A.                               A.X.________ est née en 1970 en République dominicaine. Elle a suivi dans ce pays sa scolarité jusqu’à l’âge de 16 ans. Elle a rencontré B.X.________ par l’entremise d’une amie commune et a émigré en Suisse le 10 mars 1994. Les époux X.________ se sont mariés le 11 mars 1994. A.X.________ a trouvé un emploi dans l’horlogerie, où elle a travaillé pendant 6 ans. Elle a développé progressivement des douleurs multiples qui ont fait poser le diagnostic de fibromyalgies. Depuis 2017, elle est au bénéfice d’une rente de l’AI. A.X.________ avait déjà précédemment disposé de telles prestations, interrompues dès mars 2010.

                        Le 16 avril 2001, A.X.________ et B.X.________ ont donné naissance à des jumeaux. Les époux ont rencontré des difficultés conjugales dès 2012. Ils ont d’abord occupé deux domiciles séparés, mais à la même adresse, puis ont divorcé. Actuellement B.X.________ vit chez ses parents. A.X.________ est restée dans son ancien appartement, où elle vit avec ses deux enfants majeurs. Elle ne reçoit pas de pension, mais son ex-mari paye le loyer et contribue en nature à l’entretien des enfants dont il paye aussi les primes d’assurance-maladie.

B.                               Les casiers judiciaires de B.X.________ et de A.X.________ sont vierges.

C.                               La famille X.________ a été au bénéfice de l’aide sociale accordée par la commune de W.________ dès mai 2005, suite à une demande signée le 10 mai 2005 par A.X.________ et B.X.________.

D.                               Le 2 septembre 2014, l’Office cantonal d’aide sociale à Neuchâtel a transmis à l’office de contrôle du service de l’emploi (ci-après : OFCO) une demande d’enquête au sujet de la situation de B.X.________. Des membres des services sociaux et plus généralement du personnel de la commune de W.________ avaient été alertés par le fait qu’une pierre tombale d’une grandeur et d’un volume non conformes au règlement communal avait été installée sur la tombe du frère de B.X.________ et que ce dernier se vantait d’avoir payé pour ce monument funéraire la somme de 25'000 francs. Il était également remonté aux oreilles du conseil communal que B.X.________ exerçait une activité dans la société « A.________ SA » (en réalité, selon le registre du commerce il s’agit d’une entreprise individuelle inscrite le 23 octobre 2007 sous la raison « A.________, X.________ ») et que c’était probablement lui qui gérait celle-ci.

                        L’OFCO a ouvert une enquête qui l’a amené à se renseigner auprès du contrôle des habitants de W.________, du conseiller communal de W.________ en charge de l’aide sociale et de la caisse cantonale de compensation. Une enquête de voisinage a été effectuée ; il a été rapporté à l’OFCO que B.X.________ était tous les jours de la semaine, voire même le week-end, dans les locaux de l’entreprise A.________ et qu’il circulait au volant d’une voiture Ferrari de couleur jaune.

                        A la fin février 2015, B.X.________ a annoncé aux services sociaux de W.________ qu’il avait été engagé par l’entreprise A.________ depuis février 2015. L’aide sociale accordée à la famille a pris fin mais l’enquête a continué.

                        Le 16 avril 2015, l’OFCO a effectué un contrôle de cinq des employés de A.________, dont B.X.________. Dans ce contexte, B.________, chef d’atelier, a été convoqué et entendu le 22 juin 2015. Il a déclaré être dans l’entreprise depuis 2012 en tant que cadre. Selon lui, l’entreprise avait été créée par B.X.________ et son frère .________ en 2007. B.X.________ dirigeait la manufacture, plus particulièrement le côté administratif, pour un taux d’occupation de 100 %. C’était uniquement B.X.________ qui utilisait les voitures immatriculées au nom de A.________, notamment une Ferrari de couleur jaune.

                        Entendue le 1er juillet 2015, A.X.________ a déclaré ne plus avoir travaillé depuis 1998 et ne pouvoir donner d’informations quant à l’aide sociale obtenue par la famille. Une ancienne employée de A.________, C.________ et la belle-sœur de B.X.________, D.________, ont aussi été entendues, de même que le père de B.X.________, D.X.________, titulaire de la raison individuelle, avec signature individuelle, et enfin le 9 mars 2016, B.X.________, assisté de son avocat. L’intéressé a refusé de s’exprimer.

E.                               Le 29 mars 2016, le ministère public a décidé l’ouverture d’une instruction pénale contre B.X.________ et A.X.________, prévenus d’infractions à l’article 146 al. 1 CP, subsidiairement à l’article 73 LAsoc.

F.                               Durant la procédure préliminaire, la commune de W.________ a déclaré se constituer partie plaignante au sens de l’article 118 CP.

G.                               Par acte d’accusation du 6 juillet 2018, B.X.________ et A.X.________ ont été renvoyés devant le Tribunal de police des Montagnes et du Val-de-Ruz. Il leur était reproché les faits suivants :

« Escroquerie, éventuellement par métier, au sens de l'art. 146 al. 1 et 2 CP

1.    Entre le 23 octobre 2007 et le 31 janvier 2015,

2.    à W.________,

3.    B.X.________ et A.X.________ ont caché,

4.    lors des entretiens réguliers et des établissements des budgets, au service social de W.________ dont ils dépendaient financièrement avec leur famille,

5.    l'obtention de revenus de l'activité déployée par B.X.________ au sein de la raison individuelle A.________ et

6.    l'activité même de dirigeant de fait de cette entreprise,

7.    en obtenant ainsi de manière indue des prestations d'aide sociale pour un montant de CHF 282'774.30 au préjudice de la commune W.________. ».

H.                               Le 13 décembre 2018, W.________ a formulé des conclusions civiles en concluant à ce que les prévenus soient condamnés solidairement à lui verser 282'774.30 francs avec un intérêt moyen de 5 % l’an au 30 juin 2010 ainsi que 7'524.55 francs à titre d’indemnité au sens de l’article 433 al. 1 CPP, les frais étant mis à la charge des prévenus.

I.                                 Le tribunal de police a reconnu chacun des deux prévenus coupable d’escroquerie au sens de l’article 146 CP. A l’appui, il a retenu que le prévenu avait exercé, dès la date visée par l’acte d’accusation à tout le moins, une activité lucrative pour le compte de A.________ et qu’il avait prélevé pour cette activité des revenus qui n’avaient pas été déclarés à l’aide sociale. Le tribunal de police s’est fondé sur le fait qu’à l’interne de l’entreprise, les tiers désignaient le prévenu comme le dirigeant et indiquaient que le père de celui-ci n’était pas impliqué dans la marche de l’entreprise, et qu’à l’externe l’impression était la même. Le père du prévenu reconnaissait qu’il n’était qu’un prête-nom ; on ne pouvait accorder aucun crédit à ses dires selon lesquels il aurait laissé les rênes de son entreprise à B.________, vu qu’il ne savait pour ainsi dire rien de celui-ci. Le prévenu admettait une présence soutenue au sein de l’entreprise, confirmée par le fait que la prévenue affirmait que son époux n’était jamais là. Le prévenu avait pu économiser environ 250 francs chaque mois sur l’aide sociale reçue et avait pu verser des sommes d’argent relativement consistantes en République Dominicaine. Il prélevait chaque mois un salaire chez A.________, depuis le moment où il avait déclaré son activité professionnelle.

                        Le formulaire que le prévenu avait rempli lors du dépôt de la demande de prestation d’aide sociale auprès de la commune de W.________ l’avisait qu’il était tenu de signaler sans retard à l’autorité d’aide sociale, respectivement au guichet social régional, tout changement dans sa situation pouvant entraîner la modification de l’aide. Il est vrai que la question de l’emploi n’avait pas été beaucoup discutée avec l’assistante sociale. Mais lorsqu’elle avait été posée, le prévenu avait répondu qu’il n’avait pas de travail et aucune entrée d’argent. Lors de ses quatre-vingts entretiens mensuels, durant la période visée par l’acte d’accusation, le prévenu avait signé les budgets mensuels de l’aide sociale en n’indiquant rien dans la colonne « revenus » et en n’informant pas les services sociaux de son activité pour le compte de A.________.

                        On ne pouvait reprocher aucune négligence au guichet social régional en termes de vérification de l’existence d’une activité lucrative. Le prévenu faisait en sorte de prélever son salaire sans laisser de trace et le déposait dans un coffre à son domicile et non sur un compte bancaire. Il n’y avait aucun moyen pour la plaignante de connaître l’existence de l’activité lucrative, qui avait été découverte par hasard, à l’occasion du financement onéreux d’un monument funéraire.

