuite,

1.6.              avoir ensuite quitté les lieux sans régler le montant de CHF 12.

VIII.           Infraction à la loi sur les stupéfiants (art. 19 al. 1 LStup) et consommation de stupéfiants (art. 19a LStup)

1.                  1.1.           à Z.________ et en tout autre endroit en Suisse,

1.2.              en novembre 2018,

1.3.              avoir obtenu de la part de N.________ 50 grammes de marijuana dans le but de vendre ces stupéfiants, étant convenu qu’il devait lui remettre CHF 300 en échange,

1.4.              avoir consommé de la marijuana, de manière régulière,

IX.             Brigandage (art 140 CP)

1.              1.1.           à Z.________, dans le quartier (…),

1.2.           dans la nuit du samedi 19 janvier au dimanche 20 janvier 2019,

1.3.           au préjudice de O1________, dont le père, O2________ a porté plainte,

1.4.           dans un dessein d’enrichissement illégitime,

1.5.           agissant avec violence, frappant O1________ avec une batte de baseball en métal, lui causant ainsi des contusions sur le torse, les bras et au visage, 

1.6.           pour ensuite lui soustraire son téléphone portable, SAMSUNG S8 noir, dont la valeur est estimée à CHF 800. ».

D.                               À l’audience du tribunal de police du 12 septembre 2019, le prévenu a admis certaines infractions et en a contesté d’autres. Au sujet de sa situation personnelle, il a expliqué qu’il avait fini sa scolarité obligatoire en Suisse, mais avait été expulsé de l’école en 10ème année. Il avait ensuite été placé dans une institution, à (…). Après avoir quitté l’école, il avait fait quelques stages, mais selon lui rien de bien sérieux. Il se trouvait en détention provisoire depuis le 11 juillet 2019, dans une autre affaire et pour des faits qu’il contestait. Il avait fait des recherches d’emploi. Il aurait pu commencer un travail bénévole, mais y avait renoncé quand il avait su qu’il allait être papa. Il avait maintenant son propre appartement. Sa mère subvenait à ses besoins. Son amie vivait dans un autre appartement, avec leur enfant, que le prévenu voyait toutes les semaines ou toutes les deux semaines avant son incarcération ; au moment de celle-ci, il ne l’avait en fait plus vu depuis trois semaines. En République dominicaine, il n’avait plus que sa grand-mère, qui devait avoir entre 80 et 90 ans, et son père, qui avait six autres enfants sur place et avec lequel il n’avait plus eu de contacts depuis trois ou quatre ans. Le prévenu disait qu’il ne voulait pas être expulsé vers son pays d’origine, car il n’y avait pas de vie et pas de travail. Il exprimait des regrets à propos de ses actes. Après sa sortie de prison, il entendait avoir la vie d’un père de famille et trouver un emploi.

E.                               Dans son jugement, le tribunal de police a retenu les infractions des chiffres I, III, V et VIII de l’acte d’accusation (sous réserve de l’abandon de la prévention pour une partie du butin présumé au sens du ch. I), mais pas celles visées aux chiffres IV, VII et IX. Pour le chiffre II, il a considéré qu’il y avait vol simple et pas vol en bande. En rapport avec le chiffre VI, il a retenu un vol et pas un brigandage. La peine a été fixée en fonction des circonstances des infractions, de la situation personnelle du prévenu et du concours d’infractions. Le sursis a été accordé, avec une assistance de probation et des conditions. Le tribunal a renoncé à prononcer une peine pour les contraventions, ainsi qu’à révoquer les sursis précédents. Il a retenu que l’on se trouvait dans un cas d’expulsion obligatoire, mais que l’intérêt public à l’éloignement du prévenu ne l’emportait pas sur l’intérêt de ce dernier à rester en Suisse. Les considérants seront repris plus en détail plus loin, dans la mesure utile.

F.                               La déclaration d’appel du ministère public n’est pas motivée.

G.                               a) Suite à une interpellation de la direction de la procédure, le ministère public, par courrier du 23 janvier 2020, a précisé la portée de son appel, abandonnant celui-ci en rapport avec les chiffres II, IV et VII de l’acte d’accusation.

                        b) En même temps, le ministère public a déposé une copie du procès-verbal de l’interrogatoire du prévenu du 16 janvier 2020, dans l’autre procédure en cours, procès-verbal dont il résulte que X.________ est prévenu de trafic et consommation de cannabis, commis entre décembre 2018 et juillet 2019 (admis), de vente d’un autre stupéfiant (contestée), d’un retrait non autorisé dans un bancomat, le 26 février 2019, avec une carte appartenant à une tierce personne (il admettait le retrait, mais indiquait que celui-ci avait été effectué avec l’accord de cette tierce personne pour 50 francs et qu’il avait en fait pris 200 francs car l’intéressée s’était moquée de lui), un vol (contesté), un brigandage commis le 20 mars 2019 (le prévenu a admis avoir couru après la victime avec des tiers, mais contesté le surplus), trois abus de confiance (dont l’un a été admis), des infractions à caractère sexuel (contestées) et encore un vol (contesté).

H.                               À l’audience du 28 mai 2020, la Cour pénale n’a pas pu entendre la plaignante L.________, qui s’est excusée en raison des risques qu’un déplacement entraînerait pour elle, vu son âge, du fait de la pandémie qui sévit actuellement. La Cour pénale a interrogé le prévenu. Ses déclarations et les arguments avancés en plaidoiries par le ministère public et la mandataire du prévenu seront repris plus loin, dans la mesure utile.

C O N S I D E R A N T

1.                                Interjeté dans les formes et délai légaux, l’appel est recevable (art. 399 CPP).

2.                                Selon l'article 398 CPP, la juridiction d'appel jouit d'un plein pouvoir d'examen sur les points attaqués du jugement (al. 2). L'appel peut être formé pour violation du droit, y compris l'excès ou l'abus du pouvoir d'appréciation, le déni de justice et le retard injustifié, pour constatation incomplète ou erronée des faits et pour inopportunité (al. 3). La Cour pénale limite son examen aux violations décrites dans l'acte d'appel (art. 404 al. 1 CPP), sauf en cas de décisions illégales ou inéquitables (art. 404 al. 2 CPP). Sur les points attaqués du jugement, elle revoit la cause librement, en fait et en droit (Kistler-Vianin, in CR CPP, n. 11 ad art. 398).

3.                                Faute d’appel sur ces questions et en fonction de l’article 404 CPP, la Cour pénale n’a pas à revenir sur les faits et qualifications juridiques retenus par le tribunal de police pour les infractions visées dans l’acte d’accusation aux chiffres I (vol, dommages à la propriété et violation de domicile), II (vol, dommages à la propriété, violation de domicile et contravention à la loi sur les stupéfiants ; le tribunal a retenu le vol simple et pas le vol en bande, comme cela ressort du considérant 9, p. 6 du jugement entrepris ; le ministère public a précisé le 23 janvier 2020 qu’il admettait que le vol en bande n’était pas réalisé et a retiré l’appel sur ce point), III (vol), V (menaces) et VIII (délit et contravention à la loi sur les stupéfiants).

4.                                a) S’agissant du chiffre IV de l’acte d’accusation (abus de confiance, éventuellement vol simple ; appropriation sans droit d’une clé de chambre d’hôtel au préjudice de J.________), le tribunal de police a considéré que les faits décrits par l’acte d’accusation ne constituaient pas une infraction pénale, du moins pas celles visées, car on voyait mal que le prévenu ait agi dans un dessein d’enrichissement illégitime. Suite à une invitation de la direction de la procédure, le ministère public a indiqué, le 23 janvier 2020, qu’il abandonnait l’appel sur ce point, qui n’est donc plus litigieux.

                        b) Il en va de même du chiffre VII de l’acte d’accusation (obtention frauduleuse d’une prestation), au sujet duquel le ministère public a aussi indiqué, le 23 janvier 2020, qu’il abandonnait l’appel. Il n’y a pas lieu d’y revenir.

