A.                               X.________, né en 1993, a été admis au service civil par décision du 3 juin 2015 de l’Organe d’exécution du service civil, organe central, à Thoune (ci-après : organe central). Le centre régional du service civil de Lausanne était en charge de son dossier.

B.                               Sur la base d’une convention d’affectation signée le 11 juillet 2017 entre X.________ et l’établissement d’affectation Y.________ du canton de Neuchâtel (ci-après : Y.________), le centre régional de Lausanne a, par décision du 17 juillet 2017, convoqué l’intéressé à une affectation se déroulant du 2 octobre au 29 décembre 2017.

C.                               Par décision du 15 novembre 2017, le centre régional de Lausanne a interrompu l’affectation de X.________ avec effet au 13 octobre 2017 ; la date a été fixée, en prenant en compte le droit à des jours-maladie.

D.                               Par courrier du 20 novembre 2017, l’organe central a informé le prénommé qu’il ouvrait une procédure disciplinaire à son encontre et lui a fixé un délai pour s’exprimer sur les faits qui lui étaient reprochés, transmettre un certificat médical attestant une incapacité de travail du 4 au 16 octobre 2017, s’expliquer au sujet de ses propos tenus le 16 octobre 2017 et prouver ses allégations de problèmes familiaux. Le courrier exposait que le 2 octobre 2017, X.________ avait commencé l’affectation comme prévu, qu’il avait toutefois appelé le centre régional pour communiquer qu’il souffrait de douleurs au dos et qu’il souhaitait interrompre son affectation. Le 3 octobre 2017 X.________ était encore venu et depuis le 4 octobre 2017, il ne s’était plus présenté. X.________ avait contacté l’établissement d’affectation pour annoncer son absence jusqu’au 6 octobre 2017, mais le 9 et le 10 octobre, il était toujours manquant. Le 11 octobre 2017, il s’était présenté chez Y.________ uniquement pour donner un certificat médical établi par le Dr A.________, le 10 octobre 2017, attestant qu’il présentait une contre-indication à tout travail de pénibilité pour cause de scoliose. Y.________ lui avait rappelé qu’il devait fournir un certificat médical attestant une incapacité de travail ou être présent à l'affectation. Il n’était pourtant jamais revenu. Le 16 octobre 2017, l’intéressé avait téléphoné au centre régional pour demander si celui-ci était au courant de son absence. Il lui avait été répondu que le centre avait eu connaissance du certificat médical du Dr A.________, mais que celui-ci n’établissait pas son incapacité de travail. Il lui avait été expliqué que le centre d’affectation était d’accord d’alléger son cahier des charges pour tenir compte de ses problèmes de dos. Le centre régional l’avait sommé de retourner au centre d’affectation le lendemain. L’intéressé avait rétorqué qu’il se présenterait, mais qu’il ne ferait rien car l’activité ne lui plaisait plus et qu’il n’appréciait plus les résidents. Le 17 octobre 2017, X.________ avait produit un certificat médical attestant une incapacité de travail totale du 17 octobre au 3 novembre 2017. Le 18 octobre 2018, il avait appelé le centre régional pour l’informer de son arrêt de travail et que sa mère était proche de la retraite et qu’il était le seul membre de sa famille à pouvoir l’aider. Le 1er novembre 2017, il avait indiqué au centre régional que son certificat médical serait prolongé. Il lui avait alors été demandé de fournir un certificat médical pour son absence du 4 au 13 octobre 2017. Il avait ensuite produit un certificat daté du 3 novembre 2017 faisant état d’une incapacité de travail totale du 3 au 10 novembre 2017.

E.                               Le 28 février 2018, l’organe central a dénoncé X.________ au ministère public pour insoumission au service civil au sens de l’article 73 LSC, au motif qu’il ne s’était pas présenté à son affection du 4 au 16 octobre 2017, sans autorisation ni justification. Rappelant les faits exposés dans le courrier du 20 novembre 2017, il a ajouté que l’intéressé n’avait pas donné suite à cette correspondance, malgré la prolongation du délai imparti. L’organe central a retenu qu’il était douteux que des motifs médicaux aient réellement été la raison de l’absence de X.________, en considérant une précédente condamnation en 2016 pour des faits similaires et ses propos du 16 octobre 2017, selon lesquels l’affectation chez Y.________ ne lui plaisait plus. Son cas ne pouvait être qualifié de mineur, si bien qu’un règlement disciplinaire de cette affaire était exclu.