                        Le tribunal de police a écarté la circonstance aggravante du métier.

                        Le tribunal de police a considéré que les mêmes considérations valaient pour l’épouse, sur le principe à tout le moins. Les déclarations de l’intéressée étaient trop évasives et contradictoires pour être retenues, lorsqu’elle affirmait qu’elle ne savait rien de l’activité professionnelle de son mari. La prévenue s’était contredite sur sa situation maritale, commençant par affirmer qu’elle vivait toujours avec son mari pour finalement, devant l’expert psychiatre et alors que la procédure était déjà bien avancée, affirmer qu’elle était séparée depuis 2013. On peinait à concevoir qu’en faisant ménage commun avec une personne rarement à la maison et qui circulait dans différentes voitures plutôt luxueuses, elle ne s’était pas doutée que son mari avait des rentrées d’argent autres que les modestes montants versés par l’aide sociale. La prévenue avait d’abord mis les absences de son mari sur le compte du fait qu’il rendait visite à ses parents et faisait les courses, pour ensuite dire que celles-ci relevaient plutôt de son rayon à elle. Elle avait été des plus évasive quant aux versements significatifs en République dominicaine ; ceux-ci avaient oscillé, en moyenne mensuelle, entre 450 francs et 1’162 francs, hormis l’année 2010 où la moyenne avait dépassé de peu 100 francs par mois ; ils étaient absolument incompatibles avec l’aide sociale, qui plus est dans une situation où la famille n’avait soi-disant pas assez pour vivre.

                        La prévenue avait signé la demande de prestations auprès de la commune de W.________ du 10 mai 2005. Elle n’avait pas menti à une question explicite sur l’existence de revenus, mais elle n’en avait pas moins signé une douzaine de budgets mensuels d’aide sociale qui n’indiquaient rien dans la colonne « revenus » et elle n’avait pas informé les services sociaux de l’activité de son mari pour le compte de A.________.

                        Pour fixer la peine de A.X.________, le tribunal de police a retenu une culpabilité relativement lourde en comparaison avec d’autres affaires d’escroquerie, mais moindre par rapport à celle de B.X.________ ; d’un bien juridiquement protégé important ; d’une prise de conscience absolument nulle ; d’une situation personnelle sans particularité ; d’une absence d’antécédents ; d’une légère violation du principe de la célérité.

                        Le tribunal de police a considéré que les prévenus avaient fait subir conjointement un préjudice de 245'619.05 francs à la commune de W.________ et les a condamnés à verser solidairement ce montant à la plaignante.

J.                                B.X.________ et A.X.________ ont chacun formé appel contre le jugement du 12 avril 2019. La commune de W.________ a déposé appel joint. Par courrier du 2 mars 2020, B.X.________ a retiré son appel. L’audience de débats et jugement du 10 mars 2020 a dû être annulée en raison de la crise sanitaire. Le ministère public a contesté le 11 mars 2020 la qualité de partie plaignante de la Commune de W.________. Par décision du 6 août 2020, la Cour pénale a pris acte du retrait de l’appel de B.X.________ ; constaté que l’appel joint de la commune de W.________ était caduc dans la mesure des conclusions prises contre B.X.________ ; constaté que la commune de W.________ n’avait pas la qualité de plaignante dans la procédure d’appel ; décidé en conséquence de ne pas entrer en matière sur l’appel joint de la commune de W.________ dans la mesure où il n’était pas caduc et mis une part des frais de la procédure d’appel, fixée à 500 francs, à la charge de B.X.________.

K.                               a) Les débats d’appel se sont tenus le 5 novembre 2020. L’appelante a déposé un formulaire de demande d’assistance judiciaire et des justificatifs. Elle a été interrogée sur sa situation personnelle et les faits de la cause. Au cours de l’interrogatoire, sur le conseil de son mandataire, elle a retiré la requête d’assistance judiciaire : contrairement aux indications données quant aux charges de l’appelante, dans le formulaire signé par celle-ci, le loyer et les primes d’assurances-maladies des enfants étaient en réalité payés par son ex-mari et non par elle.

                        b) En plaidoirie, la défense reproche à l’accusation de ne pas dissocier les comportements reprochés à l’appelante et à son ex-mari. La première nommée n’a nullement « caché », mais tout au plus « tu », les activités du second nommé, que d’ailleurs elle ignorait. L’escroquerie par omission n’existe pas. La prévenue ne peut pas être tenue pour garante du fait d’autrui. Cela étant, il faut se rappeler que l’appelante a suivi une scolarité de base en République dominicaine et qu’elle n’a pas de formation. Durant la vie commune, après son mariage, elle s’est occupée du ménage et des enfants. Elle a rencontré des problèmes de santé. Elle ne s’est jamais occupée de la gestion administrative et financière du ménage. Lors de l’entretien du 10 mai 2005, elle n’a pas compris ce qui était inscrit sur le formulaire, qu’elle n’a pas reçu dans sa langue maternelle. Lors des douze entretiens auxquels elle a participé, la question de l’activité lucrative de son ex-mari n’a jamais été évoquée. On ne peut donc lui reprocher de mensonge ou de tromperie active. L’appelante savait juste que son ex-mari allait aider ses ex-beaux-parents âgés. Il n’était pas interdit que ceux-ci lui fassent des cadeaux, ou en fassent aux jumeaux. La communication dans son couple était minimale ou mauvaise. Des problèmes conjugaux étaient survenus depuis le décès du frère de son ex-mari en octobre 2012. La famille fonctionnait sur un mode patriarcal : son ex-mari lui donnait de l’argent en liquide pour les courses de la famille ; lui faisait celles de ses propres parents. Ce n’était pas contradictoire. Il est possible que l’ex-mari ait utilisé l’argent gagné auprès de A.________ – dont l’appelante ne savait rien – à d’autres fins que l’entretien du ménage, par exemple pour une double vie. L’accusation n’a pas apporté la preuve de la culpabilité. L’appelante doit être acquittée.

                        c) Pour le ministère public, l’appelante est non seulement une personnalité évitante – selon les termes de l’expert psychiatre – mais également une personnalité qui ment : preuve en est l’oubli de revenus et le rajout de charges dans la requête d’assistance judiciaire déposée à l’audience de ce jour. S’agissant de la prévention, l’appelante a signé douze budgets mentionnant l’absence de revenus de sa part et de celle de son ex-mari. Or les activités de ce dernier pour A.________ étaient évidentes pour tout le monde. L’appelante voyait son conjoint partir le matin et revenir le soir. Elle voyait son ex-mari circuler en Audi. Elle a pris place dans la Ferrari. 55'000 francs ont été envoyés en République dominicaine, dont 8'777 francs par l’appelante elle-même. Cette dernière a menti à la police en déclarant que le coffre au domicile conjugal ne contenait pas d’argent. Les dépenses du ménage se faisaient dans les mêmes grandes enseignes que celles que l’on retrouve dans les justificatifs de la comptabilité de A.________. Une facture E.________ correspond à une paire de lunettes de la fille du couple. L’appel doit être rejeté. On peut même se demander si le sursis accordé en première instance doit être refusé, vu l’attitude de l’appelante en seconde instance. Le représentant du ministère public s’en remet à la Cour pénale sur cette question.

C O N S I D E R A N T

1.                                Déposé dans les formes et délais légaux, l’appel est recevable.

2.                                Selon l’article 398 CPP, la juridiction de l’appel jouit d’un plein pouvoir d’examen sur les points attaqués du jugement (al. 2). L’appel peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès ou l’abus du pouvoir d’appréciation, le déni de justice et le retard injustifié, pour constatation incomplète ou erronée des faits et pour inopportunité (al. 3). La Cour pénale limite son examen aux violations décrites dans l’acte d’appel (art. 404, al. 1 CPP), sauf en cas de décisions illégales ou inéquitables (art. 404 al. 2 CPP). Sur les points attaqués du jugement, elle revoit la cause librement, en fait et en droit (Kistler-Vianin, in CR-CPP N.11 ad art. 328).

3.                                La juridiction d’appel ne doit pas se borner à rechercher les erreurs du juge précédent et à critiquer le jugement de ce dernier ; elle doit tenir ses propres débats et prendre sa décision sur sa responsabilité et selon sa libre conviction, qui doit reposer sur le dossier et sa propre administration des preuves (arrêt du TF du 27.08.2012 [6B_78/2012] cons. 3.1). L’appel tend à la répétition de l’examen des faits et au prononcé d’un nouveau jugement. L’immédiateté des preuves ne s’impose toutefois pas en instance d’appel. Selon l’article 389 al. 1 CPP, la procédure d’appel se fonde sur les preuves administrées pendant la procédure préliminaire et la procédure de première instance. La juridiction d’appel administre, d’office ou à la demande d’une partie, les preuves complémentaires nécessaires au traitement de l’appel (art. 389 al. 3 CPP).