5.                                a) Au sujet du chiffre VI de l’acte d’accusation (brigandage, éventuellement vol ; soustraction d’un sac à main au préjudice de L.________), le tribunal de police a retenu un vol et pas un brigandage, en considérant que les faits étaient globalement admis, que la plaignante n’avait pas été entendue formellement et que le rapport de police mentionnait de manière indirecte que la victime avait été bousculée, sans que l’on puisse se convaincre que la plaignante ait vraiment dit cela en ces termes précis, étant relevé que le rapport de police mentionnait que le sac était porté en bandoulière, ce qui n’était pas probable ; le prévenu avait dit avoir pris le sac en passant, ce qu’il fallait retenir au bénéfice du doute.

                        b) L.________ a été citée à comparaître à l’audience de la Cour pénale. Elle n’a pas pu se présenter, en raison des risques d’un déplacement, vu son âge avancé et la pandémie actuelle. La Cour pénale a renoncé à l’entendre, sans objection de la part des parties, dans la mesure où un renvoi de l’audience jusqu’à ce que les risques liés à un déplacement du témoin soient acceptables aurait signifié que la cause ne pourrait plus être jugée dans un délai raisonnable. Elle observe qu’il n’aurait tenu qu’au ministère public d’entendre cette personne durant l’instruction déjà, alors que ses souvenirs étaient encore assez frais.

                        c) Le ministère public se réfère au rapport de police, qui indique que la victime a été bousculée et qu’elle portait son sac en bandoulière, ce dont il déduit que l’auteur a forcément dû utiliser la force et pas seulement exploiter une surprise de la victime. Le prévenu n’est pas un modèle de sincérité et il convient de retenir la version du rapport de police, même s’il est vrai qu’il aurait mieux valu que la victime soit entendue au cours de l’instruction.

                        d) Le prévenu, par sa mandataire, admet le vol, qu’il a d’ailleurs reconnu spontanément au cours de l’instruction, mais conteste la qualification juridique de brigandage. Il n’a fait que profiter de la surprise de la lésée et on ne peut pas s’appuyer sur les termes d’un rapport de police pour retenir le contraire. L’usage de la force n’était pas nécessaire.

                        e) Selon l’article 140 CP, celui qui aura commis un vol en usant de violence à l’égard d’une personne, en la menaçant d’un danger imminent pour la vie ou l’intégrité corporelle ou en la mettant hors d’état de résister sera puni d’une peine privative de liberté de six mois à dix ans.

                        f) L’usage de la violence désigne toute forme d’action immédiate sur le corps de la personne se trouvant en possession de l’objet de l’infraction ou, en d’autres termes, l’emploi volontaire de la force physique sur la victime. Il n’est pas nécessaire que la violence exercée rende la victime incapable de toute résistance. La violence doit toutefois atteindre une certaine intensité et doit être propre à briser la résistance de la victime. Concrètement, le degré d’intensité requis se mesure à l’aune de la résistance que la victime est susceptible d’opposer à l’auteur (Dupuis et al., Petit commentaire CP, 2ème éd., n. 10 ad art. 140). En cas de vol à l’arraché, tant que l’auteur joue sur la surprise et n’utilise la force que dans la mesure du nécessaire pour se saisir d’un objet porté par la victime, on considérera que l’auteur compte sur l’effet de surprise pour éviter toute résistance de cette dernière. L’auteur n’emploie donc pas à proprement parler la violence à l’encontre de la victime elle-même et la qualification de vol doit être retenue, non celle de brigandage. En revanche, dès lors que la victime se trouve à même de réagir et d’opposer une résistance effective à l’auteur, que ce dernier doit briser pour s’emparer de la chose, il y a brigandage et non vol (idem, op. cit., n. 11 ad art. 140).

                        g) La Cour pénale retient qu’il n’est pas suffisant qu’un rapport de police fasse état du fait que, selon la victime, celle-ci aurait été bousculée et aurait porté son sac en bandoulière pour en déduire que le prévenu, au sens soutenu par le ministère public, aurait usé de la violence. Le terme de « bandoulière » peut prêter à confusion, en ce sens qu’il pourrait aussi désigner le fait de porter un sac sur l’épaule. De toute manière, s’il est bien probable que le prévenu a dû quelque peu bousculer la victime pour lui prendre son sac, il a essentiellement profité d’un effet de surprise, se plaçant derrière la victime, saisissant la bretelle du sac, tirant dessus et prenant ensuite la fuite en courant. L’état du dossier ne permet en tout cas pas de retenir autre chose qu’un vol à l’arraché. L’appel est mal fondé sur ce point.

6.                                a) En rapport avec le chiffre IX de l’acte d’accusation (brigandage au préjudice de O1________, que le prévenu aurait frappé à coups de batte de baseball et à qui il aurait soustrait un téléphone portable), le tribunal de police a retenu que les faits n’étaient pas suffisamment établis : le plaignant n’avait pas été entendu formellement et ses déclarations, telles que relatées indirectement par le rapport de police, étaient entièrement contestées par le prévenu ; le doute devait profiter au prévenu.

                        b) Le ministère public considère que même si le prévenu ne s’est pas servi d’une batte de baseball, il n’a pas demandé « gentiment » au lésé de lui remettre son téléphone. Si le lésé n’a pas pu être entendu formellement, c’est en raison de sa fragilité. On ne peut pas privilégier les déclarations du prévenu. Le père du lésé a décrit les faits.

                        c) Le prévenu, par sa mandataire, relève qu’il a partiellement admis les faits. Le lésé n’a pas été entendu et n’a pas déposé de plainte. Son père n’a pas assisté à la scène. Les contusions dont il est question ne sont pas établies par des photographies ou un certificat médical. Un doute subsiste, qui doit lui profiter.

                        d) La teneur de l’article 140 CP et sa précision par la jurisprudence ont déjà été rappelés plus haut.