F.                               Invité par le ministère public à procéder à une investigation policière, la police a, le 6 juin 2018, auditionné l’intéressé, en qualité de prévenu. Ce dernier a déclaré qu’au début de sa deuxième période de service civil, en octobre 2017, il avait remarqué qu’il souffrait du dos. Il avait averti le « service civil » de ses douleurs et avait consulté un chiropraticien (recte : physiothérapeute), lequel n’était pas habilité à lui délivrer un certificat médical. Les propos qu’on lui prêtait dans le courrier du 20 novembre 2017 de l’organe central ne correspondaient pas à ce qu’il avait dit. Lors de ses appels téléphoniques, il avait évoqué la pénibilité du travail chez Y.________ et le fait que, parfois, la communication était compliquée puisque tout le monde ne parlait pas français ou une langue qui lui était familière. S’agissant de ses problèmes familiaux, il a expliqué qu’en octobre 2017, sa grand-maman était malade. Elle avait été placée dans un home pour recevoir des soins palliatifs en janvier 2018 et était décédée en mars 2018. Il avait communiqué avec le service régional par téléphone et non par courrier. Depuis le 29 janvier et jusqu’au 5 juillet 2018, il effectuait son service civil dans une nouvelle affectation. Au terme de celle-ci, il aurait effectué la totalité des jours de service civil qu’il lui restait à faire.

G.                               Par ordonnance pénale du 13 septembre 2018, le ministère public a condamné X.________ à 30 jours-amende à 30 francs, sans sursis, pour insoumission au service civil, pour ne pas s’être présenté, du 4 au 16 octobre 2017, à l’affectation du service civil auprès de Y.________, à laquelle il avait été dûment convoqué. Le ministère public a renoncé à révoquer le sursis accordé le 24 février 2016 par le ministère public de l’arrondissement de Lausanne.

H.                               Le 28 septembre 2018, le prévenu a formé opposition à l’ordonnance pénale.

I.                                 Le ministère public a interpellé l’organe central au sujet de la situation médicale de X.________ pour la période du 4 au 16 octobre 2017. Il lui a notamment transmis deux certificats médicaux des urgences de l’Hôpital neuchâtelois (ci-après : HNE), des 17 octobre 2017 et 3 novembre 2017, attestant respectivement une incapacité de travail du 17 octobre au 3 novembre 2017, puis du 3 au 10 novembre 2017.

J.                                Le 4 octobre 2018, l’organe central a répondu par courrier, en accusant réception des certificats médicaux et en indiquant qu’il avait connaissance du certificat médical établi par le Dr A.________. Cependant celui-ci était insuffisant pour retenir une incapacité de travail entière entre le 4 et le 16 octobre 2017, parce qu’il mentionnait seulement « des lombalgies chroniques, sur troubles statiques de la colonne vertébrale (scoliose) » et qu’il faisait état de « contrindication à tout travail de pénibilité » et ne préconisait aucun arrêt de travail. Par ailleurs, Y.________ avait proposé un allègement de son cahier des charges pour soulager le dos du prévenu et ce dernier n’avait pas saisi cette opportunité. Pour ces raisons, l’organe central estimait qu’une condamnation devait être prononcée.

K.                               Le 9 octobre 2018, le ministère public a transmis l’ordonnance pénale au tribunal de police, pour valoir acte d’accusation.

L.                               Interrogé par le tribunal de police à son audience du 19 novembre 2018, X.________ a notamment déclaré que le travail chez Y.________ était pénible physiquement car il fallait porter beaucoup de meubles lourds. Pour lui, le certificat médical du Dr A.________ du 10 octobre 2017 disait clairement qu’il ne pouvait pas effectuer la mission qui lui était confiée chez Y.________. Il a indiqué qu’il avait lui-même retrouvé une nouvelle affectation et avait terminé son service civil.