En l’espèce, les parties n’ont pas sollicité l’administration de nouvelles preuves. La prévenue a été interrogée.

4.                                L’article 10 CPP pose la règle de la présomption d’innocence. Il prévoit notamment que le tribunal apprécie librement les preuves selon l’intime conviction qu’il retire de l’ensemble de la procédure (al. 2) et que lorsque subsiste des doutes insurmontables quant aux éléments factuels justifiant une condamnation, le tribunal se fond sur l’état de fait le plus favorable au prévenu (al. 3). Le principe in dubio pro reo veut qu’il incombe à l’accusation d’établir la culpabilité du prévenu et non à celui-ci de démontrer qu’il n’est pas coupable, mais aussi que le juge ne doit pas tenir pour établi un fait défavorable à l’accusé si, d’un point de vue objectif, il existe des doutes sérieux et irréductibles quant à la culpabilité de celui-ci (ATF 127 I 38 cons. 2a). L’appréciation du juge doit se fonder sur un examen d’ensemble, car il ne suffit pas, pour qu’il subsiste un doute, que l’un ou l’autre indice ou même chacun d’eux pris isolément soit à lui seul insuffisant (arrêt du TF du 07.01.2008 [6B_606/2007] cons. 2). Le juge du fond ne peut pas conclure à la culpabilité d’un prévenu simplement parce que celui-ci choisit de garder le silence. C’est seulement lorsque l’accusé refuse sans raison plausible de fournir des explications rendues nécessaires par des preuves à charge que son silence peut permettre, par un raisonnement de bon sens conduit dans le cadre de l’appréciation des preuves, de conclure qu’il n’existe pas d’explication à décharge et que l’accusé est coupable. Partant, si un prévenu est déclaré coupable au seul motif qu’il ne s’est pas expliqué sur certaines preuves à charge, alors qu’il avait une raison valable de refuser de s’expliquer ou de ne s’expliquer qu’en partie, la présomption d’innocence et le droit connexe de l’accusé de garder le silence sont violés (arrêt du TF du 02.11.2009 [6B_748/2009] cons. 2.1).

5.                                a) Aux termes de l'article 146 CP, se rend coupable d'escroquerie celui qui, dans le dessein de se procurer ou de procurer à un tiers un enrichissement illégitime, a astucieusement induit en erreur une personne par des affirmations fallacieuses ou par la dissimulation de faits vrais, ou l'a astucieusement confortée dans son erreur et a de la sorte déterminé la victime à des actes préjudiciables à ses intérêts pécuniaires ou à ceux d'un tiers.

                        b) Selon la jurisprudence (pour un rappel RJN 2018, p. 478 et ses références), cette infraction se commet en principe par action. Tel est le cas lorsqu'elle est perpétrée par actes concluants (ATF 140 IV 11 cons. 2.3.2). L'assuré qui a l'obligation de communiquer à son assureur ou, selon le cas, à l'organe compétent, toute modification importante des circonstances déterminantes pour l'octroi d'une prestation (art. 31 LPGA), qui ne respecte pas cette obligation et continue à percevoir les prestations octroyées initialement à juste titre ne commet toutefois pas par-là d'acte de tromperie. En continuant à recevoir ces prestations sans commentaire, l'assuré n'exprime pas que sa situation serait demeurée inchangée. La perception de prestations d'assurance n'a ainsi pas valeur de déclaration positive par acte concluant. La situation est toutefois différente si cette perception est accompagnée d'autres actions qui permettent objectivement d'interpréter son comportement comme signifiant que rien n'a changé dans sa situation. On pense notamment à un silence qualifié de l'assuré à des questions explicites de l'assureur (ATF 140 IV 11 précité, cons. 2.4.1 et 2.4.6). Une escroquerie par actes concluants a également été retenue dans le cas du bénéficiaire de prestations d'assurance exclusivement accordées aux indigents, qui se borne à donner suite à la requête de l'autorité compétente tendant, en vue de réexaminer sa situation économique, à la production d'un extrait de compte déterminé, alors qu'il possède une fortune non négligeable sur un autre compte, jamais déclaré (ATF 127 IV 163 cons. 2b; plus récemment arrêt du TF du 10.01.2013 [6B_542/2012] cons. 1.2), ou dans le cas d'une personne qui, dans sa demande de prestations complémentaires, tait un mois de rente et plusieurs actifs et crée par les informations fournies l'impression que celles-ci correspondent à sa situation réelle (ATF 131 IV 83 cons. 2.2).

L'escroquerie peut aussi être commise par un comportement passif, contraire à une obligation d'agir (art. 11 al. 1 CP). Tel est le cas lorsque l'auteur n'empêche pas la lésion du bien juridique protégé, bien qu'il y soit tenu à raison de sa situation juridique, notamment en vertu de la loi ou d'un contrat (cf. art. 11 al. 2 let. a et b CP; ATF 136 IV 188 cons. 6.2). Dans cette hypothèse, l'auteur n'est punissable que si, compte tenu des circonstances, il encourt le même reproche que s'il avait commis l'infraction par un comportement actif (art. 11 al. 3 CP). L'auteur doit ainsi occuper une position de garant qui l'obligeait à renseigner ou à détromper la dupe (ATF 140 IV 11 précité, cons. 2.3.2 et 2.4.1 et les réf. citées; ATF 136 IV 188 cons. 6.2). La seule obligation d’informer prévue à l’article 42 LASoc ne fonde pas une position de garantie permettant de punir l’omission du bénéficiaire de l’aide sociale (arrêt du TF du 06.04.2016 [6B_496/2015] cons. 2.4.1 et ses références). Lorsque ses circonstances permettent objectivement d’interpréter le comportement de bénéficiaire comme signifiant que rien n’a changé dans sa situation – par exemple en apposant sa signature sur des formulaires d’aides sociales comportant le texte de l’article 42 LASoc, après avoir été mis en garde par son assistant social, on admet que le bénéficiaire adopte un comportement signifiant que sa situation n’a pas changé, et tombant sous le coup de l’article 146 CP (arrêt du 6 avril 2016 précité).

                        c) Pour qu'il y ait escroquerie, une simple tromperie ne suffit pas; il faut encore qu'elle soit astucieuse. L'astuce est réalisée lorsque l'auteur recourt à un édifice de mensonges, à des manœuvres frauduleuses ou à une mise en scène, mais aussi lorsqu'il donne simplement de fausses informations, si leur vérification n'est pas possible, ne l'est que difficilement ou ne peut raisonnablement être exigée, de même que si l'auteur dissuade la dupe de vérifier ou prévoit, en fonction des circonstances, qu'elle renoncera à le faire (ATF 135 IV 76 cons. 5.2 ; 133 IV 256 cons. 4.4.3). L'astuce n'est toutefois pas réalisée si la dupe pouvait se protéger avec un minimum d'attention ou éviter l'erreur avec le minimum de prudence que l'on pouvait attendre d'elle. Il n'est cependant pas nécessaire qu'elle ait fait preuve de la plus grande diligence ou qu'elle ait recouru à toutes les mesures de prudence possibles pour éviter d'être trompée. L'astuce n'est exclue que si la dupe est coresponsable du dommage parce qu'elle n'a pas observé les mesures de prudence élémentaires qui s'imposaient. Une coresponsabilité de la dupe n'exclut l'astuce que dans des cas exceptionnels (ATF 135 IV 76 cons. 5.2). Ces principes sont également applicables en matière d’aide sociale. L’autorité agit de manière légère lorsqu’elle n’examine pas les pièces produites ou néglige de demander à celui qui requiert les prestations des documents nécessaires afin d’établir ses revenus et sa fortune, comme par exemple sa déclaration fiscale, une décision de taxation ou des extraits de ses comptes bancaires. En revanche, compte tenu du nombre de demandes d’aide sociale, une négligence ne peut être reprochée à l’autorité lorsque les pièces ne contiennent pas d’indices quant à des revenus ou à des éléments de fortune non déclarés ou qu’il est prévisible qu’elles n’en contiennent pas (arrêts du TF du 06.04.2016 [6B_496/2015] cons. 2.2.2 ; du 28.06.2012 [6B_125/2012] cons. 5.3.3 ; du 23.05.2011 [6B_22/2011] cons. 2.1.2 et du 25.01.2011 [6B_576/2010] cons. 4.1.2). 

