A.                            X.________ est né en 1960 en Tunisie, pays dont il est ressortissant. Après un séjour de 2 ans en France pour y faire des études, il est arrivé en Suisse en 1990. Il a été engagé en tant que monteur de voies, activité qu’il a occupée jusqu’en 2009. X.________ est père de trois enfants en Suisse, nés de deux unions différentes avec des femmes suisses. En 2007, il s’est remarié en Tunisie avec Y.________, née en 1969. Début 2010, X.________ est retourné en Tunisie. En septembre 2012, il est revenu seul en Suisse, afin de trouver une situation. Y.________ l’a rejoint au mois de février 2013. X.________ avait trouvé un travail comme monteur de voies pour une société privée. Cet emploi a duré onze mois et l’intéressé a été licencié. Depuis lors, il dépend des services sociaux. Actuellement, X.________ et Y.________ sont divorcés. Le divorce a été prononcé en Tunisie à l’initiative du mari.

B.                            Le casier judiciaire de X.________ mentionne les condamnations suivantes :

-      13 juin 2008, violation d’une obligation d’entretien, peine pécuniaire 20 jours-amende avec sursis pendant 2 ans.

-      2 octobre 2014, violation d’une obligation d’entretien, travail d’intérêt général, 480 heures, sursis avec délai d’épreuve de 3 ans.

                        Un jugement relatif à une condamnation radiée a été versé au dossier (cons. C ci-dessous).

C.                            Les 27 mai et 5 juin 2016, des disputes ont éclaté entre X.________ et Y.________. La police est intervenue à leur domicile le 5 juin 2016. Y.________ a porté plainte à l’encontre de X.________ pour lésions corporelles, voies de fait, menaces, injures et contrainte. Cette plainte a été complétée le 10 juin 2016 par sa mandataire, qui a dénoncé également des actes de contraintes sexuelles ou viols et des vols. Des ordonnances d’éloignement suite à des actes de violence ont été rendues les 5 juin 2016 et 12 juin 2016. Le Tribunal des mesures de contrainte a approuvé la mesure d’expulsion (sic) prononcée, pour une durée de 30 jours. Le 17 juin 2016, le tribunal civil a rendu une décision de mesures superprovisionnelles autorisant Y.________ à se constituer un domicile séparé, interdisant avec effet immédiat à X.________ d’accéder au domicile conjugal ou à tout autre lieu de résidence ou nouveau domicile de Y.________ ou de s’en approcher à moins de 500 mètres, interdisant à X.________ d’entrer en contact avec Y.________ de quelque manière que ce soit, autrement qu’en s’adressant à la mandataire de celle-ci, et assortissant ces injonctions de la menace de l’article 292 CP dont la teneur était rappelée. Le 5 juillet 2016, une audience s’est tenue devant le tribunal civil. X.________ a pris l’engagement de ne pas s’approcher de son épouse ni de prendre aucun contact d’aucune sorte avec elle ou sa proche famille, en Suisse ou en Tunisie.

                        Le 13 octobre 2016, une instruction a été ouverte contre le prévenu pour infraction aux articles 123, 139, 177, 180, 189 subs.190 CP. Un jugement rendu le 7 mars 2002 par le Tribunal de police de Neuchâtel condamnant X.________ à 30 jours d’emprisonnement avec sursis pendant 3 ans pour lésions corporelles et injures contre sa deuxième ex-épouse a été versé au dossier (voir aussi jugement de divorce du 23 juillet 2004). Une expertise médico-légale du 5 juin 1998 relative à la situation de l’un des fils du prévenu (issus d’un autre mariage) a été également produite. X.________ a en particulier été soumis à une expertise psychiatrique. Le rapport a été délivré le 3 juillet 2017.

                        À l’issue de l’instruction, le ministère public a rendu une ordonnance de classement partielle et abandonné la prévention de vol.

D.                            Par acte d’accusation du 11 janvier 2018, X.________ a été renvoyé devant le Tribunal de police du Littoral et du Val-de-Travers. Les faits et infractions qu’on lui reproche sont les suivants :

« Lésions corporelles simples qualifiées (art. 123 ch. 1 et 2 al. 3 CP), injures (art. 177 al. 1 CP) et menaces qualifiées (art. 180 al. 1 et 2 let. a CP)

à Z.________, rue [aaaaa]

entre le mois le mois d'avril 2015 et le 5 juin 2016 au préjudice de son épouse, Y.________

sous l'influence de l'alcool

traitant son épouse de "une putain est mieux que toi", "sale pourrie", "tu ne sers à rien ", de "bouc", de "putain," de "moins que rien"

menaçant son épouse de la faire ramener en Tunisie pour divorcer, afin de jeter sur elle l'opprobre d'un nouveau divorce, ou en la menaçant de ne plus pouvoir revenir à domicile

frappant son épouse à réitérées reprises à raison d'une fois tous les trois mois, dont en particulier le 27 mai 2016, en la frappant avec les poings, lui tirant les cheveux, en la tirant par les jambes, et tentant de lui écraser un cadre en céramique sur la tête, contraignant de la sorte son épouse à se défendre, lui causant de la sorte des céphalées, des douleurs au niveau de la nuque et des bras et des dermabrasions rouges au niveau du bras gauche, ainsi que des angoisses importantes,

obligeant de la sorte son épouse à faire appel à une amie lors d'une nouvelle dispute le 5 juin 2016 pour que la police lui vienne en aide

Plainte du 5 juin 2016 et 10 juin 2016.

Contrainte sexuelle (art. 189 al. 1 CP) subsidiairement viol (art. 190 al. 1 CP)

à Z.________, rue [aaaaa]

entre le mois d'avril 2015 et le 5 juin 2016

au préjudice de son épouse, Y.________

sous l'influence de l'alcool

exigeant des rapports sexuels à raison de deux fois par mois et devenant furieux en cas de refus

écrasant les seins de son épouse lors des rapports

mordant les tétons de son épouse lors des rapports

mordant également son sexe

lui causant d'importantes douleurs

Plainte du 5 juin 2016 et du 10 juin 2016

 

Insoumission à une décision d'autorité (art. 292 CP)

à Z.________, rue [aaaaa] et en tout autre endroit

entre le 13 septembre 2016 et le 15 décembre 2016

au préjudice de son épouse, Y.________

faisant fi de l'ordonnance rendue le 17 juin 2016 par le Tribunal civil du Littoral et du Val-de-Travers lui interdisant de prendre contact avec son épouse de quelque manière que ce soit, sous menace de la peine d'amende prévue à l'art. 292 CP

envoyant à son épouse plusieurs SMS et du courrier

violant de la sorte l'interdiction qui lui avait été faite. »

 

E.                            À l’audience du 4 mai 2018, la plaignante a déposé un mémoire de conclusions civiles tendant à la condamnation de X.________ à lui verser 10'000 francs avec intérêts à 5 % dès le jugement, sous suite de frais et dépens. Elle invoquait avoir été victime de contrainte sexuelle, subsidiairement de viol par son mari, d’importantes douleurs ainsi que des menaces de la faire ramener en Tunisie pour obtenir le divorce ; ceci lui occasionnait des atteintes à l’intégrité physique et psychique, en raison de troubles du sommeil et de crises d’angoisse.

F.                            Dans son jugement du 4 juin 2019, le tribunal de police a retenu que, tout au long de l’instruction, la plaignante avait, en synthèse, déclaré que, depuis le moment où elle avait commencé à travailler (dans le courant de l’année 2015), le couple avait rencontré de graves difficultés ; que, selon elle, le prévenu était devenu de plus en plus violent à son égard, la frappant et l’insultant régulièrement, soit environ tous les trois mois, en particulier à chaque fois qu’il buvait ; que le prévenu avait des problèmes d’alcool ; que le prévenu la frappait toujours avec ses poings, en utilisant en plus parfois des objets usuels de la maison, comme des ustensiles de cuisine ; que, concernant plus spécialement la dispute du 27 mai 2016, elle avait été frappée plusieurs fois sur la tête ; que le prévenu avait usé de ses poings ; qu’il lui avait tiré les cheveux et voulu lui casser un cadre en céramique sur la tête, la plaignante ayant toutefois pu se protéger de la main ; que le prévenu l’avait aussi attrapée violemment par les bras.

                        Le tribunal de police a retenu que le prévenu avait contesté catégoriquement les dires de la plaignante, ce tout au long de la procédure, et pour la quasi-totalité des faits qui lui étaient reprochés.

                        Le tribunal de police a considéré que, même si ses déclarations étaient relativement peu détaillées quant aux coups reçus, la plaignante était plus crédible que le prévenu. Nombre d’éléments objectifs contredisaient par ailleurs les déclarations du prévenu, tout en confirmant les déclarations de la plaignante. Par le passé, le prévenu avait déjà fait preuve à plusieurs reprises de violence dans le cadre conjugal et familial ; il avait été pénalement condamné pour de tels agissements. L’expertise psychiatrique avait mis en exergue notamment une personnalité émotionnellement labile, respectivement une instabilité émotionnelle et un manque de contrôle des impulsions. Il était clairement établi que le prévenu souffrait d’un problème chronique d’alcool, nié par l’intéressé. Un constat médical de l’hôpital neuchâtelois, site de Pourtalès (ci-après : HNE) du 27 mai 2016, photographie à l’appui, confirmait que la plaignante avait effectivement subi des atteintes à son intégrité corporelle. Dans le cadre de la procédure de mesures protectrices de l’union conjugale, le prévenu avait admis être à l’origine des marques de violences physiques, notamment sur les bras de son épouse, apparaissant sur la photographie qu’elle avait alors produite, déclarant qu’il était désolé et précisant qu’il les avait faites alors qu’il essayait lui-même de se défendre. Le prévenu avait de son côté aussi déposé au dossier des photographies tendant à prouver les violences dont il prétendait avoir été lui-même victime de la part de la plaignante. Le tribunal de police a écarté cet élément, car les violences n’avaient pas été évoquées d’emblée, mais seulement lors du deuxième interrogatoire. Au surplus, on ne pouvait pas déterminer s’il s’agissait de blessures offensives ou défensives. La question de la légitime défense a été laissée ouverte, faute d’éléments suffisants au dossier.

                        En définitive, le tribunal de police a considéré que le prévenu avait fait preuve de violences régulières à l’égard de la plaignante depuis le mois d’avril 2015 et jusqu’au 5 juin 2016, et porté atteinte à son intégrité physique. Les faits décrits dans l’acte d’accusation du 11 janvier 2018 ont été retenus dans leur intégralité à charge de X.________. Ils ont été qualifiés de lésions corporelles simples qualifiées au sens de l’article 123 ch. 2 al. 3 CP, dès lors qu’elles avaient été commises durant le mariage entre époux.

                        Pour des raisons semblables, le tribunal de police a retenu que le prévenu avait proféré à l’égard de la plaignante l’entier des termes décrits dans l’acte d’accusation du 11 janvier 2018. Étant tous attentatoires à l’honneur de cette dernière, ils ont été qualifiés d’injures au sens de l’article 177 CP.

                        S’agissant des menaces, le tribunal de police a retenu que la plaignante avait clairement fait état de la crainte toujours plus grande que lui inspirait son conjoint depuis le printemps 2015 et de sa peur des représailles. Elle avait déclaré que le prévenu l’avait menacée à plusieurs reprises de changer de serrure si elle sortait ou de la ramener en Tunisie pour divorcer et l’y laisser, afin de jeter sur elle l’opprobre d’un nouveau divorce. Le prévenu avait tout nié en bloc, pour finalement admettre la menace du divorce en Tunisie, en tentant de se justifier.

