A.                               A.X.________, née en 2001, est la mère de B.X.________, né en 2015. Tous deux sont de nationalité portugaise. Le 7 mai 2015, A.X.________ a fait l’objet d’une mesure de placement décidée par la justice portugaise.

Par requête du 8 octobre 2015, le prévenu, né en 1982 au Portugal, et son épouse, née en 1967 au Brésil, tous deux alors domiciliés à Z.________, ont déposé devant les autorités judiciaires portugaises une requête tendant à pouvoir accueillir A.X.________ et son fils B.X.________ chez eux. La Fondation suisse du Service social international a été mandatée pour délivrer un rapport. Le 18 décembre 2015, le Service de protection de l’adulte et de la jeunesse (ci-après : SPAJ) du canton de Neuchâtel a reçu une demande d’enquête sociale portant sur une évaluation des conditions d’accueil et de la situation socio-économique des prévenus. Une conseillère éducative de l’Office de l’accueil extra-familial s’est rendue les 18, 23 janvier et 15 février 2015 à leur domicile pour y procéder à une évaluation de famille d’accueil. Un rapport a été établi à ce sujet le 21 mars 2016. Suite à ce rapport, par décision du 12 juillet 2016, le Tribunal de Celorico Da Beira (Portugal) a accordé aux prévenus la garde de A.X.________ et B.X.________ et les a autorisés à se déplacer avec les mineurs en Suisse pour y résider. La mesure de protection devait durer un an, avec des révisions semestrielles. Elle a été transmise au SPAJ avec la demande de nomination d’un tuteur « pour qu’il puisse accompagner l’intégration des mineurs en Suisse et, également, au sein de la famille des oncles maternels ».

Par décision du SPAJ du 26 juin 2016, les prévenus ont été autorisés, en qualité de parents nourriciers, à accueillir à leur domicile A.X.________ et B.X.________. Ces derniers sont arrivés en Suisse le 16 août 2016 et ont requis l’octroi d’une autorisation de séjour au titre de placement. Par décision du 29 novembre 2016, l’autorité de protection de l’enfant et de l’adulte (ci-après : APEA) a institué des tutelles à l’égard de A.X.________ et de B.X.________, désignant C.________ et D._______________, tous deux assistants sociaux auprès de l’Office de protection de l’enfant (ci-après : OPE), en qualité de tutrice de la première et de tuteur du second. Dans le cadre de cette procédure, la présidente de l’APEA a entendu les prévenus le 27 octobre 2016 et A.X.________ le 17 novembre 2016. Tous trois se sont déclarés d’accord avec l’institution des tutelles.

B.                               Par décision du 16 mars 2018, l’APEA a ratifié le placement de A.X.________ au groupe d’accueil d’urgence du foyer [aaa]. A.X.________ s’était plainte de violences de la part des prévenus, remontant à l’été 2017. Les prévenus souhaitaient son retour à leur domicile, mais la jeune fille s’y refusait. N’étant pas en mesure de payer le placement, les prévenus envisageaient – selon leurs déclarations auprès de collaborateurs de l’OPE – de renvoyer A.X.________ et B.X.________ au Portugal si un retour proche à leur domicile n’était pas possible.

C.                               Le 23 avril 2018, un entretien de réseau s’est tenu à l’OPE. Les parents d’accueil, tous deux présents, ont expliqué que B.X.________ était alors au Portugal chez l’une des sœurs du prévenu. La prévenue avait amené avec elle le garçon dans ce pays pour un « RDV au tribunal ». Elle comptait aller le chercher la semaine suivante. Le « journal consolidé » du tuteur mentionne que la prévenue a évoqué avoir « des projets », notamment le départ de la Suisse, en emmenant les enfants. Le cadre de la tutelle a été rappelé aux prévenus, notamment le fait qu’ils devaient demander une autorisation pour quitter le pays et que la situation n’était pas acceptable. Un délai d’une semaine leur a été donné pour ramener B.X.________, ce à quoi les prévenus se sont engagés. Il a été rappelé que les enfants étaient sous « Autorité Suisse » et que les prévenus ne pouvaient pas les emmener pour vivre dans un autre pays.

Le 2 mai 2018, le prévenu a informé la tutrice que sa femme était repartie au Portugal, qu’elle était malade et qu’aucune date de retour en Suisse avec B.X.________ n’était encore prévue. Il lui a été rappelé le fait que la situation n’était pas acceptable et que B.X.________ devait revenir au plus vite. Le prévenu s’est engagé à rappeler l’OPE dans la journée pour donner la date du retour.

Le 18 mai 2018, le Centre neuchâtelois de psychiatrie (ci-après : CNP) a signalé à l’APEA la situation de A.X.________ et de B.X.________ ; les représentants du CNP s’inquiétaient des tergiversations des prévenus en relation avec le retour de B.X.________ en Suisse, craignaient qu’ils ne partent au Brésil d’où la prévenue est originaire et s’inquiétaient de l’état affectif de A.X.________, perturbée par l’absence de son fils.

Les 23 et 24 mai 2018, les intervenants de l’OPE n’ont pas réussi à joindre les prévenus.

Le 24 mai 2018, le tuteur de B.X.________ s’est présenté à la police neuchâteloise et y a déposé plainte pour enlèvement de mineur.

D.                               Le samedi 26 mai 2018, le prévenu a été entendu par la police. Il a expliqué que sa femme avait une hernie discale et qu’elle était hébergée dans sa famille à Lisbonne. Elle avait téléphoné au tuteur pour dire qu’elle partait au Portugal avec B.X.________. Le prévenu ne pouvait pas garder B.X.________ seul à la maison en Suisse, vu qu’il travaillait toute la journée. C’est pour cette raison que sa femme avait pris l’enfant avec elle au Portugal. Comme le tuteur était en vacances à ce moment-là, son épouse avait pris la décision de partir tout de même avec B.X.________, environ un mois auparavant. Il était allé voir la prévenue et l’enfant le dimanche 20 mai et était revenu le 21 mai (« je suis allé les voir au Portugal »). Sa femme avait du mal à se déplacer. Le couple n’avait pas enlevé B.X.________. La police l’a invité à présenter B.X.________ le lundi suivant au tuteur.

Le lundi 28 mai 2018, le prévenu s’est rendu à l’OPE. Il n’était pas accompagné de B.X.________. Il a expliqué qu’il n’avait pas pu se rendre au Portugal le week-end, car il avait été entendu par la police le samedi matin. Sa femme ne pouvait pas se déplacer en raison de son hernie discale. Les tuteurs lui ont laissé un dernier délai au lundi suivant pour ramener B.X.________, en lui demandant de leur présenter les billets d’avion aller-retour pour lui ainsi que le billet d’avion de retour pour B.X.________, de même qu’un certificat médical pour la prévenue.

En partant de l’OPE, le prévenu s’est rendu au contrôle des habitants et a demandé à retirer les papiers du couple. Un refus lui a été communiqué. Avisé, le tuteur a appelé. Le prévenu a expliqué que le couple pensait quitter la Suisse, car l’épouse avait trouvé un travail à l’étranger. Il a affirmé accepter de se soumettre aux décisions de justice suisse concernant les enfants.

Le mercredi 30 mai 2018, l’OPE n’avait toujours pas obtenu les copies des billets d’avion ou du certificat médical requis.

Le lundi 4 juin 2018, le prévenu ne s’est pas rendu au rendez-vous prévu à l’OPE. Atteint, après plusieurs essais, par le tuteur au téléphone, le prévenu a déclaré qu’il avait suivi en cela le conseil de son avocat car il n’y avait pas de convocation écrite. Il a déclaré que B.X.________ était de retour en Suisse avec sa femme.

Le 4 juin 2018, à 12h30, le prévenu a été interpellé par la police et placé en garde à vue. Dans l’après-midi, il a été invité à joindre son épouse par téléphone. Il a informé celle-ci de la situation et l’a priée de rentrer par le premier avion.

