A.                               En janvier 2006, X.________ a été engagé comme directeur de la société Y.________, dès le 1er avril 2006.

B.                               Son contrat de travail, daté du 27 janvier 2006, prévoyait une rémunération annuelle brute de 120'000 francs, versée en 13 mensualités. Il stipulait également ceci : « A ce montant, s’ajoutera une prime pouvant atteindre CHF 10’000. -, le montant étant fixé par la Présidente dans le cadre d’un entretien au cours duquel un bilan annuel des résultats est établi (comptes/budgets, projets et activités réalisés, image de la Société, rapport avec le personnel). Cette prime est versée avec le salaire de décembre ».

                        Un avenant au contrat de travail, signé le 29 janvier 2008 par la présidente de la société Y.________ de l’époque, prévoyait un salaire, pour 2008, de 130'000 francs. Il contenait aussi la clause suivante : « Une prime de 10'000 francs peut être versée par Y.________ SA selon les modalités du contrat de travail établi en mars 2006 ».

C.                               Entre 2006 et 2008, X.________ est également devenu directeur et administrateur vice-président de A.________ SA, société ayant — à l’époque — pour but la restauration sur les bateaux propriété de Y.________ principalement. L’avenant au contrat de travail du 29 janvier 2008 prévoyait qu’une prime supplémentaire de 6'000 francs pouvait être versée par A.________ SA, si le bilan de cette dernière était équilibré en fin d’année. Un avenant daté du 30 juin 2009 a ultérieurement prévu le versement d’un salaire annuel de 26'000 francs, payable en 13 mensualités, dès 2009.

D.                               Suite à un article paru dans la presse concernant une augmentation de salaire octroyée avec effet rétroactif par le nouveau président de A.________ SA (et de Y.________), B.________, à X.________, le ministère public a, le 31 juillet 2017, ouvert une instruction pénale afin de déterminer si une infraction avait été commise dans le cadre de l’augmentation du salaire du précité.

E.                               Au cours de la procédure préliminaire, il est apparu que X.________ s’était lui-même attribué, sous forme d’avance, mais sans autorisation, une prime pour 2009 de 10'000 francs. Pour ce motif, le 7 décembre 2009, il avait prélevé 10'000 francs sur le compte bancaire de Y.________, au guichet, avec la carte rattachée à ce compte. Le conseil d’administration de Y.________ avait exigé le remboursement immédiat de ce montant — intervenu le 18 mars 2010 — et avait adressé un blâme à l’intéressé.

                        Dans ce cadre, B.________ et X.________ ont été entendus par la police.

F.                               X.________ a ensuite été auditionné par le ministère public en qualité de prévenu d’utilisation frauduleuse d’un ordinateur et de gestion déloyale au sujet de la prime en question. Il a nié tout dessein d’enrichissement illégitime.

G.                               Le 13 août 2018, le ministère public a rendu une ordonnance de classement à l’égard de X.________ et de B.________, s’agissant de la question de l’augmentation de salaire octroyée avec effet rétroactif.

H.                               Par ordonnance pénale datée du même jour, le ministère public a en revanche condamné X.________ à une peine pécuniaire de 45 jours-amende à 100 francs, avec sursis pendant deux ans, pour infractions aux articles 147 et 158 al. 2 CP en raison du retrait de 10'000 francs. Le prénommé a formé opposition.

I.                                 Le ministère public a étendu la prévention à l’encontre de l’intéressé pour avoir également effectué, en sa qualité de directeur de A.________ SA, un prélèvement de 6'000 francs sur le compte postal de ladite société, le 23 décembre 2009, à titre d’avance de prime annuelle pour 2009.

J.                                « Par acte d’accusation du 2 octobre 2018, le ministère public a renvoyé X.________ devant le tribunal de police, en qualité de prévenu d’infractions aux articles 147 et 158 al. 2 CP, pour avoir :

à Z.________, le 7 décembre 2009, (...), alors directeur de la sopcité Y.________, (...) prélevé au guichet de la Poste, sur le compte de ladite société, un montant de CHF 10’000.00 censé représenter une avance sur une prime annuelle pour l’année 2009 que seul le conseil d’administration avait la faculté de lui attribuer, agissant sans autorisation, sans en informer le conseil et, par conséquent, dans un dessein d’enrichissement illégitime, utilisant ainsi sans droit la carte dont il disposait pour prélever les liquidités nécessaires au bon fonctionnement de la société et non pour s’octroyer à lui-même des avantages indus, abusant de son pouvoir de représentation et portant atteinte aux intérêts pécuniaires de la société sur lesquels il avait l’obligation contractuelle de veiller, restituant ce montant le 18 mars 2010 après y avoir été invité par le conseil d’administration qui avait été informé du retrait par la société C.________, chargée du contrôle des comptes, étant précisé que le conseil d’administration lui a infligé un blâme assorti d’un rappel à l’ordre le 1er juin 2010.

à Z.________, le 24 décembre 2009, en sa qualité de directeur de la société A.________ SA, prélevé au guichet de la Poste, sur le compte de ladite société, un montant de CHF 6’000. - censé représenter une avance sur une prime annuelle pour l’année 2009, le modus étant pour le surplus le même que celui décrit pour le prélèvement d’un montant de CHF 10’000. - opéré le 7 décembre 2009 sur les comptes de Y.________, ledit montant ayant été également restitué le 18 mars 2010. ».

K.                               X.________ a été interrogé par le tribunal de police lors de son audience du 25 mars 2019.