                        d) Pour que le crime d'escroquerie soit consommé, l'erreur dans laquelle la tromperie astucieuse a mis ou conforté la dupe doit avoir déterminé celle-ci à accomplir un acte préjudiciable à ses intérêts pécuniaires, ou à ceux d'un tiers sur le patrimoine duquel elle a un certain pouvoir de disposition. Un dommage temporaire ou provisoire est suffisant. Lorsque l'acte litigieux consiste dans le versement par l'Etat de prestations prévues par la loi, il ne peut y avoir escroquerie consommée que si le fait sur lequel portait la tromperie astucieuse et l'erreur était propre, s'il avait été connu par l'Etat, à conduire au refus, conformément à la loi, de telles prestations. Ce n'est en effet que dans ce cas, lorsque les prestations n'étaient en réalité pas dues, que l'acte consistant à les verser s'avère préjudiciable pour l'Etat et donc lui cause un dommage (arrêts du TF du 28.10.2014 [6B_183/2014] cons. 3.3, non publié aux ATF 140 IV 150 et du 16.06.2011 [6B_1054/2010] cons. 2.2.2 et les références citées).

                        e) Sur le plan subjectif, l’escroquerie est une infraction intentionnelle, l’intention devant porter sur tous les éléments constitutifs de l’infraction. L’auteur doit en outre avoir agi dans le dessein de se procurer ou de procurer à un tiers un enrichissement illégitime correspondant au dommage de la dupe (ATF 134 IV 210 cons. 5.3 ; arrêt du TF du 03.03.2014 [6B_791/2013] cons. 3.1.4). Le dol éventuel suffit cependant (Corboz, Les infractions en droit suisse, vol. I, Berne 2010, ad art. 146 CP, ch. 39). 

6.                                Les éléments pertinents qui ressortent du dossier sont les suivants :

                        a) A.X.________ et B.X.________ ont tous les deux signé le 10 mai 2005 une demande d’aide sociale. Celle-ci indique que le bénéficiaire est tenu de signaler sans retard à l’autorité d’aide sociale tout changement dans sa situation pouvant entraîner la modification de l’aide ; elle mentionne les conditions du remboursement de l’aide sociale et prévoit que les conjoints sont solidairement responsables de la dette contractée durant le mariage ; elle rappelle les sanctions prévues par le droit cantonal. 

                        b) Le 23 octobre 2007 a été inscrite au Registre du commerce la raison de commerce « A.________, X.________ », Rue [aaaaa] à W.________, avec pour but la fabrication de montres à bracelet. Le titulaire est D.X.________, d’Italie, à W.________. L’adresse [aaaaa] correspond à celle de l’ancien domicile du couple X.________, et à celle actuelle de l’appelante.

                        c) Devant l’autorité d’aide sociale, B.X.________ a signé des budgets mensuels indiquant qu’il n’avait aucun revenu net provenant d’une activité lucrative ni aucun soutien de la part de sa parenté pour les mois d’octobre, novembre et décembre 2007. Les budgets mentionnent des prestations AVS/AI/PC/APG pour l’épouse. Le budget qui concerne la famille a été établi sur la base d’un forfait pour l’entretien d’un ménage de 4 personnes. En 2008, 12 budgets mensuels sur les mêmes bases ont été signés, soit 9 par B.X.________ et 3 par A.X.________. Pour 2009, 11 budgets sur les mêmes bases ont été signés, soit 2 par A.X.________ et 9 par B.X.________. Pour le mois d’avril 2009, le dossier ne contient pas de budget mensuel avec une rubrique dédiée aux revenus ou activités lucratives, mais une quittance a été établie le 1er avril 2009 et signée par A.X.________. Pour 2010, des budgets mensuels établis sur les mêmes bases ont été signés par B.X.________ pour les mois de janvier, février, mars et avril. Dès le mois de mai 2010, la rubrique « prestations AVS/AI/PC/APG » ne mentionne plus de revenus. En revanche, d’autres revenus comme des « allocations familiales » ou une avance de frais « tribunal » sont mentionnés pour le mois de mai. Les budgets pour le reste de l’année ne mentionnent pas non plus de prestations AVS/AI/PC/APG et sont signés par B.X.________ de juillet 2010 à décembre 2010. Pour 2011, les budgets mensuels ont été signés à 9 reprises par B.X.________ et à 3 reprises par A.X.________. La rubrique des revenus ne mentionne pas d’activité lucrative ou de prestations AVS/AI/PC/APG. En 2012, B.X.________ a signé 12 budgets mensuels qui n’indiquent aucun revenu. Pour 2013, B.X.________ a signé 11 budgets mensuels qui ne font pas non plus état de revenus. Le budget d’août 2013 a été signé par A.X.________. Pour 2014, B.X.________ a signé 12 budgets mensuels (formulaires intitulés « budget mensuel » ou « pièce comptable ») ne mentionnant toujours aucun revenu. Pour 2015, B.X.________ a signé les mêmes documents avec les mêmes renseignements concernant les mois de janvier et février. Le formulaire afférant au mois de mars 2015 a été signé par B.X.________, mais barré après que celui-ci avait informé le service social de W.________ qu’il avait trouvé une activité lucrative dans l’entreprise de son père.

                        d) La famille X.________ habitait un appartement de trois pièces à W.________ qu’elle louait pour un loyer mensuel brut de 1'360 francs – ramené à 1'120 francs –. Le bailleur était le père du prévenu, D.X.________. Ce loyer était pris en charge par les services sociaux (avec un correctif comptable figurant dès novembre 2008 dans la rubrique « revenus » des budgets mensuels en raison d’un dépassement du montant de loyer admis.

                        e) Le journal de l’assistante sociale en charge du dossier des époux X.________ explique que ceux-ci sont venus ensemble demander de l’aide sociale le 10 mai 2005 en raison de la suppression de la rente AI allouée à B.X.________ (suppression contre laquelle il avait fait recours à l’époque). A partir du mois de mai 2005, ce dernier avait été en effet considéré comme apte au travail par l’AI ; l’épouse bénéficiait alors d’une demi-rente AI. L’assistante sociale a expliqué au couple « dans le détail » le mode de fonctionnement de l’aide sociale, ainsi que les droits et les obligations de ses bénéficiaires. Par la suite, des entretiens réguliers ont eu lieu, auxquels a participé dans la majorité des cas B.X.________, mais parfois aussi A.X.________. Les entretiens font état de problèmes de santé pour l’un et l’autre.

                        f) Interrogé le 22 juin 2015 par l’OFCO, B.________ a déclaré qu’il était arrivé au sein de l’entreprise A.________ en avril 2012. A l’époque, l’entreprise faisait 160'000 francs de chiffre d’affaires. Ensuite, le chiffre d’affaires avait augmenté jusqu’à 430'000 francs. En 2013, le chiffre d’affaires était de 622'000 francs et en 2014 de 680'000 francs. Depuis que B.________ avait commencé dans l’entreprise, il y avait en moyenne quatre à cinq ouvriers. L’entreprise avait été fondée par les deux frères X.________, C.X.________ et B.X.________, sauf erreur en 2005. Selon B.________, le responsable de l’entreprise était B.X.________. D.X.________ n’avait aucune responsabilité. Le témoin ne l’avait jamais vu signer un document pour l’entreprise. C’est B.X.________ qui signait tous les documents nécessaires. Il s’occupait de la partie administrative de l’entreprise. Il travaillait à 100 %, bien qu’il lui soit arrivé régulièrement de partir en livraison ou de sortir de l’entreprise dans le cadre professionnel. Le témoin s’occupait de l’engagement du personnel avec lui. Les clients étaient reçus par le témoin et B.X.________. Ce dernier utilisait les véhicules immatriculés au nom de A.________. Le témoin l’avait vu au volant d’une Ferrari jaune. Il ne savait pas quels étaient ses revenus.

                        g) C.________ a travaillé pour A.________ de janvier à mars 2012, en qualité de poseuse d’appliques sur plaques. Elle avait été engagée par B.________ et B.X.________. Selon elle, il était clair que B.X.________ était le patron de A.________. Il travaillait à 100% comme les autres employés. Il effectuait les mêmes horaires. D.X.________, le père de B.X.________, venait dans l’entreprise une fois par semaine pour voir son fils, dire bonjour et apporter des biscuits. Il n’avait pas le rôle de patron et elle ne l’avait jamais vu signer des documents ou avoir des contacts avec les clients.