Le prévenu a été entendu par le procureur le 5 juin 2018. Il a déclaré que sa femme avait voulu demander au tuteur l’autorisation de partir avec l’enfant au Portugal, mais que l’intéressé était en vacances. La prévenue devait refaire sa carte d’identité qui comportait des erreurs ; le document d’identité devait être renouvelé depuis au moins une année ; le délai d’attente à l’ambassade en Suisse aurait été trop long. Son épouse était partie avec B.X.________ au Portugal fin avril 2018. Il était allé les rejoindre pendant un week-end les 19 et 20 mai 2018. Il ne pouvait pas ramener l’enfant avec lui car il travaillait. Il ne pouvait pas laisser le garçon seul à la maison. Il avait informé le tuteur du voyage de sa femme et de l’enfant la semaine suivant le départ. Il était prévu que son épouse refasse son document d’identité, passe un ou deux jours à la plage et rentre. Cela ne devait pas durer plus d’une semaine. La prévenue avait cependant rencontré des problèmes de santé, soit d’hernie discale, et n’avait pas pu rentrer comme prévu. Le prévenu avait résilié le bail de l’appartement du couple à Z.________, dans l’intention d’aller habiter en France tout en continuant à travailler en Suisse pour le même employeur. Il voulait s’établir en France pour des questions financières. Les tuteurs étaient au courant, mais le prévenu ne savait pas s’ils étaient d’accord avec le déménagement. Le couple avait annoncé son départ auprès de l’état civil et payé tous les impôts afin d’obtenir le permis frontalier G auprès du service des migrations. Le prévenu avait signé un bail qui courrait depuis mai 2018 à V.________(F). Il habitait déjà là-bas. Il attendait que toutes les démarches soient en ordre pour les enfants. Légalement, il était toujours domicilié à la même adresse à Z.________. Sa femme et B.X.________ habitaient aussi à V.________. Le tuteur de B.X.________ n’était pas au courant du fait qu’ils habitaient déjà à V.________, sinon il leur aurait retiré l’enfant, comme il le leur avait annoncé. Sa femme devait rentrer le jour même en Suisse.

E.                               Le 5 juin 2018, en fin d’après-midi, la prévenue est arrivée à la gare de Z.________. Le tuteur a pris en charge B.X.________ pour l’amener au Foyer [bbb] de cette même ville.

Le 6 juin 2018, la prévenue a été entendue par le procureur. En substance, elle a expliqué qu’elle s’était rendue au Portugal pour mettre à jour ses papiers d’identité. Elle n’avait pas pensé à utiliser les services de l’ambassade en Suisse pour cette démarche, précisant aussi qu’elle avait envie de retourner dans son pays d’origine. A trois reprises, elle avait contacté l’OPE pour informer le tuteur de son déplacement, mais on lui avait répondu qu’il était en vacances. En 2017, elle s’était déjà rendue au Portugal avec B.X.________ sans en aviser préalablement son tuteur. Celui-ci lui avait juste demandé si elle avait rencontré des problèmes à la frontière. Elle n’avait pas compris qu’elle ne pouvait pas sortir de Suisse avec l’enfant sans l’autorisation de son tuteur, ceci d’autant plus qu’une décision d’un tribunal portugais octroyait à elle et son mari la garde du garçonnet. Lorsqu’elle était arrivée au Portugal, la prévenue n’avait pas immédiatement entrepris les démarches pour refaire ses documents d’identité, attendant trois ou quatre jours. Une semaine plus tard, elle était rentrée en Suisse tout en laissant B.X.________ chez la sœur de son mari. Elle devait aller chercher en Suisse des documents qui lui manquaient. Elle n’avait pas pu demander à son mari de les lui envoyer car elle ne savait pas où elle les avait rangés (son mari ne trouvait jamais rien). Elle était aussi rentrée pour se rendre au réseau du 23 avril 2018, auquel le tuteur lui avait demandé de participer. Elle n’avait pas emmené B.X.________ avec elle en Suisse pour éviter des frais. Lors du réseau, le tuteur lui avait demandé de ramener B.X.________ au plus vite. Elle avait dit qu’elle ne voulait pas acheter un billet trop cher et que, s’il faisait bon au Portugal, elle en profiterait encore. Elle se sentait bien au Portugal, alors qu’il y avait trop de pression psychologique de la part de l’administration chargée de la protection des enfants en Suisse. Par exemple, le tuteur avait commencé à prendre des rendez-vous chez le pédiatre pour B.X.________, qui pourtant allait bien ; cela causait des frais au couple. La prévenue était retournée au Portugal une à deux semaines plus tard, par un avion au départ d’Orly d’une compagnie dont elle avait oublié le nom ; le billet avait été payé en liquide. Arrivée au Portugal, elle avait dû s’aliter pendant une semaine en raison d’une hernie discale. Elle avait été choquée par la menace du tuteur de porter plainte si elle ne rentrait pas au plus vite en Suisse avec B.X.________. Le billet pour celui-ci avait été acheté le 4 juin 2018. Elle avait l’intention de « mettre à plat » la situation concernant A.X.________ et B.X.________. Elle aurait aimé que la jeune fille puisse revenir vivre avec le couple, car son placement coûtait très cher. Il ne servait à rien que les enfants soient séparés en Suisse et ils auraient été mieux ensemble au Portugal. Le prévenu et elle avaient l’intention de s’installer à V.________. Le tuteur leur avait dit qu’ils pouvaient emménager là où ils voulaient, mais que B.X.________ et A.X.________ ne pourraient pas quitter la Suisse. Le couple avait quand même décidé d’emménager à V.________, car la Suisse était trop chère. Leur appartement à Z.________ était vide. Pour l’avenir, la prévenue souhaitait que A.X.________ et B.X.________ viennent s’installer chez eux à V.________ dans un plus grand appartement. Si cette solution n’était pas possible, elle souhaitait alors qu’ils puissent regagner le Portugal. Les affaires personnelles de B.X.________ et de A.X.________ se trouvaient actuellement à V.________ en France.

F.                               Le prévenu a été mis en liberté le 6 juin 2018 à 11h55.

G.                               Le 5 juin 2018, A.X.________ et sa tutrice ont déposé plainte contre les prévenus pour enlèvement de mineur.

H.                               Par acte d’accusation du 29 octobre 2018, les prévenus ont été renvoyés devant le Tribunal de police des Montagnes et du Val-de-Ruz. Les faits reprochés aux prévenus sont les suivants :

« Enlèvement de mineur au sens de l’article 220 CP :

1.       De mars 2018 au 5 juin 2018,

2.       à Z.________,

3.       A.Y.________ et B.Y.________ ont soustrait B.X.________, né en 2015,

4.       à son tuteur D._______________,

5.       après avoir organisé en mars le voyage et

6.       avoir été encouragée par son mari B.Y.________ à l’entreprendre, même sans autorisation du tuteur ni même information à ce dernier,

7.       A.Y.________ emmenant, début avril 2018, l’enfant au Portugal et l’y gardant,

8.       A.Y.________ revenant en Suisse pendant une semaine sans l’enfant et assistant à un réseau le 23 avril 2018,

9.       le tuteur, une fois mis au courant de la situation lors du réseau du 23 avril, ayant fixé une ultime échéance de retour de l’enfant au plus tard une semaine après, puis exigé son retour à plusieurs reprises tant par téléphone que lors d’entretiens avec B.Y.________,

10.     B.Y.________ laissant l’enfant au Portugal alors qu’il s’était rendu à ses côtés le week-end des 19 et 20 mai 2018,

11.     A.Y.________ ne ramenant finalement l’enfant à son tuteur que le 5 juin 2018 à la suite de la mise en détention de B.Y.________. ».

I.                                 Les prévenus ont été entendus à l’audience du tribunal de police du 8 février 2019.

En substance, la prévenue a confirmé ses précédentes déclarations. En particulier, elle a confirmé que, comme elle avait la garde de B.X.________ et les papiers d’identité de l’enfant en sa possession, elle ne pensait pas qu’elle devait obtenir une autorisation pour voyager. Elle avait appelé plusieurs fois le tuteur pour lui demander si elle pouvait partir avec B.X.________ au Portugal. On lui avait répondu qu’il était en vacances et elle n’avait pas laissé de message. Elle avait pensé qu’elle pouvait emmener B.X.________ au Portugal sans autorisation. Elle n’avait pas l’intention de rester longtemps. Elle l’avait déjà fait et cela n’avait pas posé problème. Si elle avait appelé l’OPE c’est parce qu’elle avait compris que l’OPE était l’« autorité suprême » au moment du placement de A.X.________ en foyer.

Selon le prévenu, le couple avait décidé de déménager en France déjà en 2010-2012. Cela faisant longtemps qu’ils y pensaient. La résiliation du bail à Z.________ était intervenue en avril pour septembre ou octobre 2018. Son épouse était allée au Portugal pour refaire des documents d’identité. B.X.________ n’était pas revenu avant le mois de juin en raison du temps nécessaire pour refaire les papiers de son épouse (il avait été mal compris quand il avait dit qu’ils comportaient des erreurs) et parce que les billets d’avion étaient très chers. Le prévenu avait des vacances de deux semaines au mois de juin et il était prévu qu’il parte au Portugal à ce moment-là avec la mère de B.X.________ pour passer les vacances à quatre.