                        e) En l’espèce, la Cour pénale constate tout d’abord qu’il n’est pas exact que le prévenu aurait entièrement contesté les faits. Interrogé par la police le 6 mai 2019, il a en effet déclaré ceci : « il y a eu une fois une altercation avec un type qui se nomme O1________ […]. En fait, ce type me devait de l’argent, CHF 350.00. […] En fait, effectivement je lui ai pris son natel pour lui demander de me rendre cet argent. Pour vous répondre, je lui ai pris lors d’une altercation. Nous nous sommes tous les deux frappés, il y a eu quelques coups échangés. Il était accompagné de ceux (sic) amis. Vous me demandez si j’ai utilisé une batte de baseball pour le frapper, en aucun cas, c’est des mensonges. Aussi, j’ai pris le téléphone, un Samsung S8 […]. Je lui ai donné une date limite pour que je récupère mon argent. Comme il n’a pas respecté cet engagement, j’ai vendu ce téléphone à une connaissance ». Devant le tribunal de police, le prévenu a déclaré ceci : « O1________ me devait de l’argent. Je l’ai vu en descendant au magazin. Il était avec deux potes à lui […] Je lui ai demandé de me donner son natel comme remboursement à la place de l’argent. Il n’a pas voulu et a commencé à me pousser. Je me suis défendu. Ses copains regardaient. On s’est battus. Il a commencé à crier fort et à me pousser. À ce moment-là, je lui ai pris son natel qui se trouvait dans sa main ». À l’audience de la Cour pénale, le prévenu a dit ceci : « Il m’avait demandé de lui prêter de l’argent. Cela devait être 200 ou 300 francs. Je lui ai prêté. Il ne m’a pas rendu l’argent. Je lui ai demandé qu’il me remette son téléphone. L’idée était que je garde ce téléphone et le lui rende après qu’il m’aurait rendu l’argent. Nous nous sommes battus et après il m’a donné le téléphone. La raison de la bagarre, c’était qu’il ne voulait pas me donner le téléphone. Plus tard, il n’avait pas trouvé l’argent pour me rendre ce qu’il me devait. Il a été d’accord que je vende le téléphone. Vous me rappelez que j’avais dit que j’avais pris le téléphone qui se trouvait dans la main de l’autre. C’est juste. En fait, c’est lui qui m’a remis le téléphone, ce n’est pas moi qui l’ai pris. Vous me rappelez que j’avais dit que je lui avais pris l’appareil, lors d’une altercation. Pour moi, prendre c’est la même chose que le fait pour lui de me donner. La procureure me demande en quoi consistait l’altercation. Nous avons échangé des coups de poing. C’est après cela que l’autre m’a remis son appareil. La présidente me demande si l’altercation aurait repris si je n’avais pas reçu le téléphone. Non, ce n’est pas le cas. J’avais besoin d’argent et pour que ça aille plus vite, j’ai trouvé que lui proposer qu’il me remette son téléphone était un bon moyen. Je conteste qu’il y ait eu une batte de baseball. Je ne sais pas pourquoi l’autre dit que j’en aurais utilisé une. Il faut lui poser la question. Me P.________ me demande si l’autre m’a remis le téléphone ou si je le lui ai arraché des mains. C’est lui qui me l’a remis. Dans la bagarre, c’est lui qui m’a donné le premier coup, parce qu’il était nerveux ». En fonction de ces déclarations, il convient de retenir que le prévenu estimait que O1________ lui devait de l’argent, qu’il a décidé de lui prendre son téléphone portable afin que l’appareil serve de garantie pour le remboursement, que O1________ n’était pas d’accord, que le prévenu a donné des coups à l’intéressé (la victime le frappant aussi) et qu’il a ainsi pu lui soustraire son téléphone portable. La version édulcorée présentée par le prévenu devant la Cour pénale ne convainc pas. Il convient bien plus de se référer aux déclarations précédentes, faites alors que le prévenu était moins conscient de leurs conséquences juridiques (RJN 2019, p. 417, p.421). Dans ces déclarations, le prévenu a dit très clairement qu’il avait « pris » le téléphone du lésé, et pas que celui-ci le lui avait remis. La réticence de la victime à remettre l’appareil est clairement établie par toutes les explications données par le prévenu lui-même. Il a fallu qu’il se batte avec elle pour finalement réussir à lui prendre le téléphone. L’usage de la violence était de toute évidence en lien avec la volonté du prévenu de prendre l’appareil contre la volonté de celui qui le détenait. Le doute subsiste sur la manière dont le prévenu a frappé la victime et il ne sera donc pas retenu qu’il se serait servi d’une batte de baseball, mais bien qu’il lui a porté des coups. Par contre, il n’existe pas de doute sur le fait que c’est par l’application d’une certaine violence que le prévenu a réussi à soustraire le téléphone, qui ne lui appartenait pas. Sans l’usage de cette violence, le prévenu n’aurait pas pu s’approprier l’appareil appartenant à la victime. La Cour pénale retient dès lors que le prévenu s’est bien rendu coupable d’un brigandage, ceci en se fondant sur les propres déclarations du prévenu, de sorte qu’il n’est pas nécessaire de s’appuyer sur les autres éléments, soit sur ce que la victime et son père ont dit à des policiers (tout en relevant la concordance sur le fait que c’est bien par la violence que le prévenu a soustrait le téléphone). L’appel du ministère public doit être admis sur ce point.

7.                                a) Le tribunal de police, en fonction des faits et qualifications juridiques qu’il a retenus, a prononcé contre le prévenu une peine privative de liberté de 7 mois. Le prévenu n’a pas déposé d’appel. Le ministère public demande une peine privative de liberté de 10 mois.

                        b) D’après l’article 49 al. 1 CP, si, en raison d'un ou de plusieurs actes, l'auteur remplit les conditions de plusieurs peines de même genre, le juge le condamne à la peine de l'infraction la plus grave et l'augmente dans une juste proportion. Il ne peut toutefois excéder de plus de la moitié le maximum de la peine prévue pour cette infraction. Il est en outre lié par le maximum légal de chaque genre de peine.

                        c) Selon la jurisprudence (ATF 144 IV 313 cons. 1.1.1), l'exigence que les peines soient de même genre implique que le juge examine, pour chaque infraction commise, la nature de la peine à prononcer pour chacune d'elles. Le prononcé d'une peine d'ensemble en application du principe de l'aggravation contenu à l'article 49 CP n'est ensuite possible que si le juge choisit, dans le cas concret, le même genre de peine pour sanctionner chaque infraction commise. Le choix de la sanction doit être opéré en tenant compte au premier chef de l'adéquation de la peine, de ses effets sur l'auteur et sur sa situation sociale ainsi que de son efficacité du point de vue de la prévention. La faute de l'auteur n'est en revanche pas déterminante.

                        d) Le Tribunal fédéral retient en outre (ATF 144 IV 313 cons. 1.1.2) que lorsqu'il s'avère que les peines envisagées concrètement sont de même genre, l'article 49 al. 1 CP impose au juge, dans un premier temps, de fixer la peine pour l'infraction abstraitement – d'après le cadre légal fixé pour chaque infraction à sanctionner – la plus grave, en tenant compte de tous les éléments pertinents, parmi lesquels les circonstances aggravantes ou atténuantes. Dans un second temps, il augmentera cette peine pour sanctionner chacune des autres infractions, en tenant là aussi compte de toutes les circonstances y relatives. Ce système ne prévoit aucune exception.

                        e) L’article 49 al. 2 CP prévoit que si le juge doit prononcer une condamnation pour une infraction que l’auteur a commise avant d’avoir été condamné pour une autre infraction, il fixe la peine complémentaire de sorte que l’auteur ne soit pas puni plus sévèrement que si les diverses infractions avaient fait l’objet d’un seul jugement.

                        f) Selon l’article 47 CP, le juge fixe la peine d'après la culpabilité de l'auteur. Il prend en considération les antécédents et la situation personnelle de ce dernier ainsi que l'effet de la peine sur son avenir (al. 1). La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l'acte, par les motivations et les buts de l'auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (al. 2).

                        g) D’après la jurisprudence (arrêt du TF du 15.08.2019 [6B_584/2019] cons. 2.1), la culpabilité de l'auteur doit être évaluée en fonction de tous les éléments objectifs pertinents, qui ont trait à l'acte lui-même, à savoir notamment la gravité de la lésion, le caractère répréhensible de l'acte et son mode d'exécution. Du point de vue subjectif, sont pris en compte l'intensité de la volonté délictuelle ainsi que les motivations et les buts de l'auteur. A ces composantes de la culpabilité, il faut ajouter les facteurs liés à l'auteur lui-même, à savoir les antécédents, la réputation, la situation personnelle (état de santé, âge, obligations familiales, situation professionnelle, risque de récidive, etc.), la vulnérabilité face à la peine, de même que le comportement après l'acte et au cours de la procédure pénale.

                        h) En l’espèce, toutes les infractions à retenir doivent être sanctionnées par des peines privatives de liberté, ce que personne ne conteste, étant rappelé que le tribunal de police a déjà renoncé à prononcer une amende pour les contraventions. Cette conclusion s’impose en fonction de l’ancien droit, s’agissant des infractions commises avant le 1er janvier 2018, dans la mesure où les conditions du sursis ne sont pas réunies, comme on le verra plus loin, et où une peine pécuniaire ne pourrait pas être exécutée, vu l’absence totale de moyens propres, pas plus que ne pourrait l’être un travail d’intérêt général, le prévenu ayant démontré qu’il n’arrive pas à suivre une activité régulière (cf. art. 41 al. 1 aCP). Pour les infractions commises après le 1er janvier 2018, il faut retenir qu’une peine pécuniaire ne pourrait pas détourner le prévenu de commettre de nouvelles infractions, de telles peines prononcées entre 2017 et 2019 n’ayant pas suffi à amener le prévenu à ne pas récidiver, et, comme déjà dit, une peine ne pourrait de toute manière pas être exécutée (art. 41 al. 1 nCP).