                        h) Entendu le 22 septembre 2015, D.X.________, né en 1943, a déclaré qu’il n’avait jamais travaillé pour A.________, car il avait un responsable qui s’occupait de tout. Il ne savait plus trop depuis quand l’entreprise existait. Il était juste propriétaire de l’immeuble et c’était son nom qui était utilisé. Il avait chargé B.________ de s’occuper de l’entreprise, « pour faire les pièces ». Il ne savait pas quelle était la profession de ce dernier. Avisé par l’OFCO que le site internet indiquait comme raison sociale « A.________ X.________ D.X. ET FILS » en 2011, alors qu’il déclarait que son fils ne travaillait pour A.________ que depuis 2015 en qualité d’ouvrier, D.X.________ n’a pas su quoi répondre. Il n’a pas pu expliquer pourquoi B.________ était entré au service de A.________ en 2012, alors qu’il déclarait que c’était lui qui avait tenu l’entreprise dès le début. Il a concédé que c’étaient peut-être ses deux fils qui avaient eu « les idées ». Il a affirmé que B.X.________ n’avait pas de fonction dans l’entreprise. Ce dernier s’occupait de son père et de sa mère. Finalement D.X.________ a reconnu qu’il avait juste servi de prête-nom. Il avait engagé de l’argent dans l’entreprise, à savoir le bâtiment. Les machines composant l’entreprise lui appartenaient. Il avait tout payé petit à petit. Il ne savait rien des véhicules immatriculés au nom de A.________. Il n’avait jamais vu de Ferrari, même si son fils lui avait dit qu’il aimerait bien avoir une telle voiture. Il ignorait tout d’une moto Yamaha TDM 850. Il recevait le courrier de l’entreprise, mais le mettait dans le courrier de la fabrique car cela ne le regardait pas et il ne s’en occupait pas. Il était propriétaire d’un certain nombre d’immeubles. Une fiduciaire s’en occupait. Il n’avait pas aidé son fils financièrement.

                        i) Entendue le 1er juillet 2015, A.X.________ a déclaré qu’elle ne se rappelait plus à quelle date la famille avait commencé à bénéficier de l’aide sociale. Son mari s’occupait de cela. Depuis février 2015, il avait commencé à travailler au sein de l’entreprise de son père et le couple ne touchait plus d’aide du service social. A.X.________ vivait à la rue [aaaaa] depuis 21 ans avec son mari et leurs enfants. L’appartement appartenait à son beau-père D.X.________. Elle ne connaissait pas le montant du loyer. Elle n’avait pas exercé d’activité lucrative durant la période où le couple avait bénéficié de l’aide sociale, et son mari non plus. Il occupait ses journées à faire les commissions et à visiter ses parents qui étaient malades. Il passait en moyenne la moitié de la journée chez eux et parfois même la nuit. A.X.________ ne pouvait rien dire au sujet de l’entreprise A.________ à W.________. Elle n’avait jamais lavé d’habits de travail de son mari. Elle possédait une Daihatsu, son mari une Golf et une Yamaha. Son beau-père avait offert à ce dernier une voiture dont elle ne voulait pas dire la marque. A.X.________ n’avait jamais conduit de Ferrari mais avait eu l’occasion d’aller faire un tour avec un tel engin. Elle savait que son mari établissait du courrier relatif aux biens immobiliers de ses parents ; il était le référant des locataires des appartements dont ils étaient propriétaires. Elle avait participé aux entretiens avec l’assistante sociale à deux ou trois reprises. Par la suite, son mari s’y était rendu seul. Elle était consciente des risques qu’elle encourait, en signant la demande d’aide sociale, si elle enfreignait l’article 73 LASoc dont la teneur était rappelée dans le formulaire.

                        j) Entendue le 9 septembre 2015, D.________, veuve du frère de B.X.________, C.X.________, a déclaré que A.________ appartenait à D.X.________. Son mari y avait travaillé pendant 3 mois au début de l’année 2013 puis avait été licencié peut être par D.X.________. D.________ n’avait jamais eu de bons contacts avec son beau-frère. Elle ne savait pas s’il avait participé à la création de A.________. Elle ne pensait pas que D.X.________ était en état de gérer l’entreprise, vu son état de santé. Elle ne savait pas si c’était B.X.________ qui le faisait. A sa connaissance, son mari n’avait pas touché de salaire de A.________.

                        k) Le ministère public a délivré à la police neuchâteloise un mandat de perquisition daté du 25 avril 2016 et un mandat d’investigation signé le 26 septembre 2016. Le premier mandat a été exécuté le 9 juin 2016, selon le rapport établi le 23 juin 2017 par la police neuchâteloise. Ont été saisis une facture relative à un entretien sur une Ferrari et un relevé de compte d’une banque en République dominicaine, indiquant un solde d’environ 600 francs. Le compte faisait état de deux crédits significatifs, le 23 juillet 2012 pour environ 5'000 francs, et le 5 octobre 2015 pour environ 9'000 francs. B.X.________ était titulaire de plusieurs relations bancaires sur la période concernée par les faits. Il disposait d’un compte privé à l’banque [11]sur lequel il percevait les prestations du service social de W.________. Des apports en espèces versés en parallèle aux montants alloués par le service social de la commune de domicile attiraient l’attention. Leur provenance ne pouvait pas être déterminée. Il s’agissait de neuf versements entre le 13 mars 2007 et le 17 avril 2009 de montants variables entre 820 francs et 5'800 francs le 13 novembre 2007 pour le plus important. B.X.________ disposait également d’un compte à la banque [22], où il avait reçu des prestations du Service social de W.________. En 2014, quatre versements, dont le plus important de 17'646.83 francs, avaient été crédités par des sociétés clientes de A.________. Des débits avaient été effectués en liquide avec des mentions « salaire ». B.X.________ était titulaire d’un compte commun avec son épouse auprès de la banque [33] (du 01.01.2007 au 31.12.2008) où l’on observait en décembre 2007 et en novembre 2008 deux versements « vraisemblablement en espèces » respectivement de 4'800 francs et 1'910 francs. B.X.________ disposait également de procurations sur plusieurs comptes de la société A.________ ou de membres de sa famille. A.X.________ était titulaire de trois comptes bancaires (dont celui en commun déjà mentionné avec B.X.________). Le compte privé banque [11] n’avait quasi aucune activité depuis septembre 2010. Il était auparavant alimenté par des prestations de la caisse AVS. Le compte épargne ne montrait aucun mouvement significatif.

                        La police a interpellé par courriers cinq des plus importants clients de A.________ pour savoir avec qui, au sein de cette dernière, ils traitaient. F.________ SA a indiqué qu’elle avait toujours collaboré avec B.________ et B.X.________ depuis septembre 2012. G.________ SA a répondu que ses contacts étaient B.________ et plus rarement B.X.________, depuis mars 2013. Un courriel du 2 septembre 2013 signé par B.X.________ avait été envoyé à la société H.________ SA.

                        La comptabilité de la société A.________ X.________ a été établie par une fiduciaire. Le représentant de la fiduciaire a expliqué à la police qu’il avait toujours traité avec B.X.________, qu’il avait rencontré une fois par année, durant les périodes comptables 2007 à 2012. Depuis 2013, il avait avec l’intéressé des contacts mensuellement, par courriel, pour la gestion des salaires. Ce dernier amenait trimestriellement des documents à la fiduciaire pour l’établissement des décomptes TVA. Selon la police, de manière générale, la comptabilité montrait que la société était soutenue financièrement par des apports privés jusqu’en 2010. En 2011, le compte caisse révélait un apport de 45'000 francs et des retraits pour 38'844 francs. Pour l’année 2012, aucun apport n’était effectué via le compte privé mais des retraits existaient pour un total de 31'540 francs. La comptabilité de l’année suivante faisait état d’une diminution de capital de 50'470 francs. En 2014, les fonds propres de la société augmentaient de 97'803 francs. Le compte privé faisait mention d’un retrait sans lien direct avec la société pour 22'008 francs. Durant la période concernée, sept véhicules avaient été immatriculés au nom de B.X.________, et neuf au nom de la société. Une Audi S4 immatriculée au nom du prévenu du 28 octobre 2010 au 11 avril 2013 l’avait été ensuite au nom de la société A.________ X.________. C’était également le cas pour une moto Yamaha TDM 850, qui avait été mise au nom de B.X.________ du 1er novembre 2010 jusqu’au 11 avril 2013, puis au nom de l’entreprise du 11 avril 2013 jusqu’au 14 mars 2014.

                        l) Selon le registre du commerce, l’adresse de la société A.________ est celle de B.X.________, Rue [aaaaa].

                        m) Réentendue le 1er juin 2017, A.X.________ a déclaré en substance qu’elle ne savait rien. Elle a indiqué qu’elle n’avait jamais vu les véhicules immatriculés au nom de son époux. Elle ignorait qu’un véhicule était enregistré à son propre nom. En fait, il s’agissait d’une Seat Ibiza entre 2011 et 2012, qui lui appartenait et qui était vieille. Elle n’avait jamais été passagère d’une Ferrari. Elle habitait toujours rue [aaaaa].