                        Le tribunal de police a considéré que, d’un point de vue objectif, les menaces du prévenu étaient de nature à effrayer la plaignante : il avait instauré au sein du foyer un climat de terreur, vu l’impact négatif du statut de femme divorcée en Tunisie et le contexte culturel ; la perspective d’un retour dans ces conditions constituait donc bien pour elle, comme pour toute autre personne dotée d’une résistance psychologique normale et placée dans la même situation, une menace d’un préjudice sérieux et important. Du point de vue subjectif, le prévenu était parfaitement conscient de l’ascendant que son statut plus pérenne en Suisse lui procurait sur la plaignante et il avait agi de façon intentionnelle pour l’effrayer, avec la perspective non seulement de lui faire perdre son permis de séjour en Suisse et de la contraindre à un retour en Tunisie, mais aussi de l’humilier une fois rentrée au pays, par son statut de femme divorcée une seconde fois. Le prévenu avait même fini par mettre ses menaces à exécution en contactant le service des migrations pour l’informer de la situation de la plaignante, et l’office de protection de l’enfance pour la dénoncer dans l’exercice de son activité de maman de jour. Le prévenu a donc été reconnu coupable de menaces qualifiées au sens de l’article 180 al. 1 et 2 let. a CP, commises au préjudice de la plaignante d’avril 2015 au 5 juin 2016.

                        Le tribunal de police a abandonné les préventions relatives à la violation des articles 189 et 190 CP.

                        L’insoumission à une décision de l’autorité au sens de l’article 292 CP visée par l’acte d’accusation, admise par le prévenu et établie au regard du dossier, a été retenue.

                        Au moment de fixer la peine, le tribunal de police a retenu la gravité des faits, la longue période durant laquelle ils s’étaient produits, une responsabilité légèrement diminuée en raison de la consommation d’alcool, l’absence de collaboration à l’instruction, de regret, ou de prise de conscience, une situation personnelle précaire, et des antécédents notamment de violences dans le cadre familial.

                        Vu le passé problématique du prévenu sur le plan conjugal, sa détermination dans le cadre de la présente procédure et compte tenu d’un risque de récidive élevé relevé par l’expert, le sursis n’a pas été accordé. Il a été renoncé à révoquer le sursis octroyé au prévenu le 2 octobre 2014 par le Tribunal de police des Montagnes et du Val-de-Ruz et à ordonner un traitement ambulatoire.

                        Le tribunal de police a condamné l’auteur à verser à la plaignante une indemnité de 5'000 francs à titre de réparation morale, ainsi qu’une indemnité de dépens payable en main de l’Etat compte tenu de l’assistance judiciaire dont la victime bénéficiait. Enfin, il a fixé les indemnités dues par l’Etat aux mandataires d’office du prévenu et de la plaignante, avec la précision que cette dernière ne serait pas tenue de rembourser les frais de sa défense.

G.                           X.________ saisit d’un appel la Cour pénale. Il conteste sa culpabilité quant aux infractions de lésions corporelles simples qualifiées, d’injures et de menaces qualifiées. Il reproche au tribunal de police d’avoir violé le principe de la présomption d’innocence : selon lui, il subsiste, d’un point de vue objectif, des doutes insurmontables quant à l’existence des faits, qui commandent son acquittement des préventions considérées. La peine privative de liberté de sept mois prononcée à son encontre doit dans tous les cas être revue dans son genre et dans sa quotité. Le tribunal de police a donné une importance disproportionnée à ses antécédents pénaux, qui sont anciens et ne reflètent pas sa situation personnelle actuelle. Dès lors que le tribunal de première instance a renoncé à une peine d’amende pour la contravention de l’article 292 CP, l’appelant doit être libéré de toute peine. Le sursis doit être accordé. L’appelant conteste avoir infligé à la plaignante une atteinte illicite à sa personnalité et invite la Cour pénale à rejeter ses prétentions civiles. La répartition des frais et indemnités doit être revue en conséquence.

H.                            a) La Cour pénale a interrogé le prévenu à son audience du 20 mai 2020. Ses déclarations seront reprises ci-après dans la mesure utile.

                        b) En plaidoirie, la défense fait valoir que la réalité est plus subtile que le scénario classique du mari violent alcoolisé, selon le parti pris adopté dès le début de la procédure. Les déclarations des parties sont opposées. Contrairement à celles de la plaignante, celles de l’appelant sont constantes : il nie toute violence autre que pour se défendre. La plaignante varie dans ses explications. Par exemple, le constat de l’hôpital ne mentionne que des coups sur le bras gauche et la nuque et pas des coups sur la tête avec les poings ; dans la plainte du 10 juin 2016, la plaignante relate une tentative d’étouffement dont il n’est plus question ensuite ; tantôt la plaignante parle d’une dispute, tantôt de plusieurs disputes ; ce n’est que dans le rapport du Centre neuchâtelois de psychiatrie (ci-après : CNP) du 27 janvier 2017 qu’il est indiqué pour la première fois qu’elle a été tirée du lit par les pieds. Il est aussi singulier que deux versions du constat relatif à la dispute du 27 mai 2016 aient été établies. La première version ne fait état d’aucune trace constatée sur la peau de la plaignante. La question se pose de savoir si le second constat est une attestation de complaisance. Quoi qu’il en soit, la deuxième version ne mentionne que des blessures superficielles du même type que celles constatées sur le prévenu. La plaignante, si elle était trop pudique pour se dénuder devant un homme, pouvait parfaitement demander une femme médecin. Il est troublant qu’elle n’ait pas montré, lors de l’examen, la blessure à la main qu’elle prétend avoir subie. La première juge s’est concentrée sur les antécédents pénaux et l’expertise psychiatrique. Objectivement, des doutes insurmontables subsistent quant à la réalité des faits reprochés au prévenu s’agissant des lésions corporelles qualifiées du 27 mai 2016, qui doivent être abandonnées. Les violences prétendues dans l’année précédente doivent l’être a fortiori aussi. La situation est la même pour les injures et les menaces qualifiées. De toute façon, si injures il y a, elles ont été données en riposte à d’autres injures dans le cadre de disputes. Les injures ne sont en outre pas situées dans le temps et il est impossible de vérifier si le délai de plainte a été respecté. Les menaces n’ont pas la gravité nécessaire pour tomber sous le coup du droit pénal. 

                        Dans tous les cas, si la culpabilité du prévenu est admise, il faut revoir la peine à la baisse, en comparaison avec d’autres cas jugés par le Tribunal fédéral (6B_686/2011 et 6B_526/2014). L’absence de remords exprimés par le prévenu s’explique par le fait qu’il s’estime innocent. Les antécédents pénaux sont très anciens. Enfin, il y a lieu de tenir compte de l’écoulement du temps ; le principe de célérité a été violé devant le tribunal de police. Depuis quatre ans, le prévenu n’a plus eu maille à partir avec la justice pénale. Le risque de récidive est faible voire nul. Les conditions objectives et subjectives du sursis sont réalisées.

                        Les prétentions civiles sont contestées dans leur principe et dans leur quotité, au vu en particulier des arrêts précités du Tribunal fédéral.

                        b) Le mandataire de la plaignante explique que celle-ci vit encore aujourd’hui dans l’angoisse ; il est insupportable d’entendre dire que même les certificats médicaux sont de complaisance. La plaignante a besoin qu’on reconnaisse ses souffrances. La réalité est que le même scénario se répète. Le prévenu se présente toujours comme la victime d’une machination. Instable émotionnellement et peinant à se remettre en question, il refuse de suivre les thérapies suggérées. Le jugement attaqué ne souffre aucune critique. Le récit de la plaignante est constant depuis le début de l’instruction et confirmé par le constat médical et les déclarations du prévenu durant la procédure de mesures protectrices de l’union conjugale. La plaignante n’avait aucun intérêt à mentir. Une ordonnance d’éloignement a été rendue, et aussitôt violée par le prévenu. Celui-ci n’a d’ailleurs pas hésité à mettre ses menaces à exécution et à dénoncer la situation de la plaignante au service des migrations. A l’inverse, les déclarations du prévenu ont varié. D’abord, il a nié toute violence, puis évoqué une forme de légitime défense, avant de prétendre que la plaignante lui tendait le visage pour avoir des marques. On est en présence d’un mécanisme de défense récurrent. Le taux d’alcoolémie au moment des faits est aussi significatif.

L’indemnité de tort moral allouée par le tribunal de police est justifiée. Si les montants mentionnés dans la jurisprudence invoquée par l’appelant sont plus faibles, c’est qu’il se rapportent à des infractions qui n’ont eu lieu qu’une seule fois.         

C O N S I D E R A N T

1.                            Interjeté dans les formes et délais légaux, l’appel est recevable. Comme le jugement de première instance a été adressé au prévenu sans communication préalable d’un dispositif, une annonce d’appel n’était pas nécessaire.

2.                            Aux termes de l’article 398 CPP, la juridiction d’appel jouit d’un plein pouvoir d’examen sur tous les points attaqués du jugement (al. 2). L’appel peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation, le déni de justice et le retard injustifié, pour constatation incomplète ou erronée des faits et pour une opportunité (al. 3). La Cour pénale limite son examen aux violations décrites dans l’acte d’appel (art. 404 al. 1 CPP), sauf en cas de décision illégale ou inéquitable (art. 404 al. 2 CPP).

                        La juridiction d’appel ne doit pas se borner à rechercher les erreurs du juge précédent ni à critiquer le jugement de ce dernier ; elle doit tenir ses propres débats et prendre sa décision sous sa responsabilité et selon sa libre conviction, qui doit reposer sur le dossier et, cas échéant, sa propre administration des preuves (arrêt du TF du 27.08.2012 [6B_78/2012] cons. 3.1). En l’espèce, l’appelant ne sollicite pas l’administration de nouvelles preuves.

3.                            Les faits retenus par le tribunal de police sont contestés par l’appelant, sous réserve de l’insoumission à une décision d’une autorité.

4.                            L’article 10 CPP prévoit que toute personne est présumée innocente tant qu’elle n’est pas condamnée par un jugement entré en force (al. 1). Le tribunal apprécie librement les preuves recueillies selon l’intime conviction qu’il retire de l’ensemble de la procédure (al. 2). Lorsque subsistent des doutes insurmontables quant aux éléments factuels justifiant une condamnation, le tribunal se fonde sur l’état de fait le plus favorable au prévenu (al. 3).

                        D’après la jurisprudence (notamment arrêt du TF du 28.09.2018 [6B_418/2018] cons. 2.1), la présomption d'innocence et son corollaire, le principe in dubio pro reo, concernent tant le fardeau de la preuve que l'appréciation des preuves au sens large. En tant que règle sur le fardeau de la preuve, elle signifie, au stade du jugement, que le fardeau de la preuve incombe à l'accusation et que le doute doit profiter au prévenu. Comme règle d'appréciation des preuves, la présomption d'innocence signifie que le juge ne doit pas se déclarer convaincu de l'existence d'un fait défavorable à l'accusé si, d'un point de vue objectif, il existe des doutes quant à l'existence de ce fait. Il importe peu qu'il subsiste des doutes seulement abstraits et théoriques, qui sont toujours possibles, une certitude absolue ne pouvant être exigée. Il doit s'agir de doutes sérieux et irréductibles, c'est-à-dire de doutes qui s'imposent à l'esprit en fonction de la situation objective. L'appréciation des preuves est l'acte par lequel le juge du fond évalue la valeur de persuasion des moyens de preuve à disposition et pondère ceux-ci afin de parvenir à une conclusion sur la réalisation ou non des éléments de fait pertinents pour l'application du droit pénal matériel. L'appréciation des preuves est dite libre ; ce n'est ni le genre ni le nombre de preuves qui est déterminant, mais leur force de persuasion (Verniory, in : CR CPP, n. 34 ad art. 10, avec des références). Il convient de faire une évaluation globale de l'ensemble des preuves rassemblées au dossier, en s'attachant à la force de conviction de chaque moyen de preuve et non à la nature de la preuve administrée (cf. notamment arrêt du TF du 05.11.2014 [6B_275/2014] cons. 4.2).