M.                              Dans son jugement motivé du 10 décembre 2018, le tribunal de police a retenu que les éléments constitutifs objectifs et subjectifs de l’infraction d’insoumission au service civil étaient réalisés ; le prévenu n’avait en effet jamais remis en cause la validité de sa convocation ou la période de service et il était patent qu’il ne s’était pas présenté à sa seconde affectation. Il ne faisait par ailleurs pas de doute qu’il n'avait pas l'intention de s’y soumettre. La culpabilité de l’accusé devait être qualifiée de moyenne. Ses antécédents n’étaient pas bons et sa situation personnelle guère favorable, dans la mesure où il avait volontairement quitté un emploi au motif que celui-ci ne lui convenait pas. À décharge, le tribunal a retenu que le prévenu avait finalement effectué l’ensemble des jours de service civil auquel il était astreint, de sorte que la peine pouvait être atténuée. Dès lors qu’il avait délibérément choisi de quitter un emploi rémunéré, il n’y avait pas lieu de prononcer des jours-amende en dessous du minimum de 30 francs par jour. Il se trouvait en récidive spécifique par rapport aux faits survenus le 16 octobre 2015 et avait déjà bénéficié de deux sursis, en 2015 et 2016, lesquels n’avaient pas suffi à le détourner de la commission d’autres infractions. Partant, la peine devait être ferme. Le premier juge a en revanche renoncé à révoquer le sursis prononcé en 2016.

N.                               X.________ appelle de ce jugement. Il fait valoir qu’il avait des raisons objectives d’interrompre son affectation chez Y.________ ; les deux certificats médicaux établis par HNE confirment l’existence d’une incapacité de travail qui, en réalité, avait pris effet à partir du 4 octobre 2017. Il reproche au tribunal de police d’avoir retenu, à tort, qu’il n’avait pas l’intention de se soumettre à sa seconde affectation. Subsidiairement, dans l’éventualité d’une condamnation, le sursis doit lui être accordé, un pronostic défavorable ne pouvant être posé à son encontre. En tout état de cause, dès lors que des motifs médicaux expliquaient son absence, son comportement ne peut être qualifié véritablement d’insoumission. Il demande l’octroi d’une indemnité de défense au sens de l’article 429 CPP pour l’activité déployée avant l’octroi de l’assistance judiciaire, qu’il réclame.

O.                               Par ordonnance du 27 mars 2019, l’assistance judiciaire a été accordée à X.________.

P.                               Le ministère public n’a pas formulé d’observations sur l’appel motivé.

Q.                               X.________ a requis l’audition, écrite ou orale, du physiothérapeute B.________ ainsi que du Dr A.________. Leur audition a été admise par questionnaire écrit (art. 145 al. 1 CPP).

                        B.________ et le Dr A.________ ont répondu aux questions posées.

R.                               X.________ a formulé des observations sur les réponses.

S.                               Le ministère public s’est brièvement déterminé sur ces dernières.

C O N S I D E R A N T

1.                                Interjeté dans les formes et délai légaux (art. 399 CPP), par une partie ayant qualité pour recourir contre le jugement du tribunal de première instance qui a clos la procédure (art. 398 al. 1 CPP), l’appel est recevable. Comme le jugement de première instance a été adressé au prévenu sans communication préalable d’un dispositif, une annonce d’appel n’était pas nécessaire (cf. Moreillon/Parein-Reymond, Petit commentaire CPP, 2ème éd., n. 11 ad. art. 399, avec des références à la jurisprudence).