                        n) B.X.________ a refusé de se rendre à la convocation de la police judiciaire en mai 2017. Le prévenu s’est en revanche présenté à la convocation du procureur le 26 avril 2018. Il a déclaré qu’il s’occupait des affaires de son père et de sa mère depuis l’âge de 20 ans. Après l’ouverture de la société, il avait contrôlé l’activité de son père au sein de son entreprise. L’activité de son père « ne consistait pas en grand-chose ». Le prévenu veillait à ce que tout se passe bien. Il prenait les documents préparés par la secrétaire et les amenait à la fiduciaire pour qu’elle puisse établir la comptabilité. Son activité n’était pas quotidienne. Pour l’engagement du personnel, il était présent avec B.________. Il avait participé à l’engagement de deux à quatre personnes. Ses parents étaient très malades et il se rendait auprès d’eux presque chaque jour, tout comme dans l’entreprise. C’est son père qui signait les contrats d’engagement. Le prévenu devait surveiller l’activité de B.________ que ses parents voyaient discuter et fumer devant l’entreprise. Le prévenu avait aussi des contacts avec les clients pour vérifier que les relations entre eux et B.________ se déroulaient bien. C’est son frère qui avait fondé l’entreprise et qui avait débuté l’activité en son sein. Il ignorait pourquoi l’entreprise était au nom de son père et non au nom de son frère. Il était possible que son père ait pu investir financièrement dans l’entreprise. Entre 2007 et 2010, son contrôle s’était limité à l’aspect financier de l’entreprise. Ce n’est que dès 2010 qu’il s’était rendu tous les jours dans l’entreprise. Le prévenu a contesté s’être vanté d’avoir financé le monument posé sur la tombe de son frère C.X.________, à raison de 25'000 francs. Il a évoqué un litige avec un employé de la commune qui avait autorisé la famille à installer une pierre tombale d’une certaine dimension, puis s’était rétracté. La pierre tombale avait été entièrement financée par ses parents et il ignorait combien elle avait coûté. Le prévenu a contesté être présent à temps complet dans l’entreprise. Il avait effectivement utilisé les véhicules immatriculés au nom de A.________, pour aider ses parents au vu des difficultés liées à leur état de santé ainsi que pour amener des documents de l’entreprise à la fiduciaire. Il n’avait jamais utilisé ces véhicules pour son usage privé. Il se déplaçait avec l’Audi S4, lorsqu’il allait avec ses parents faire des commissions, des achats, visiter la famille ou chez le médecin. La remorque était utilisée pour amener des déchets ou aller chercher des machines en lien avec l’activité de l’entreprise. Les motos Yamaha permettaient de circuler plus aisément lors des heures de pointe et de livrer ainsi les pièces dans les temps. La Ferrari n’avait été immatriculée que ponctuellement, malgré un leasing de 5 ans. Le reste du temps, elle était au garage. Le leasing était à la charge de A.________. Tous les véhicules mentionnés sous la raison sociale A.________ étaient de vieux engins qui n’avaient coûté que quelques milliers de francs, sauf pour le Touran (environ 11'000 francs). Le prix de la Ferrari était d’environ 70'000 francs et les mensualités du leasing de 1'200 francs. Il n’y avait que lui qui avait utilisé la Ferrari. Il avait payé l’essence pour le véhicule en argent liquide. Il s’était acquitté de la facture de réparation de la Ferrari par l’intermédiaire de l’entreprise et il ne comprenait pas comment cette facture s’était finalement retrouvée chez lui. Les versements effectués en République dominicaine provenaient de ses économies de 250 francs par mois, prélevées sur les subsides des services sociaux. Il gardait cet argent en liquide à son domicile, dans un coffre-fort. Il avait été engagé dès février 2015 au sein de l’entreprise A.________, après plus d’un an où il évoquait auprès des services sociaux sa volonté de reprendre une activité professionnelle. Il n’avait remplacé personne. Son salaire était de 3'100 francs par mois. Il s’était « mis dans une fonction d’aide à la production car [il] n’[était] pas capable personnellement de produire ». La direction était assurée par son père, avec lequel il discutait des décisions à prendre. B.X.________ ne savait pas quoi dire à propos des frais de représentation de 25'180 francs ressortant de la comptabilité 2010. Il n’avait pas non plus de souvenir de prélèvements privés de 38'844 francs et 14'688 francs ressortant de la comptabilité 2011. Il en allait de même de prélèvements privés de 31'540 francs et de 11'645 francs ressortant de la comptabilité 2012. Il pouvait donner quelques explications sur des frais de représentation de 12'414 francs ressortant de la comptabilité 2013, mais rien à propos de prélèvements privés de 50'470 francs pour la même période. Il pouvait livrer quelques éclaircissements sur des frais de représentation ressortant de la comptabilité 2014. S’agissant de prélèvements privés de 155'000 francs et de frais de représentation de 14'000 francs ressortant de la comptabilité 2015, il n’avait pas en mémoire d’explication. Pour les frais EasyJet d’avril 2015, il était possible que quelqu’un de l’entreprise soit allé en Espagne. Ils avaient aussi des clients qui étaient « derrière des marques suisses, mais se trouv[ai]ent à l’étranger ». Toutes les dépenses mentionnées correspondaient à des dépenses de l’entreprise. Il n’avait pas procédé à des apports dans la raison individuelle. Le prévenu a contesté que ceux significatifs constatés aient pu s’expliquer par le fait que l’entreprise aurait été créée pour cacher l’aide financière qu’accordait son père à sa famille. Il a déclaré que son épouse ne connaissait rien de ses activités. Les versements provenant de l’entreprise F.________ sur son compte auprès de la banque [22] correspondaient à des erreurs induites par un faux numéro de compte qu’il avait donné à l’entreprise en se trompant de carte. Les montants avaient été rétrocédés à A.________. Quant au compte auprès de la banque [11], les versements provenaient de l’argent épargné à son domicile, dont il avait besoin en lien avec des problèmes médicaux rencontrés pour son fils, pour lesquels il avait dû aller consulter un spécialiste de l’œil à Paris. Contestant intégralement les faits, le prévenu a déclaré que s’il revenait à une situation financière le permettant, il serait d’accord de rembourser les montants qu’il avait perçus des services sociaux.

                        o) Entendue le 26 avril 2018, A.X.________ a dit confirmer ses précédentes déclarations. Elle a contesté s’être rendue compte que la famille avait un train de vie différent de celui adopté par les personnes bénéficiaires de l’aide sociale. Elle a reconnu qu’elle avait été une fois passagère de la Ferrari. Elle n’a pas pu donner d’explication utile sur la comptabilité. Elle a déclaré qu’elle ignorait les versements effectués en République dominicaine à raison de 5'082 francs le 23 juillet 2012 et 9'378.60 francs le 5 octobre 2015 ; elle ne savait pas que ces versements devaient servir à aider ses parents. Elle a concédé qu’elle ne parlait pas beaucoup avec son mari. Elle avait un coffre-fort à la maison, mais il ne contenait que des bijoux appartenant aux enfants. Elle n’avait pas vu d’argent dans le coffre-fort. Elle ne savait pas si des économies avaient été faites pendant que la famille était au bénéfice de l’aide des services sociaux, mais elle avait opéré des virements tous les trois mois, du vivant de ses parents, de l’ordre de 250 à 300 francs par le biais de la Western Union. Elle a contesté s’être rendue coupable d’escroquerie. Elle a déclaré que souvent elle faisait seule les courses. Son mari l’accompagnait quelquefois lorsqu’elle n’était pas bien, mais c’était rare. Elle vivait encore avec B.X.________ et ne comprenait pas pourquoi on lui posait la question.

                        p) Une demande effectuée auprès des institutions « Cash to cash » de Suisse a permis de découvrir que B.X.________ avait envoyé entre 2008 et 2015 la somme totale de 46'903.57 francs via Western Union. A.X.________ avait quant à elle effectué des envois d’argent par le même biais, durant la même période, à hauteur de 8'907.77 francs. Une analyse financière n’a pas permis de mettre à jour une correspondance avec des retraits en espèces selon le grand livre de A.________ ou le compte bancaire de l’entreprise.