L.                               Dans son jugement motivé, le tribunal de police a considéré que l’intention et le dessein d’enrichissement illégitime faisaient défaut. Même si les agissements du prévenu n’étaient pas très avisés, celui-ci pouvait se croire en droit de prélever le montant des deux primes pour l’année 2008. En effet, les particularités structurelles de gestion de Y.________ et de A.________ SA ainsi que les liens entre ces deux sociétés n’étaient pas clairs ; malgré les efforts du prévenu pour solliciter l’entretien prévu par son contrat en vue de fixer le montant de sa prime annuelle, celui-ci n’avait jamais eu lieu et les primes n’avaient jamais été versées en décembre, alors qu’il était de la responsabilité de l’employeur d’organiser ce genre d’entretien et de respecter le contrat de travail ; des primes avaient chaque année été versées, avant 2009, et le furent ensuite à nouveau, dès 2013 ; la marche des affaires était bonne, voire même meilleure en 2008 (sic) que les années précédentes ; il entrait dans les compétences du directeur d’accorder des avances sur salaires et il semblait que cela s’appliquait aussi à lui-même ; le besoin de clarification des règles d’attribution des primes avait été souligné lors de la séance du conseil d’administration du 27 avril 2010. Il n’y avait eu aucun dessein de la part du prévenu de cacher les prélèvements, au contraire ; il avait d’ailleurs lui-même spontanément mentionné le prélèvement de la « prime Y.________ » lors de l’audition à la police.

M.                              Le ministère public fait appel de ce jugement. Il considère que c’est à tort que le tribunal de police a retenu que la compétence du directeur d’accorder des avances sur salaires semblait s’appliquer à lui-même. Non seulement rien au dossier ne permet d’affirmer qu’il avait la faculté, assez insolite, de s’octroyer lui-même des avances, mais une avance de salaire n’est possible que sur la part du salaire qui est dû, ce qui n’était en l’occurrence pas le cas, puisque la prime annuelle aurait dû être fixée par le président du conseil d’administration. Le fait de s’octroyer sans droit un montant de 16'000 francs ne peut poursuivre qu’un dessein d’enrichissement illégitime. L’erreur sur l’illicéité n’est en outre pas donnée ; il suffisait en effet au prévenu d’envoyer un courrier au président du conseil d’administration pour s’assurer qu’il était en droit d’agir. Enfin, les défauts de gestion du conseil d’administration devaient inciter la direction à faire preuve d’une prudence accrue et non à faire passer ses intérêts personnels avant ceux de la société.

N.                               Le prévenu s’est déterminé sur l’appel et conclut à son rejet ainsi qu’à l’octroi d’une indemnité pour ses frais de défense en procédure d’appel. Il nie d’abord toute intention : il a en effet transmis à la comptabilité le reçu du compte mentionnant le retrait en précisant qu’il s’agissait d’une avance. Cette écriture comptable restait donc transitoire dans l’attente de la validation par le conseil d’administration. Il a eu ainsi la volonté et la possibilité de restituer les montants. Il réfute ensuite tout dessein d’enrichissement illégitime : il considère qu’en tant que directeur, il avait le droit de se verser des avances comme cela ressort du cahier des charges. Dès lors que les comptes des entreprises étaient tout aussi bons que ceux des deux années précédentes, pour lesquelles il a perçu l’intégralité de la prime, il pensait être en droit de retirer ces montants à titre d’avance. Enfin, il fait valoir qu’il n’y a pas eu de dommage, puisque les sommes prélevées ont été reversées moins de trois mois après leur retrait et que les sociétés disposaient encore de liquidités cumulées avoisinant les deux millions.

 

C O N S I D E R A N T :

1.                                Déposé dans les formes et délais légaux, l’appel du ministère public est recevable.

2.                                La Cour pénale admet le dépôt des pièces littérales produites par le prévenu à l’appui de ses observations (rapport de gestion de Y.________ de 2009 et annexes) (art. 389 CPP).

3.                                a) Aux termes de l’article 398 CPP, la juridiction d’appel jouit d’un plein pouvoir d’examen sur tous les points attaqués du jugement (al. 2). L’appel peut être formé (a) pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation, le déni de justice et le retard injustifié, (b) pour constatation incomplète ou erronée des faits et (c) pour inopportunité (art. 398 al. 3 CPP). La juridiction d’appel n’examine que les points attaqués du jugement de première instance (art. 404 al. 1 CPP). Elle peut également examiner en faveur du prévenu les points qui ne sont pas attaqués, afin de prévenir des décisions illégales ou inéquitables (art. 404 al. 2 CPP).

4.                                Selon la jurisprudence, la présomption d'innocence, garantie notamment par l’article 10 CPP, ainsi que son corollaire, le principe in dubio pro reo, concernent tant le fardeau de la preuve que l'appréciation des preuves au sens large. En tant que règle sur le fardeau de la preuve, elle signifie, au stade du jugement, que le fardeau de la preuve incombe à l'accusation et que le doute doit profiter au prévenu. Comme règle d'appréciation des preuves, la présomption d'innocence signifie que le juge ne doit pas se déclarer convaincu de l'existence d'un fait défavorable à l'accusé si, d'un point de vue objectif, il existe des doutes quant à l'existence de ce fait. Il importe peu qu'il subsiste des doutes seulement abstraits et théoriques, qui sont toujours possibles, une certitude absolue ne pouvant être exigée. Il doit s'agir de doutes sérieux et irréductibles, c'est-à-dire de doutes qui s'imposent à l'esprit en fonction de la situation objective (arrêt du TF du 29.07.2019 [6B_504/2019] cons. 1.1).