                        i) La peine à prononcer sanctionnera des faits survenus entre le 9 et le 18 juillet 2017 (ch. I de l’acte d’accusation ; vol, etc.), le 10 septembre 2017 (ch. VI ; vol), le 30 septembre 2017 (ch. II ; vol, etc.), le 29 octobre 2017 (ch. V ; menaces), entre le 7 et le 9 mars 2018 (ch. III/1 ; vol), en novembre 2018 (ch. VIII ; stupéfiants), le 3 janvier 2019 (ch. III/2 ; vol) et dans la nuit du 19 au 20 janvier 2019 (ch. IX ; brigandage). Comme il s’agit d’une peine privative de liberté, elle n’est pas complémentaire, mais cumulative aux peines précédentes, qui étaient des peines pécuniaires (31 octobre 2017 : 10 jours-amende sans sursis et amende de 500 francs pour voies de fait et dommages à la propriété ; 8 février 2018 : 20 jours-amende avec sursis pendant 2 ans et 300 francs d’amende pour conduite d’un véhicule sans moteur en état d’incapacité, violence ou menace contre les autorités et les fonctionnaires et délit et contravention contre la loi sur les stupéfiants ; 18 janvier 2019 : 90 jours-amende avec sursis pendant 2 ans pour émeute, dommages à la propriété et violence ou menace contre les autorités et les fonctionnaires).

                        j) Aucune des parties ne critique les éléments d’appréciation retenus en première instance pour la fixation de la peine privative de liberté. La Cour pénale peut les faire siens, sans avoir à les paraphraser (art. 82 al. 4 CPP), avec toutefois la différence qu’en fait, plusieurs infractions ont été commises après la première des condamnations précédentes, contrairement à ce qu’à retenu le tribunal de police. Cela étant, il faut partir, pour le calcul selon la jurisprudence fédérale, de l’infraction abstraitement la plus grave, soit le brigandage, pour laquelle la peine minimale est de 6 mois (art. 140 CP). La Cour pénale s’arrêtera à ce minimum, dans la mesure où on se trouve, dans le cas d’espèce, au seuil inférieur de gravité pour ce genre d’infraction. Les peines retenues en première instance pour les autres infractions n’ont fait l’objet d’aucune critique de la part des parties. Elles semblent effectivement adéquates (60 jours pour chacun des deux vols par effraction, 30 jours pour chacun des vols visés aux chiffres IV et III.2, 10 jours pour les faits du chiffre V, 10 jours pour le vol du chiffre III.1, 10 jours pour les infractions à la LStup), mais la Cour pénale estime qu’il ne convient pas d’aller au-delà des réquisitions du ministère public et prononcera donc une peine d’ensemble de 10 mois.

8.                                a) Le tribunal de police a accordé le sursis au prévenu, en considérant que les conditions objectives en étaient réalisées, que la grande majorité des infractions avaient été commises avant la première condamnation du prévenu et que, jugé à cette date, nul doute que le sursis lui aurait été octroyé ; pour donner toutes les chances au sursis de déployer ses effets et dissuader le prévenu de commettre de nouvelles infractions, il se justifiait d’ordonner une assistance de probation, avec diverses règles de conduite, lesquelles paraissaient suffisantes pour détourner le prévenu d’autres crimes ou délits.

                        b) Le ministère public estime que le sursis ne se justifie pas. Il rappelle les antécédents du prévenu et souligne la récurrence de ses agissements. Dès lors, il n’est pas possible de retenir autre chose qu’un pronostic défavorable, étant précisé que ce pronostic doit être fait sur la base de la situation au moment du jugement.

                        c) Par sa mandataire, le prévenu expose que les infractions des chiffres III et VIII de l’acte d’accusation ont été commises avant la première condamnation. Le prévenu a manifesté des scrupules et la volonté de se réinsérer. Avec l’assistance de probation et les règles de conduite décidées par le tribunal de police, le risque de récidive n’est pas si important qu’il devrait empêcher l’octroi du sursis.

                        d) D’après l’article 42 al. 1 CP, dont la teneur n’a pas changé, en rapport avec le type de peine concerné, avec la révision entrée en vigueur le 1er janvier 2018, le juge suspend en règle générale l'exécution d'une peine pécuniaire ou d'une peine privative de liberté de deux ans au plus lorsqu'une peine ferme ne paraît pas nécessaire pour détourner l'auteur d'autres crimes ou délits.

                        e) Selon la jurisprudence (arrêt du TF du 28.11.2019 [6B_1216/2019] cons. 5.1), pour formuler un pronostic sur l'amendement de l'auteur, le juge doit se livrer à une appréciation d'ensemble, tenant compte des circonstances de l'infraction, des antécédents de l'auteur, de sa réputation et de sa situation personnelle au moment du jugement, notamment de l'état d'esprit qu'il manifeste. Il doit tenir compte de tous les éléments propres à éclairer l'ensemble du caractère de l'accusé et ses chances d'amendement. Il ne peut accorder un poids particulier à certains critères et en négliger d'autres qui sont pertinents. Le défaut de prise de conscience de la faute peut justifier un pronostic défavorable, car seul celui qui se repent de son acte mérite la confiance que l'on doit pouvoir accorder au condamné bénéficiant du sursis.

                        f) En l’espèce, les infractions commises sont de gravité moyenne, mais variées, ce qui ne contribue pas à un pronostic favorable dans la mesure où il apparaît que le prévenu est prêt à commettre des crimes et délits de natures très différentes, démontrant ainsi un sérieux penchant à la délinquance. Les antécédents de l’auteur sont franchement mauvais, puisqu’il a déjà subi sept condamnations, dont quatre pour des infractions commises alors qu’il était encore mineur (avec, dans le cas jugé en octobre 2016, une peine de détention de 9 mois). Le prévenu a toujours commis de nouvelles infractions peu après avoir été condamné, de sorte qu’il faut bien constater que les peines pécuniaires, parfois avec sursis, une peine privative de liberté ferme, l’exécution de placements en institution et la détention en prison ne l’ont guère impressionné. Une part non négligeable des infractions ont été commises après la première condamnation du prévenu comme majeur. La présomption d’innocence vaut pour les faits qui ont amené sa mise en détention en juillet 2019 et qui ne sont pas admis (on retiendra qu’au cours de l’enquête dans la présente procédure, le prévenu continuait à vendre et consommer du cannabis). La situation personnelle du prévenu n’est pas brillante, puisqu’il n’a jamais occupé d’emploi rémunéré depuis la fin de sa scolarité obligatoire, a des dettes et vit de l’aide des services sociaux ou de celle de sa mère, selon les périodes. L’assiduité du prévenu à rechercher une occupation professionnelle est toute relative, puisqu’il n’a même pas entamé une activité bénévole qui lui était proposée, selon lui parce qu’il avait appris que son amie était enceinte. Le prévenu a un enfant en bas âge, mais il n’a entretenu avec lui, jusqu’à son arrestation en juillet 2019, que des relations relativement limitées, compte tenu de la possibilité qu’il aurait alors eue de s’en occuper plus assidûment, vu son absence d’activité, et il a d’ailleurs encore récidivé après la naissance de l’enfant. De manière générale, le tableau général qui se dégage du dossier est celui d’un jeune homme qui, dès son adolescence, s’est enfoncé dans la délinquance sans tenir compte des avertissements constitués par des placements, détentions et condamnations et sans faire d’efforts pour assurer lui-même sa subsistance. Dans ces conditions, le pronostic ne peut être que très défavorable, même si le prévenu affirme aujourd’hui avoir changé et vouloir vivre en bon père de famille. En fonction des divers éléments rappelés plus haut, la Cour pénale ne peut pas considérer qu’une assistance de probation suffirait pour ramener le prévenu dans le droit chemin ; une curatelle durant depuis l’adolescence, avec le suivi régulier qu’elle impliquait, n’a d’ailleurs pas suffi non plus à éviter la commission d’infractions nombreuses et variées.