                        Les déclarations de la victime constituent un élément de preuve. Le juge doit, dans l'évaluation globale de l'ensemble des éléments probatoires rassemblés au dossier, les apprécier librement (arrêt du TF du 29.05.2019 [ 6B_346/2019] cons. 2.2; du 14.02.2019 [6B_1283/2018] cons. 1.3 et les références citées), sous réserve des cas particuliers où une expertise de la crédibilité des déclarations de la victime s'impose (cf. ATF 129 IV 179 cons. 2.4 p. 184). Les cas de « déclarations contre déclarations », dans lesquels les déclarations de la victime en tant que principal élément à charge et les déclarations contradictoires de la personne accusée s'opposent, ne doivent pas nécessairement, sur la base du principe « in dubio pro reo », conduire à un acquittement. L'appréciation définitive des déclarations des participants incombe au tribunal du fond (ATF 137 IV 122 cons. 3.3 p. 127 ; arrêt du TF du 21.01.2020 [6B_826/2019]).  

5.                            Les éléments permettant à la Cour pénale de fonder sa conviction sur l’accusation de lésions corporelles sont les suivants :

                        a) Déclarations des parties. Les premières sont celles de la plaignante, le 5 juin 2016 auprès de la police. Elles font état, en résumé, de coups avec les poings ou des objets remontant à un an et allant s’aggravant, accompagnés d’insultes et de menaces, les coups coïncidant avec des consommations excessives d’alcool par le prévenu. Après avoir refusé de répondre, le prévenu, lors de son audition du 5 juin 2016, a contesté fermement les coups ; il a admis une dispute le 27 mai avec sa femme, hors de leur domicile, indiquant que le ton était monté des deux côtés, après une discussion sur tout et rien. Le 13 juin 2016, la plaignante, entendue selon les règles de la LAVI, a confirmé et détaillé ses précédentes déclarations ; elle a expliqué qu’elle n’avait pas précédemment pu se confier à un homme concernant les contraintes sexuelles évoquées (avec des vols) dans la plainte écrite déposée par son avocate ; elle a indiqué que, depuis une année environ, son mari était devenu trop violent avec elle ; auparavant, peut-être l’avait-il frappée une fois ou l’autre, quand il était furieux contre elle parce qu’elle lui avait fait une remarque ; mais c’était rare ; elle a lié les coups à la culture musulmane en relevant que le prévenu n’était pas pratiquant ; lors de la dispute du 27 mai 2016, il avait essayé de lui casser un cadre en céramique sur la tête ; elle avait réussi à se protéger avec la main ; son index gauche avait saigné ; elle avait toutefois oublié de montrer son doigt lors du constat à l’hôpital ; il y avait plusieurs marques qu’elle n’avait pas montrées lors du constat ; par pudeur et religion, elle n’avait pas voulu se mettre presque nue devant le médecin ; elle n’avait fait qu’un constat médical mais le docteur n’avait pas tout noté, et elle avait dû lui demander de refaire ce constat ; le 5 juin, le prévenu avait voulu la frapper ; il l’avait poussée par les épaules, elle lui avait dit qu’il lui faisait mal et il avait arrêté, car il avait vu qu’effectivement il lui faisait mal. Entendu le 23 juin 2016 sur les circonstances de la dispute du 5 juin 2016, le prévenu a contesté avoir jamais touché la plaignante ; il est aussi revenu sur la dispute du 27 mai (il parlait du 29 mai) ; il a expliqué qu’il était allé dans la chambre de sa femme pour essayer d’arranger la situation, après une dispute au sujet de l’argent que la plaignante envoyait à sa fille en Tunisie ; le couple était  « parti en bride » ; elle lui avait tenu les bras puis lui avait donné des coups de pieds dans les côtes ; il n’avait pas fait de constat médical par fierté, mais avait pris des photos des traces qu’il avait sur les bras ; il avait tiré pour qu’elle lui lâche le bras, avait saisi un petit cadre photo en bois et l’avait tapée derrière l’épaule ; elle l’avait lâché et il était parti dans sa chambre. Le prévenu a contesté les sévices sexuels et vols. En fin d’audition, il a déclaré ce qui suit en réponse à la question de savoir s’il lui était arrivé de se mettre en colère contre ses femmes précédentes : « Oui, cela m’est arrivé, j’étais jeune et bête. Je le regrette jusqu’à maintenant » ; s’agissant de savoir s’il avait été condamné : « Sûrement, je ne m’en rappelle plus. Je n’ai pas fait de prison, c’était du sursis. Tous les papiers sont en Tunisie (…) Je m’emballais à l’époque, c’est des défauts de jeunesse. Mon passé me court toujours après ».

                        Interrogée par la juge civile le 5 juillet 2016, la plaignante a déclaré que son mari s‘énervait de plus en plus, l’insultait et la frappait ; les violences se produisaient environ une fois tous les trimestres ; les choses s’étaient aggravées depuis le printemps de l’année précédente ; son mari s’énervait de plus en plus, l’insultait et la frappait ; elle avait déposé sa plainte parce qu’elle avait eu vraiment peur pour sa vie. A la même audience, le prévenu a avoué s’être énervé quelques fois, mais a confirmé les déclarations du 5 juin 2016 ; il a reconnu qu’il était à l’origine des marques figurant sur les photos des bras de son épouse ; il a déclaré qu’il était désolé ; il avait laissé ces marques alors qu’il essayait de se défendre lui-même contre les violences de son épouse à son égard.

                        La plaignante a été entendue par une procureure assistante le 14 novembre 2016 ; elle a confirmé ses précédentes déclarations en précisant qu’elle avait retrouvé les bijoux ; elle a contesté avoir tenu son mari par les bras et lui avoir donné des coups dans les côtes le 27 mai 2016 ; elle a reconnu qu’il était possible qu’elle l’ait retenu par les bras lorsqu’il l’avait frappée ; elle n’avait pas montré au médecin une petite blessure à la main ; elle a relaté les circonstances de son examen à l’hôpital et sa honte de se mettre nue devant quelqu’un ; elle avait l’impression que le médecin ne la croyait pas. Le prévenu a été entendu par un procureur le 26 janvier 2017 ; il a maintenu ses déclarations du 23 juin 2016 à la police ; il était tombé des nues lorsqu’il avait appris qu’il était question d’une agression sexuelle sur sa femme ; la plaignante avait commencé à le taper en Tunisie ; il lui avait dit que, si elle recommençait, ils divorceraient ;  à la moindre contrariété elle levait la main sur lui [ « Je vous le promets Monsieur le procureur pour laisser des bleus il faut serrer très très fort. S’agissant des faits, c’est elle qui me tenait par les bras et qui me donnait des forts coups de pieds à la jambe. D’ailleurs j’ai des vis à cette jambe. Elle voulait me fracasser. Elle m’a aussi insulté. Elle m’a tendu son visage car elle voulait des traces. Vous me demandez si ma femme est sado-maso, je vous réponds que c’est pire. Elle m’a répété à plusieurs reprises qu’elle voulait des traces sur le visage. Je me suis alors libéré. J’ai pris un cadre en bois et je l’ai tapée à plat sur l’épaule. Je me suis libéré de son emprise et je suis parti. En rue, j’ai rencontré un ami et j’ai joué au foot avec des enfants, malgré mon état (…) des copains buvaient un café à l’hôpital en me disant que ma femme était là (…) je ne sais pas pourquoi elle y est allée. Je suis rentré chez moi. Ma femme est rentrée à minuit. J’avais peur qu’elle rentre avec deux ou trois gaillards pour fricoter. En effet elle a complètement changé en 2016. Je lui ai dit qu’elle pouvait fréquenter qui elle voulait sauf les Arabes (…). Elle ne m’a pas écouté et elle les a fréquentés. Elle est aussi allée à la mosquée. Elle va à toutes les mosquées, celle des tunisiens, des pakistanais, etc. » ; au cours de l’audition, le prévenu a de nouveau évoqué des problèmes d’argent dans le couple (la plaignante avait envoyé une somme trop importante à sa fille en Tunisie) ; il a contesté les faits pour le reste.

                        Devant le tribunal de police, le 4 mai 2018, le prévenu a maintenu sa ligne de défense : « L’explication est simple : mon épouse ment sur tous les plans, comme une arracheuse de dents. Il m’est certainement arrivé de m’énerver, mais comme dans tous les couples, il y a eu des hauts et des bas. Si j’ai fait un quelconque geste envers mon épouse, c’était uniquement pour me défendre. Je parle en particulier de l’épisode du 27 mai 2016. (…) Je ne ressens absolument pas le besoin de me faire aider, ni pour des violences conjugales ni pour des problèmes d’alcool (…) l’objet de nos disputes était surtout que mon domicile s’est transformé en centre de réunion et de prières avec les amies de mon épouse, tant et si bien que je ne pouvais plus rentrer chez moi. Ça a commencé quand mon épouse s’est mise à fréquenter la mosquée ». Pour sa part, la plaignante, qui a elle aussi confirmé ses précédentes déclarations, a indiqué : « dans tous les conflits conjugaux que nous avons pu avoir avec mon mari, si j’ai dit quelque chose ou fait un geste quelconque, c’était uniquement pour me défendre de sa violence et de ses menaces. Mon mari est devenu progressivement violent, situation qui m’est devenue insupportable. De mon côté, je suis plutôt de nature calme. Il est donc faux de dire que nos disputes étaient mutuelles. Il m’a menacée tout le temps de taper plus fort, de divorcer, de me rejeter. Or chez nous c’est pas bien du tout de divorcer, et deux fois qui plus est. J’ai donc toujours cherché à éviter le conflit pour éviter d’en arriver à ces extrémités-là. Une fois par trimestre, mon mari explosait ». Devant la Cour pénale, le prévenu a en substance déclaré que la dispute du 27 mai 2016 était un piège ; la plaignante lui avait tendu le visage en lui disant de frapper pour qu’elle ait des traces ; elle lui avait donné des coups à la hanche gauche, région du corps où elle savait qu’il avait des vis ; pour se débarrasser d’elle, il avait dû prendre un petit cadre et il l’avait tapée sur le haut de l’épaule ; il était sorti tout de suite ensuite et avait joué avec deux gamins au football ; s’agissant de ses antécédents, il avait donné une fois une claque à son fils et avait « pété les plombs » avec sa deuxième femme ; la plaignante connaissait sa vie privée antérieure et elle s’était servi contre lui de ce qu’il lui avait raconté, lorsqu’elle avait voulu divorcer.