2.                                Selon l'article 398 CPP, la juridiction d'appel jouit d'un plein pouvoir d'examen sur tous les points attaqués du jugement (al. 2). L'appel peut être formé pour violation du droit, y compris l'excès et l'abus de pouvoir d'appréciation, le déni de justice et le retard injustifié, pour constatation incomplète ou erronée des faits et pour inopportunité (al. 3). En vertu de l'article 404 CPP, la juridiction d'appel n'examine que les points attaqués du jugement de première instance (al. 1). Elle peut également examiner en faveur du prévenu des points du jugement qui ne sont pas attaqués, afin de prévenir des décisions illégales ou inéquitables (al. 2). Cette règle doit être appliquée avec retenue ; on y recourra qu’en cas de résultant choquant, par exemple en cas d’erreur manifeste, d’une application manifestement erronée du droit ou d’une constatation manifestement erronée des faits de la cause (Moreillon/Parein-Reymond, op. cit., n. 8 ad. art. 404).

3.                                a) L'article 73 al. 1 LSC dispose que celui qui, sans avoir le dessein de refuser le service civil, omet de se présenter pour accomplir une période de service à laquelle il a été convoqué, quitte son établissement d'affectation sans autorisation ou n'y retourne pas après une absence justifiée, sera puni d'une peine pécuniaire de 180 jours-amende au plus. Dans les cas mineurs, la personne fautive sera punie disciplinairement (al. 3). Si, par la suite, la personne fautive se présente spontanément pour accomplir son service civil, le juge pourra atténuer la peine (al. 4)..

                        b) L'article 73 al. 1 LSC prévoit trois éléments constitutifs objectifs pour cette infraction, à savoir une convocation valable, pour une période de service, et l'abandon de l’établissement d'affectation sans autorisation. Cette disposition comporte également deux éléments constitutifs subjectifs ; l’auteur doit avoir la conscience et la volonté de son insoumission. Par ailleurs, il doit ne pas avoir la volonté de refuser de servir (par exemple l'objection de conscience) (arrêt du TAF du 08.03.2019 [B-7401/2018] cons. 5.1.2 et 5.1.3).

                            c) L’article 76 de l’Ordonnance sur le service civil (OSCi) précise que la personne astreinte communique sans délai à l'Office fédéral du service civil (CIVI) son impossibilité d'obéir à une convocation pour raisons de santé. Elle joint à sa communication un certificat médical (al. 1). La personne en service annonce sans délai à l’établissement d’affectation toute atteinte à sa capacité de travail pour cause de maladie ou d’accident (al. 2). Elle se procure un certificat médical qu’elle remet à l’établissement d’affectation dans les trois jours. Le choix du médecin est libre. Si l’affectation dure plus d’un jour, la personne en service ne doit présenter un certificat médical que si l’atteinte à sa capacité de travail dure plus d’un jour (al. 3).

                            d) L’aide-mémoire concernant la convocation du service civil, joint à celle-ci, mentionne également que lorsque le civiliste est momentanément incapable de travailler pour cause de maladie ou d’accident, l’incapacité de travail doit être attestée par certificat médical, lequel doit être fourni à l’établissement d’affectation dans les 3 jours. Les jours de maladie qui n’auront pas été attestés par un certificat médical peuvent donner lieu à une procédure disciplinaire ou pénale. Si, pour cause de maladie ou d’accident, le civiliste n’est pas en mesure de commencer une affectation ou de continuer une affectation déjà entamée, il faut en avertir le centre régional immédiatement et lui envoyer un certificat médical.

4.                                a) La Cour pénale retient que les faits tels que décrits dans le courrier du 20 novembre 2017, puis repris dans la dénonciation du 28 février 2018, ne sont pas contestés, sauf en ce qui concerne les propos qu’aurait tenus le prévenu, le 16 octobre 2017, lors d’un appel téléphonique au Centre régional.

                        b) Il ressort du dossier que, par décision du 17 juillet 2017, l’appelant a été convoqué au service civil pour la période de service du 2 octobre au 29 décembre 2017 et que, du 4 au 16 octobre 2017, il ne s’est pas présenté chez Y.________. Ces éléments ne sont pas contestés. Le prévenu ne prétend pas que la convocation n’était pas valable et rien ne le laisse penser. Les éléments du dossier ne montrent pas non plus qu’il existait un motif justificatif pour l’absence en cause. Les éléments objectifs de l’infraction sont donc réalisés.