J.                                Dans son jugement du 22 février 2019, le tribunal de police retient qu’au moment des faits le jugement portugais du 12 juillet 2017 avait cessé de déployer ses effets ; qu’en droit suisse, le tuteur exerce sur le mineur les mêmes droits que les parents ; qu’il est seul en droit de déterminer le lieu de résidence d’un enfant, composante de l’autorité parentale ; que les prévenus en avaient pleinement conscience au vu du déroulement de l’audience du 27 octobre 2016 devant l’APEA ; que le rôle de famille d’accueil leur était parfaitement connu dès lors qu’ils s’étaient soumis à une enquête de l’Office des structures d’accueil extra-familial ; qu’il y a eu soustraction de mineur au sens de l’article 220 CP ; que cette soustraction a duré près de deux mois, de même que la circonstance subsidiaire de refus de remettre un mineur au sens de la même disposition ; que l’intention est établie. Selon le tribunal, les prévenus sont donc coupables d’enlèvement de mineur au sens de l’article 220 CP pour la période de mi-avril au 5 juin 2018. La culpabilité est moyenne à importante, comparable pour chacun des prévenus, qui tous deux ont pris la décision du départ de B.X.________ au Portugal et auraient eu les mêmes occasions de le ramener ; la motivation des auteurs est l’égoïsme ; la séparation entre la mère et l’enfant a été de longue durée ; les prévenus n’ont pas d’antécédents et leur situation personnelle est sans particularité. Les conditions objectives et subjectives du sursis sont réunies. Le tribunal de police renonce à prononcer l’expulsion. À cet égard, il considère que les prévenus ne sont pas venus en Suisse pour commettre des infractions ; que leurs casiers judiciaires sont vierges ; que le prévenu bénéficie d’une bonne intégration professionnelle ; que l’article 66a bis CP n’a pas été conçu pour les personnes reconnues coupables d’enlèvement de mineur.

K.                               Le prévenu saisit la Cour pénale d’un appel contre le jugement du 22 février 2019. Il s’en prend aux chiffres 1 et 4 du dispositif,

L.                               La prévenue conteste aussi le jugement du 22 février 2019. Dans sa déclaration d’appel motivée, elle fait valoir qu’elle s’était déjà rendue au Portugal, et à de nombreuses reprises en France, avec B.X.________ avant les faits litigieux, sans que cela ne pose le moindre problème. Après que le placement de A.X.________ a été ratifié, le 16 mars 2018, l’appelante a tenté de joindre à trois reprises le tuteur pour l’avertir de son voyage au Portugal avec B.X.________. Le 23 avril 2018, elle est revenue du Portugal et s’est rendue à un rendez-vous à l’OPE. Le tuteur a dit au couple que B.X.________ devait être ramené en Suisse. Des motifs médicaux et financiers ont fait que ce retour a pris quelques semaines. Le 22 mai 2018, la présidente de l’APEA a indiqué à D._______________ que les appelants étaient les tuteurs de B.X.________ et donc libres de choisir leur lieu de résidence. Lors de son audition du 26 mai 2018, le mari de l’appelante a précisément expliqué où se trouvait l’enfant B.X.________. L’appelante est revenue en Suisse avec le garçon le 5 juin 2018. Il est évident que les dispositions pour le retour, notamment l’achat des titres de transport, avaient été prises avant la veille, date de l’interpellation de l’appelant. Les éléments constitutifs de l’enlèvement de mineur au sens de l’article 220 CP ne sont pas réalisés. Le tribunal de police considère à tort que le titulaire du droit de déterminer le lieu de résidence de B.X.________ est le tuteur. Le jugement portugais attribuant la garde de B.X.________ à l’appelante et à son mari et l’autorisant à se déplacer en Suisse déploie tous ses effets conformément à la Convention européenne du 20 mai 1980 sur la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière de garde des enfants et de rétablissement de la garde des enfants. La décision de l’APEA du 29 novembre 2016 instituant une tutelle est contradictoire. La décision portugaise a été mal traduite par la justice suisse, en ce sens que jamais les autorités portugaises n’ont souhaité que le droit de déterminer le lieu de résidence de B.X.________ soit retiré à l’appelante pour être donné à un tuteur. Par ailleurs, la condition de la soustraction n’est pas réalisée car B.X.________ était déjà sous la garde de l’appelante au moment où cette dernière est partie au Portugal. S’il est vrai que l’appelante a mis plusieurs semaines à ramener B.X.________ en Suisse, il faut garder à l’esprit que l’intéressée souffre d’une hernie discale et que ses moyens financiers sont limités. Il s’agit d’un cumul de circonstances malheureuses. L’appelante n’a jamais exprimé un refus de remettre B.X.________ au tuteur. Enfin, la condition de l’intention n’est pas réalisée. L’appelante a emmené l’enfant avec elle au Portugal dans l’unique but d’effectuer des démarches administratives. Il était dès le départ prévu de revenir avec le garçonnet.

M.                              Le ministère public dépose un appel joint tendant au prononcé de l’expulsion des appelants. Selon le procureur, les prévenus, d’origine portugaise, ont démontré, par leur comportement, l’existence de liens étroits avec leur pays d’origine. Les liens avec la Suisse ne semblent subsister qu’au travers de l’emploi de l’appelant. Le couple a fait preuve de défiance envers les autorités suisses en se constituant une résidence à V.________ tout en conservant un domicile fictif à Z.________. Une mesure d’expulsion d’une certaine durée serait à même de diminuer sensiblement le risque de récidive de déplacement illicite de B.X.________ tant que l’enfant reste en bas âge.

N.                               a) La prévenue a été interrogée à l’audience de la Cour pénale. En substance, elle a déclaré qu’elle avait décidé d’aller au Portugal à l’époque où A.X.________ avait été placée auprès du foyer [aaa] et qu’on lui avait dit qu’elle et son mari devraient payer les frais de placement. Le but du voyage au Portugal était de refaire sa carte d’identité. En effet, elle voulait s’installer en France et elle avait à cet effet besoin d’une carte d’identité valable. S’installer en France était un projet de longue date des prévenus, dicté par des motifs financiers. Si elle s’était adressée à un consulat du Portugal en Suisse, ça aurait pris beaucoup de temps. Comme son mari travaillait toute la journée, elle était obligée d’emmener B.X.________ avec elle au Portugal. Elle avait appelé le tuteur de B.X.________ qui était en vacances, parce qu’un jour il lui avait dit que c’était lui qui s’occupait de B.X.________. Elle ne savait toutefois pas si elle pouvait voyager avec l’enfant. En fait, c’est quand elle était arrivée en Suisse avec les enfants que D._______________ lui avait expliqué qu’il était le tuteur de B.X.________ et que C.________ était la tutrice de A.X.________. Elle a précisé ceci : « Dans ma tête, lorsque j’ai décidé d’aller refaire ma carte d’identité au Portugal, j’avais le droit de voyager avec B.X.________ puisque le juge portugais m’avait autorisé à me déplacer en Suisse avec lui ». La prévenue était allée à Lisbonne où elle s’était installée dans la famille de son mari. Elle avait appris qu’elle aurait dû amener son ancienne carte d’identité qui était échue. Elle avait laissé B.X.________ à Lisbonne et était rentrée en Suisse pour prendre sa vieille carte d’identité. A ce moment-là, elle habitait déjà avec son mari à V.________, sans pouvoir préciser exactement la date d’installation. Les affaires de B.X.________ étaient à V.________. Il semblait à la prévenue que c’était à cette époque qu’elle avait eu un rendez-vous avez D._______________ qui lui avait demandé où était B.X.________. Elle avait répondu qu’il était au Portugal. Le tuteur s’était un peu énervé. Il lui avait dit qu’elle devait savoir qu’elle ne pouvait pas sortir de Suisse avec B.X.________. Elle lui avait répondu qu’elle avait tous les papiers du juge du Portugal qui l’autorisaient à voyager dans ce pays avec le garçon. La conversation avait été désagréable. Le tuteur lui avait demandé quand elle ramènerait B.X.________ du Portugal. La prévenue lui avait répondu qu’elle cherchait un billet d’avion et qu’elle devait trouver un tarif favorable. Le tuteur avait insisté pour qu’elle revienne rapidement avec l’enfant. La prévenue voulait absolument trouver un billet à un bon tarif. Après quelques jours, elle avait trouvé le billet et elle était partie à Lisbonne. La prévenue avait refait sa carte d’identité. Elle avait voulu profiter du soleil et de la plage. A ce moment-là, elle avait eu un problème d’hernie discale et elle avait dû passer un mois sans bouger. Elle n’avait pas consulté tout de suite de médecin au Portugal. Une amie lui avait fourni des médicaments pour qu’elle puisse se rendre chez un docteur. Elle avait reçu des messages du tuteur qui la menaçait de porter plainte pour enlèvement d’enfant à peu près deux semaines plus tard, sauf erreur. Elle était trop mal en point pour pouvoir rentrer en Suisse. Elle ne se souvenait pas que le prévenu soit venu la retrouver au Portugal. Finalement, elle avait pu consulter un médecin qui lui avait fait des piqûres. Elle avait pu marcher. Elle avait recommencé à chercher un billet pour rentrer. Son mari l’avait appelée et lui avait demandé de revenir rapidement avec B.X.________. La prévenue ne pouvait pas expliquer pourquoi la nouvelle carte d’identité qu’elle avait obtenue à Lisbonne venait à échéance le 11 janvier 2028. A l’heure actuelle, elle était domiciliée à R.________ (en France voisine). Elle n’avait plus d’emploi.