                        b) Constatations médicales et photos. La plaignante s’est rendue le 27 mai 2016 à l’Hôpital neuchâtelois. Un constat daté du même jour a été établi par un médecin assistant. Il relate les plaintes de la patiente [« elle dit serait être tapé par son mari ce soir. La patiente dit avoir reçu des coups de points sur le bras gauche et la nuque. Elle décrit ici des douleurs dans le bras et dans la nuque qui sont des douleurs musculaires » (sic)] ; selon l’examen physique, il n’y a « pas de marque ni de trace de l’agression constaté (sic) sur la peau » ; le traitement de sortie est du Dafalgan, de l’Irfen et du Sirdalud. La photo prise à l’hôpital montre des traces de dermabrasions rouges sur le bras gauche de la patiente. Une nouvelle version du constat médical effectué le 27 mai 2016, datée du 8 juin 2016 et cosignée par le médecin chef de département, a été établie. Il en ressort que la patiente a indiqué aux médecins que son mari lui avait tiré les cheveux et essayé de la sortir du lit ; il lui avait ensuite donné des coups de poing au niveau du bras gauche et de la nuque ; elle s’était tapé l’épaule et le bras droit contre le mur ; ses plaintes au moment de l’examen étaient : « La patiente rapporte des douleurs importantes au niveau de la nuque, le bras gauche et le bras droit. Elle présente des céphalées et des maux de tête (sic). Les douleurs sont évaluées à 3/10 au repos et se péjorent jusqu’à 5-6/10 pendant la mobilisation. Elle ne présente pas de nausées ni de vomissements et n’a pas présenté de troubles neurologiques »; on observe « des traces importantes et dermabrasions rouges au niveau du bras gauche mais sans plaie visible »; la patiente est en état de choc psychologique ; elle a peur de son mari, de rentrer chez elle et de porter plainte.

                        Le prévenu a pris de lui-même des photos de ses bras le 1er juin 2016 ; on y voit des hématomes rouges.

                        Le CNP a répondu les 6 et 27 janvier 2017 à un questionnaire du ministère public concernant l’état de santé de la plaignante.  Selon les premières réponses, l’intéressée a consulté le centre d’urgence psychiatrique le 4 octobre 2016, en faisant état de violences d’ordre physique, psychique et sexuel de la part de son mari depuis environ un an, avec des menaces et des insultes ; un traitement a été initié. Les deuxièmes réponses relatent l’épisode au cours duquel la plaignante a d’après elle été tirée par les pieds hors du lit par son époux (cf. aussi les réponses adressées à la mandataire de la plaignante le 19 avril 2018).

                        Le prévenu a consulté le Service pour auteur-e-s de violence conjugale du CNP, sur la recommandation de la juge civile en charge du pan matrimonial, les 9 et 25 août 2016 ; selon la réponse au questionnaire du ministère public, l’intéressé a exprimé le sentiment d’être injustement accusé de comportements violents unilatéraux entre lui et son épouse et le vœu de « laver son honneur ». 

                        Lors de l’intervention de la police le 5 juin 2016, le prévenu a subi un test d’éthylométrie donnant un taux de 1.29 pour mille. Un certificat médical du médecin traitant du prévenu atteste qu’il n’a pas de problème avec l’alcool.

                        Dans son rapport du 3 juillet 2017, l’expert psychiatre a noté chez le prévenu un foetor alcoolique lors de l’entretien et une agressivité rapide ; l’alcoolisation était sans aucun signe d’intoxication, mais l’intéressé se montrait très réactif et colérique ; l’expert a relevé que le prévenu avait toujours rencontré de graves problèmes dans ses relations de couple et qu’il était un homme impulsif, capable de se mettre très vite en colère en employant des mots insultants et en perdant la distance adéquate, même devant la justice et les experts ; il a souligné une remarquable régularité dans la façon qu’avait  l’expertisé de réagir aux situations conflictuelles ; ce dernier voyait ses épouses systématiquement comme des personnes manipulatrices qui le stressaient ; l’expert a posé le diagnostic d’une personnalité émotionnellement labile de type impulsive F60.30 avec des traits de personnalité narcissiques, ainsi que de troubles mentaux et du comportement liés à l’utilisation d’alcool, utilisation actuelle avec dépendance active sans signe physique F.10.241. Le prévenu conteste le contenu de l’expertise : selon lui, ce rapport est orienté ; l’expert s’est fondé sur ses antécédents et les déclarations de la plaignante, acceptées sans esprit critique, en violation du principe de présomption d’innocence.

                        c) Antécédents. Un jugement de divorce du 23 juillet 2004 concernant le prévenu et sa deuxième ex-épouse mentionne que cette dernière a dû quitter le domicile conjugal avec les enfants après avoir été injuriée et violemment battue (avec une cravache), par son mari, en état d’ébriété ; cet épisode de violence n’était pas unique, le scénario s’étant déroulé quasiment à l’identique lors d’un premier mariage. Il ressort du jugement du tribunal de police du 7 mars 2002 relatif aux lésions corporelles et aux injures susmentionnées que le prévenu a reconnu les faits, après les avoir niés, devant le juge et a exprimé des regrets. Une expertise psycho-légale de l’Office médico-pédagogique neuchâtelois, secteur de la guidance infantile, du 5 juin 1998 relate des accusations de la première épouse du prévenu, se disant victime de violences physiques pendant leur vie commune. Ces allégations sont niées par l’intéressé.

                        d) Témoins. A.________ a déclaré le 16 novembre 2017 avoir surpris dans le bus, quatre ou cinq mois auparavant, une conversation entre la plaignante et une amie voilée ; ces dernières évoquaient l’hôpital et divers papiers ; la plaignante avait dit qu’elle avait peur de partir en Tunisie ; la femme qui discutait avec elle lui avait répondu «qu’elle pouvait l’accuser de sexe en Suisse comme ça elle pourrait rester en Suisse » ; le témoin a ajouté qu’après l’épisode du bus, il avait appris l’existence de conflits graves dans le couple XY.________; il ne pensait pas le prévenu capable d’agresser sa femme ; selon lui, ce n’était pas la fin du monde si le prévenu buvait un petit verre de vin après son boulot ; la plaignante avait beaucoup changé depuis qu’elle avait commencé à trop fréquenter la mosquée : elle interdisait plein de choses à son mari.

6.                            Au vu de ces éléments, la Cour pénale retient que le prévenu a commis les actes de violence décrits dans la première section de l’acte d’accusation.

                        La plaignante a dépeint la scène du 27 mai 2016 à divers interlocuteurs de façon semblable et cohérente, même s’il y a de petites imprécisions ou variations, qui sont habituelles dans des situations de ce genre. Le fait que le prévenu aurait essayé de tirer la plaignante pour la sortir du lit est déjà évoqué dans le constat de l’hôpital (seconde version). La photo accompagnant le constat médical (première et deuxième version) prouve l’existence de traces de coups ; que le constat ne fasse pas état d’une blessure à la main de la plaignante ne vient pas en aide à la défense, quelle que soit la raison de cette omission (oubli de la plaignante ou négligence du médecin qui l’a examinée le 27 mai 2016). L’appelant a d’ailleurs reconnu qu’il avait saisi les bras de sa femme et qu’il l’avait frappée avec un cadre. Le prévenu a invoqué la légitime défense. La Cour pénale n’accorde pas foi à cette version. En effet, dans ses premières déclarations, le prévenu a nié tout coup – donc toute situation de légitime défense - avant d’évoquer une dispute matrimoniale normale survenue hors du domicile conjugal. Ensuite, il a dit que la plaignante le tenait par les bras et lui donnait des coups dans les côtes, la scène se déroulant chez eux. Ensuite encore, il a expliqué que les coups donnés par son épouse, qui dans la dispute le tenait par les bras et tendait son visage pour qu’il y laisse des marques, visaient ses jambes, où il avait des vis ; les coups étant destinés à le « fracasser ». Devant la Cour pénale, il a déclaré que les coups de la plaignante visaient sa hanche gauche. Ces variations sur un point essentiel – l’endroit de son corps où il présentait une faiblesse et que visait la plaignante – mettent à mal la crédibilité du prévenu pour le déroulement de l’altercation. De telles variations ne peuvent s’expliquer par l’éventuelle honte que pourrait ressentir un homme issu d’une tradition patriarcale, qui répugnerait à révéler être la victime d’une femme violente. Le fait que le prévenu ait lui-même présenté des marques sur les bras ne change rien à ce qui précède : pareilles marques ne sont pas incompatibles avec des mouvements de pure défense de la plaignante. Par ailleurs les photos ont été prises le 1er juin 2016 ; on ne peut exclure qu’elles ne datent pas du 27 mai 2016. On peut encore souligner que les explications du prévenu n’ont pas seulement varié sur le déroulement de la dispute du 27 mai 2016, mais également sur l’origine de la scène : d’abord, il a dit qu’il s’agissait d’une dispute ordinaire entre tout homme et femme, sans mentionner le prétexte. Dans un deuxième temps, il a évoqué un problème d’argent, puis des provocations de sa femme qui voulait le quitter ; il a mentionné le soupçon qu’elle avait des amants et s’est plaint du fait qu’elle avait complètement changé et qu’elle fréquentait toutes les mosquées. Devant le tribunal de police, il a déclaré que les disputes trouveraient surtout leur source dans la fréquentation accrue de la mosquée par la plaignante, en ajoutant l’élément nouveau selon lequel son domicile s’était transformé en centre de réunion et de prières. Devant la Cour pénale, il s’en est tenu à la version d’un piège de la plaignante, qui connaissait son passé matrimonial ; celle-ci avait provoqué la dispute pour qu’il se mette en faute, dans la perspective du divorce en Tunisie.

                        La Cour pénale retient que la scène du 27 mai 2016 n’est pas un épisode unique, mais qu’elle a été précédée d’autres manifestations de violence de la part du prévenu durant l’année précédente, à une cadence d’environ trois mois. Les déclarations de la plaignante sont constantes et mesurées à ce propos – elle a déclaré que les douleurs étaient d’abord supportables et elle n’a pas prétendu que le prévenu l’avait frappée lors de l’altercation du 5 juin 2016. La plaignante a souligné de façon crédible l’influence de l’alcool, comme élément déclencheur. Le prévenu a nié tout problème de ce type. Lors de l’intervention de la police le 5 juin 2016, il présentait toutefois un taux d’alcoolémie relativement important. Son haleine sentait l’alcool lors de son entretien avec l’expert psychiatre [qui a pris en compte le résultat des analyses du médecin traitant. Le prévenu a également minimisé ses antécédents de violence conjugale. Ceux-ci sont certes anciens, mais ils ne peuvent pour autant être considérés comme ayant perdu absolument toute pertinence pour apprécier le comportement du prévenu dans un contexte de tensions familiales. Si l’on se réfère aux jugements rendus à l’époque, il ne s’agit pas d’une simple claque à un enfant et d’une scène unique, comme le prévenu a pu le prétendre devant la Cour pénale. On retient des diverses explications avancées par le prévenu pour expliquer la dispute du 27 mai 2016 que nombreux étaient les points susceptibles de frictions entre les époux. Le prévenu a d’ailleurs reconnu devant le tribunal civil qu’il s’était énervé quelquefois. La Cour pénale n’ajoute pas de crédit à la thèse de la seule légitime défense, qui ne trouve appui que dans les déclarations du prévenu, peu fiables de manière générale. Certes, certaines des accusations de la plaignante n’ont pas été retenues par le ministère public (vols) ou par le premier juge (contraintes sexuelles). Cela jette un bémol sur la crédibilité générale de la plaignante, mais cela ne signifie pas ispo facto que toutes ses accusations sont fausses. Inversement, l’intéressée a de son propre mouvement admis qu’elle avait retrouvé les valeurs prétendument volées et n’a pas exagéré dans les griefs contre son mari en relation avec l’altercation du 6 juin 2016.

7.                            L’appelant ne discute pas la qualification juridique retenue par le tribunal de police. Le tribunal de police a correctement rappelé les règles applicables (pour un rappel jurisprudentiel récent : arrêt du TF du 21.01.2020 [6B_826/2019]). Il n’a pas violé le droit fédéral en constatant que les violences décrites dans l’acte d’accusation et retenues tombaient sous le coup de l’article 123 CP réprimant les lésions corporelles simples. La Cour pénale peut faire sien son raisonnement sur ce point (art. 82 al. 4 CPP).