                        c) L’appelant conteste avoir délibérément interrompu son affectation. Il ne nie pas avoir su qu’il était convoqué chez Y.________ et qu’il devait se présenter aux dates manquées. Il était donc conscient qu’il devait s’y rendre. Pour justifier son absence, l’appelant a, en premier lieu, invoqué des douleurs dorsales. A cet égard, la Cour pénale relève que le centre d’affectation était d’accord d’adapter le cahier des charges du prévenu pour lui permettre de soulager son dos. Le prévenu n’a pas saisi cette opportunité pour continuer son service civil. Pourtant, le certificat médical du Dr A.________ faisait seulement état d’une « contrindication à un travail de pénibilité » et non d’une incapacité de travail (cf. cons. 5d). L’intéressé s’est ensuite prévalu de problèmes familiaux. Sur ce point, la Cour constate que les renseignements donnés, le 18 octobre 2017, lors d’un appel téléphonique avec le centre régional (mère proche de l’AVS à aider) ne correspondent pas à ceux qu’il a donnés ensuite à la police (grand-mère malade). La Cour pénale retient donc que le prévenu s’est prévalu de plusieurs motifs justificatifs – au demeurant non concordants. Il faut en déduire que l’intéressé ne voulait, en réalité, pas exécuter son service civil chez Y.________. C’est donc volontairement et consciemment que l’appelant ne s’est pas présenté à son affectation du 4 au 16 octobre 2017. L’intention doit donc être retenue. Partant, l’infraction à l’article 73 LSC est réalisée.

                        d) Il faut encore d’examiner si l’appelant peut se prévaloir, à titre de motifs justificatifs, de raisons médicales.

                        Il ressort du dossier que le premier jour de son absence à l’affectation, le 4 octobre 2017, le prévenu a consulté un physiothérapeute, B.________, pour des lombalgies. Le 10 octobre 2017, il a consulté un médecin, le Dr A.________, et a obtenu un certificat médical qu’il a déposé chez Y.________, le jour suivant.

                        A la Cour pénale, le physiothérapeute B.________ a indiqué que les tests mécaniques effectués le 4 octobre 2017 semblaient montrer « un dérangement antérieur » et qu’une « reprise d’activité physique intense ne lui paraissait pas envisageable sans amélioration de son état ».

                        Dans son certificat médical du 10 octobre 2017, le Dr A.________ a attesté que son patient présentait, en raison de lombalgies chroniques sur troubles statiques de la colonne vertébrale (scoliose), une contrindication à tout travail de pénibilité. A la Cour pénale, ce médecin a précisé ce qui suit « Mon certificat médical du 10 octobre 2017 n’a certes pas impliqué un arrêt de travail, (il aurait pu) mais exigeait au moins un changement de poste dit « adapté ». A la question de savoir si l’on pouvait admettre que l’incapacité de travail attestée par HNE pour la période comprise entre le 17 octobre et le 3 novembre 2017 (cf. lettre I ci-dessus) existait déjà à l'époque où il avait reçu en consultation le prévenu, il a répondu : « A postériori, vu la non obédience à mon certificat médical, la réponse est oui ».

                        La Cour pénale retient donc en se fiant aux différents certificats médicaux que l’appelant était incapable de travailler du 17 octobre au 3 novembre 2017 et que, dès le 10 octobre 2017, il ne pouvait plus lui être demandé de travail pénible, mais qu’il était en mesure de travailler, si Y.________ pouvait lui offrir un autre poste de travail « adapté », soit ne nécessitant pas de port de charge. A cet égard, il faut rappeler que l’établissement d’affectation était disposé à convenir avec le prévenu d’un allègement de son cahier des charges.

                        e) Cela étant, le prévenu n’a pas respecté la procédure à suivre prévue par l’article 76 al. 3 OSCi et rappelée dans l’aide-mémoire annexée à la convocation du service civil, lui imposant de fournir un certificat médical à l’établissement d’affectation dans les trois jours. Son absence n’est donc pas justifiée médicalement du 4 au 16 octobre 2017, bien que l’organe central ait rappelé encore à l’appelant, le 20 novembre 2017, qu’il devait fournir un certificat médical attestant une incapacité de travail pour la période manquante, ce qu’il n’a pas jugé utile de faire.