                        g) En conséquence, l’appel du ministère public doit être admis sur la question du sursis et c’est une peine ferme qui devra être prononcée.

9.                                La Cour pénale, comme le tribunal de police, renoncera à révoquer les sursis accordés précédemment. Elle estime inutile que des peines pécuniaires soient mises à exécution, le prévenu n’ayant aucun moyen de s’en acquitter, et qu’il est équitable de ne pas ajouter encore des peines à celle prononcée ce jour et celle à laquelle le prévenu s’expose dans l’autre procédure en cours.

10.                             a) Le tribunal de police a renoncé à prononcer l’expulsion du prévenu, en retenant une gravité moyenne à faible des infractions, celles-ci ayant en outre été commises en grande majorité avant les précédentes condamnations et alors que le prévenu était tout juste majeur. Le prévenu avait grandi en Suisse et y avait passé les années les plus importantes, scolairement et socialement. Son cercle familial le plus restreint se trouvait en Suisse. Il était très jeune et immature. Dans son pays d’origine, il n’avait pas de cercle familial capable de le soutenir et de l’encadrer suffisamment (père absent et grand-mère âgée) et tout portait à croire qu’il y serait voué à lui-même. Il était sous curatelle et se retrouverait sans soutien de ce type dans son pays d’origine. L’intérêt public à l’expulsion ne l’emportait pas sur l’intérêt privé du prévenu à rester en Suisse.

                        b) Le ministère public demande que l’expulsion soit prononcée. Il souligne la gravité non négligeable des infractions à sanctionner, le risque de récidive élevé, les liens familiaux pas suffisamment intenses pour qu’il soit renoncé à l’expulsion, les relations avec l’amie qui ne semblent pas forcément harmonieuses, l’absence d’attaches sociales en Suisse et des liens avec de la parenté dans le pays d’origine.

                        c) Lors de son interrogatoire devant la Cour pénale, le prévenu a donné les explications suivantes : « C’est juste que j’ai ma grand-mère et mon père en République dominicaine. Ma mère me donne des nouvelles de ma grand-mère, mais je n’ai pas de contacts directs avec cette dernière. Elle est très vieille. Elle a plus de 90 ans. J’ai de temps en temps mon père au téléphone. Je l’appelle surtout pour parler à mon petit frère, qui vit avec lui. Avec mon père, c’est difficile, car il a eu 3 enfants avec ma mère et encore 6 avec une autre femme. Vous me demandez si j’ai des projets. J’aimerais vivre avec mon fils. Sa mère aimerait vivre avec moi. C’est vrai que j’ai fait des conneries, aussi encore après la naissance de mon fils en février 2019, mais j’aimerais maintenant payer ce que je dois, soit purger ma peine pendant qu’il est encore petit et ne se rend pas compte. Ensuite, je pourrai vivre avec lui et trouver un travail. Mon amie, la mère de mon fils, commencera à travailler dans 3 mois. Elle est italienne et a un permis C ». Par sa mandataire, il admet que les conditions de l’expulsion obligatoire sont réunies, mais invoque la clause de rigueur. Il a fait sa scolarité en Suisse. Sa famille proche est dans notre pays. Il est trop jeune pour avoir déjà tissé de forts liens sociaux et associatifs. Son père, qui vit dans le pays d’origine, ne se soucie pas de lui, car il a de nombreux autres enfants. Ses chances d’intégration dans ce pays sont minces. Dans la pesée d’intérêts, il faut tenir compte du fait qu’il a un enfant en bas âge. Lui-même n’a jamais eu de cadre éducatif strict. Il a certes commis des vols, mais s’est repenti.

                        d) Selon les articles 66a al. 1 let. c et d CP, le juge expulse de Suisse l'étranger qui est condamné pour brigandage (art. 140 CP), respectivement vol (art. 139 CP) en lien avec une violation de domicile (art. 186 CP), quelle que soit la quotité de la peine prononcée à son encontre, pour une durée de cinq à quinze ans. D’après l'article 66a al. 2 CP, le juge peut exceptionnellement renoncer à une expulsion lorsque celle-ci mettrait l'étranger dans une situation personnelle grave et que les intérêts publics à l'expulsion ne l'emportent pas sur l'intérêt privé de l'étranger à demeurer en Suisse. À cet égard, il tiendra compte de la situation particulière de l'étranger qui est né ou qui a grandi en Suisse.

                        e) En l’espèce, il n’est pas contesté que le prévenu remplit a priori les conditions d'une expulsion (infraction à l’art. 140 CP et aussi à l’art. 139 CP, en lien avec une infraction à l’art. 186 CP), sous la réserve d'une application de l'article 66a al. 2 CP, voire également des normes de droit international.

                        f) Selon la jurisprudence (arrêts du TF du 06.03.2019 [6B_143/2019] cons. 3.2 et du 04.12.2019 [6B_690/2019] cons. 3.4.2), les conditions pour appliquer « exceptionnellement » l'article 66a al. 2 CP sont cumulatives et doivent être appliquées de manière restrictive. Afin de pouvoir renoncer à une expulsion prévue par l'article 66a al. 1 CP, il faut, d'une part, que cette mesure mette l'étranger dans une situation personnelle grave et, d'autre part, que les intérêts publics à l'expulsion ne l'emportent pas sur l'intérêt privé de l'étranger à demeurer en Suisse. Le juge doit faire usage du pouvoir d'appréciation qui lui est conféré par une norme potestative dans le respect des principes constitutionnels. S'il devait refuser de renoncer à l'expulsion alors que les conditions de la clause de rigueur sont remplies, le principe de proportionnalité ancré à l'article 5 al. 2 Cst. serait violé. Le juge doit ainsi renoncer à l'expulsion lorsque les conditions de l'article 66a al. 2 CP sont réunies, conformément au principe de proportionnalité.

                        g) Le Tribunal fédéral rappelle aussi (arrêt du TF du 06.03.2019 [6B_143/2019] cons. 3.3.1) que la loi ne définit pas ce qu'il faut entendre par une « situation personnelle grave » (première condition cumulative) ni n'indique les critères à prendre en compte dans la pesée des intérêts (seconde condition cumulative).

                        En recourant à la notion de cas de rigueur dans le cadre de l'article 66a al. 2 CP, le législateur a fait usage d'un concept ancré depuis longtemps dans le droit des étrangers. Compte tenu également du lien étroit entre l'expulsion pénale et les mesures du droit des étrangers, il est justifié de s'inspirer, de manière générale, des critères prévus par l'article 31 al. 1 de l'ordonnance relative à l'admission, au séjour et à l'exercice d'une activité lucrative (OASA ; RS 142.201) et de la jurisprudence y relative, dans le cadre de l'application de l'article 66a al. 2 CP. L'article 31 al. 1 OASA prévoit qu'une autorisation de séjour peut être octroyée dans les cas individuels d'extrême gravité. Elle commande de tenir compte notamment de l'intégration du requérant, du respect de l'ordre juridique suisse par le requérant, de la situation familiale, particulièrement de la période de scolarisation et de la durée de la scolarité des enfants, de la situation financière ainsi que de la volonté de prendre part à la vie économique et d'acquérir une formation, de la durée de la présence en Suisse, de l'état de santé ainsi que des possibilités de réintégration dans l'État de provenance. Comme la liste de l'article 31 al. 1 OASA n'est pas exhaustive et que l'expulsion relève du droit pénal, le juge devra également, dans l'examen du cas de rigueur, tenir compte des perspectives de réinsertion sociale du condamné. En règle générale, il convient d'admettre l'existence d'un cas de rigueur au sens de l'article 66a al. 2 CP lorsque l'expulsion constituerait, pour l'intéressé, une ingérence d'une certaine importance dans son droit au respect de sa vie privée et familiale garanti par la Constitution fédérale (art. 13 Cst.) et par le droit international, en particulier l'article 8 CEDH.