8.                            Les éléments de fait permettant à la Cour pénale de fonder sa conviction sur les injures sont les suivants :

                        a) Déclarations des parties. La plaignante a affirmé d’entrée de cause qu’elle se faisait insulter régulièrement : « il me dit tout le temps : la putain est mieux que toi, sale pourrie, tu ne sers à rien, même la serpillière est mieux que toi ». L’accusation d’injures est répétée dans la plainte pénale. Elle est renouvelée dans les déclarations de la plaignante à la police du 13 juin 2016 : « il me traite également de bouc » ; « putain, moins que rien », « il me traite de tous les noms ». Le prévenu a nié en bloc. Le 23 juin 2016, devant la police, il a déclaré ceci : « Lorsqu’elle m’a fait les marques sur les bras, je lui ai dit que les femmes qui faisaient cela étaient des putains. Je lui ai dit en arabe. La définition n’est pas la même. En arabe ça veut dire salope ou garce. Une putain, au moins elle travaille, c’est son métier ». Devant la Cour pénale, le prévenu a soutenu qu’il n’avait jamais traité la plaignante de putain et qu’il contestait l’avoir injuriée.

                        b) Constatations médicales. La plaignante a mentionné des insultes rapportées dans les certificats établis par le CNP. L’expert judiciaire a souligné que lorsqu’il est mis en cause, le prévenu se met rapidement en colère et hausse le ton.

                        c) Antécédents. Le jugement du tribunal matrimonial du district de Neuchâtel rendu le 23 juillet 2004 évoque déjà des violences verbales du prévenu à l’encontre de l’une de ses précédentes femmes. L’utilisation du terme « putain » à l’endroit d’une épouse a déjà été sanctionnée pénalement.

9.                            Au vu de ce qui précède, la Cour pénale retient en fait que le prévenu a bien tenus les propos décrits dans l’acte d’accusation. Elle se réfère sur ce point aux considérants du premier juge (cons. 6.2 ; art. 82 al. 4 CPP).

10.                          Pour les motifs retenus par le premier juge, les termes énumérés dans l’acte d’accusation sont constitutifs d’injures au sens de l’article 177 CP. Ils expriment des jugements de valeur offensants et le mépris du prévenu envers la plaignante, avec une certaine gravité (Dupuis/Moreillon et al., PC CP, 2ème éd., n° 10 et 14 ad art. 177 CP). Pour des raisons semblables à celles qui ont conduit à ne pas retenir la légitime défense en ce qui concerne les lésions corporelles, la Cour pénale écarte l’hypothèse d’une provocation au sens de l’article 177 al. 2 CP voire d’une riposte selon l’article 177 al. 3 CP. Il faut préciser que les injures antérieures au 5 mars 2016 ne peuvent être poursuivies, car elles n’ont pas fait l’objet d’un dépôt de plainte en temps utile (art. 31 CP). On retiendra donc les injures proférées sous l’emprise de l’alcool entre le 5 mars et le 5 juin 2016.

11.                          Les éléments de fait permettant à la Cour pénale de fonder sa conviction sur l’existence de menaces sont les suivants :

                        a) Déclarations des parties. Celles de la plaignante sont les suivantes : « il me menace régulièrement. Il me dit régulièrement qu’il va me ramener en Tunisie » ; « être divorcé, c’est mal vu chez nous, surtout pour une femme et surtout deux fois. Vous me faites remarquer que je suis ici en Suisse, Oui, mais c’est au cas où je retourne en Tunisie. En effet, il m’a menacée plusieurs fois de me ramener en Tunisie et de divorcer là-bas, il me dit qu’il a un permis C, qu’il a tous les droits, comme un Suisse et que moi j’ai rien ». « Il m’a menacée (…) de divorcer, de me rejeter » ; «  il me menace tout le temps de m’amener en Tunisie et de me prendre mon passeport. Il sait qu’une femme divorcée deux fois est malmenée en Tunisie ». Le prévenu a nié, mais lors de son audition du 23 juin 2016, il s’est exprimé comme suit : « je lui ai dit qu’elle allait rentrer en Tunisie et que nous allions divorcer là-bas et qu’elle allait rester dans ce pays (…) je lui ai dit ça sous la colère (…) vous me demandez comment est considérée une femme divorcée en Tunisie, je ne sais pas. Je pense qu’elle a dû prendre mes paroles comme une menace qu’elle devait vivre en Tunisie et ainsi qu’elle n’aurait plus d’argent à envoyer à sa fille ». A l’audience de la Cour pénale, il a déclaré : « Il est vrai que j’ai dit à mon ex-femme : on part en Tunisie et on divorce. Mais est-ce que j’avais le pouvoir de la mettre dans ma valise et de l’emmener ? Je n’ai jamais dit à mon ex-femme que j’allais l’empêcher de rentrer à notre domicile ».

                        b) Témoin. A.________ a déclaré avoir entendu que la plaignante avait peur d’un retour en Tunisie.

12.                          Au vu de ce qui précède, la Cour pénale considère comme établi que le prévenu a bien évoqué l’hypothèse d’un retour de la plaignante en Tunisie, dans le but d’obtenir un divorce. On peut admettre en fait que la situation d’une femme divorcée à deux reprises est plus difficile dans la société tunisienne que celle d’une femme célibataire, mariée ou veuve. L’acte d’accusation vise la menace de la « faire ramener » en Tunisie pour divorcer, afin de jeter sur elle l’opprobre d’un nouveau divorce. L’expression « faire ramener » suggère une intervention externe, qui ne trouve aucun appui dans le dossier.

                        La menace de ne plus pouvoir revenir à domicile n’est quant à elle pas mentionnée dans les premières déclarations de la plaignante ou dans la plainte pénale déposée par sa mandataire. Elle est contestée par le prévenu. Le dossier permet de retenir que la plaignante vivait, au moment des faits, dans la peur – élément qui n’est pas mentionné dans l’acte d’accusation – mais pas que cette peur était liée à la menace décrite de ne plus pouvoir rentrer à son domicile. On constate que la plaignante n’a pas mentionné cet élément lorsqu’elle a été invitée à décrire les menaces proférées à son encontre, devant la procureure assistante ou devant le tribunal de police. La prévention doit être abandonnée en fait sur ce point.

13.                          a) En vertu de l’article 180 al. 2 let. b CP, celui qui, par une menace grave, aura alarmé ou effrayé une personne sera puni d’une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d’une peine pécuniaire, la poursuite ayant lieu d’office si l’auteur est le partenaire hétérosexuel ou homosexuel de la victime pour autant qu’ils fassent ménage commun pour une durée indéterminée et que la menace ait été commise durant cette période ou dans l’année qui a suivi la séparation.

                        D’après la jurisprudence, la menace suppose que l'auteur ait volontairement fait redouter à sa victime la survenance d'un préjudice, au sens large. Elle constitue un moyen de pression psychologique consistant à annoncer un dommage futur dont la réalisation est présentée comme dépendante de la volonté de l'auteur, sans toutefois qu'il soit nécessaire que cette dépendance soit effective, ni que l'auteur ait réellement la volonté de réaliser sa menace. La réalisation d'un dommage doit cependant être présentée par l'auteur comme un événement dépendant, directement ou indirectement, de sa volonté (même si le désagrément ne dépend pas réellement de la volonté de l’auteur). Toute menace ne tombe pas sous le coup de l'article 180 CP. La loi exige en effet que la menace soit grave. C'est le cas si elle est objectivement de nature à alarmer ou à effrayer la victime : il convient à cet égard de tenir compte de la réaction qu'aurait une personne raisonnable face à une situation identique. Si le juge bénéficie d'un certain pouvoir d'appréciation pour déterminer si une menace est grave, il doit cependant tenir compte de l'ensemble de la situation. Il devrait en tous les cas l'exclure lorsque le préjudice annoncé est objectivement trop peu important pour que la répression pénale soit justifiée. Les menaces de lésions corporelles graves ou de mort doivent en revanche être considérées comme des menaces graves au sens de l'article 180 CP. La menace d’un dommage illicite tombe, dans la plupart des cas, sous le coup de l’article 180 CP. Une telle menace provoque presque toujours une atteinte grave à la libre formation de la volonté de la victime, notamment lorsqu’elle porte sur sa vie, son intégrité corporelle, son honneur, sa liberté ou encore ses biens. Quant à la menace que l’auteur est en droit de provoquer, la situation est plus délicate. Il semble que la qualification dépende des circonstances concrètes du cas d’espèce et notamment de la gravité de l’effet de la menace. Si l’auteur alarme ou effraye la victime de façon infondée ou disproportionnée, il est punissable en vertu de l’article 180 CP. Si la menace de déposer une plainte pénale est fondée, parce que le destinataire a effectivement commis un acte susceptible de plainte, elle est en principe licite. De même le bailleur qui menace son locataire de résilier le bail s’il ne se conforme pas aux règles prévues dans le contrat ne profère pas une menace illicite, il ne fait que réclamer le respect du contenu du contrat (Dupuis/Moreillon et al., PC CP, 2ème éd., n°15 ad art. 180 CP et les références). Pour que l'infraction soit consommée, il faut que la victime ait été effectivement alarmée ou effrayée. Elle doit craindre que le préjudice annoncé se réalise. Cela implique, d'une part, qu'elle le considère comme possible et, d'autre part, que ce préjudice soit d'une telle gravité qu'il suscite de la peur. À défaut, il n'y a que tentative de menace. Cet élément constitutif de l'infraction, qui se rapporte au contenu des pensées d'une personne, relève de l'établissement des faits (arrêt du TF du 03.10.2017 [6B_1428/2016] cons. 2.1 et les références citées). Sur le plan subjectif, l’infraction est intentionnelle. L’auteur doit avoir l’intention non seulement de proférer des menaces graves, mais aussi d’alarmer ou d’effrayer le destinataire. Le dol éventuel suffit (Corboz, op. cit., n. 16 ad art. 180 CP). L’auteur agit par dol éventuel quand il tient pour possible la réalisation de l’infraction et l’accepte au cas où celle-ci se produirait (art. 12 al. 2 CP). Le dol éventuel suppose que l'auteur, qui ne veut pas le résultat dommageable pour lui-même, envisage le résultat de son acte comme possible et l'accepte ou s’en accommode au cas où il se produirait, même s’il préfère l’éviter (arrêts du TF du 18.07.2017 [6B_1117/2016] cons. 1.1.2 et du 02.04.2019 [6B_259/2019] cons. 5.1). Le dol éventuel peut notamment être retenu lorsque la réalisation du résultat devait paraître suffisamment vraisemblable à l'auteur pour que son comportement ne puisse raisonnablement être interprété que comme une acceptation de ce risque ; les mobiles de l'auteur et la manière dont il a agi peuvent constituer des éléments extérieurs révélateurs (arrêt de 2017 précité, cons. 1.1.4).

                        b) En l’espèce, on doit relever que la menace de demander le divorce (il n’est pas question ici de répudiation) n’est pas illicite : chacun a le droit d’annoncer qu’il envisage d’entamer des démarches pour mettre fin à son mariage, même si son conjoint s’y oppose et/ou en éprouve douleur, humiliation ou crainte pour son avenir financier ou social. On ne voit non plus rien d’illicite en soi à évoquer l’hypothèse d’une procédure de divorce menée dans le pays d’origine commun, où le mariage a été célébré et où le divorce existe dans la loi. La circonstance que, dans l’hypothèse d’un divorce (où d’ailleurs qu’il soit prononcé), la plaignante aurait vraisemblablement perdu son titre de séjour en Suisse (titre obtenu par regroupement familial), et que c’est en cela que la menace aurait en réalité résidé, n’est pas décrite dans l’acte d’accusation (ce serait trop solliciter le texte que de considérer que c’est là le sens de l’expression « faire ramener »). Cet élément ne peut donc fonder une condamnation, contrairement à ce qu’a retenu le tribunal de police. Certes, selon les déclarations de la plaignante, le prévenu évoquait constamment l’hypothèse d’un divorce de manière à l’alarmer à dessein. Le prévenu, déjà deux fois divorcé, a reconnu qu’il avait parlé de divorce, mais sous la colère. Dans les faits, les époux, qui traversaient une passe conjugale difficile, se sont séparés et ont divorcé. On ne peut retenir que le prévenu a alarmé la plaignante de façon infondée ou disproportionnée en évoquant le divorce. La prévention doit être abandonnée.