                        Les précisions données à la Cour pénale par B.________, physiothérapeute, et le Dr A.________ ne permettent pas de retenir que pendant la période en cause, le prévenu présentait une incapacité de travail. B.________ a estimé qu’une « reprise d’activité physique intense n’était pas envisageable sans amélioration de son état », ce qui ne signifie pas que son patient était incapable de travailler. De son côté le Dr A.________, consulté, le 10 octobre 2017, a retenu qu’il existait « une contrindication à tout travail de pénibilité » et non une incapacité de travail. Le fait qu’il ait ensuite, à la demande de la Cour pénale, le 13 septembre 2019, estimé que son certificat médical « aurait pu » impliquer un arrêt de travail, « mais exigeait au moins un changement de poste dit « adapté » » signifie précisément que le Dr A.________ n’avait pas constaté d’incapacité de travail. L’appelant ne peut donc pas se prévaloir de motifs justificatifs médicaux pour se disculper.

                            f) Partant, c’est à juste titre que le prévenu a été reconnu coupable d’insoumission au service civil.

5.                                a) Dans son argumentation subsidiaire, l’appelant ne conteste pas la peine pécuniaire fixée par le tribunal de police. Il ne prétend pas non plus se trouver dans un cas mineur, impliquant une peine disciplinaire (art. 73 al. 3 LSC). La peine prononcée par le tribunal de police, qui a notamment tenu compte de l’exécution spontanée du reste du service civil pour sa fixation conformément à l’article 73 al. 4 LSC, ne paraît pas manifestement illégale ou inéquitable (cf. cons. 2), de sorte que la Cour pénale n’a pas à revenir sur cette question.

                        b) L’appelant attaque le jugement querellé en ce qu’il ne lui accorde pas le sursis.

                        Les faits en cause se sont déroulés en 2017, soit avant l’entrée en vigueur de la modification de l’article 42 CP. Le nouveau droit n’étant, en l’occurrence, concrètement pas plus favorable, l’article 42 aCP est applicable conformément au principe de la lex mitior (art. 2 al. 2 CP).

                        Aux termes de cette disposition, le juge suspend en règle générale l’exécution d’une peine pécuniaire, d’un travail d’intérêt général ou d’une peine privative de liberté de six mois au moins et de deux ans au plus lorsqu’une peine ferme ne paraît pas nécessaire pour détourner l’auteur d’autres crimes ou délits (al. 1). Si, durant les cinq ans qui précèdent l’infraction, l’auteur a été condamné à une peine privative de liberté ferme ou avec sursis de six mois au moins ou à une peine pécuniaire de 180 jours-amende au moins, il ne peut y avoir de sursis à l’exécution de la peine qu’en cas de circonstances particulièrement favorables (al. 2).

c) Les conditions objectives pour l’octroi du sursis sont remplies (peine pécuniaire et absence de condamnation à une peine privative de liberté d’au moins six mois ou à une peine pécuniaire d’au moins 180 jours-amende durant les cinq ans qui précèdent l’infraction ; art. 42 al. 1 et 2 aCP).

d) Sur le plan subjectif, le juge doit poser, pour l'octroi du sursis, un pronostic quant au comportement de l'auteur. La question de savoir si le sursis serait de nature à détourner le prévenu de commettre de nouvelles infractions doit être tranchée sur la base d'une appréciation d'ensemble, tenant compte des circonstances de l'infraction, des antécédents de l'auteur, de sa réputation et de sa situation personnelle au moment du jugement, notamment de l'état d'esprit qu'il manifeste. Le pronostic doit être posé sur la base de tous les éléments propres à éclairer l'ensemble du caractère du prévenu et ses chances d'amendement (ATF 134 IV 1 cons. 4.2.1). À cet égard, le juge doit prendre en considération non seulement les circonstances concrètes de l’infraction, mais encore les circonstances personnelles jusqu’au moment du jugement (ATF 135 IV 180). Le sursis est la règle dont on ne peut s'écarter qu'en présence d'un pronostic défavorable. Il prime en cas d'incertitude (arrêt du TF du 02.06.2017 [6B_740/2016] cons. 2.1 ; ATF 135 IV 180 cons. 2.1).