                        La jurisprudence (même arrêt, cons. 3.3.2) précise que pour se prévaloir du respect au droit de sa vie privée au sens de l'article 8 par. 1 CEDH, l'étranger doit établir l'existence de liens sociaux et professionnels spécialement intenses avec la Suisse, notablement supérieurs à ceux qui résultent d'une intégration ordinaire. Le Tribunal fédéral n'adopte pas une approche schématique qui consisterait à présumer, à partir d'une certaine durée de séjour en Suisse, que l'étranger y est enraciné et dispose de ce fait d'un droit de présence dans notre pays. Il procède bien plutôt à une pesée des intérêts en présence, en considérant la durée du séjour en Suisse comme un élément parmi d'autres et en n'accordant qu'un faible poids aux années passées en Suisse dans l'illégalité, en prison ou au bénéfice d'une simple tolérance.

                        Par ailleurs, les relations visées par l'article 8 par. 1 CEDH en matière de « vie familiale » sont avant tout celles qui concernent la famille dite nucléaire, soit celles qui existent entre époux ainsi qu'entre parents et enfants mineurs vivant en ménage commun. Sous réserve de circonstances particulières, les concubins ne sont donc pas habilités à invoquer l'article 8 CEDH. D'une manière générale, il faut que les relations entre les concubins puissent, par leur nature et leur stabilité, être assimilées à une véritable union conjugale pour bénéficier de la protection de l'article 8 par. 1 CEDH.

                        h) Toujours selon le Tribunal fédéral (même arrêt, cons. 3.4), l’examen de la question de savoir si l’intérêt privé du prévenu à rester en Suisse peut l’emporter sur les intérêts présidant à son expulsion implique en particulier de déterminer si la mesure litigieuse respecte le principe de la proportionnalité découlant des articles 5 al. 2 Cst. et 8 par. 2 CEDH. Les intérêts présidant à l'expulsion sont notamment importants quand l’auteur s'est livré à un trafic de stupéfiants : compte tenu des ravages de la drogue dans la population, les autorités sont fondées à faire preuve d'une grande fermeté à l'encontre de ceux qui contribuent à la propagation de ce fléau.

                        i) En relation avec l’article 66a al. 2 in fine CP, le Tribunal fédéral retient (arrêt du TF du 04.12.2019 [6B_690/2019] cons. 3.4.4) que le législateur n’a pas prévu qu’une durée déterminée de séjour en Suisse entraînerait automatiquement l’admission d’un cas de rigueur. Il faut examiner dans chaque cas si un tel cas de rigueur existe, en fonction des critères relatifs à l’intégration de la personne concernée. Une longue durée de séjour, avec une bonne intégration – par exemple sur la base d’une scolarisation en Suisse – constitue un fort indice allant dans le sens d’intérêts privés suffisamment importants pour justifier l’admission d’un cas de rigueur.

                        j) En l’espèce, il faut retenir que le prévenu, âgé de 21 ans, est arrivé en Suisse en 2011, alors qu’il avait dix ans environ, avec son frère et sa sœur, pour y rejoindre leur mère, qui s’y trouvait déjà depuis quelques années. Il a suivi une partie de sa scolarité dans notre pays, mais a été expulsé de son école alors qu’il se trouvait en 10ème année. Il a alors été placé en institution. Sa première condamnation pénale remonte à cette époque, soit en 2013, alors qu’il avait 14 ans (pour des faits que le dossier n’établit pas). Il n’a pas entrepris de formation professionnelle, suivant seulement quelques stages qui n’étaient cependant, selon ses propres termes, rien de bien sérieux. Il a ensuite séjourné en République dominicaine entre août 2014 et janvier 2015, car il pensait s’y installer. Il est en fait revenu en Suisse. En 2015-2016, il a été placé pendant un certain nombre de mois en institution, pour des raisons pénales, mais a en fait passé plus de temps à l’extérieur que dans l’institution, car il faisait des fugues, pour être finalement emprisonné provisoirement. Une condamnation à 9 mois de détention sans sursis a été prononcée contre lui, par le tribunal des mineurs, le 18 octobre 2016, pour des faits qui n’étaient pas anodins, notamment un brigandage. Il a purgé le solde de cette peine. Peu après, le juge des mineurs a encore dû rendre deux ordonnances pénales contre lui, les 7 février et 28 mars 2017, pour séquestration et consommation de cannabis. Devenu majeur en 2017, le prévenu a vécu pendant quelques mois dans un hôtel à Z.________, où les services sociaux l’avaient placé. Ensuite, il a plus ou moins vécu chez sa mère, logeant en fait à gauche et à droite, tout en dépendant des services sociaux dans un premier temps. Par la suite, c’est sa mère qui l’a entretenu. Pendant ce temps, il commettait diverses infractions, qui ont amené à des condamnations par des ordonnances pénales rendues les 31 octobre 2017, 8 février 2018 et 18 janvier 2019, en plus des infractions qui lui sont reprochées dans le cadre de la présente procédure. Il aurait pu commencer un travail bénévole, mais y a renoncé quand il a su que son amie était enceinte. Son fils est né le 19 février 2019. Il a un moment envisagé que les services sociaux mettraient un appartement à sa disposition, pour qu’il puisse y vivre avec son amie et leur enfant. Ils n’ont finalement jamais vécu ensemble, mais le prévenu voyait régulièrement son amie et leur enfant, en principe à raison d’une fois par semaine ou toutes les deux semaines. Il n’avait plus vu son fils depuis trois semaines quand il a été arrêté le 11 juillet 2019, dans le cadre d’une procédure qui est encore en cours. Il est détenu depuis lors. Selon lui, des poursuites pour 25'000 francs sont en cours.