                        b) Interrogé à son tour, le prévenu a déclaré qu’il avait été très surpris quand A.X.________ avait été placée au foyer [aaa]. Il n’était pas d’accord avec ce placement, et il avait dit qu’il refusait d’en payer les frais. On lui avait répondu qu’il pouvait demander le soutien de l’aide sociale. Pour lui, il était exclu de dépendre de l’aide sociale. Il n’y avait pas eu de discussions avec le tuteur à propos de savoir qui décidait quoi. Ce dernier lui avait simplement dit que A.X.________ restait au foyer [aaa] et qu’il n’y avait pas à discuter. La décision de sa femme de refaire sa carte d’identité était antérieure au placement de A.X.________. Elle devait emmener B.X.________ avec elle au Portugal puisqu’il travaillait. A la réflexion, la décision avait été prise après le placement de A.X.________. La prévenue devait rester sur place entre 8 et 15 jours pas plus. Les démarches administratives pour la carte d’identité ne devaient pas prendre plus de 3 jours. Si sa femme s’était adressée au consulat du Portugal en Suisse, l’opération aurait pris au minimum un mois. Son épouse avait la double nationalité brésilienne et portugaise. Elle avait les deux passeports. Il y avait néanmoins besoin qu’elle dispose de sa carte d’identité pour passer la frontière s’il y avait un contrôle. Ce n’était pas très urgent mais c’était nécessaire. Sauf erreur, le couple avait pris un appartement à V.________ en mai ou juin 2018. Il avait fait des démarches auparavant auprès des autorités françaises. Le prévenu était allé à la mairie à V.________ au mois de janvier ou février 2018 pour savoir quels étaient les papiers à réunir. Lors de l’entretien de réseau du 23 avril 2018, il avait été question du fait que A.X.________ ne voulait pas revenir chez le couple, mais que B.X.________ allait rester avec celui-ci. Sa femme avait appelé une ou deux fois le tuteur, qui était en vacances, parce qu’elle n’était pas très sûre de la situation légale, vu les papiers du Portugal. Le prévenu avait expliqué au tuteur qu’il fallait trouver des billets d’avion à prix raisonnable pour ramener B.X.________. Ensuite, sa femme était tombée malade. Le prévenu a contesté avoir déclaré lors de l’audition du 5 juin 2018 que le tuteur lui aurait dit que, si le couple partait, B.X.________ leur serait enlevé tout de suite. Le déménagement en France avait eu lieu en mai 2018. Les époux avaient déménagé ensemble. Ils avaient eu ensuite le rendez-vous avec le tuteur et c’est là que ce dernier leur avait expliqué les choses : « Si on habitait en dehors de la Suisse avec ma femme, alors B.X.________ devait rester en Suisse alors qu’on habitait déjà en France. Je n’ai pas dit à D._______________ qu’on habitait déjà en France. ». Sa femme était allée deux fois au Portugal, la première fois quand le couple habitait encore en Suisse et la deuxième quand le couple habitait déjà en France. Il pensait que la prévenue était repartie pour Lisbonne une semaine ou deux après la séance du 23 avril. Le déménagement avait eu lieu le 27 ou 28 avril. Il est vrai que le week-end des 18 et 19 mai, le prévenu était allé au Portugal. Il avait fait le voyage en bus et avait visité seulement sa mère, qui habitait à 400 km de Lisbonne. Il n’aurait pas pu ramener B.X.________ avec lui, vu la durée du voyage et le fait qu’il n’avait personne pour s’occuper de l’enfant en Suisse pendant qu’il travaillait. Depuis le jugement de première instance, le couple ne pouvait plus voir B.X.________ et A.X.________. Le prévenu occupait toujours un emploi en Suisse, en qualité de maçon dans une entreprise de U.________.

c) Dans sa plaidoirie, l’avocate de l’appelante replace tout d’abord les faits dans leur contexte. Quatre ans auparavant, le couple a pris l’importante décision de venir en aide à B.X.________ et A.X.________, qui étaient pour le premier destiné à l’adoption, pour la seconde placée dans une institution. Les appelants avaient l’intention de donner une vie meilleure aux enfants, en leur donnant l’occasion de vivre ensemble, et en les éloignant de la pression médiatique. Aujourd’hui, ils sont traités comme de grands criminels. La procédure a dérapé. Lorsque B.X.________ a été ramené en Suisse, il a été arraché brutalement à l’appelante et, depuis janvier 2019, le droit de visite est suspendu. L’appelante n’avait jamais imaginé que partir au Portugal avec le garçonnet entraînerait de telles conséquences. En réalité, on se demande qui a enlevé B.X.________ à qui.

                        Les déclarations de l’appelante sont pour l’essentiel corroborées par les dires de son mari. L’hernie discale dont elle souffre était déjà relevée dans l’enquête sociale menée en 2016. Les problèmes financiers du couple sont constants. L’impossibilité pour le mari de la prévenue de garder B.X.________ en Suisse ou de faire subir à celui-ci un long voyage en bus ne prête pas à discussion. La prévenue a livré des explications franches sur le but du voyage au Portugal, et le projet formé par le couple de s’installer en France.

                        Pour la défense, les éléments constitutifs de l’article 220 CP ne sont pas réalisés. En effet, l’appelante et son mari sont les détenteurs de l’autorité parentale. Les décisions portugaises et suisses coexistent et ne sont pas contradictoires. Au demeurant, même si D._______________ avait été titulaire de l’autorité parentale, il n’y aurait pas eu d’enlèvement. La prévenue a tenu à informer le tuteur de ses déplacements. Elle a été victime d’un malheureux concours de circonstances s’agissant de son état de santé. Son adresse au Portugal était connue des autorités depuis la première audition par la police. L’élément subjectif de l’infraction n’est pas réalisé. L’appelante n’avait nullement l’intention d’empêcher l’exercice de l’autorité parentale de qui que ce soit. Ce sont des raisons administratives et un besoin de vacances qui l’ont conduite à partir au Portugal. Quoi qu’il en soit, deux motifs justificatifs sont réalisés : l’erreur sur l’illicéité au sens de l’article 21 CP et l’état de nécessité au sens de l’article 17 CP.

                        S’agissant de l’appel joint du ministère public, la défense nie tout risque de récidive en faisant valoir que le couple n’a plus de contact avec B.X.________ ; qu’il n’a pas de casier judiciaire ; que l’expulsion priverait les appelants de leur seule source de revenu et qu’ils rencontreraient des difficultés insurmontables à retourner au Portugal.

d) L’avocat de l’appelant rappelle également les origines dramatiques du placement de A.X.________ et B.X.________ chez les prévenus. Ceux-ci n’auraient jamais imaginé qu’ils seraient à nouveau confrontés aux autorités pénales et aux médias en Suisse.

                        Cela étant, le premier juge n’a pas établi exactement la chronologie des faits. Des incohérences subsistent. Le 23 avril, le tuteur a simplement recommandé au couple de revenir en Suisse avec l’enfant. De nouveaux contacts téléphoniques ont eu lieu en mai. Puis le 22 mai, le tuteur a téléphoné à la présidente de l’APEA pour demander s’il fallait déposer plainte. Les prévenus avaient alors en vue un déménagement vers la France, et non pas un enlèvement vers le Portugal. Le déménagement était motivé par des raisons financières. Il s’est écoulé 30 jours entre le 23 avril 2018 et le 24 mai 2018, date du dépôt de la plainte. Pendant cette période, les prévenus ont agi. L’appelant est reparti au Portugal. De nouvelles vacances dans ce pays ont été prévues. Les éléments constitutifs de l’article 220 CP ne sont pas réalisés. Le jugement portugais est une décision typique de tutelle. Il est reconnu en Suisse selon la convention de Luxembourg. Aucun jugement ne s’éteint de lui-même. Les autorités suisses auraient dû confirmer la désignation des prévenus comme tuteurs, plutôt que de désigner des collaborateurs de l’OPE. Les appelants auraient dû faire recours contre le jugement suisse, ce qu’ils ignoraient. Ainsi, deux jugements contradictoires cohabitent. Il ne peut pas y avoir de soustraction d’un mineur quand l’auteur est titulaire de l’autorité parentale.