e) En l’espèce, l’insoumission est intervenue entre le 4 et le 16 octobre 2017, alors que l’appelant était correctement entré en service, le 2 octobre 2017, mais avait appelé par téléphone le centre régional pour demander l’interruption de son affectation pour des douleurs au dos. À partir du 4 octobre 2017, il n’est plus retourné chez Y.________. Le 10 octobre 2017, il a fourni un premier certificat médical, puis un autre le 17 octobre 2017 et un dernier le 3 novembre 2017. Il en ressort qu’il a établi son incapacité de travail depuis le 17 octobre jusqu’au 10 novembre 2017. Son absence du 4 au 16 octobre est donc demeurée injustifiée. La Cour pénale a retenu que le prévenu n’avait pas eu l’intention d’accomplir une période de service auprès de l’établissement d’affectation. Par contre, il n’avait pas eu l’intention de refuser le service civil. Il avait déjà effectué un contrat de six mois entre janvier et juin 2017 auprès de Y.________ et entre le 29 janvier et le 30 juin 2018, il avait terminé son service civil en œuvrant pour l’institution C.________. Lors de ces deux engagements, il avait apparemment donné satisfaction. En outre, l’extrait du casier judiciaire de l’appelant mentionne une condamnation en 2015 pour escroquerie d’un service d’aide sociale (80 heures de TIG avec sursis pendant deux ans + amende de 200 frs) ainsi qu’une autre condamnation, en 2016, pour insoumission au service civil (30 jours-amende à 30 frs avec sursis pendant deux ans + amende de 180 frs). L’insoumission d’octobre 2017 est donc intervenue durant le délai d’épreuve de deux ans du sursis accordé au prévenu par le ministère public de l’arrondissement de Lausanne le 24 février 2016. Il s’agit d’un cas de récidive spécifique. Il faut en déduire que les sanctions précédemment infligées ne l'ont pas dissuadé de commettre une nouvelle infraction. Il s’agit de la troisième condamnation de l’appelant en quatre ans. La deuxième et la troisième concernent des faits qui ont été commis pendant les délais d’épreuve des sursis octroyés. L’intéressé n’a donc pas saisi la portée de ces avertissements. Cela démontre un certain mépris de l’ordre juridique ainsi qu’une propension à se soustraire aux contraintes administratives auxquelles tout un chacun est tenu de se plier. L’appelant a fait ici preuve de désinvolture au moment de prendre son service le 2 octobre 2017 en demandant l’interruption de son affectation pour des problèmes médicaux et en ne retournant plus chez Y.________ depuis le 4 octobre 2017, sans fournir dans les délais requis un certificat médical et sans essayer de convenir avec Y.________ d’un allègement de son cahier des charges, alors que ledit établissement d’affectation proposait de telles modalités. Le prévenu, qui en réalité ne voulait plus de cette affectation, a préféré couper court, en se prévalant de maux de dos qui n’étaient à l’évidence pas d’une grande gravité (incapacité de travail attestée seulement entre le 17 octobre et le 3 novembre 2017 et aucune indication d’un traitement subséquent), puis de motifs familiaux peu convaincants. En agissant ainsi, l’appelant ne semble pas vraiment prendre conscience du fait qu’il ne pouvait pas revenir, du jour au lendemain, sur ses engagements dans le cadre du service civil, au risque de causer des inconvénients à l’établissement d’affectation qui comptait sur lui et de donner une mauvaise image du service civil, ce qui n’était pas dans l’intérêts des autres civilistes à la recherche d’une affectation et dont la candidature avait peut-être justement été écartée au profit de celle du prévenu. En cas de maladie, le civiliste est tenu de suivre une procédure à laquelle, l’appelant a refusé de se conformer. Après coup, il n’a pas non plus saisi les occasions qui lui ont été données pour justifier ses absences, ce qui dénote un certain mépris à l’égard des autorités administratives. D’une façon assez égoïste, il a préféré quitter abruptement son poste car celui-ci ne lui convenait plus et rechercher une nouvelle affectation pour terminer ses obligations. Cet état d’esprit n’inspire pas beaucoup d’optimisme pour la suite, lorsqu’il sera tenu de respecter d’autres règles administratives contraignantes qui iront à l’encontre de ses aspirations, même si l’intéressé, qui a terminé son service civil, ne pourra plus récidiver dans ce domaine. Dans ces conditions, un pronostic défavorable doit donc être posé. On doit en effet retenir qu’un sursis n’est pas suffisant pour détourner le prévenu, encore jeune (27 ans), de la commission de nouvelles infractions. C’est donc à juste titre que la première juge n’a pas assorti la peine infligée du sursis.