5.                                a) Intitulé « gestion déloyale », l’article 158 CP sanctionne, d’une part, la gestion déloyale au sens strict (ch. 1) et, d’autre part, l’abus du pouvoir de représentation (ch. 2). L’article 158 ch. 2 CP réprime le comportement de celui qui, dans le dessein de se procurer ou de procurer à un tiers un enrichissement illégitime, aura abusé du pouvoir de représentation que lui confère la loi, un mandat officiel ou un acte juridique et aura ainsi porté atteinte aux intérêts pécuniaires du représenté. Cette infraction est punie d’une peine privative de liberté de cinq ans au plus ou d’une peine pécuniaire.

                        b) L’abus du pouvoir de représentation (art. 158 ch. 2 CP) suppose la réunion de six éléments constitutifs, à savoir un pouvoir de représentation, l’abus du pouvoir, un dommage, un lien de causalité, l’intention et un dessein d’enrichissement illégitime (Dupuis et al., Petit commentaire CP, n 33-34 ad. 158 CP). L’auteur doit avoir un pouvoir de représentation, découlant de la loi, d’un mandat officiel ou d’un acte juridique. Le comportement délictueux consiste à abuser du pouvoir de représentation, c'est-à-dire à l'employer sur le plan externe, dans un rapport avec autrui, mais en violation des règles internes fixant les limites et les buts du pouvoir conféré (arrêt du TF du 01.06.2010 [6B_164/2010] cons. 2.1.2 et les références ; pour la notion, cf. aussi, sur le plan civil, l’arrêt du TF du 10.12.2019 [4A_504/2018] cons. 3.2.3 (ATF 146 III 121)).

                        c) L’infraction de gestion déloyale (au sens large) n’est consommée que s’il y a eu un préjudice (ATF 120 IV 190 cons. 2b). Tel est le cas lorsqu’on se trouve en présence d’une véritable lésion du patrimoine, c’est-à-dire d’une diminution de l’actif, d’une augmentation du passif, d’une non-diminution du passif ou d’une non-augmentation de l’actif, ou d’une mise en danger de celui-ci telle qu’elle a pour effet d’en diminuer la valeur du point de vue économique ; un préjudice temporaire suffit (ATF 121 IV 104 cons. 2 c ; arrêt du TF du 01.06.2010 [6B_164/2010] cons. 2.1 3). Il n’est pas nécessaire que le dommage corresponde à l’éventuel enrichissement de l’auteur (arrêt du TF du 29.03.2018 [6B_959/2017] cons. 3.4.1).

                        d) L’infraction de gestion déloyale requiert l’intention, qui doit porter sur tous les éléments constitutifs. Le dol éventuel suffit, lequel doit cependant être strictement caractérisé (ATF 129 IV 125 cons. 3.1, 123 IV 17 cons. 3 c ; arrêt du TF du 15.05.2018 [6B_700/2017] cons. 2.2). Il y a dol éventuel lorsque l’auteur envisage le résultat dommageable et agit, même s’il ne le souhaite pas, parce qu’il s’en accommode pour le cas où il se produirait (ATF 137 IV 1 cons. 4.2.3). Le dol éventuel peut notamment être retenu lorsque la réalisation du résultat devait paraître suffisamment vraisemblable à l’auteur pour que son comportement ne puisse raisonnablement être interprété que comme une acceptation de ce risque ; les mobiles de l'auteur et la manière dont il a agi peuvent constituer des éléments extérieurs révélateurs (arrêt du TF du 18.07.2017 [6B_1117/2016] cons. 1.1.4).

                        e) Enfin, l’abus du pouvoir de représentation au sens de l’article 158 ch. 2 CP exige que l’auteur ait agi avec un dessein d’enrichissement illégitime. Par enrichissement, il faut entendre tout avantage économique (ATF 105 IV 29 cons. 3a, arrêt du TF du 01.11.2016 [6B_351/2016] cons. 1.3.1). Le dessein d’enrichissement peut être réalisé par dol éventuel ; tel est le cas lorsque l’auteur envisage l’enrichissement comme possible, par exemple s’il n’est pas absolument convaincu de l’existence et du bien-fondé de sa propre créance (ATF 105 IV 29, 72 IV 125), et agit néanmoins, parce qu’il s’en accommode pour le cas où il se produirait (ATF 133 IV 21 cons. 6.1.2 ; arrêt du TF du 23.01.2018 [6B_279/2017] cons. 2.1). Le dessein d’enrichissement illégitime fait défaut si, au moment de l’emploi illicite de la valeur patrimoniale, l’auteur en paie la contre-valeur, s’il avait à tout moment ou, le cas échéant, à la date convenue à cet effet, la volonté et la possibilité de le faire (« Ersatzbereitschaft » ; ATF 118 IV 32 cons. 2a ; arrêt du TF du 05.02.2020 [6B_1429/2019] cons. 2.2) ou encore s’il était en droit de compenser (ATF 105 IV 29 cons. 3a). Cette dernière hypothèse implique que l'auteur ait une créance d'un montant au moins égal à la valeur qu'il s'est appropriée ou à la valeur patrimoniale qu'il a utilisée et qu'il ait vraiment agi en vue de se payer (arrêt du TF du 20.11.2018 [6B_972/2018] cons. 2.4.1).