                        Ces éléments démontrent que l’on ne peut en aucun cas parler d’une intégration plus ou moins réussie. Le prévenu n’a pas pu terminer sa scolarité obligatoire normalement, car il s’est fait expulser de l’école. Entre la fin de sa scolarité et ce jour, il n’a jamais occupé un emploi rémunéré, ni entrepris une quelconque formation. Le dossier ne contient aucun élément attestant de recherches d’emploi sérieuses. Le prévenu a été soutenu, tour à tour, par les services sociaux et sa mère. Son parcours personnel est émaillé de crimes et délits variés, allant du brigandage au trafic de stupéfiants, en passant par la séquestration, le vol et les violences ou menaces contre des fonctionnaires, qui lui ont déjà fait passer un certain temps dans des institutions pénales pour mineurs et en prison. Il y a eu de nouvelles infractions depuis le printemps 2019 (trafic et consommation de stupéfiants, qu’il admet), qui ont entraîné la mise en détention dès juillet de la même année. Le prévenu a certes passé une dizaine d’années en Suisse et y a suivi une partie de sa scolarité, mais le critère de la durée doit être relativisé, tant le prévenu n’a pas mis cette durée à profit pour s’intégrer dans le monde du travail et, plus largement, dans la société et dans la mesure où le prévenu a passé, durant cette période, plusieurs mois en institution et en prison alors qu’il était encore mineur, puis environ six mois dans son pays d’origine en 2014-2015, et où il est à nouveau détenu depuis juillet 2019. On ne trouve au dossier aucun élément qui permettrait de retenir une volonté du prévenu de prendre part à la vie économique et d'acquérir une formation. À cet égard, il est assez parlant que le prévenu ait renoncé à une activité bénévole, mais régulière qui lui était offerte quand il a appris que son amie était enceinte. Le prévenu ne fait état d’aucune activité sociale autre que la fréquentation de quelques copains, de son amie et de certains membres de sa famille. Il faut donc retenir une intégration particulièrement faible, compte tenu aussi du nombre, de la fréquence et de la nature des infractions commises. La situation financière du prévenu est mauvaise, avec des poursuites pour environ 25'000 francs et l’absence de tout revenu propre depuis sa sortie de scolarité. Sa situation familiale ne s’oppose pas à l’expulsion, dans la mesure où le prévenu ne vit pas avec la mère de son fils et où il ne semble pas avoir entretenu, avant son placement en détention en juillet 2019, des liens spécialement étroits avec l’enfant, qu’il n’avait pas vu depuis trois semaines au moment de son arrestation, alors qu’il ne travaillait pas et aurait eu la possibilité de lui consacrer beaucoup de temps. Rien n’empêcherait que le prévenu conserve, d’une manière ou d’une autre et grâce aux moyens de communication moderne, des relations avec son enfant et la mère de celui-ci, pour autant d’ailleurs que la mère ne décide pas de le suivre en République dominicaine. L’état de santé du prévenu est sans particularité. Une procédure de renouvellement de l’autorisation de séjour est en cours, mais elle est suspendue dans l’attente des jugements pénaux (celui dans la présente cause, puis un prochain jugement à rendre début juillet 2020, selon ce que le prévenu et sa mandataire ont expliqué devant la Cour pénale). La situation administrative du prévenu n’est donc pas assurée dans notre pays. Les perspectives de réintégration – ou d’intégration – dans le pays d’origine ne sont certes pas très favorables, mais elles ne le sont pas vraiment plus en Suisse, où le prévenu n’a pas su profiter des soutiens qui lui ont été accordés, par une curatelle, l’aide sociale et le placement dans des institutions, et où son absence totale de formation et son manque d’assiduité dans la recherche d’une activité ne laissent pas présager l’obtention prévisible d’un emploi. Contrairement à ce qu’il a déclaré au tribunal de police, le prévenu a eu des contacts avec son père, vivant en République dominicaine, au cours des dernières années. En mai 2019, il faisait en particulier état d’une conversation téléphonique suite à la naissance de son enfant, en février de la même année. Devant la Cour pénale, il a indiqué qu’il l’appelait de temps en temps depuis la prison, aussi pour avoir des contacts avec l’un de ses jeunes demi-frères. Une grand-mère, chez laquelle il vivait avant de venir en Suisse, vit aussi dans le pays d’origine ; elle est certes très âgée, mais lui serait sans doute d’un certain secours s’il rentrait au pays. Le prévenu parle couramment l’espagnol et a encore vécu plusieurs mois en République dominicaine en 2014-2015, de sorte qu’un renvoi ne l’exposerait pas à devoir vivre dans un pays dont il ignorerait tout. L’avenir du prévenu dans son pays d’origine ne s’annonce certes pas sous des auspices très favorables, mais on doit en dire autant d’un éventuel avenir en Suisse. Le retour en République dominicaine ne mettrait pas le prévenu dans une situation personnelle grave, si on la compare avec celle qui serait la sienne dans notre pays. L’absence, peut-être, de système comparable à la curatelle dans le pays d’origine ne constitue pas un empêchement à l’expulsion. Quoi qu’il en soit, les intérêts publics à l'expulsion, tout particulièrement en fonction du nombre, de la fréquence et de la nature des infractions commises par le prévenu, ainsi que des multiples récidives, notamment en cours de procédure, avec le risque assez élevé de récidive qu’il faut en déduire, l'emportent nettement sur l'intérêt privé de celui-ci à demeurer en Suisse.

                        k) L’expulsion doit dès lors être prononcée, l’appel du ministère public étant admis à ce sujet. La durée de l’expulsion sera fixée à 5 ans.

11.                             En fonction de ce qui est retenu ci-dessus, une assistance de probation assortie de conditions n’aurait pas de sens et il y sera donc renoncé.

12.                             Il résulte de tout cela que l’appel du ministère public doit être partiellement admis.

                        a) Les frais de la procédure d’appel, arrêtés à 1’500 francs, seront mis pour 1'200 francs à la charge du prévenu, le solde étant laissé à la charge de l’État.

                        b) L’indemnité d’avocate d’office de Me P.________ pour la défense des intérêts du prévenu en procédure d’appel sera fixée à 1'343.30 francs, frais et TVA inclus, au vu du mémoire produit, qui est raisonnable. Cette indemnité sera remboursable à raison des 4/5, aux conditions prévues à l’article 135 al. 4 CPP.

Par ces motifs,
la Cour pénale DéCIDE

vu les articles 47, 49, 66a, 139, 140, 144, 180, 186 CP, 19 al. 1 et 19a LStup, 135, 428, 433 CPP,

I.           L’appel du ministère public est partiellement admis.

II.           Le jugement rendu le 26 septembre 2019 par le Tribunal de police des Montagnes et du Val-de-Ruz est réformé, le dispositif étant désormais le suivant :

1.    Reconnaît X.________ coupable de vols (art. 139 CP ; Z.________, juillet 2017, 10 septembre 2017, 3 janvier 2019 ; W.________, 30 septembre 2017 ; V.________, mars 2018), de dommages à la propriété et de violations de domicile (art. 144 et 186 CP ; Z.________, juillet 2017 ; W.________, 30 septembre 2017), de menaces (art. 180 CP ; Z.________, 29 octobre 2017), d’infractions à la loi fédérale sur les stupéfiants (art. 19 al. 1 et 19a LStup ; W.________, le 30 septembre 2017 ; Z.________, novembre 2018) et de brigandage (art. 140 CP ; Z.________, 19 au 20 janvier 2019).

2.    Acquitte X.________ des autres préventions.

3.    Condamne X.________ à une peine privative de liberté ferme de 10 mois, dont à déduire un jour de détention avant jugement.

4.    Renonce à prononcer une peine pour la contravention.

5.    Renonce à révoquer les sursis octroyés par le ministère public les 8 février 2018 et 18 janvier 2019.

6.    Ordonne l’expulsion du territoire suisse de X.________ pour une durée de 5 ans et son signalement dans le Système d’Information Schengen (art. 20 Ordonnance N-SIS).

7.    Constate que le condamné se trouve en détention provisoire dans le cadre d’une autre procédure.

8.    Condamne X.________ au paiement des frais de la cause, arrêtés à 3'950 frs.

9.    Fixe l’indemnité d’avocat d’office de Me P.________ à 2'467.35 frs, frais débours et TVA compris, sous déduction des éventuels acomptes versés, dit que cette indemnité est remboursable par X.________ à raison des 9/10 au sens de l’art. 135 al. 4 CPP.

III.           Les frais de la procédure d'appel sont arrêtés à 1’500 et mis à la charge de X.________ pour 1’200 francs, le solde étant laissé à la charge de l’État.

IV.           L’indemnité d’avocat d’office due à Me P.________ pour la défense des intérêts de X.________ en procédure d’appel est fixée à 1'343.30 francs, frais et TVA inclus. Cette indemnité sera remboursable à hauteur des 4/5, aux conditions de l’article 135 al. 4 CPP.

 

V.           Le présent jugement est notifié au ministère public, à La Chaux-de-Fonds (MP.2018.5872-PCF), à X.________, par Me P.________ et au Tribunal de police des Montagnes et du Val-de-Ruz, également à Z.________ (POL.2019.364). Des copies en vont pour information aux plaignants, à l’Office d’exécution des sanctions et de probation, à La Chaux-de-Fonds, et au Service des migrations, à Neuchâtel.