                        En second lieu, la défense fait valoir que l’appelant est resté en Suisse. Il n’a jamais manifesté la volonté de ne pas remettre le garçon aux autorités suisses. Il était paniqué et essayait de régler les choses avec son épouse. Tout au plus pourrait-il être considéré comme un complice. Il a entrepris tout ce qu’il fallait pour que le retour de l’enfant soit organisé au plus vite. C’est uniquement l’état de santé de sa femme qui a retardé le retour. Enfin, l’appelant invoque également l’erreur sur l’illicéité.

                        S’agissant de l’appel joint du ministère public, l’appelant conclut au rejet de l’expulsion, en invoquant l’impact que cette mesure aurait sur les plans professionnel et familial pour le couple. Il sollicite une indemnité de 600 francs pour les trois jours de détention qu’il a subi durant la procédure.

e) Dans son réquisitoire, le représentant du ministère public rappelle que la plainte a été déposée sur ordre de la présidente de l’APEA. Il souligne que le jugement helvétique est postérieur au jugement portugais et qu’il ne porte pas sur la garde, mais sur une tutelle. Pour le procureur, les appelants étaient tous deux d’accord avec le fait que la prévenue emmène B.X.________ au Portugal, pour une durée indéterminée. A trois reprises, l’appelante a cherché à joindre le tuteur. Elle savait pertinemment que le départ ne pouvait se faire sans l’aval de celui-ci. Son mari le savait lui aussi. Le bail de l’appartement du couple en Suisse a été résilié, un avis de départ a été donné, des billets d’avion allers simples ont été pris. La carte d’identité avait été refaite en janvier 2018. La justification du déplacement à l’étranger tombe à faux. La véritable raison du départ a été donnée par l’appelante lors de son audition du 6 juin 2018 : il y avait trop de pression de la part des autorités de protection de l’enfant sur le couple en Suisse. L’appelante ne voulait plus avoir à rendre des comptes au sujet de la garde de B.X.________. Elle a refusé de communiquer l’adresse au Portugal. Les prévenus se sont montrés injoignables. Le prévenu est revenu du Portugal sans B.X.________. Il y avait ainsi une intention du couple de faire quitter le territoire helvétique à l’enfant pour éviter des pressions. Cela a duré pendant 2 mois. Le risque de récidive demeure et l’expulsion doit être prononcée.

C O N S I D E R A N T

1.                                Interjeté dans les formes et délais légaux, les appels et l’appel joint sont recevables (art. 399 CPP et 401 CPP). Une annonce d’appel n’était pas nécessaire, car le tribunal de police avait notifié un jugement directement motivé aux parties.

2.                                Selon l’article 398 CPP, la juridiction d’appel jouit d’un plein pouvoir d’examen sur les points attaqués du jugement (al. 2). L’appel peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès ou l’abus du pouvoir d’appréciation, le déni de justice et le retour injustifié, pour constatation incomplète ou erronée des faits et pour inopportunité (al. 3). La Cour pénale limite son examen aux violations décrites dans l’acte d’appel (art. 404 al. 1 CPP), sauf en cas de décision illégale ou inéquitable (art. 404 al. 2 CPP). Sur les points attaqués du jugement, elle revoit la cause librement en fait et en droit (Kistler-Vianin, in CR-CPP, n. 11 ad art. 398).

3.                                a) Selon l'article 10 CPP, toute personne est présumée innocente tant qu'elle n'est pas condamnée par un jugement entré en force (al. 1). Le tribunal apprécie librement les preuves recueillies, selon l'intime conviction qu'il retire de l'ensemble de la procédure (al. 2). Lorsque subsistent des doutes insurmontables quant aux éléments factuels justifiant une condamnation, le tribunal se fonde sur l'état de fait le plus favorable au prévenu (al. 3).

b) D’après la jurisprudence (notamment arrêt du TF du 28.09.2018 [6B_418/2018] cons. 2.1), la présomption d'innocence et son corollaire, le principe in dubio pro reo, concernent tant le fardeau de la preuve que l'appréciation des preuves au sens large. En tant que règle sur le fardeau de la preuve, elle signifie, au stade du jugement, que le fardeau de la preuve incombe à l'accusation et que le doute doit profiter au prévenu. Comme règle d'appréciation des preuves, la présomption d'innocence signifie que le juge ne doit pas se déclarer convaincu de l'existence d'un fait défavorable à l'accusé si, d'un point de vue objectif, il existe des doutes quant à l'existence de ce fait. Il importe peu qu'il subsiste des doutes seulement abstraits et théoriques, qui sont toujours possibles, une certitude absolue ne pouvant être exigée. Il doit s'agir de doutes sérieux et irréductibles, c'est-à-dire de doutes qui s'imposent à l'esprit en fonction de la situation objective. L'appréciation des preuves est l'acte par lequel le juge du fond évalue la valeur de persuasion des moyens de preuve à disposition et pondère ceux-ci afin de parvenir à une conclusion sur la réalisation ou non des éléments de fait pertinents pour l'application du droit pénal matériel. L'appréciation des preuves est dite libre ; ce n'est ni le genre ni le nombre de preuves qui est déterminant, mais leur force de persuasion (Verniory, in : CR CPP, n. 34 ad art. 10, avec des références). Il convient de faire une évaluation globale de l'ensemble des preuves rassemblées au dossier, en s'attachant à la force de conviction de chaque moyen de preuve et non à la nature de la preuve administrée (cf. notamment arrêt du TF du 05.11.2014 [6B_275/2014] cons. 4.2).

                        c) Il est généralement admis qu’en présence de plusieurs versions successives et contradictoires des faits présentés par la même personne, le juge doit en principe accorder la préférence à celle qui a été donnée alors que l’intéressé en ignorait peut-être les conséquences juridiques, soit normalement la première, les explications nouvelles pouvant être consciemment ou non le fruit de réflexions ultérieures (RJN 2019, p. 417, p. 421 ; 1995 p. 119 ; ATF 121 V 45 cons. 2a). Lorsque le prévenu fait des déclarations contradictoires, il ne peut en outre invoquer la présomption d’innocence pour contester les conclusions défavorables que le juge a, le cas échéant, tiré de ses déclarations (arrêt du TF du 30.06.2016 [6B_914/2015] cons. 1.2).

4.                                L’article 220 CP dispose que celui qui aura soustrait ou refusé de remettre un mineur au détenteur du droit de déterminer le lieu de résidence sera, sur plainte, puni d’une peine privative de liberté de 3 ans au plus ou d’une peine pécuniaire.

Pour que l’infraction d’enlèvement de mineur au sens de l’article 220 CP soit consommée, il faut que l’auteur empêche le détenteur du droit de déterminer le lieu de résidence de décider, ainsi que la loi l’y autorise, du sort de l’enfant. L’infraction peut être accomplie par n’importe quelle personne physique : grands-parents, parents nourriciers, maître d’apprentissage, journaliste, tiers lié affectivement au mineur enlevé, etc. Les père et mère du mineur dépourvus de l’autorité parentale ou dont l’autorité parentale a été amputée du droit de déterminer le lieu de résidence de leur enfant peuvent également commettre l’infraction à l’encontre du tuteur de ce dernier ou de l’autorité de protection investie du droit de garde (Sauterel, Commentaire romand, Code pénal II, n. 12 ad art. 220 CP).

Le bien juridique protégé par l’article 220 CP est le droit de déterminer le lieu de résidence en tant que composante de l’autorité parentale. Cette disposition protège ainsi la personne qui a le droit de décider du lieu de résidence de l’enfant. Le titulaire de ce droit se détermine selon le droit civil (ATF 141 IV 205 cons. 5.3.1 ; arrêt du TF [6B_1073/2018] précité, et les références).

En droit suisse, l’autorité de protection de l’enfant nomme un tuteur lorsque l’enfant n’est pas soumis à l’autorité parentale (art. 327a CC). Le statut juridique de l’enfant sous tutelle est le même que celui de l’enfant soumis à l’autorité parentale (art. 327b CC). Le tuteur a les mêmes droits que les parents (art. 327c CC). L’autorité parentale inclut le droit de déterminer le lieu de résidence de l’enfant (art. 301a CC). Les parents nourriciers, sous réserve d’autres mesures, représentent les père et mère dans l’exercice de l’autorité parentale en tant que cela est indiqué pour leur permettre d’accomplir correctement leur tâche. Ils sont entendus avant toute décision importante (art. 300 CC). Selon l’article 316 CC, le placement d’enfants auprès de parents nourriciers est soumis à l’autorisation et à la surveillance de l’autorité de protection de l’enfant ou d’un autre office du domicile des parents nourriciers, désigné par le droit cantonal. Comme l’a retenu le premier juge, les parents nourriciers ne disposent pas de l’autorité parentale et a fortiori pas du droit de déterminer le lieu de résidence de l’enfant ; en particulier, les parents nourriciers ne sont pas habilités à transmettre, de leur propre chef, la prise en charge de l’enfant à d’autres tiers sans l’accord du représentant légal (Meier/Stettler, Le droit de la filiation, 5ème éd., n. 467).