14.                          L’appelant ne conteste pas qu’il s’est rendu coupable d’insoumission à une décision de l’autorité, au sens de l’article 292 CP.

                        Agissant d’office (art. 404 al. 2 CPP), la Cour pénale constate toutefois qu’au moment où, selon l’acte d’accusation, les faits se sont produits (entre le 13 septembre 2016 et le 15 décembre 2016), l’ordonnance rendue le 17 juin 2016 par le Tribunal civil du littoral et du Val-de-Travers avait perdu sa force exécutoire, s’agissant d’une décision de mesures superprovisionnelles, par définition temporaire, vouée à être remplacée par une nouvelle décision ou une convention des parties. Or un accord a été pris à l’audience du 5 juillet 2016, qui ne figure pas au dossier et dont on ignore s’il reproduit la menace de l’article 292 CP. Dans ces conditions, la prévention ne peut pas être retenue. Cela a peu d’impact sur la situation de l’appelant, car le tribunal de police a renoncé à prononcer une amende pour la contravention.

15.                          En tous les cas, l’appelant considère que la peine prononcée à son encontre est trop élevée.

16.                          a) Selon l'article 47 CP, le juge fixe la peine d'après la culpabilité de l'auteur. Il prend en considération les antécédents et la situation personnelle de ce dernier ainsi que l'effet de la peine sur son avenir (al. 1). La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l'acte, par les motivations et les buts de l'auteur et par la mesure par laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (al. 2).

                        b) La jurisprudence (arrêts du TF du 30.01.2018 [6B_807/2017] cons. 2.1 et du 09.10.2018 [6B_780/2018] cons. 2.1) précise que la culpabilité de l'auteur doit être évaluée en fonction de tous les éléments objectifs pertinents, qui ont trait à l'acte lui-même, à savoir notamment la gravité de la lésion, le caractère répréhensible de l'acte et son mode d'exécution. Du point de vue subjectif, sont pris en compte l'intensité de la volonté délictuelle ainsi que les motivations et les buts de l'auteur. A ces composantes de la culpabilité, il faut ajouter les facteurs liés à l'auteur lui-même, à savoir les antécédents, la réputation, la situation personnelle (état de santé, âge, obligations familiales, situation professionnelle, risque de récidive, etc.), la vulnérabilité face à la peine, de même que le comportement après l'acte et au cours de la procédure pénale.

                        c) Pour le Tribunal fédéral (arrêt du TF du 24.01.2017 [6B_335/2016] cons. 3.3.5), la culpabilité de l'auteur dont la responsabilité pénale est restreinte, au sens de l’article 19 al. 2 CP, est moins grande que celle de l'auteur dont la responsabilité est pleine et entière. Le principe de la faute exige dès lors que la peine prononcée en cas d'infraction commise en état de responsabilité restreinte soit inférieure à celle qui serait infligée à un auteur pleinement responsable. La peine moins sévère résulte d'une faute plus légère. Il ne s'agit donc plus d'une atténuation de la peine, mais d'une réduction de la faute. Dans une première étape, le juge doit apprécier la culpabilité relative à l'acte (et éventuellement fixer la peine hypothétique en résultant), comme s'il n'existait aucune diminution de responsabilité. Dans un deuxième temps, il doit motiver comment la diminution de responsabilité se répercute sur l'appréciation de la faute et indiquer la peine (hypothétique). Dans une dernière phase, cette peine est éventuellement augmentée ou diminuée en raison des facteurs liés à l'auteur.

                        d) Selon l'article 49 al.1 CP, si, en raison d'un ou de plusieurs actes, l'auteur remplit les conditions de plusieurs peines du même genre, le juge le condamne à la peine de l'infraction la plus grave et l'augmente dans une juste proportion. Il ne peut toutefois excéder de plus de la moitié le maximum de la peine prévue pour cette infraction. Il est en outre lié par le maximum légal de chaque genre de peine (arrêt du TF du 11.04.2018 [6B_1175/2017] cons. 2.1). Il y a plusieurs peines du même genre lorsque le tribunal prononcerait, dans le cas considéré, pour chaque norme violée, des peines du même genre (méthode concrète) (Dupuis et al., op.cit., n 16 ad art. 49). L'exigence, pour appliquer l'article 49 al. 1 CP, que les peines soient du même genre, implique que le juge examine, pour chaque infraction commise, la nature de la peine à prononcer. Le prononcé d'une peine d'ensemble en application du principe de l'aggravation contenu à l'article 49 CP n'est ensuite possible que si le juge choisi, dans chaque cas concret, le même genre de peine pour sanctionner l'infraction commise. Que les dispositions pénales applicables prévoient abstraitement des peines du même genre ne suffit pas. Si les sanctions envisagées concrètement ne sont pas du même genre, elles doivent être prononcées cumulativement (arrêt du TF du 26.10.2018 [6B_559/2018] cons. 1.1.1, destiné à la publication). Conformément à la jurisprudence précitée (cons. 1.4 et les réf. citées), l'autorité doit fixer une peine de base pour l'une des infractions abstraitement les plus graves, en tenant compte de l'ensemble des circonstances aggravantes et atténuantes. Elle doit parallèlement trancher, s'agissant de cette peine de base, la nature de cette sanction – peine privative de liberté ou peine pécuniaire – et motiver son choix. Dans un deuxième temps, l'autorité doit examiner pour chacune des autres infractions commises si elles justifient concrètement une peine pécuniaire ou une peine privative de liberté ou cas échéant une amende et la quotité hypothétique de dite sanction. Ce n'est que si les peines hypothétiques pour ces infractions sont de même nature que la peine de base envisagée que l'autorité peut faire application de l'article 49 al. 1 CP et prononcer une peine d'ensemble pour toutes les infractions justifiant une sanction de même nature. Selon le Tribunal fédéral, il n'est pas possible de faire l'économie de ce raisonnement (choix et fixation de la peine de base, puis, cas échéant, fixation d'une peine d'ensemble en arrêtant directement une peine privative de liberté globale).

e) Aux termes de l'art. 41 al. 1 CP en vigueur jusqu'au 31 décembre 2017, le juge peut prononcer une peine privative de liberté ferme de moins de six mois uniquement si les conditions du sursis à l'exécution de la peine (art. 42 CP) ne sont pas réunies et s'il y a lieu d'admettre que ni une peine pécuniaire, ni un travail d'intérêt général ne peuvent être exécutés. Cette disposition est applicable en l'espèce sans égard à la modification entrée en vigueur le 1er janvier 2018, qui n'est pas plus favorable à l'intéressée (cf. art. 2 al. 2 CP; arrêt du TF du 18.11.2019 [6B_938/2019] cons. 3.4.2 et les références).

                        Dans la conception de la partie générale du CP en vigueur jusqu'à la fin de l'année 2017, la peine pécuniaire constitue la peine principale. Les peines privatives de liberté ne doivent être prononcées que lorsque l'Etat ne peut garantir d'une autre manière la sécurité publique. En vertu du principe de la proportionnalité, il y a lieu, en règle générale, lorsque plusieurs peines entrent en considération et apparaissent sanctionner de manière équivalente la faute, de choisir celle qui restreint le moins sévèrement la liberté personnelle du condamné, respectivement qui le touche le moins durement. Lorsque des motifs de prévention spéciale permettent de considérer qu'une peine pécuniaire ou une peine de travail d'intérêt général seraient d'emblée inadaptées, l'autorité peut prononcer une peine privative de liberté de courte durée (arrêt du TF du 11.07.2019 [6B_750/2019] cons. 1.4.2 et l’arrêt précité). 

Conformément à l'art. 41 al. 2 CP, lorsque le juge choisit de prononcer à la place d'une peine pécuniaire une peine privative de liberté, il doit de plus motiver le choix de cette dernière peine de manière circonstanciée (cf. ATF 144 IV 313 cons. 1.2), mentionnant clairement en quoi il y a lieu d'admettre que la peine pécuniaire ne paraît pas adéquate (ATF 134 IV 60 cons. 8.4). 

                        e) En outre, le Tribunal fédéral (ATF 144 IV 217, cons. 4.3 ; JT 2018 IV 336 ss), précise qu’en cas de concours d’infractions, dans le cadre de la fixation de la peine, après que le juge a déterminé les peines individuelles pour chacune des infractions concrètes, puis examiné à partir de quelles peines individuelles seront formées les peines d’ensemble, s’il considère, du point de vue de la proportionnalité, qu’une peine pécuniaire n’est en l’espèce plus conforme à la culpabilité de l’auteur ou plus appropriée s’agissant de certaines infractions en particulier, l’article 49 al. 1 CP ne l’empêche pas de prononcer des peines privatives de liberté de moins de six mois si la peine d’ensemble, formée sur cette base, dépasse six mois. Il n’a pas besoin de justifier le choix du genre de sanction.

17.                          En l’espèce, l’appelant est reconnu coupable de lésions corporelles simples qualifiées et d’injures. Les lésions corporelles simples sont passibles d’une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d’une peine pécuniaire. Les injures sont passibles d’une peine pécuniaire de 90 jours-amende au plus.

                        Abstraitement, les lésions corporelles simples sont les plus graves. D’un point de vue objectif, la culpabilité de l’auteur pour les faits du 27 mai 2016 est de moyenne à élevée. Les coups ont laissé des marques temporaires et causé des douleurs physiques perdurant quelques jours, nécessitant un traitement antalgique et myorelaxant, sans compter la peur qu’objectivement la victime ne pouvait que ressentir sachant que l’auteur pouvait s’en prendre à elle à un moment ou à un autre. La culpabilité est aggravée car on est en présence d’agressions répétées à intervalles réguliers dans un cadre conjugal (une fois tous les trois mois sur une période d’un peu plus d’un an). Les difficultés financières, professionnelles ou conjugales n’excusent rien. L’auteur a des antécédents judiciaires pour des faits du même genre, même anciens. Une condamnation pénale ne l’a pas détourné de se livrer à de nouveaux actes de violence. Son casier judiciaire comporte deux inscriptions pour violation d’une obligation d’entretien (cons. B ci-dessus). L’auteur minimise les faits, se pose en victime et ne montre aucune prise de conscience. Cela étant, il déclare avoir désormais renoncé à la vie de couple. La responsabilité légèrement restreinte mise en évidence par l’expert conduit par ailleurs à revoir à la baisse la culpabilité. Celle-ci sera qualifiée de moyenne. Comme on le verra plus loin, les conditions du sursis sont réalisées, de sorte qu’il n’est pas possible de prononcer une courte peine privative de liberté. Dans ces circonstances, la Cour pénale considère qu’une peine de 120 jours-amende sanctionnerait de façon adéquate les lésions corporelles (l’événement du 27 mai 2016 devrait être sanctionné par une peine de base de l’ordre de 45 jours, laquelle doit être sensiblement augmentée, mais dans une juste proportion, pour tenir compte des quatre autres épisodes de violence reprochés à l’auteur). La situation personnelle de l’auteur a été exposée sous cons. A ci-dessus. On admettra que les facteurs liés à l’auteurs sont neutres. Enfin, il y a lieu de tenir compte d’une violation du principe de célérité (sur les principes applicables, cf. arrêt du TF du 20.02.2020 6B_1463/2019), vu le délai écoulé entre l’audience du tribunal de police, le 4 mai 2018, et le prononcé du jugement, le 4 juin 2019. Pour le tribunal, l’affaire ne présentait pas de complexité particulière, qui puisse expliquer en partie le retard pris. Les parties n’ont pas compliqué la cause. Le ministère public avait requis une peine privative de liberté ferme, ce qui exigeait au besoin de prioriser le traitement du dossier vu les implications pour le prévenu de la peine à prononcer. Cela commande de réduire la peine de 25 pour cent, pour l’arrêter à 90 jours-amende.