                        f) Si l’auteur croit fermement, mais par erreur, que ces conditions sont réalisées, il peut bénéficier de l’article 13 CP (ATF 105 IV 29 cons. 3a ; arrêt du TF du 01.11.2016 [6B_351/2016] cons. 1.3.1).

6.                                a) Au vu des circonstances (cf. cons. 5 i), il y a lieu de différencier la question du retrait de 10'000 francs (Y.________) de celui de 6'000 francs (A.________ SA).

Retrait de 10'000 francs

                        b) Au préalable, on relèvera que contrairement à ce qui a été retenu dans le jugement de première instance, la prime litigieuse porte sur l’année 2009 et non 2008, celle-ci ayant déjà été octroyée le 2 juillet 2009. Cela étant précisé, le prévenu ne nie pas avoir, le 7 décembre 2009, retiré au guichet de la poste un montant de 10'000 francs sur le compte de Y.________. Il admet en outre, implicitement, ne pas avoir reçu au préalable l’accord du conseil d’administration ou de son président.

                        c) En qualité de directeur de Y.________, à qui le conseil d’administration a délégué des pouvoirs de représentation (art. 718 al. 2 CO), le prévenu entre dans la catégorie des personnes visées par l’article 158 ch. 2 CP.

                        d) On doit examiner si, par son comportement, l’accusé a abusé des pouvoirs de représentation qui lui ont été conférés sur le plan interne. A cet égard, le tribunal de police a retenu que les compétences du directeur d’accorder des avances sur salaires semblaient s’appliquer aussi à lui-même, ce qui est contesté par le ministère public.

                            Les personnes autorisées à représenter la société ont le droit d’accomplir au nom de celle-ci tous les actes que peut impliquer le but social (art. 718a al. 1 CO). Leurs pouvoirs peuvent toutefois être limités (art. 718a al. 2 CO). Au nombre des actes que peut impliquer le but social, il faut non seulement englober ceux qui sont utiles à la société ou usuellement nécessaires à son activité, mais aussi ceux qui ont trait à des affaires inhabituelles qui rentrent toutefois dans le but social, c’est-à-dire qui n’en sont pas manifestement exclus. Lorsqu'il y a un conflit entre l'intérêt de la personne morale et celui de l'organe qui agit au nom de celle-ci, il faut partir du principe que, d'après la volonté présumée de la société, l'autorisation de représentation exclut implicitement les opérations qui révèlent un comportement du représentant contraire à ses devoirs ou aux intérêts de la société (arrêt du TF du 16.06.2017 [4A_55/2017] cons. 5.2.1 et les références, cf. aussi arrêt du TF du 10.12.2019 [4A_504/2018] cons. 3.2.3). Sur le plan interne, des restrictions de l’autorisation de représenter peuvent être relativement générales et abstraites ou ponctuelles et concrètes. Elles peuvent être communiquées oralement ou par écrit, par exemple dans le contrat de travail passé entre la société et son représentant, dans les statuts, dans le règlement d’organisation de la société, dans un autre règlement interne de la société ou dans tout autre document qui verbalise une décision du conseil d’administration. Une restriction à l’autorisation de représenter peut également intervenir tacitement lorsque l’acte envisagé est contraire à la volonté présumable de la société (Peter/Cavadini, Commentaire romand, n. 8 à 10 ad art. 718 a CO).

                        En l’espèce, les statuts de Y.________ prévoient que le conseil d’administration nomme un directeur qui assume la conduite permanente des affaires de la société (art. 21 al. 1). Les attributions du directeur sont fixées dans le règlement d’organisation (art. 21 al. 3). Selon ledit règlement, dans la mesure où il n’a pas délégué ses compétences, le conseil d’administration prend toutes les décisions qui lui sont attribuées par la loi et les statuts (art. 8 al. 1). Il exerce notamment la haute direction de l’entreprise (art. 8 al. 2 et let. i). Par ailleurs, le conseil d’administration détermine les salaires et indemnités qui reviennent à la direction par des contrats de travail séparés (art. 14). Il délègue (à) son président en ce qui a trait aux contacts et relations avec la Direction (art. 15). Le détail de l’attribution des responsabilités et des compétences du directeur et du chef d’exploitation découle d’un cahier des charges (art. 12 al. 1). Celui-ci précise que le directeur n’a pas le droit d’octroyer des prêts à l’exception des avances n’excédant pas un mois de salaire (chiffre III let. c).

                        Le directeur d’une société anonyme se trouve lié avec celle-ci par un double rapport obligationnel (en vertu du droit du travail) et organique (en vertu du droit des sociétés) (ATF 140 III 409 cons. 3.1, 130 III 213 cons. 2.1, 128 III 129 cons. 1). Un directeur général est subordonné à son employeur, la subordination étant caractéristique du contrat de travail (ATF 128 III 129 cons. 1, 125 III 78 cons. 4 ; arrêt du TF du 25.10.2005 [4C.157/2005] cons. 4). En l’occurrence, conformément aux articles 322 et 322d CO, selon lesquels les salaires et les gratifications sont payées par l’employeur, il ne résulte pas du règlement d’organisation ou du cahier des charges du directeur (version non signée et non datée, mais produite par le prévenu), que le conseil d’administration lui aurait délégué le pouvoir de se verser un salaire et encore moins de s’attribuer une prime, même à titre d’avance. Une telle compétence serait d’ailleurs contraire à la volonté présumable de la société.