6.                                a) Il résulte de ce qui précède que l’appel doit être rejeté. Les frais de la procédure d’appel seront dès lors mis à la charge de l’appelant (art. 428 al. 1 CPP), qui n’a pas droit à une indemnité au sens des articles 429 et 436 CPP.

b) Le mandataire d’office du prévenu a droit à une indemnité pour la procédure d’appel. Le mandataire a produit un mémoire raisonnable. L’indemnité peut dès lors être fixée au montant de ce mémoire, soit 1'786.75 francs, frais et TVA compris. Cette indemnité sera entièrement remboursable, aux conditions de l’article 135 al. 4 CPP.

Par ces motifs,
la Cour pénale décide

vu les articles, 42 aCP, 73 LSC, 428 et 436 CPP,

1.         L’appel est rejeté.

2.         Le jugement attaqué est confirmé.

3.         Les frais de la procédure d’appel, arrêtés à 1’200 francs, sont mis à la charge de l’appelant.

4.         L’indemnité d’avocat d’office due à Me D.________ pour la procédure d’appel est fixée à 1'786.75 francs, frais et TVA inclus. Elle sera entièrement remboursable par X.________, aux conditions de l’article 135 al. 4 CPP.

5.         Le présent jugement est notifié à X.________, par Me D.________, au ministère public, à La Chaux-de-Fonds (MP.2018.1198), au Tribunal de police des Montagnes et du Val-de-Ruz, à La Chaux-de-Fonds (POL.2018.441). Copie est adressée pour information à l’Organe d’exécution du service civil Organe central, Malerweg 6, à Thun.

Neuchâtel, le 3 septembre 2020

 
Art. 73 LSC
Insoumission
 

1 Celui qui, sans avoir le dessein de refuser le service civil, omet de se présenter pour accomplir une période de service à laquelle il a été convoqué, quitte son établissement d’affectation sans autorisation ou n’y retourne pas après une absence justifiée, sera puni d’une peine pécuniaire de 180 jours-amende au plus.1

2 Celui qui omet de se présenter à une période de service civil extraordinaire sera puni d’une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d’une peine pécuniaire.2

3 Dans les cas mineurs, la personne fautive sera punie disciplinairement.

4 Si, par la suite, la personne fautive se présente spontanément pour accomplir son service civil, le juge pourra atténuer la peine.3

5 Sous réserve de l’art. 75, la personne fautive n’est pas punissable si, pour cause d’incapacité de travail, elle est libérée du service civil avant terme, et si cette incapacité de travail existait déjà au moment de l’insoumission.


1 Nouvelle teneur selon l’annexe ch. 2 de LF du 21 mars 2003, en vigueur depuis le 1er janv. 2007 (RO 2006 3389; FF 1999 1787).
2 Nouvelle teneur selon l’annexe ch. 2 de LF du 21 mars 2003, en vigueur depuis le 1er janv. 2007 (RO 2006 3389; FF 1999 1787).
3 Nouvelle teneur selon l’annexe ch. 2 de LF du 21 mars 2003, en vigueur depuis le 1er janv. 2007 (RO 2006 3389; FF 1999 1787).