                        Les injures sont uniquement passibles d’une peine pécuniaire. La peine prononcée pour les lésions corporelles simples doit donc être augmentée. Objectivement, la culpabilité est moyenne. Les propos tenus étaient blessants. Ils ont été proférés dans un cadre privé. L’auteur ne s’est pas excusé, mais a au contraire cherché à donner des explications montrant qu’il n’avait pas conscience du simple fait qu’on ne doit pas traiter, par exemple, les femmes de putains, garces ou salopes, que ce soit en français ou en arabe. La responsabilité légèrement diminuée doit être prise en compte, ce qui mène à considérer que la culpabilité est faible à moyenne. La peine pécuniaire pour les lésions corporelles doit être augmentée de 20 jours. Il convient encore de prendre en compte la violation du principe de célérité, dans la même mesure que pour les lésions corporelles (le ministère public n’a pas distingué ses réquisitions selon la nature des infractions, hormis la contravention). En définitive, la peine pécuniaire supplémentaire prononcée est de 15 jours-amende.

                        Le montant du jour-amende peut être fixé à 10 francs, selon la jurisprudence applicable au moment des faits et vu la situation financière précaire de l’auteur.

18.                          Selon l’article 42 aCP, le juge suspend en règle générale l’exécution d’une peine pécuniaire lorsqu’une peine ferme ne paraît pas nécessaire pour détourner l’auteur de commettre d’autres crimes ou délits.

                        Le sursis est la règle dont on ne peut s'écarter qu'en présence d'un pronostic défavorable. Il prime en cas d'incertitude (cf. ATF 135 IV 180 cons. 2.1 et les références citées; arrêt du TF du 05.06.2019 [6B_422/2019] cons. 7.1.2). Pour formuler un pronostic sur l'amendement de l'auteur, le juge doit se livrer à une appréciation d'ensemble, tenant compte des circonstances de l'infraction, des antécédents de l'auteur, de sa réputation et de sa situation personnelle au moment du jugement, notamment de l'état d'esprit qu'il manifeste. Il doit tenir compte de tous les éléments propres à éclairer l'ensemble du caractère de l'accusé et ses chances d'amendement. Il ne peut accorder un poids particulier à certains critères et en négliger d'autres qui sont pertinents (ATF 135 IV 180 cons. 2.1 p. 185 s.; 134 IV 1 cons. 4.2.1 ; arrêts du TF [6B_422/2019] précité cons. 7.1.2 ; du 24.09.2018 [6B_276/2018] cons. 3.1). Le défaut de prise de conscience de la faute peut justifier un pronostic défavorable, car seul celui qui se repent de son acte mérite la confiance que l'on doit pouvoir accorder au condamné bénéficiant du sursis (arrêts du TF du 12.06.2019 [6B_375/2019] cons. 2.2.1; du 29.03.2019 [6B_293/2019] cons. 2.3; [6B_276/2018] précité cons. 3.1). Le juge doit par ailleurs motiver sa décision de manière suffisante (cf. art. 50 CP). Sa motivation doit permettre de vérifier s'il a tenu compte de tous les éléments pertinents et comment ils ont été appréciés (ATF 135 IV 180 cons. 2.1 et les références citées).

19.                          En l’espèce, les faits se sont produits entre 2015 et 2016. L’auteur rencontrait alors des difficultés conjugales qui ont mené à un divorce. Ses antécédents spécifiques remontaient au début des années 2000. Aujourd’hui, l’appelant déclare ne plus envisager de relation de couple à l’avenir. Dans ces conditions, la présomption d’un pronostic favorable n’est pas renversée, et le sursis doit être accordé.

                        Le délai d’épreuve est fixé à cinq ans, soit au maximum légal (art. 44 CP). Le condamné est rendu attentif au fait qu’en cas de nouveau crime ou délit, il s’expose à la révocation du sursis et à l’exécution de la peine.

20.                          L’appelant conteste avoir infligé à l’appelante une atteinte illicite à sa personnalité et lui devoir une indemnité de tort moral.

21.                          a) En vertu de l'art. 47 CO, le juge peut, en tenant compte de circonstances particulières, allouer à la victime de lésions corporelles une indemnité équitable à titre de réparation morale. Les circonstances particulières à prendre en compte se rapportent à l’importance de l’atteinte à la personnalité du lésé, l’article 47 CO étant un cas d’application de l’article 49 CO. L'indemnité a pour but exclusif de compenser le préjudice que représente une atteinte au bien-être moral. Le principe d'une indemnisation du tort moral et l'ampleur de la réparation dépendent d'une manière décisive de la gravité de l'atteinte et de la possibilité d'adoucir de façon sensible, par le versement d'une somme d'argent, la douleur physique ou morale (ATF 132 III 115 cons. 2.2.2; ATF 123 III 306 cons. 9b). Les lésions corporelles, qui englobent tant les atteintes physiques que psychiques, doivent donc en principe impliquer une importante douleur physique ou morale ou avoir causé une atteinte durable à la santé (arrêt du TF du 30.03.2015 [4A_547/2014] cons. 11.2). Il n’y a dès lors en général pas d’indemnisation pour une lésion simple, n’impliquant pas d’invalidité, et qui se guérit sans complication particulière. Ainsi, un bras ou une jambe cassés qui se guérissent rapidement et sans complication ne justifient par exemple aucune réparation morale (arrêt du TF du 18.01.2006 [4C.283/2005] cons. 3.3.1). Des séquelles mineures ou une guérison complète ne permettent toutefois pas encore d’exclure de façon absolue toute indemnité pour tort moral, et d’autres circonstances peuvent, selon les cas, justifier l’application de l’art. 47 CO. Parmi elles figurent en premier lieu une hospitalisation de plusieurs mois avec de nombreuses opérations ou une longue période de souffrance et d’incapacité de travail; entrent en considération également les préjudices psychiques importants tels qu’un état de stress post-traumatique conduisant à un changement durable de la personnalité (Guyaz, Le tort moral en cas d'accident : une mise à jour, in : SJ 2013 II 215, p. 229-230 et les références citées). De plus, aux termes de l’article 49 al.1 CO, celui qui subit une atteinte illicite à sa personnalité a droit à une somme d’argent à titre de réparation morale, pour autant que la gravité de l’atteinte le justifie et que l’auteur ne lui ait pas donné satisfaction autrement. Le Tribunal fédéral a eu l’occasion à plusieurs reprises (notamment ATF 125 III 269 cons. 2 ; arrêt du TF du 2.12.2010 cons. 6) de rappeler que l’ampleur de la réparation morale dépend avant tout de la gravité des souffrances physiques ou psychiques consécutives à l’atteinte subie par la victime et de la possibilité d’adoucir sensiblement, par le versement d’une somme d’argent, la douleur morale qui en résulte.

                        b) En raison de sa nature, l’indemnité pour tort moral, qui est destinée à réparer un dommage ne pouvant que difficilement être réduit à une simple somme d’argent, échappe à toute fixation selon des critères mathématiques, de sorte que son évaluation en chiffres ne saurait excéder certaines limites ; l’indemnité allouée doit toutefois être équitable (ATF 130 III 699 cons. 5.1). Le juge en proportionnera donc le montant à la gravité de l’atteinte subie (ATF 125 III 269 cons. 2a). Toute comparaison avec d'autres affaires doit intervenir avec prudence, puisque le tort moral touche aux sentiments d'une personne déterminée dans une situation donnée et que chacun réagit différemment face au malheur qui le frappe. Cela étant, une comparaison n'est pas dépourvue d'intérêt et peut être, suivant les circonstances, un élément utile d'orientation (ATF 138 III 337 cons. 6.3.3). Statuant selon les règles du droit et de l'équité (art. 4 CC), le juge dispose d'un large pouvoir d'appréciation (arrêt du TF du 12.12.2011 [6B_546/2011] cons. 2.1; ATF 132 II 117 cons. 2.2.3). Le juge doit éviter que la somme ne paraisse « dérisoire » à la victime (Pellet, Le prix de la douleur, in : Le tort moral en question, journée de la responsabilité civile 2012, p. 149 et les références citées).         

22.                          En l’occurrence, la plaignante fait valoir que les atteintes à son intégrité physique et psychique lui ont occasionné des troubles du sommeil et des crises d’angoisse, qui l’ont amenée à consulter un médecin psychiatre du CNP. Le rapport établi par le CNP le 19 avril 2018 relate que, lors de sa prise en charge, la patiente présentait majoritairement des angoisses en lien avec son époux ; elle évoquait se sentir surveillée, ce qui l’avait poussée à prendre ses distances en déménageant dans une autre commune ; durant la première partie de la prise en charge, les entretiens avaient principalement tourné autour de la relation de la patiente avec son ex-conjoint où elle relatait des épisodes de violence qui dans un premier temps étaient selon elle acceptables ; durant la dernière année de leur mariage, elle avait signalé qu’il se montrait insultant, consommait de l’alcool et la frappait, suite à une violente dispute en mai 2016, elle avait été amenée à porter plainte contre lui, ayant craint pour sa vie ; progressivement, ces préoccupations s’étaient atténuées et la patiente se montrait inquiète pour sa situation financière, ayant des difficultés à trouver un poste de travail stable. La patiente avait consulté pour la dernière fois en novembre 2017 ; au cours de la prise en charge, il avait été constaté une évolution positive laissant présager qu’il n’y aurait pas de séquelles importantes.

                        L’atteinte subie par la victime en raison des épisodes de violences qui ont émaillé la dernière année de la vie conjugale, soit les douleurs physiques et les angoisses liées à celles-ci, justifie l’octroi d’une indemnité à titre de réparation du tort moral. Les lésions corporelles subies étaient simples et non graves. Elles ont eu sur la victime des conséquences certaines, mais limitées dans le temps. Dans ces conditions, il convient de ramener l’indemnité allouée à 1'000 francs (pour des comparaisons avec des cas semblables : arrêt du TF du 21.01.2020 [6B_826/2019], arrêt du 10.07.2016 de la Cour d’appel pénal du canton de Fribourg [501 2018 209]). 

23.                          Les parties sont au bénéfice de l’assistance judiciaire, de sorte qu’il n’y a pas place pour l’allocation d’indemnités au sens des articles 429 ou 433 CPP. Sur ce dernier point, le jugement de première instance est erroné (ATF 145 IV 90).

24.                          Il n’y a pas lieu de mettre des frais de procédure à la charge de la victime (art. 30 LAVI).

25.                          Le prévenu a été condamné en première instance à payer une part réduite des frais de justice (soit environ les 2/3). L’abandon supplémentaire des préventions de menaces et d’insoumission à une décision de l’autorité justifie une petite réduction supplémentaire des frais de justice. L’auteur s’acquittera de la moitié de ceux-ci. Il convient en sus de libérer le condamné du remboursement de l’indemnité de son avocat d’office dans une part proportionnelle à la réduction des frais de justice, ce que le premier juge a omis de faire. Le condamné remboursera la moitié de l’indemnité d’avocat d’office allouée à son mandataire.