                        Il résulte en outre de la formulation du contrat de travail (« A ce montant, s’ajoutera une prime pouvant atteindre CHF 10’000. - » ; « le montant étant fixé par la Présidente »), et de son avenant (une prime de 10'000 francs peut être versée), que le montant de la prime dépendait clairement du pouvoir d’appréciation du président du conseil d’administration (il s’agissait, partant, d’une gratification [cf. ATF 141 IV 407 cons. 4.2.2]). On ne saurait déduire du contrat que certaines circonstances déterminées lui donnaient un droit à une gratification obligatoire de 10'000 francs. En particulier, le fait qu’il ait ou non accompli du bon travail ou qu’il ait perçu la prime maximale les deux années précédentes n’est aucunement déterminant. Il ne lui appartenait en effet ni de décider qu’il avait droit à une prime, ni de fixer son montant au maximum. Cela étant, même si tel avait été le cas, il n’était pas non plus légitimé à se l’octroyer lui-même avant que le conseil d’administration ne l’y autorise, même si celui-ci ne l’avait pas versée en décembre comme prévu par le contrat. Tel n’a d’ailleurs jamais été le cas. Il pouvait dès lors plutôt s’attendre à ce qu’une éventuelle prime lui soit attribuée plus tard dans l’année, comme pour les années 2006 (05.11.2007) et 2008 (02.07.2009). On précisera qu’à cet égard le fait qu’il ait qualifié la prime d’avance et annoncée celle-ci en tant que telle à la comptabilité n’y change rien.

                        Enfin, l’utilisation de la carte bancaire de la société à des fins personnelles, même si le retrait en cause était — selon lui — destiné à avancer une prime due pour l’exécution de son travail, est contraire à la volonté présumable de la société. Un tel acte ne saurait en effet s’inscrire dans le cadre de la fonction d’un directeur d’une SA à caractère public, ni se rattacher aux pouvoirs qui lui sont dévolus. On relèvera d’ailleurs que, dans la mesure où le règlement prévoyait un droit de signature collectif à deux pour toutes dépenses budgétées supérieures à 5'000 francs (art. 16 let. a) et pour celles non budgétées supérieures à 1000 francs, il paraît exclu que l’intéressé fût en droit de retirer seul un montant de 10'000 francs, même pour la société.

                        Partant, le prévenu a excédé les limites des pouvoirs conférés par le conseil d’administration (pour la société) et a abusé de son pouvoir de représentation au sens de l’article 158 ch. 2 CP.

                        e) L’argument du prévenu selon lequel la société n’a pas subi de dommage dans la mesure où il a remboursé le montant prélevé, tombe à faux. En retirant du compte de la société un montant de 10'000 francs et en s’appropriant — même momentanément — cette somme, il a diminué l’actif de la société d’autant, portant atteinte aux intérêts pécuniaires de celle-ci. Son remboursement ultérieur est sans incidence, puisque, jusqu’à ce moment-là, la société a bien éprouvé une perte de 10'000 francs, à laquelle il faut ajouter les intérêts perdus (cf. par analogie, une avance de salaire octroyée comme prêt qui ne porte pas intérêt, RJN 2014, p. 278, cons. 6b). Or, un préjudice temporaire est suffisant (cf. cons. 4 c). Le fait que Y.________ disposait encore d’importantes liquidités n’est aucunement déterminant.

                        f) Afin d’établir le contexte dans lequel le prélèvement litigieux est intervenu et de déterminer si le prévenu a agi dans un dessein d’enrichissement illégitime, il y a lieu de relater certains propos qu’il a tenus dans le cadre de l’instruction :

                        Lors de son audition devant la police, l’intéressé a déclaré que, pour la période de 2006 à 2016, c’était uniquement le président (du conseil d’administration) qui prenait la décision de lui octroyer ou non une prime. Il a précisé qu’« En théorie, il y aurait dû y avoir un entretien entre moi et le président, suivi d’un rapport au président de Y.________. En pratique cela ne s’est jamais passé ainsi. A une reprise, je me suis même versé une avance sur prime de CHF 10’000 car je n’arrivais jamais à voir B.________. Là, C.________ s’en est rendu compte et m’avait fait la remarque. J’ai dû rembourser. Dans les comptes, nous avions bien noté “avance sur primes”, donc je n’ai rien caché, au contraire. (...) Je me suis fait cette avance car je n’arrivais jamais à l’avoir (B.________). Je me suis dit que je la méritais et que je pouvais la justifier par la suite. J’ai physiquement retiré les 10'000 francs du compte. J’ai demandé ensuite à D.________ de passer l’écriture avec la mention “avance sur prime”. (...) J’ai remboursé le tout quelques jours après qu’ils aient remarqué cela ».

                        Devant le ministère public, le prévenu a expliqué que : « il ressort du cahier des charges qu’en ma qualité de directeur j’avais la compétence d’octroyer des avances aux employés pour autant qu’elles n’excèdent pas un mois de salaire. Je précise que cette mention d’avance sur prime date du moment où j’ai transmis la quittance à la comptabilité et n’a pas été rajoutée par la suite. Dans mon esprit, cette écriture serait restée transitoire jusqu’au moment où la prime m’aurait été définitivement octroyée comme cela avait été le cas en 2007 et 2008. Dans l’hypothèse où elle ne m’aurait pas été accordée, ou pas entièrement, je l’aurais tout naturellement remboursée ». « Je n’avais pas envie d’attendre 7 ou 8 mois avant que le conseil ne me l’accorde. Encore une fois, si elle ne m’avait pas été accordée, je l’aurais remboursée comme je l’ai d’ailleurs fait ». À la question de savoir s’il avait parlé de ce prélèvement à B.________, il a répondu : « oralement, non bien que ce ne fût pas faute d’avoir essayé d’obtenir un entretien avec lui. Vous me demandez si je lui aurais envoyé un courriel ; oui, plusieurs, pour lui demander un entretien mais non pour l’informer de ce retrait anticipé, ce que je voulais faire oralement ».