                        q) Entendu comme personne appelée à donner des renseignements, I.________, conseiller communal de W.________ en charge des services sociaux depuis 2016, a expliqué qu’il avait été voisin des prévenus pendant une quinzaine d’années. Il s’agissait de simples connaissances. Pour I.________, il était évident que B.X.________ avait une activité professionnelle (« pour moi, c’était le petit Italien qui avait sa boîte et qui avait réussi »). Le conseiller communal avait appris que le prévenu dépendait des services sociaux, au décès de son frère, en relation avec la pose d’une stèle. L’information était remontée au Conseil communal car la pierre tombale était très grande et hors de prix. Il avait fallu en raboter les ailes pour qu’elle soit conforme au règlement du cimetière. Selon ce qui lui avait été rapporté, le prix du monument tournait autour de 20'000 à 40'000 francs. Selon I.________, le prévenu était soit à la maison soit au travail chez A.________. (« Le soir, le dimanche, il y était tout le temps. Pour moi, c’était un type qui bossait, qui avait réussi. Je ne connais qu’un local de A.________, rue [bbbbb] à W.________. A votre demande, c’est là qu’il allait. J’ai vu sa moto ou sa voiture devant, mais je ne l’ai jamais suivi on s’entend »). Le conseiller communal ne savait pas qui dirigeait ou gérait la société A.________. Mais, pour lui, le prévenu était le patron (« Il n’y a aucune question à se poser. Si vous allez maintenant, il sera là. Je n’ai jamais eu l’impression que c’était un homme de paille ou que quelqu’un le manipulait ». Il voyait fréquemment A.X.________ avec ses enfants et pensait qu’elle ne devait pas travailler.

                        r) Entendu en qualité de personne appelée à donner des renseignements, J.________, conseiller communal, responsable des services sociaux de W.________ de juin 2012 à juin 2016, a déclaré qu’en 2014 il y avait eu une alerte des services à cause d’une pierre tombale qui ne répondait pas aux critères du cimetière de W.________. Cette information était revenue aux oreilles des services sociaux, qui avaient payé l’enterrement. Ils avaient également entendu parler de la valeur de la stèle. L’information était remontée par l’Etat civil. On avait alors appris que le commanditaire de la pierre tombale émargeait aux services sociaux de W.________. Le Conseil communal avait décidé de prendre contact avec l’autorité de surveillance du marché du travail pour clarifier la situation. J.________ n’a pas pu dire si la prévenue avait eu une activité professionnelle entre les années 2007 et 2015. Il ne connaissait pas le couple X.________. Il avait entendu dire que c’était le père du prévenu qui dirigeait formellement l’entreprise, mais que celui-ci n’avait pas toutes les capacités pour le faire. Les informations au sujet de la situation des prévenus étaient venues de ses collègues conseillers communaux, et non de ses subordonnés. Tout était parti de la problématique relative à la pierre tombale.

                        s) La prévenue ayant fait valoir qu’elle n’était pas en mesure de comparaître devant le tribunal de police, une expertise a été ordonnée à ce sujet. Dans son rapport du 18 mars 2019, l’expert a conclu qu’il n’y avait pas de contre-indication médico-psychiatrique à la comparution. Dans le cadre de l’expertise, la prévenue a expliqué que son couple était alors en instance de divorce, mais que les époux entretenaient de bonnes relations, étant séparés depuis 5 ans après des difficultés apparues progressivement fin 2012.

                        t) A l’audience du tribunal de police, le prévenu a déclaré qu’il était toujours actif dans l’entreprise de son père, avec un salaire mensuel de 3'100 francs. Selon lui, le couple avait déjà été assez aidé par le service social durant des années et à un moment donné, il était normal de faire les choses par soi-même. Il s’occupait des affaires de ses parents depuis l’âge de 18 ans. Il contrôlait ce qu’ils faisaient parce qu’ils avaient besoin d’aide. Son frère avait fait la même chose. Un an avant de commencer à être rémunéré par la société de son père, en 2015, le prévenu en avait parlé avec l’assistante sociale. Ce n’était pas un plaisir d’être aux services sociaux. Le regard de la société était difficile. Le prévenu ne se rappelait pas d’où provenaient les sommes envoyées en République dominicaine. Il avait peut-être été aidé par ses parents. Il n’avait pas parlé de la séparation du couple aux services sociaux. Les prévenus avaient essayé de protéger les enfants. Les choses s’étaient faites avec du calme et avec le temps. Le prévenu n’avait pas entrepris de remboursement auprès des services sociaux car il ne gagnait pas suffisamment. Il ne refusait pas l’idée. La Ferrari avait été achetée en 2014 par son père, comme d’autres machines. Son père avait déposé plainte contre I.________ pour diffamation et adressé un commandement de payer à commune de W.________.

                        u) Devant le tribunal de police, la prévenue a confirmé qu’elle était séparée de son mari depuis 5 ans : ils avaient deux domiciles séparés encore à la même adresse. Elle ne savait rien de la vie de son époux. Elle ignorait s’il travaillait actuellement. Elle était rentière AI et ne recevait pas d’aide financière de sa part. Elle n’avait pas annoncé sa séparation aux services sociaux car elle n’était pas sûre de sa décision. Elle ne se souvenait pas à quel moment le couple avait vécu séparément. Elle n’était au courant de rien s’agissant des sommes versées en République dominicaine, pays dans lequel ses parents vivaient. Ils ne lui avaient pas dit qu’ils avaient reçu de l’argent. Elle a ensuite reconnu qu’il était exact qu’elle avait versé de l’argent à ses parents. Elle ne savait plus pour quel montant. Sa belle-mère lui avait donné des sous. Elle n’avait pas pensé utile d’en parler aux services sociaux. Elle ne parlait pas beaucoup avec l’assistante sociale lors des rendez-vous. Elle était allée deux ou trois fois toute seule à ces entretiens et jamais en compagnie de son mari. Elle était d’accord de rembourser l’aide sociale.

                        v) L’existence d’une procédure de divorce est établie. Les parties ont confirmé leur volonté de divorcer et leur accord à une convention du 4 octobre 2018, lors d’une audience devant le Tribunal civil des Montagnes et du Val-de-Ruz, le 22 janvier 2019. A.X.________ est restée avec les enfants dans l’ancien domicile conjugal.

                        w) A l’audience de ce jour, l’appelante a expliqué qu’elle ne se souvenait pas de ce que l’assistante sociale lui avait dit lors du premier entretien avec le couple, le 10 mai 2005. Elle avait dû se rendre en tout deux ou trois fois à des rendez-vous avec la fonctionnaire. Elle ne discutait pas beaucoup avec celle-ci. Durant la période où la famille avait dépendu de l’aide sociale, elle n’avait pas voyagé. Il est vrai qu’elle avait envoyé de l’argent dans son pays d’origine. Cet argent lui avait été donné par son ex-belle-mère. La famille disposait à l’époque de deux voitures et d’une moto. L’appelante n’avait pas trouvé bizarre que son ex-mari passe plus de temps chez ses parents que chez sa femme et ses enfants. Quant à elle, elle s’occupait du ménage et des enfants. Elle avait pris place à une seule reprise dans la Ferrari. Cette automobile appartenait à son ex-beau-père, dont c’était le rêve et qui n’avait pas de permis de conduire, selon les explications de son ex-mari.

                        L’appelante ne pouvait rien dire de A.________. Elle savait juste que l’entreprise était active dans la sous-traitance. Elle n’avait pas déclaré qu’il y avait de l’argent dans le coffre au domicile familial « parce que je ne savais pas si les sous provenaient de A.________ ». Elle avait alors eu peur et elle n’avait pas su quoi faire. Elle était d’accord de rembourser les prestations d’aide sociale. Elle n’avait encore procédé à aucun versement parce qu’elle n’en avait pas les moyens.

7.                                Sur la base des éléments de faits rappelés aux considérants précédents, la Cour pénale ne peut que partager l’appréciation du tribunal de police selon laquelle B.X.________ a exercé, dès la date visée par l’acte d’accusation à tout le moins, une activité lucrative pour le compte de A.________ et a reçu pour cette activité des revenus qui n’ont pas été déclarés à l’aide sociale. La Cour pénale se réfère sur ce point aux considérants du premier juge, qui emportent la conviction et qu’il n’y a pas besoin de paraphraser (cons. 21 let. a ; art. 82 al. 4 CPP).

                        S’agissant de qualifier les faits constatés, là également le jugement attaqué résiste à toute critique lorsqu’il reconnaît B.X.________ coupable d’escroquerie au sens de l’article 146 CP. La Cour pénale se réfère aux considérants du premier juge (cons. 21b et c ; art. 82 al. 4 CPP). Le condamné a d’ailleurs retiré son appel.