Il faut entendre, par soustraction ou refus de remettre, que la personne mineure (avec ou sans son consentement) est éloignée ou tenue éloignée du lieu de séjour ou de placement choisi par le ou les détenteurs du droit de déterminer son lieu de résidence, la séparation spatiale ayant pour effet d’empêcher l’exercice de ce droit (arrêt du TF du 23.08.2019 [6B_1073/2018] cons. 6.1 et les références). La non-restitution illicite du mineur est le pendant de son déplacement illicite ; l’ayant-droit n’a plus accès au mineur et ne peut plus librement communiquer avec lui. Chacun des deux modes suffit à réaliser l’infraction, l’objectif étant d’assurer une protection complète incriminant aussi bien le fait d’enlever l’enfant que le fait de refuser de le rendre à l’ayant-droit. L’auteur a la maîtrise de fait du mineur, peu importe qu’à l’origine celle-ci était licite, par exemple parce que l’ayant-droit y avait consenti ou parce qu’elle résultait d’une décision de l’autorité ou qu’elle était illicite, par exemple parce que l’enfant avait quitté la communauté domestique sans l’assentiment de ses père et mère ou parce qu’un tiers ou l’auteur l’avait préalablement soustrait. Usant de cette maîtrise de fait, l’auteur refuse, par action ou omission, de remettre le mineur au détenteur du droit de déterminer son lieu de résidence et partant met l’exercice de ce droit en échec. Ce refus, comme manifestation active de volonté, doit être perceptible, soit être exprimé oralement, par écrit ou par acte concluant et en définitive s’apparenter à un enlèvement ; ainsi se borner à nourrir et à héberger brièvement un jeune fugueur ne suffit pas à matérialiser un refus punissable, faute de s’associer sciemment et durablement à la persistance de l’illégalité de l’enlèvement. Après l’avoir envisagé, le législateur n’a pas introduit un critère de durée dans le texte légal pour caractériser le refus de remettre, si bien que ce comportement peut être réalisé aussi bien par la prolongation illicite pour une durée indéterminée d’un droit de visite exercé à l’étranger que par l’extension abusive de trois jours d’un droit de visite. Toutefois, comme il s’agit d’une atteinte à la résidence de l’enfant, une durée insignifiante, comme le dépassement de l’heure fixée pour le transfert de l’enfant d’un parent à l’autre, ne constitue pas un enlèvement, l’infraction ne devant au demeurant pas être utilisée à des fins chicanières (Bertrand Sauterel, op cit., n. 24 à 26 ad art. 220 ; arrêt de la CPEN du 26.09.2016 [CPEN.2016.22]).

Sur le plan subjectif, l’infraction est intentionnelle, le dol éventuel suffit. L’intention doit porter sur la connaissance de la qualité de mineur de la personne enlevée et sur le fait d’empêcher l’exercice du droit de déterminer le lieu de résidence (arrêt du TF [6B_1073/2018] précité).

5.                                a) Selon l’article 12 al. 2 CP, agit intentionnellement quiconque commet un crime ou un délit avec conscience et volonté ; l’auteur agit déjà intentionnellement lorsqu’il tient pour possible la réalisation de l’infraction et l’accepte pour le cas où celle-ci se produirait. En l’absence d’aveu, l’intention se déduit d’une analyse des circonstances permettant de tirer, sur la base d’éléments extérieurs, des déductions sur les dispositions intérieures de l’auteur (arrêt du TF du 16.04.2018 [6B_502/2017] cons. 2.1).

b) Est un co-auteur celui qui collabore, intentionnellement et de manière déterminante, avec d’autres personnes à la décision de commettre une infraction, à son organisation ou à son exécution, au point d’apparaître comme l’un des participants principaux. Il faut que, d’après les circonstances du cas concret, la contribution du co-auteur apparaisse essentielle à l’exécution de l’infraction. La seule volonté quant à l’acte ne suffit pas. Il n’est toutefois pas nécessaire que le co-auteur ait effectivement participé à l’exécution de l’acte où qu’il ait pu l’influencer. La co-activité suppose une décision commune, qui ne doit cependant pas obligatoirement être expresse, mais peut aussi résulter d’actes concluants, le dol éventuel quant au résultat étant suffisant. Il n’est pas nécessaire que le co-auteur participe à la conception du projet ; il peut y adhérer ultérieurement. Il n’est pas non plus nécessaire que l’acte soit prémédité ; le co-auteur peut s’y associer en cours d’exécution. Ce qui est déterminant, c’est que le co-auteur se soit associé à la décision dont est issue l’infraction ou à la réalisation de cette dernière, dans des conditions ou dans une mesure qui le font apparaître comme un participant non pas secondaire, mais principal (ATF 135 IV 152 cons. 2.3.1 ; 134 III 58 cons. 9.2.1 ; plus récemment, arrêt du TF du 28.08.2019 [6B_755/2019] cons. 1.3.3.).

c) Le complice se distingue de l’auteur en ce qu’il n’a pas d’emprise sur le cours des événements. Doit être qualifié de complice et non de co-auteur celui qui se laisse progressivement entraîner dans une entreprise dont l’ampleur le dépasse et dont il n’a jamais eu le contrôle. C’est l’intensité (notion subjective) avec laquelle l’intéressé s’associe à la décision dont est issu le délit qui est déterminante pour distinguer l’auteur du complice (Favre/Pellet/Stoudmann, Code pénale annoté, n. 1.9 ad art. 25 CP).

6.                                Le Portugal et la Suisse sont parties à la Convention de la Haye concernant la compétence, le droit applicable, la reconnaissance, l’exécution et la coopération en matière de responsabilité parentale et de mesures de protection des enfants, du 19 octobre 1996 (CLaH96). En substance, cette convention, qui s’applique aux enfants à partir de leur naissance et jusqu’à ce qu’ils aient atteints l’âge de 18 ans, prévoit que les autorités de l’Etat de la résidence habituelle de l’enfant sont compétentes pour prendre des mesures tendant à la protection de sa personne et qu’ils appliquent leurs lois (art. 5 et 15 CLaH96). Les mesures prises par les autorités d’un Etat contractant sont reconnues de plein droit dans les autres Etats contractants (art. 23 CLaH96). Un système de coopération entre les Etats est mis en place (art. 29ss CLaH96).

7.                                En l’espèce, les appelants invoquent la décision du Tribunal de Celorico Da Beira du 12 juillet 2016, confiant à leur garde et à leurs soins A.X.________ et B.X.________, avec l’autorisation de se déplacer en Suisse afin d’y résider. Les considérants de cette décision, traduite en français, permettent clairement de comprendre qu’il ne s’agit pas de déléguer purement et simplement l’autorité parentale sur les enfants aux appelants. La décision analyse soigneusement la situation des mineurs et le projet des oncle et tante de A.X.________ de les accueillir en Suisse, en se référant au rapport social établi sur les conditions de vie du couple dans ce dernier pays. La décision mentionne expressément qu’elle n’est valable qu’une année. Cette durée d’emblée limitée est cohérente avec le changement de pays de résidence habituelle envisagé. Le fait que la décision prévoit des suivis semestriels qui n’ont pas eu lieu ne permet pas d’admettre une prorogation tacite, comme le voudraient les appelants. Cela est d’autant moins le cas que la décision instaure une coordination entre les mesures décidées par les autorités portugaises et celles du nouveau pays de résidence habituelle des enfants, puisqu’elle sollicite des autorités suisses la nomination d’un tuteur pour « accompagner l’intégration des mineurs en Suisse et, également, au sein de la famille des oncles maternels ». De fait, c’est l’option que l’APEA des Montagnes et du Val-de-Ruz a choisie au moment de l’arrivée des enfants en Suisse ; elle a désigné deux tuteurs ; parallèlement, une procédure tendant à la désignation des appelants comme famille d’accueil a eu lieu, selon l’article 13 du Règlement général sur l’accueil des enfants. Les intéressés n’ont pas contesté la forme qu’ont prises les mesures d’intervention des autorités de protection de l’enfant suisses et n’ont pas recouru contre les décisions qui leur ont été notifiées. Dans ces conditions, on ne peut que considérer que les appelants, comme famille d’accueil, ne disposaient pas du droit de déterminer le lieu de résidence de B.X.________ en vertu des droits civils suisse et portugais.