                        Enfin, lors de l’audience devant le tribunal de police, l’intéressé a exposé ceci : « Malgré toutes mes demandes il n’y a jamais eu d’entretien, même avant 2009 alors que en 2007 j’ai reçu une prime pour 2006 et en 2008 pour 2007. Le chiffre d’affaire de la société avait beaucoup augmenté, nous avons fait un excellent travail et je pouvais penser que cette année encore, il y avait lieu de recevoir une prime. Comme ce n’était pas possible d’obtenir un entretien, j’ai prélevé le montant en tant qu’avance sur prime, c’est ainsi que cela figurait sur le ticket qui a été remis à la comptable. (...) En début 2010 j’ai encore tenté d’avoir des contacts avec le président, sachant que C.________ faisait un contrôle et pour valider ce transitoire, afin que la situation soit claire, ou le cas échéant le rembourser ». « J’ai fait nombre de courriels pour demander l’entretien mais il n’y a jamais eu de réponse. Je pense que j’ai fait aussi un courrier pour ce retrait de prime mais je ne me souviens plus. Je corrige que je me rappelle que lorsque j’ai envoyé à ma comptable la numérisation du ticket, j’ai mis une copie à B.________ ».

                        g) Les explications données par le prévenu devant la police démontrent que même si l’on peut éventuellement admettre qu’il pouvait penser, à tort, être en droit de s’avancer un salaire, il n’ignorait pas, en revanche qu’il n’était pas légitimé à s’attribuer lui-même une prime (« Selon vous, pour la période de 2006 à 2016, qui a pris la décision de vous octroyer ou non des primes ? R. Uniquement la ou le président »). Il savait donc ne pas être autorisé à agir comme il l’a fait.

                        Il apparaît en outre que le prévenu n’a pas spontanément et officiellement informé le conseil administration ou son président, du retrait litigieux. Il ressort en effet de l’audition de B.________ devant la police que le conseil d’administration avait été averti par C.________ en janvier 2010 du fait que l’intéressé s’était attribué une prime de 10'000 francs sans en parler au conseil d’administration. Même si le prévenu a - pour la première fois - allégué devant le tribunal de police, se rappeler avoir adressé une copie de la numérisation du ticket à B.________ lorsqu’il l’a envoyé à sa comptable, cette affirmation est contredite par sa déclaration devant le ministère public, selon laquelle il n’avait informé B.________ ni par courriel ni oralement. Il résulte par ailleurs des déclarations de l’intéressé en cours d’instruction qu’il avait envisagé la possibilité que la prime ne lui soit finalement pas, totalement ou en partie, accordée (« si elle ne m’avait pas été accordée, je l’aurais remboursée »). Force est donc de constater qu’il a agi malgré le fait qu’il n’était pas absolument convaincu de son « droit » à une prime ; il a ainsi accepté l’éventualité d’un enrichissement au cas où il se produirait, au moins pendant la période durant laquelle l’argent serait en sa possession, et a gardé la somme prélevée jusqu’à ce qu’on exige de lui la restitution. On rappellera que l’enrichissement peut être provisoire ou temporaire.

                        D’un autre côté, il existe certains éléments qui font douter la Cour de l’existence d’un dessein d’enrichissement illégitime. En effet, force est d’admettre que le prévenu a annoncé le prélèvement litigieux à la comptable en tant qu’« avance sur prime », qui l’a inscrit comme écriture transitoire, comme confirmé par la comptable de l’époque. Ce procédé implique que le conseil d’administration aurait de toute façon eu connaissance de ce retrait à un moment donné. Cela conduit la Cour à retenir que l’intéressé a tout de même voulu, certes d’une manière totalement inadéquate, informer indirectement le conseil du retrait litigieux. Il ne l’a d’ailleurs pas caché, faisant ainsi preuve d’une certaine transparence. Lors de son audition devant la police, la comptable a en outre indiqué que, si ses souvenirs étaient bons, il lui semblait qu’après avoir prélevé la prime, le prévenu voulait faire signer l’attestation par le président du conseil d’administration. Ces éléments laisseraient donc plutôt penser que le prévenu n’a pas agi dans un dessein d’enrichissement illégitime. D’ailleurs, ses déclarations relatées plus haut font supposer qu’il a agi à la fois par dépit (« je n’arrivais jamais à l’avoir [B.________] »), impatience (« je n’avais pas envie d’attendre 7 à 8 mois avant que le conseil ne me l’accorde ») et besoin de reconnaissance (« Je me suis dit que je la méritais »).