8.                                a) La situation est un peu plus délicate en ce qui concerne l’appelante. Celle-ci prétend en substance qu’elle ignorait tout de l’activité lucrative de son époux et que c’est lui qui s’occupait des finances du couple. De fait, il apparaît que, si elle a assisté au premier entretien avec un représentant du service de l’aide sociale de la commune de W.________ en mai 2015 et si elle a signé la demande d’assistance sociale aux côtés de son époux, c’est celui-ci qui a rencontré l’assistante sociale dans la majorité des cas et qui a signé la plus grande partie des budgets.

b) Est un co-auteur celui qui collabore, intentionnellement et de manière déterminante, avec d’autres personnes à la décision de commettre une infraction, à son organisation ou à son exécution, au point d’apparaître comme l’un des participants principaux. Il faut que, d’après les circonstances du cas concret, la contribution du co-auteur apparaisse essentielle à l’exécution de l’infraction. La seule volonté quant à l’acte ne suffit pas. Il n’est toutefois pas nécessaire que le co-auteur ait effectivement participé à l’exécution de l’acte où qu’il ait pu l’influencer. La co-activité suppose une décision commune, qui ne doit cependant pas obligatoirement être expresse, mais peut aussi résulter d’actes concluants, le dol éventuel quant au résultat étant suffisant. Il n’est pas nécessaire que le co-auteur participe à la conception du projet ; il peut y adhérer ultérieurement. Il n’est pas non plus nécessaire que l’acte soit prémédité ; le co-auteur peut s’y associer en cours d’exécution. Ce qui est déterminant, c’est que le co-auteur se soit associé à la décision dont est issue l’infraction ou à la réalisation de cette dernière, dans des conditions ou dans une mesure qui le font apparaître comme un participant non pas secondaire, mais principal (ATF 135 IV 152 cons. 2.3.1 ; 134 III 58 cons. 9.2.1 ; plus récemment, arrêt du TF du 28.08.2019 [6B_755/2019] cons. 1.3.3.).

c) Comme le premier juge, la Cour pénale retient en fait que l’épouse n’ignorait pas l’activité professionnelle de son mari. Ses déclarations au sujet de l’emploi du temps de celui-ci et de l’origine des fonds assez importants envoyés en République dominicaine ont été évasives et contradictoires, voire incohérentes. Elle a finalement admis qu’elle avait roulé dans une voiture de grand luxe avec le prévenu. Elle a d’abord menti quant au contenu du coffre au domicile familial pour cacher la présence d’argent liquide, contenu pourtant admis par son mari, parce qu’elle ne savait pas, selon ses dernières explications, « si les sous provenaient de A.________ ».

d) La Cour pénale retient également, comme le premier juge, que la prévenue a intentionnellement déployé un comportement actif relevant de l’astuce en signant, après avoir assisté au premier entretien de demande d’aide, au cours duquel l’assistante sociale a expliqué en détail le mode de fonctionnement de l’aide sociale et les droits et obligations en découlant, au cours des années une douzaine de budgets mensuels d’aide sociale, en n’indiquant rien dans la colonne « revenus » et en n’informant pas les services sociaux de l’activité de son mari pour le compte de A.________. Contrairement à ce qui a été plaidé devant la Cour pénale, l’appelante avait compris les conséquences de la signature qu’elle apposait sur les formulaires de demande d’aide. La Cour pénale renvoie aux considérants du premier juge, qu’elle peut faire siens (cons. 22 ; art. 82 al. 4 CPP). La prévenue a agi comme un co-auteur dans l’escroquerie retenue en première instance.

9.                                Bien qu’elle ait attaqué le jugement dans son ensemble, l’appelante ne discute pas à titre indépendant la peine, s’agissant des critères appliqués ou de la quotité. La Cour pénale n’est ainsi pas tenue de revoir la question (arrêt du TF du 09.01.2015 [6B_419/2014] cons.2.3).

10.                             Les conditions objectives du sursis sont réalisées. Le délai d’épreuve peut être fixé à 2 ans. Selon l’article 391 al. 2 2e phrase CPP, l’autorité de recours peut infliger une sanction plus sévère à la lumière de faits nouveaux qui ne pouvaient pas être connus du tribunal de première instance. La Cour pénale considère qu’il n’y a pas lieu de faire usage de cette possibilité et de renoncer à l’octroi du sursis, en raison des renseignements contraires à la réalité fournis par l’appelante dans le formulaire de demande d’assistance judiciaire déposé à l’audience de ce jour, selon un procédé qui ne manque pas de faire penser au comportement délictueux décrit dans l’acte d’accusation. S’il l’estime justifié, le ministère public pourra ouvrir une nouvelle instruction sur les faits mis à jour durant l’interrogatoire de l’appelante.

11.                             a) Personne ne conteste plus les conclusions civiles de la commune de  W.________ relèvent du droit public et que les conclusions civiles dirigées contre l’appelante sont irrecevables (arrêts du TF du 11.07.2018 [1B_158/2018] ; du 26.07.2019 [1B_576/2018] cons. 2.4 ; cf. décision de la Cour pénale du 06.08.2020). Il y a lieu d’en tirer les conséquences d’office en ce qui concerne l’appelante.

                        b) Ce qui précède ne s’applique pas à B.X.________. En effet, l’article 392 CPP ne concerne pas les conclusions civiles (Ziegler/Keller, Commentaire bâlois, no 2 ad art. 392 CPP ; Schmid, Praxis Kommentar, 2e éd., no 5 ad art. 392 CPP).

12.                             Au vu de ce qui précède, l’appel doit être rejeté. Il n’y a pas lieu de revoir les frais de justice et les indemnités de première instance. Pour la seconde instance, les frais de justice seront mis à la charge de A.X.________ (la part de B.X.________ a déjà été fixée par décision du 06.08.2020). Celle-ci n’a pas droit à une indemnité pour ses frais de défense.

Par ces motifs,
la Cour pénale décide

Vu les articles 146 CP, 10, 426 et 428 CPP,

 I.        L’appel de A.X.________ est rejeté.

       II.        Le jugement rendu par le Tribunal de police des Montagnes et du Val-de-Ruz le 12 avril 2019 est reformé, le nouveau dispositif étant le suivant :

1.      Reconnaît B.X.________ coupable d’escroquerie.

2.      Condamne B.X.________ à une peine privative de liberté de 20 mois, avec sursis pendant deux ans, ainsi qu’au paiement d’une peine additionnelle de 4'000.00 francs d’amende, la peine privative de liberté en cas de non-paiement fautif de l’amende étant fixée à quarante jours.

3.      Reconnaît A.X.________ coupable d’escroquerie.

4.      Condamne A.X.________ à une peine privative de liberté de 10 mois, avec sursis pendant deux ans, ainsi qu’au paiement d’une peine additionnelle de 2'000.00 francs d’amende, la peine privative de liberté en cas de non-paiement fautif de l’amende étant fixée à vingt jours.

5.      Condamne B.X.________ à payer à la commune de W.________ la somme de 245'619.05 francs.

6.      Constate que la prétention de commune de W.________ relève du droit public et que les conclusions civiles dirigées contre A.X.________ sont irrecevables.

7.      Ordonne la restitution des classeurs séquestrés à A.________ SA.

8.      Condamne B.X.________ au paiement de sa part des frais de justice, arrêtée à 3'272.00 francs.

9.      Condamne A.X.________ au paiement de sa part des frais de justice, arrêtée à 8'300.00 francs, frais d'expertise compris.

III.        Les frais de justice de deuxième instance, arrêtés à 2'000 francs, sont mis à la charge de A.X.________.

IV.        Le présent jugement est notifié à A.X.________, par Me K.________, au ministère public (MP.2016.1264), à B.X.________, par Me L.________, à la commune de W.________, par Me M.________ (pour information), au service des migrations, à Neuchâtel (pour information), au Tribunal de police des Montagnes et du Val-de-Ruz (POL.2018.281).

Neuchâtel, le 5 novembre 2020

Art. 146 CP
Escroquerie
 

1 Celui qui, dans le dessein de se procurer ou de procurer à un tiers un enrichissement illégitime, aura astucieusement induit en erreur une personne par des affirmations fallacieuses ou par la dissimulation de faits vrais ou l’aura astucieusement confortée dans son erreur et aura de la sorte déterminé la victime à des actes préjudiciables à ses intérêts pécuniaires ou à ceux d’un tiers sera puni d’une peine privative de liberté de cinq ans au plus ou d’une peine pécuniaire.

2 Si l’auteur fait métier de l’escroquerie, la peine sera une peine privative de liberté de dix ans au plus ou une peine pécuniaire de 90 jours-amende au moins.

3 L’escroquerie commise au préjudice des proches ou des familiers ne sera poursuivie que sur plainte.