26.                          En deuxième instance, l’appelant, qui concluait à son acquittement des chefs d’accusation de lésions corporelles simples, injures et menaces, de même qu’au rejet intégral des conclusions civiles, obtient totalement gain de cause sur les menaces. Il obtient partiellement gain de cause sur le genre et la quotité de la peine, le sursis, ainsi que le montant des conclusions civiles. La Cour d’appel a revu d’office en sa faveur des points non attaqués du jugement (art. 404 CPP). Dans ces conditions, il supportera la moitié des frais de justice, arrêtés à 2'000 francs.

27.                          Les mandataires ont déposé des mémoires d’honoraires pour la seconde instance. Est prise en charge l’activité que doit déployer un avocat moyennement expérimenté pour accomplir correctement son mandat, compte tenu de ce que seules les opérations nécessaires à la conduite du procès sont à prendre en considération. Les frais d’ouverture et de clôture du dossier font partie des frais généraux et n’ont pas à figurer dans une liste d’assistance judiciaire. Les travaux de secrétariat, comme le téléphone au tribunal pour consulter le dossier ou fixer une audience et l’établissement de la liste des opérations n’ont pas à être comptés. Les prises de connaissance qui n’impliquent qu’une lecture cursive et brève ne dépassant pas les quelques secondes pour un avocat correctement formé, de même que les lettres de transmission n’ont pas à figurer dans un mémoire d’honoraires. Le soutien moral et le travail social ne sont pas indemnisables.

                        Le mandataire de l’appelant indique qu’il a consacré 686 minutes à l’exécution du mandat. Doit être retranchée, selon les principes susmentionnés, l’activité liée aux lettres accompagnant ou transmettant les actes de procédure, sans explications, à l’examen de communications, téléphone au greffe ou rédaction de la note d’honoraires (activités des 14 juin, 20 juin, 28 août, 29 novembre, 6 décembre 2019, 11 février, 14 février, 25 février, 22 avril et 19 mai 2020), soit au total 73 minutes. L’audience de la Cour pénale s’est terminée à 9h45, de sorte qu’on ne retiendra que deux heures et non trois pour cette rubrique, compte tenu du temps nécessaire à l’assistance du client à la réception du jugement écrit (vu la renonciation à la lecture publique du jugement). L’indemnité allouée sera donc de 1’876 francs (553 x 3, soit 1'659 francs + 82.95 francs de frais forfaitaires + 134.15 francs de TVA). Elle sera remboursable par l’appelant à raison de sa moitié aux conditions de l’article 135 al. 4 CPP.

La mandataire de la plaignante a consacré 510 minutes au mandat. Doit aussi être retranchée l’activité liée aux courriers des 25 février, 23 août, 26 novembre 2019, 13 février et 19 mai 2020, soit 35 minutes. L’indemnisation forfaitaire des frais (5% depuis le 1er juillet 2019 ; art. 24 LAJ) exclut celle des frais effectifs. L’indemnité allouée sera donc de 1'611.50 francs (475 x 3, soit 1’425 + 71.25 francs de frais forfaitaires + 115.20 francs de TVA). Elle ne sera pas remboursable.

Par ces motifs,
la Cour pénale décide

Vu les art. 123 ch. 1 et 2, 177 al. 1, 180 al. 1 et 2 let. a CP, 10, 135 al. 4, 426, 428 CPP, 30 LAVI

I.          L’appel est partiellement admis.

II.             Le jugement rendu le 4 juin 2019 par le tribunal de police est réformé, le nouveau dispositif étant :

1.       Reconnaît X.________ coupable de lésions corporelles simples qualifiées et injures au sens des art. 123 et 177 CP.

2.       Libère X.________ des fins de la prévention de contrainte sexuelle, subsidiairement de viol, de menaces ainsi que d’insoumission à une décision d’une autorité.

3.       Condamne X.________ à 105 jours–amende à 10 francs (soit au total 1’050 francs) avec sursis pendant 5 ans.

4.       Renonce à révoquer le sursis octroyé à X.________ le 2 octobre 2014 par le Tribunal de police des Montagnes et du Val-de-Ruz.

5.       Met les frais de la cause, réduits à 3’000 francs, pour moitié à charge de X.________, le solde étant laissé à la charge de l’Etat.

6.       Condamne X.________ à payer à Y.________ une indemnité pour tort moral de 1'000 francs.

7.       Fixe l'indemnité due par l'Etat à Me B.________ mandataire d'office de Y.________, à 3'803.15 francs au total, frais, débours et TVA compris, sous déduction de l'acompte de 1'628.25 francs versé à la suite de l'ordonnance du Ministère public du 4 décembre 2017.

8.       Dit que Y.________ n'est pas tenue de rembourser ce montant à l'Etat.

9.       Fixe l'indemnité due par l'Etat à Me C.________, mandataire d'office de X.________, à CHF 4'387.35 au total, frais, débours et TVA compris, sous déduction de l'acompte de 1'765.15 francs versé à la suite de l'ordonnance du Ministère public du 5 mai 2017, et dit qu’elle est remboursable par le condamné à raison de la moitié aux conditions de l’art. 135 al. 4 CPP. 

III.             Les frais de justice de seconde instance sont arrêtés à 2'000 francs. Ils sont mis à la charge de l’appelant par moitié, le solde étant laissé à la charge de l’Etat.

IV.             L’indemnité d’avocat d’office due à Me C.________ pour la procédure d’appel est fixée à 1’876 frais débours et TVA compris. Elle sera remboursable par l’appelant à raison de la moitié, aux conditions de l’article 135 al. 4 CPP.

V.             L’indemnité d’avocat d’office due à Me B.________ pour la procédure d’appel est fixée à 1'611.50 frais débours et TVA compris. Elle ne sera pas remboursable.

VI.             Le présent jugement est notifié à X.________, par Me C.________, à Y.________, par Me B.________, au ministère public, à La Chaux-de-Fonds (MP.2016.2488-PNE-1), au Tribunal de police du Littoral et du Val-de-Travers, à Boudry (POL.2018.17) et au Service des migrations, à Neuchâtel.

Neuchâtel, le 8 juin 2020

Art. 47 CO
Réparation morale
 

Le juge peut, en tenant compte de circonstances particulières, allouer à la victime de lésions corporelles ou, en cas de mort d’homme, à la famille une indemnité équitable à titre de réparation morale.

Art. 491CO
Atteinte à la personnalité
 

1 Celui qui subit une atteinte illicite à sa personnalité a droit à une somme d’argent à titre de réparation morale, pour autant que la gravité de l’atteinte le justifie et que l’auteur ne lui ait pas donné satisfaction autrement2.

2 Le juge peut substituer ou ajouter à l’allocation de cette indemnité un autre mode de réparation.


1 Nouvelle teneur selon le ch. II 1 de la LF du 16 déc. 1983, en vigueur depuis le 1er juil. 1985 (RO 1984 778; FF 1982 II 661).
2 Dans le texte allemand «... und diese nicht anders wiedergutgemacht worden ist» et dans le texte italien «... e questa non sia stata riparata in altro modo...» (... et que le préjudice subi n’ait pas été réparé autrement ...).

Art. 47 CP
Principe
 

1 Le juge fixe la peine d’après la culpabilité de l’auteur. Il prend en considération les antécédents et la situation personnelle de ce dernier ainsi que l’effet de la peine sur son avenir.

2 La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l’acte, par les motivations et les buts de l’auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures.

Art. 49 CP
Concours
 

1 Si, en raison d’un ou de plusieurs actes, l’auteur remplit les conditions de plusieurs peines de même genre, le juge le condamne à la peine de l’infraction la plus grave et l’augmente dans une juste proportion. Il ne peut toutefois excéder de plus de la moitié le maximum de la peine prévue pour cette infraction. Il est en outre lié par le maximum légal de chaque genre de peine.

2 Si le juge doit prononcer une condamnation pour une infraction que l’auteur a commise avant d’avoir été condamné pour une autre infraction, il fixe la peine complémentaire de sorte que l’auteur ne soit pas puni plus sévèrement que si les diverses infractions avaient fait l’objet d’un seul jugement.

3 Si l’auteur a commis une ou plusieurs infractions avant l’âge de 18 ans, le juge fixe la peine d’ensemble en application des al. 1 et 2 de sorte qu’il ne soit pas plus sévèrement puni que si les diverses infractions avaient fait l’objet de jugements distincts.

Art. 1231 CP
Lésions corporelles simples
 

1. Celui qui, intentionnellement, aura fait subir à une personne une autre atteinte à l’intégrité corporelle ou à la santé sera, sur plainte, puni d’une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d’une peine pécuniaire.

Dans les cas de peu de gravité, le juge pourra atténuer la peine (art. 48a).2

2. La peine sera une peine privative de liberté de trois ans au plus ou une peine pécuniaire et la poursuite aura lieu d’office,

si le délinquant a fait usage du poison, d’une arme ou d’un objet dangereux,

s’il s’en est pris à une personne hors d’état de se défendre ou à une personne, notamment à un enfant, dont il avait la garde ou sur laquelle il avait le devoir de veiller.

si l’auteur est le conjoint de la victime et que l’atteinte a été commise durant le mariage ou dans l’année qui a suivi le divorce,3

si l’auteur est le partenaire enregistré de la victime et que l’atteinte a été commise durant le partenariat enregistré ou dans l’année qui a suivi sa dissolution judiciaire,4

si l’auteur est le partenaire hétérosexuel ou homosexuel de la victime pour autant qu’ils fassent ménage commun pour une durée indéterminée et que l’atteinte ait été commise durant cette période ou dans l’année qui a suivi la séparation.5


1 Nouvelle teneur selon le ch. I de la LF du 23 juin 1989, en vigueur depuis le 1er janv. 1990 (RO 1989 2449; FF 1985 II 1021).
2 Nouvelle teneur du par. selon le ch. II 2 de la LF du 13 déc. 2002, en vigueur depuis le 1er janv. 2007 (RO 2006 3459; FF 1999 1787).
3 Par. introduit par le ch. I de la LF du 3 oct. 2003 (Poursuite des infractions entre conjoints ou partenaires), en vigueur depuis le 1er avr. 2004 (RO 2004 1403; FF 2003 1750 1779).
4 Par. introduit par l’annexe ch. 18 de la LF du 18 juin 2004 sur le partenariat, en vigueur depuis le 1er janv. 2007 (RO 2005 5685; FF 2003 1192).
5 Anciennement par. 4. Introduit par le ch. I de la LF du 3 oct. 2003 (Poursuite des infractions entre conjoints ou partenaires), en vigueur depuis le 1er avr. 2004 (RO 2004 1403; FF 2003 1750 1779).

Art. 177 CP
Injure
 

1 Celui qui, de toute autre manière, aura, par la parole, l’écriture, l’image, le geste ou par des voies de fait, attaqué autrui dans son honneur sera, sur plainte, puni d’une peine pécuniaire de 90 jours-amende au plus.1

2 Le juge pourra exempter le délinquant de toute peine si l’injurié a directement provoqué l’injure par une conduite répréhensible.

3 Si l’injurié a riposté immédiatement par une injure ou par des voies de fait, le juge pourra exempter de toute peine les deux délinquants ou l’un d’eux.


1 Nouvelle teneur du membre de phrase selon le ch. II 1 al. 16 de la LF du 13 déc. 2002, en vigueur depuis le 1er janv. 2007 (RO 2006 3459; FF 1999 1787).