                        Enfin, les doutes qu’éprouve la Cour pénale quant à l’existence d’un dessein d’enrichissement illégitime du prévenu sont accentués pour le motif suivant : le dossier ne permet pas de savoir si le prévenu aurait pu justifier avoir eu à tout moment la volonté et la possibilité de restituer le montant retiré, comme il le prétend. L’instruction de la cause n’a jamais porté sur ce point et aucun élément ne laisse penser que tel n’était pas le cas. Au contraire, la restitution immédiate de l’argent indûment prélevé, dès qu’il a été exigé, constitue un indice qui confirme le fait qu’il a constamment eu la volonté et les moyens de le restituer. Le montant en question, qui correspondait d’ailleurs plus ou moins à son salaire mensuel, n’était en outre pas destiné à payer une dette urgente et rien ne permet de croire que cet argent aurait été utilisé avant d’être remboursé.

                        Dans ces circonstances, la Cour considère qu’il existe un doute sérieux quant au dessein d’enrichissement illégitime de l’accusé, qui doit lui profiter. C’est donc à juste titre qu’il a été acquitté de l’infraction d’abus du pouvoir de représentation en lien avec le retrait de 10'000 francs. L’appel doit ainsi être rejeté sur ce point.

Retrait de 6'000 francs

                        h) Le prévenu ne conteste pas avoir, en décembre 2009, retiré un montant de 6'000 francs sur le compte postal de A.________ SA, à titre d’avance de prime annuelle pour l’année 2009. Au sujet de ce prélèvement, le dossier contient les éléments suivants : une lettre du 5 avril 2018 du directeur de Y.________ selon laquelle le prévenu aurait opéré de la même manière avec la société A.________ SA que pour le retrait de 10'000 francs et qu’il se serait octroyé 6'000 francs de prime le 24 décembre 2009, également remboursée le 18 mars 2018; un extrait de compte mentionnant un débit de 16'000 francs effectué le 23 décembre 2009 ainsi qu’une quittance d’un retrait de 16'000 francs daté du même jour sur lequel figure les mentions manuscrites « 10'000 frs à C.________ ; 6'000 à prime X.________ de A.________ ». Le rapport annuel du 4 mai 2010 de C.________ et le procès-verbal du conseil d’administration de Y.________ du 27 avril 2010 ne font pas état de ce prélèvement. L’intéressé n’a pas été entendu par la police, le ministère public ou le tribunal de police à ce sujet spécifiquement. Il n’est dès lors pas possible de connaître les circonstances dans lesquelles est intervenu ce retrait et, en particulier, de déterminer si le prévenu a agi intentionnellement et dans le dessein d’un enrichissement illégitime. Faute de pouvoir établir les éléments constitutifs subjectifs de l’infraction en lien avec ce prélèvement, le prévenu ne saurait être condamné pour cet acte.

7.                                a) L’article 147 CP (utilisation frauduleuse d’un ordinateur) sanctionne celui qui, dans le dessein de se procurer ou de procurer à un tiers un enrichissement illégitime, aura, en utilisant des données de manière incorrecte, incomplète ou indue ou en recourant à un procédé analogue, influé sur un processus électronique ou similaire de traitement ou de transmission de données et aura, par le biais du résultat inexact ainsi obtenu, provoqué un transfert d’actifs au préjudice d’autrui ou l’aura dissimulé aussitôt après.

                        Cette infraction contre le patrimoine suppose, sur le plan objectif, une utilisation incorrecte, incomplète ou indue des données, une influence de cette utilisation sur le processus électronique ou similaire de traitement ou de transmission de données, l’obtention d’un résultat inexact, le fait que la manipulation aboutisse à un transfert d’actifs ou à sa dissimulation, un dommage patrimonial et un rapport de causalité entre tous ces éléments ; sur le plan subjectif, elle implique que l’auteur ait agi intentionnellement et dans un dessein d’enrichissement (ATF 129 IV 22 cons. 4.1).

                        L’utilisation frauduleuse d’un ordinateur s’apparente à l’escroquerie (art. 146 CP), dont elle se distingue toutefois en cela que l’auteur ne trompe pas un être humain pour le déterminer ainsi à des actes préjudiciables à ses intérêts pécuniaires ou à ceux d’un tiers, mais manipule une machine de manière à obtenir un résultat inexact aboutissant à un transfert d’actifs ou à sa dissimulation ; autrement dit, au lieu de tromper une personne, l’auteur fausse les conditions qui déterminent la réaction de la machine. En principe, l’infraction d’utilisation frauduleuse d’un ordinateur, qui a été introduite dans le code pénal pour combler une lacune et qui est parfois aussi qualifiée d’« escroquerie informatique », revêt ainsi un caractère subsidiaire par rapport à l’escroquerie ; si la manipulation d’une machine ne suffit pas pour obtenir le résultat, mais qu’il faut encore qu’une personne soit trompée, l’escroquerie prime l’utilisation frauduleuse d’un ordinateur (ATF 129 IV 22 cons. 4.2 et les références).

b) La jurisprudence (arrêt du TF du 14.03.2016 [6B_61/2015] cons. 5.1) rappelle en outre que l’utilisation frauduleuse d'un ordinateur est une infraction intentionnelle. Il est nécessaire que le recourant ait agi sans droit et qu'il ait su qu'il agissait sans droit. A l'instar de l'infraction d'abus de confiance, l'élément subjectif de l'infraction n'est pas donné en cas de capacité de restituer (Ersatzbereitschaft).