L’hypothèse d’une erreur de droit ou de fait doit être exclue. Le procès-verbal de l’audience de l’APEA du 27 octobre 2016 montre que les appelants savaient parfaitement que des tuteurs avaient été nommés en Suisse pour les enfants. L’appelante s’est plainte devant le procureur du fait que le tuteur prenait des rendez-vous chez le pédiatre pour B.X.________ quand ce n’était pas nécessaire selon elle, causant ainsi des frais au couple. Elle n’ignorait donc pas le rôle du tuteur dans l’éducation et les soins à apporter à l’enfant. S’il y avait encore un doute au sujet des droits et obligations des parents nourriciers et des tuteurs, le placement de A.X.________ en février 2018 contre la volonté des appelants, à la demande de sa tutrice, ainsi que les explications données dans ce cadre par D._______________ et C.________ devaient lever tout doute dans leur esprit à ce sujet : « depuis que A.X.________ est partie en foyer, c’est là qu’il nous a dit qu’il était l’autorité suprême ». D’ailleurs, l’appelante a cherché ensuite à plusieurs reprises, selon les déclarations d’elle et de son mari, à prévenir le tuteur de B.X.________ de son intention de voyager avec le garçonnet au Portugal. Le courriel adressé le 22 mai 2018 par la présidente de l’APEA aux tuteurs de B.X.________ et A.X.________ partant de la prémisse que les appelants étaient les tuteurs des enfants ne changent rien à ce qui précède. En effet, ce courriel était manifestement erroné puisque l’APEA avait précisément désigné des tuteurs en Suisse pour les enfants ; de plus, il n’a pas été communiqué aux appelants qui n’en avaient pas connaissance à l’époque des faits. Enfin, la présidente de l’APEA s’est rapidement aperçue de son erreur et a établi une attestation en sens contraire le 24 mai 2018.

Les appelants contestent avoir soustrait ou refusé de remettre B.X.________ à son tuteur. Leurs comportements entre le 23 avril 2018 et le 5 juin 2018 ne permet toutefois pas d’autres conclusions, même au bénéfice du doute. À cet égard, la Cour pénale peut se référer aux considérants du premier juge (art. 82 al. 4 CPP, cons. 17 à 19 du jugement attaqué). Les prévenus ont emmené l’enfant au Portugal, dans un lieu qu’ils ont d’abord refusé d’indiquer précisément, se sont soustraits aux tentatives de les atteindre par téléphone, n’ont pas obtempéré aux demandes fermes du tuteur de ramener l’enfant en Suisse, et ce pendant plusieurs semaines (cf. cons. C ci-dessus). On relève que ces faits se sont produits au moment où A.X.________ venait d’être retirée à la garde des prévenus, qui pouvaient craindre que cette circonstance, si elle perdurait, conduise également à un retrait de leur garde sur B.X.________. Les appelants ne voulaient pas prendre en charge les coûts du placement de A.X.________ et avaient évoqué, déjà en mars 2018, devant le tuteur la possibilité de renvoyer celle-ci et B.X.________ au Portugal. La location d’un appartement en France vient appuyer l’analyse du premier juge. Les explications des appelants à l’audience de ce jour à ce sujet permettent de retenir que l’idée de s’installer de l’autre côté de la frontière a été concrétisée environ à l’époque du placement de A.X.________, qu’un bail avait déjà été signé au moment de l’entretien de réseau du 23 avril 2018 et que le déménagement a eu lieu peu après, sans que le tuteur de l’enfant ne soit consulté à ce sujet. Tout cela ne peut être une simple coïncidence avec le départ et le non-retour de B.X.________.

Le prétexte donné pour le déplacement initial, à savoir la nécessité pour l’appelante d’établir une nouvelle carte d’identité, n’est pas sérieux, si l’on considère que le nouveau document établi, valable pour 10 ans, doit expirer le 11 janvier 2028 – ce dont on déduit que les démarches pour son renouvellement ont été effectuées avant le 28 janvier 2018, et non pas ultérieurement ; on soulignera au reste à ce propos que l’appelant a expliqué devant le procureur que le document d’identité devait être renouvelé depuis « au moins une année ». L’ensemble de ces circonstances fait qu’il n’est pas possible de considérer, comme le voudraient les appelants, que la condition de l’intention n’est pas réalisée. Les revirements et adaptations dans leurs déclarations à l’audience de ce jour enlèvent toute crédibilité à leur thèse (notamment quant à la durée de l’alitement de l’appelante au Portugal, l’achat de billet aller simple ou aller-retour, le voyage de l’appelant pour rejoindre sa femme et B.X.________ à Lisbonne ou à 400 km de cette ville. C’est le lieu d’observer que les appelants ne peuvent s’en prendre qu’à eux-mêmes si des difficultés dans l’établissement de la chronologie des faits sont survenues. Tous deux doivent être reconnus coupables d’enlèvement de mineur.

Comme le premier juge, la Cour pénale retient que leur culpabilité est équivalente. En particulier, on ne peut considérer que l’appelant s’est simplement laissé entraîner dans une entreprise dont les conséquences l’auraient dépassé et qu’il se serait borné à prêter assistance à son épouse. Les deux ont toujours agi conjointement. Ils ont pris part ensemble à l’entretien de réseau du 23 avril 2018. Ils ont déménagé ensemble à V.________ les affaires de B.X.________. L’appelant est allé rejoindre l’appelante et l’enfant à Lisbonne – conformément à leurs déclarations communes jusqu’au revirement devant la Cour pénale (l’appelante a déclaré devant le procureur que son époux était venu les rejoindre au Portugal –, sans en profiter pour le ramener en Suisse, ignorant ainsi les injonctions fermes du tuteur.

On ne peut parler d’une violation mineure des droits résultant de l’autorité parentale, ou d’une plainte chicanière de la part des représentants légaux des enfants. La situation a duré plusieurs semaines. A.X.________ souffrait d’être séparée de son fils, situation dont les appelants ne pouvaient qu’être conscients, même si le placement de A.X.________ contre leur volonté avait nécessairement pour effet de restreindre – mais pas de supprimer – momentanément les contacts entre la mère et l’enfant. Les difficultés financières également invoquées doivent être relativisées, puisque durant la période où B.X.________ demeurait au Portugal, les prévenus effectuaient des allers-retours entre la Suisse et ce pays.

                        Enfin, l’ensemble de ce qui précède conduit à écarter le moyen pris de l’existence d’un état de nécessité : le besoin de renouveler les papiers d’identité était un prétexte ; il appartenait ensuite à l’appelante de faire soigner son hernie discale de manière à pouvoir voyager, ou alors de fournir un certificat médical pour établir l’impossibilité objective de prendre l’avion, et dans ce cas de confier à l’appelant ou à sa famille, le soin de ramener B.X.________ en Suisse. Il suffisait alors de demander au tuteur son assistance pour mettre en place une solution de garde pendant l’horaire de travail de l’appelant. On rappelle que durant toute cette période, les relations entre A.X.________ et son fils étaient interrompues, à un âge où le lien mère-enfant est essentiel. Les conditions de l’article 17 CP ne sont pas réalisées.

8.                                Les appelants ne contestent pas les peines prononcées à leur encontre de manière indépendante, pour l’hypothèse où leurs moyens tirés de la violation de l’article 220 CP seraient rejetés. La Cour pénale ne constate rien d’illégal ou de contraire aux faits dans la manière dont les peines ont été fixées. Le jugement attaqué doit être confirmé sur ce point.

9.                                Aux termes de l’article 66a bis CP, le juge peut expulser un étranger du territoire suisse pour une durée de 3 à 15 ans si, pour un crime ou un délit non visé à l’article 66a CP, celui-ci a été condamné à une peine ou a fait l’objet d’une mesure au sens des articles 59 à 61 ou 64 CP. Cette disposition, en vigueur depuis le 1er octobre 2016, introduit dans le Code pénal l’expulsion judiciaire, supprimée par la révision de la partie générale entrée en vigueur le 1er janvier 2007. Dans le projet du Conseil fédéral relatif à l’expulsion judiciaire, cette mesure était conditionnée au prononcé d’une peine privative de liberté de plus de 1 an ou d’une mesure au sens de l’article 61 ou 64 CP, ce qui correspondait à un motif de révocation d’une autorisation ou d’une autre décision conformément à l’article 62 al. 1 let. b LEtr (actuellement LEI). Cette condition d’une peine de durée minimale n’a toutefois pas été conservée dans l’article 66a bis CP, le législateur ayant souhaité permettre au juge d’ordonner des expulsions en raison d’infractions de moindre gravité, en particulier pour les cas de délits – par exemple le vol – répétés ou de « tourisme criminel » (concernant l’historique de la norme, cf. arrêt du TF du 24.09.2018 [6B_770/2018] cons. 1.1 ; arrêt du TF du 10.10.2018 [6B_607/2018] cons. 1.1).