Neuchâtel, le 28 mai 2019

Art. 42 CP
Sursis à l’exécution de la peine
 

1 Le juge suspend en règle générale l’exécution d’une peine pécuniaire ou d’une peine privative de liberté de deux ans au plus lorsqu’une peine ferme ne paraît pas nécessaire pour détourner l’auteur d’autres crimes ou délits.1

2 Si, durant les cinq ans qui précèdent l’infraction, l’auteur a été condamné à une peine privative de liberté ferme ou avec sursis de plus de six mois, il ne peut y avoir de sursis à l’exécution de la peine qu’en cas de circonstances particulièrement favorables.2

3 L’octroi du sursis peut également être refusé lorsque l’auteur a omis de réparer le dommage comme on pouvait raisonnablement l’attendre de lui.

4 Le juge peut prononcer, en plus d’une peine avec sursis, une amende conformément à l’art. 106.3


1 Nouvelle teneur selon le ch. I 1 de la LF du 19 juin 2015 (Réforme du droit des sanctions), en vigueur depuis le 1er janv. 2018 (RO 2016 1249; FF 2012 4385).
2 Nouvelle teneur selon le ch. I 1 de la LF du 19 juin 2015 (Réforme du droit des sanctions), en vigueur depuis le 1er janv. 2018 (RO 2016 1249; FF 2012 4385).
3 Nouvelle teneur selon le ch. I 1 de la LF du 19 juin 2015 (Réforme du droit des sanctions), en vigueur depuis le 1er janv. 2018 (RO 2016 1249; FF 2012 4385).

Art. 47 CP
Principe
 

1 Le juge fixe la peine d’après la culpabilité de l’auteur. Il prend en considération les antécédents et la situation personnelle de ce dernier ainsi que l’effet de la peine sur son avenir.

2 La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l’acte, par les motivations et les buts de l’auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures.

Art. 49 CP
Concours
 

1 Si, en raison d’un ou de plusieurs actes, l’auteur remplit les conditions de plusieurs peines de même genre, le juge le condamne à la peine de l’infraction la plus grave et l’augmente dans une juste proportion. Il ne peut toutefois excéder de plus de la moitié le maximum de la peine prévue pour cette infraction. Il est en outre lié par le maximum légal de chaque genre de peine.

2 Si le juge doit prononcer une condamnation pour une infraction que l’auteur a commise avant d’avoir été condamné pour une autre infraction, il fixe la peine complémentaire de sorte que l’auteur ne soit pas puni plus sévèrement que si les diverses infractions avaient fait l’objet d’un seul jugement.

3 Si l’auteur a commis une ou plusieurs infractions avant l’âge de 18 ans, le juge fixe la peine d’ensemble en application des al. 1 et 2 de sorte qu’il ne soit pas plus sévèrement puni que si les diverses infractions avaient fait l’objet de jugements distincts.

Art. 66a1 CP
Expulsion
Expulsion obligatoire
 

1 Le juge expulse de Suisse l’étranger qui est condamné pour l’une des infractions suivantes, quelle que soit la quotité de la peine prononcée à son encontre, pour une durée de cinq à quinze ans:

a. meurtre (art. 111), assassinat (art. 112), meurtre passionnel (art. 113), incitation et assistance au suicide (art. 115), interruption de grossesse punissable (art. 118, al. 1 et 2);

b.lésions corporelles graves (art. 122), mutilation d’organes génitaux féminins (art. 124, al. 1), exposition (art. 127), mise en danger de la vie d’autrui (art. 129), agression (art. 134);

c. abus de confiance qualifié (art. 138, ch. 2), vol qualifié (art. 139, ch. 2 et 3), brigandage (art. 140), escroquerie par métier (art. 146, al. 2), utilisation frauduleuse d’un ordinateur par métier (art. 147, al. 2), abus de cartes-chèques ou de cartes de crédit par métier (art. 148, al. 2), extorsion et chantage qualifiés (art. 156, ch. 2 à 4), usure par métier (art. 157, ch. 2), recel par métier (art. 160, ch. 2);

d. vol (art. 139) en lien avec une violation de domicile (art. 186);

e. escroquerie (art. 146, al. 1) à une assurance sociale ou à l’aide sociale, obtention illicite de prestations d’une assurance sociale ou de l’aide sociale (art. 148a, al. 1);

f. escroquerie (art. 146, al. 1), escroquerie en matière de prestations et de contributions (art. 14, al. 1, 2 et 4, de la loi fédérale du 22 mars 1974 sur le droit pénal administratif2), fraude fiscale, détournement de l’impôt à la source ou autre infraction en matière de contributions de droit public passible d’une peine privative de liberté maximale d’un an ou plus;

g. mariage forcé, partenariat forcé (art. 181a), traite d’êtres humains (art. 182), séquestration et enlèvement (art. 183), séquestration et enlèvement qualifiés (art. 184), prise d’otage (art. 185);

h.3 actes d’ordre sexuel avec des enfants (art. 187, ch. 1), contrainte sexuelle (art. 189), viol (art. 190), actes d’ordre sexuel commis sur une personne incapable de discernement ou de résistance (art. 191), encouragement à la prostitution (art. 195), pornographie (art. 197, al. 4, 2e phrase);

i. incendie intentionnel (art. 221, al. 1 et 2), explosion intentionnelle (art. 223, ch. 1, al. 1), emploi, avec dessein délictueux, d’explosifs ou de gaz toxiques (art. 224, al. 1), emploi intentionnel sans dessein délictueux (art. 225, al. 1), fabriquer, dissimuler et transporter des explosifs ou des gaz toxiques (art. 226), danger imputable à l’énergie nucléaire, à la radioactivité et aux rayonnements ionisants (art. 226bis), actes préparatoires punissables (art. 226ter), inondation, écroulement causés intentionnellement (art. 227, ch. 1, al. 1), dommages intentionnels aux installations électriques, travaux hydrauliques et ouvrages de protection (art. 228, ch. 1, al. 1);

j. mise en danger intentionnelle par des organismes génétiquement modifiés ou pathogènes (art. 230bis, al. 1), propagation d’une maladie de l’homme (art. 231, ch. 1), contamination intentionnelle d’eau potable (art. 234, al. 1);

k. entrave qualifiée de la circulation publique (art. 237, ch. 1, al. 2), entrave intentionnelle au service des chemins de fer (art. 238, al. 1);

l. actes préparatoires délictueux (art. 260bis, al. 1 et 3), participation ou soutien à une organisation criminelle (art. 260ter), mise en danger de la sécurité publique au moyen d’armes (art. 260quater), financement du terrorisme (art. 260quinquies);

m. génocide (art. 264), crimes contre l’humanité (art. 264a), infractions graves aux conventions de Genève du 12 août 19494 (art. 264c), autres crimes de guerre (art. 264d à 264h);

n. infraction intentionnelle à l’art. 116, al. 3, ou 118, al. 3, de la loi fédérale du 16 décembre 2005 sur les étrangers5;

o. infraction à l’art. 19, al. 2, ou 20, al. 2, de la loi du 3 octobre 1951 sur les stupéfiants (LStup)6.

2 Le juge peut exceptionnellement renoncer à une expulsion lorsque celle-ci mettrait l’étranger dans une situation personnelle grave et que les intérêts publics à l’expulsion ne l’emportent pas sur l’intérêt privé de l’étranger à demeurer en Suisse. À cet égard, il tiendra compte de la situation particulière de l’étranger qui est né ou qui a grandi en Suisse.

3 Le juge peut également renoncer à l’expulsion si l’acte a été commis en état de défense excusable (art. 16, al. 1) ou de nécessité excusable (art. 18, al. 1).


1 Introduit par le ch. I 1 de la LF du 20 mars 2015 (Mise en oeuvre de l’art. 121, al. 3 à 6, Cst. relatif au renvoi des étrangers criminels), en vigueur depuis le 1er oct. 2016 (RO 2016 2329; FF 2013 5373).
2 RS 313.0
3 Erratum de la CdR de l’Ass. féd. du 28 nov. 2017, publié le 12 déc. 2017 (RO 2017 7257).
4 RS 0.518.12; 0.518.23; 0.518.42; 0.518.51
5 RS 142.20
6 RS 812.121.