                        c) En l’occurrence, la Cour pénale n’a pas retenu que le prévenu avait agi dans un dessein d’enrichissement illégitime et qu’il aurait commis un acte de gestion déloyale. L'acte d’accusation, qui vise également l’utilisation frauduleuse d’un ordinateur n’explique pas en quoi, si l’infraction de gestion déloyale n’était pas retenue, le comportement du prévenu devrait toujours être considéré comme indu au vu des circonstances particulières du cas d’espèce. Un doute subsiste donc quant à l’intention du prévenu au moment de procéder aux retraits litigieux. Par conséquent, conformément à la jurisprudence rappelée plus avant (cons. 7b), il faut retenir qu’il n’est pas établi que le prévenu, en effectuant ces prélèvements, avait l’intention de commettre une utilisation frauduleuse d’un ordinateur, puisque la Cour pénale a retenu, à tout le moins au bénéfice du doute, qu’il disposait de la capacité de restituer l’argent (Ersatzbereitschaft) qu’il avait prélevé sur le compte de la société dont il était le directeur.

8.                                a) En définitive, le prévenu et intimé doit être entièrement acquitté. L’appel du ministère public doit donc être rejeté.

                        b) Il se justifie dès lors de laisser les frais de première instance à la charge de l’Etat (art. 428 al. 3 et 426 CPP). L’intéressé ayant renoncé, en première instance, à l’allocation d’une indemnité pour ses frais de défense, la Cour ne reviendra pas sur ce point.

                        c) Les frais de la procédure d’appel, arrêtés à 1'500 francs, seront laissés à la charge de l’Etat. L’intimé a droit à une pleine indemnité pour ses frais de défense en procédure d’appel (art. 436 et 429 CPP). Sa mandataire a déposé un mémoire faisant état de 13h50 (13.83 heures) de travail, facturées au tarif horaire de 300 francs. Le temps dédié à l’analyse et la rédaction des observations (12h30) – en plus de l’heure déjà vouée à l’analyse de la décision motivée et de l’appel du MP – est excessif, compte tenu du fait que la mandataire avait déjà représenté son client en première instance et connaissait donc déjà bien le dossier. Dans ces circonstances, et au vu de la difficulté et de la nature de la cause, le temps consacré au poste « analyse et rédaction d’observations » sera ramené à 8h00. L’activité justifiée s’élève donc au total au maximum à 9h20 (9.33 heures). Par ailleurs, le tarif horaire de 300 francs est contraire aux usages neuchâtelois. La pratique retient en général un tarif horaire de 270 francs, sauf circonstances particulières (cf. par exemple jugements de la Cour pénale des 03.04.2019 [CPEN.2018.75] cons. 10 et 21.02.2019 [CPEN.2018.68] cons. 9). En l’occurrence, le tarif horaire usuel de 270 francs est adapté. L’indemnité en faveur de l’intimé s’élève donc au total à 2'713.05 francs, TVA comprise (193.95 frs).

Par ces motifs,
la Cour pénale décide

vu les articles 9, 426, 428, 429 et 436 CPP,

1.     L’appel du ministère public est rejeté.

2.     Le jugement rendu le 25 mars 2019 par le Tribunal de police du Littoral et du Val-de-Travers est confirmé.

3.     Les frais de procédure d’appel, arrêtés à 1’500 francs, sont laissés à la charge de l’Etat.

4.     Une indemnité de 2'713.05 francs, TVA inclue, est allouée à X.________ pour ses frais de défense en procédure d’appel.

 

5.     Le présent jugement est notifié au ministère public, à La Chaux-de-Fonds (MP.2017.3525), à X.________, par Me E.________, au Tribunal de police du Littoral et du Val-de-Travers, à Boudry (POL.2018.424).

Neuchâtel, le 15 octobre 2020

Art. 147 CP
Utilisation frauduleuse d’un ordinateur
 

1 Celui qui, dans le dessein de se procurer ou de procurer à un tiers un enrichissement illégitime, aura, en utilisant des données de manière incorrecte, incomplète ou indue ou en recourant à un procédé analogue, influé sur un processus électronique ou similaire de traitement ou de transmission de données et aura, par le biais du résultat inexact ainsi obtenu, provoqué un transfert d’actifs au préjudice d’autrui ou l’aura dissimulé aussitôt après sera puni d’une peine privative de liberté de cinq ans au plus ou d’une peine pécuniaire.

2 Si l’auteur fait métier de tels actes, la peine sera une peine privative de liberté de dix ans au plus ou une peine pécuniaire de 90 jours-amende au moins.

3 L’utilisation frauduleuse d’un ordinateur au préjudice des proches ou des familiers ne sera poursuivie que sur plainte.

Art. 158 CP
Gestion déloyale
 

1. Celui qui, en vertu de la loi, d’un mandat officiel ou d’un acte juridique, est tenu de gérer les intérêts pécuniaires d’autrui ou de veiller sur leur gestion et qui, en violation de ses devoirs, aura porté atteinte à ces intérêts ou aura permis qu’ils soient lésés sera puni d’une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d’une peine pécuniaire.

Le gérant d’affaires qui, sans mandat, aura agi de même encourra la même peine.

Si l’auteur a agi dans le dessein de se procurer ou de procurer à un tiers un enrichissement illégitime, le juge pourra prononcer une peine privative de liberté de un à cinq ans.

2. Celui qui, dans le dessein de se procurer ou de procurer à un tiers un enrichissement illégitime, aura abusé du pouvoir de représentation que lui confère la loi, un mandat officiel ou un acte juridique et aura ainsi porté atteinte aux intérêts pécuniaires du représenté sera puni d’une peine privative de liberté de cinq ans au plus ou d’une peine pécuniaire.

3. La gestion déloyale au préjudice des proches ou des familiers ne sera poursuivie que sur plainte.