Comme toute décision étatique, le prononcé d’une expulsion non-obligatoire doit respecter le principe de la proportionnalité ancré aux articles 5 al. 2 et 36 al. 2 et 3 Const. Il convient ainsi d’examiner si l’intérêt public à l’expulsion l’emporte sur l’intérêt privé de la personne à demeurer en Suisse. Une telle pesée des intérêts répond également aux exigences découlant de l’article 8 § 2 CEDH concernant les ingérences dans la vie privée et familiale. S’agissant d’un étranger arrivé en Suisse à l’âge adulte, l’examen de la proportionnalité suppose une prise en compte de la nature et de la gravité de la faute, du temps écoulé depuis la commission de l’infraction, du comportement de l’auteur durant cette période, de la durée de son séjour en Suisse, de la solidité des liens sociaux, culturels et familiaux avec le pays hôte et avec le pays de destination (arrêt du TF du 04.07.2019 [6B_594/2019] cons. 2.1).

10.                             Le prévenu est né en 1982 au Portugal. Il a grandi avec cinq sœurs et deux frères. L’une de ses sœurs est la mère de A.X.________. Il est arrivé seul en Suisse en 2001. Il s’est installé à Zurich jusqu’à fin 2005 et il a travaillé dans l’agriculture. En 2004, il a fait la connaissance à Zurich de la prévenue. Fin 2005, il est retourné habiter au Portugal, à Lisbonne, pendant 2 ans où il a exercé la profession de maçon. Il s’est marié avec la prévenue au Brésil en 2006. Le 2 novembre 2006, il est venu habiter en Suisse à T.________, seul. Sa femme l’a rejoint en 2007. De 2006 jusqu’en 2015, il a travaillé pour l’entreprise E.________ à Z.________ et depuis 2015 il travaillait pour l’entreprise F.________ à S.________. Actuellement, il occupe un emploi à U.________ et il est domicilié à R.________, en France voisine.

La prévenue, née en 1967, est de nationalités brésilienne et portugaise. Elle a vécu au Portugal de 2004 à 2005. Elle a une formation de technicienne en informatique et en comptabilité. Elle est arrivée en Suisse en 2007 et elle y a vécu sans interruption jusqu’en 2018. Elle n’a pas de famille en Suisse, hormis son époux. Elle a effectué des heures de ménage en Suisse. Actuellement, elle est sans emploi et vit avec son époux à R.________.

D’emblée, on constate que les prévenus n’ont que peu de liens avec la Suisse, sauf professionnels. L’ancien employeur du prévenu l’a décrit comme ponctuel, travailleur, agréable. Il s’agit d’une personne de confiance. Les prévenus n’ont ni l’un ni l’autre de casier judiciaire. Certes, leur comportement durant le premier semestre 2018 a révélé, comme le soutient le représentant du ministère public, une « certaine défiance » des autorités suisses. Ils ont montré, en relation avec l’infraction litigieuse, une énergie délictuelle relativement importante, pour des motivations égoïstes, en faisant fi des sentiments de la mère de B.X.________. Cela étant, on ne saurait parler de délits répétés ni de tourisme criminel comme cela a été évoqué durant les travaux parlementaires au moment de l’adoption de l’article 66a bis CP. Quant à la crainte d’un nouvel enlèvement, on peut considérer que l’écoulement du temps a fait son œuvre et que les intéressés, avertis par la présente procédure, ne présentent plus le risque de récidive sensible que le ministère public dénonce. L’appel joint doit être rejeté.

11.                             Au vu de ce qui précède, appels et appel joint sont rejetés. Les prévenus supporteront chacun un tiers des frais de justice globaux (ou deux tiers de la part leur incombant), le reste étant laissé à la charge de l’Etat. Leurs mandataires ont déposé des mémoires d’honoraires. Ces mémoires appellent les remarques suivantes :  s’agissant du relevé d’activité présenté par Me G.________, on retranchera l’entretien avec Me H.________, qui représente des intérêts opposés. La correspondance énumère des opérations qui vont de 1 à 10 minutes pour un total de 4 heures 16. C’est excessif. La grande majorité relève au surplus du travail de secrétariat ou de lettres types (par exemple la lettre du 28 août 2019 pour le retour du dossier), compris dans les frais généraux. On retiendra ex aequo et bono 1 heure de ce chef. S’agissant des téléphones, on retranchera les appels au mandataire du co-prévenu, et ceux avec le greffe du Tribunal cantonal qui relèvent du travail de secrétariat. On admettra ainsi 30 minutes pour les appels avec la cliente. Les frais de déplacement concernent la procédure de première instance. Pour la rédaction des actes, on retiendra l’activité annoncée. A cela s’ajoutent 4 heures 30 pour la durée de l’audience, et 4 heures pour la préparation de l’audience. Cela donne un total de 1'125 minutes. Le tarif horaire est de 180 francs, ou 3 francs la minute. Une indemnité de frais forfaitaires de 5% est due, de même que la TVA par 7.7 %. Au total, une indemnité de 3'816.60 francs doit être allouée, dont à déduire un acompte de 1'000 francs autorisé le 27 mai 2020.

S’agissant du relevé d’activité présenté par Me H.________, les divers postes peuvent être admis, à l’exception de ceux relatifs aux contacts avec le mandataire du co-prévenu. Cela amène à déduire 25 minutes d’activité, ce qui représente, frais et TVA inclus, 84.80 francs. L’indemnité alloué est donc de 3'013.75 francs.

 

Par ces motifs,
la Cour pénale décide

Vu les articles 66a bis, 220 CP, 10, 135 al. 4 et 428 CPP,

1.    Les appels et l’appel joint sont rejetés.

2.    Le jugement attaqué est confirmé.

3.    Les frais de justice sont arrêtés à 3'000 francs et mis à la charge de l’appelant par 1'000 francs et de l’appelante par 1'000 francs, le solde étant laissé à la charge de l’Etat.

4.    L’indemnité d’avocat d’office allouée à Me H.________ est arrêtée à 3'013.75 francs, frais, débours et TVA compris. Elle sera remboursable par B.Y.________ à raison des 2/3 aux conditions de l’article 135 al. 4 CPP.

5.    L’indemnité d’avocat d’office allouée à Me G.________ est arrêtée à 3'816.60 francs, frais, débours et TVA compris, dont à déduire 1'000 francs d’acompte autorisé le 27 mai 2020, soit à 2'816.60 francs. Elle sera remboursable par A.Y.________ à raison des 2/3 aux conditions de l’article 135 al. 4 CPP.

6.    Le présent jugement est notifié à B.Y.________, par Me H.________, à A.Y.________, par Me G.________, à A.X.________, par C.________, tutrice, à B.X.________, par D._______________, tuteur, au ministère public (MP.2018.2647) et au Tribunal de police des Montagnes et du Val-de-Ruz, à La Chaux-de-Fonds (POL.2018.476).

Neuchâtel, le 14 octobre 2020

Art. 12 CP
Intention et négligence
 

1  Sauf disposition expresse et contraire de la loi, est seul punissable l'auteur d'un crime ou d'un délit qui agit intentionnellement.

2  Agit intentionnellement quiconque commet un crime ou un délit avec conscience et volonté. L'auteur agit déjà intentionnellement lorsqu'il tient pour possible la réalisation de l'infraction et l'accepte au cas où celle-ci se produirait.

3  Agit par négligence quiconque, par une imprévoyance coupable, commet un crime ou un délit sans se rendre compte des conséquences de son acte ou sans en tenir compte. L'imprévoyance est coupable quand l'auteur n'a pas utilisé des précautions commandées par les circonstances et par sa situation personnelle.

Art. 66 a bis CP 72
Expulsion non obligatoire
 

Le juge peut expulser un étranger du territoire suisse pour une durée de trois à quinze ans si, pour un crime ou un délit non visé à l'art. 66 a , celui-ci a été condamné à une peine ou a fait l'objet d'une mesure au sens des art. 59 à 61 ou 64.


72 Introduction par le ch. I 1 de la LF du 20 mars 2015 (Mise en œuvre de l'art.121, al.3 à 6, Cst. Relatif au renvoi des étrangers criminels), en vigueur depuis le 1 er  oct. 2016 ( RO 2016 2329 ; FF 2013 5373 ).

Art. 220 245CP
Enlèvement de mineur
 

Celui qui aura soustrait ou refuser de remettre un mineur au détenteur du droit de déterminer le lieu de résidence sera, sur plainte, puni d'une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d'une peine pécuniaire.


245 Nouvelle teneur selon l'annexe ch. 4 de la LF du 21 juin 2013 (Autorité parentale), en vigueur depuis le 1 er  juil. 2014 ( RO 2014 357 ; FF 2011 8315 ).