A.                               a) X.________ est née en 1970, au Maroc, dont elle est originaire. Elle est mariée à A.________. Deux enfants sont issus de leur union ; il s’agit de B.________ et C.________, nées respectivement en 2004 et 2006. Depuis le 1er décembre 2018, les époux X.________ et A.________ sont séparés. D’un point de vue professionnel, X.________ a d’abord travaillé comme maman de jour, puis a été engagée, le 7 janvier 2017, en qualité d’aide infirmière au sein de l’hôpital de W.________ sur le site de Z.________. Elle a d’abord travaillé sur appel. Dès le 1er mai 2018, elle a signé avec son employeur un avenant fixant son taux d’activité à 70%. De son côté, A.________ a connu plusieurs périodes de chômage et a eu plusieurs emplois précaires. Il a travaillé à temps partiel comme livreur de journaux, dans une boulangerie et au service d’une entreprise de nettoyage. Dès 2013, il a travaillé comme chauffeur pour D.________ Sàrl, d’abord à 20%, puis à 80%. Il a ensuite suivi une formation de chauffeur de taxi et espère trouver un emploi dans ce domaine. Entre octobre 2005 et le 31 décembre 2015, X.________ et A.________ ont bénéficié de l’aide sociale pour compléter leurs revenus. Comme l’Office de l’aide sociale de W.________ ne garantissait pas leur loyer, leurs revenus étaient directement versés sur leur compte bancaire et non en mains de l’office. Au moment de solliciter l’aide sociale, les époux X.________ et A.________ ont signé un formulaire de demande sur lequel figuraient des extraits de la loi sur l’action sociale soit, notamment une référence à l’article 42 LASOC, qui impose au bénéficiaire de signaler sans retard à l’autorité d’aide sociale tout changement dans sa situation pouvant entraîner la modification de l’aide. L’article 73 LASOC qui punit d’une amende les bénéficiaires qui auraient fait sciemment de fausses déclarations était également reproduit. Les notes d’entretien des assistantes sociales de référence indiquent que les entretiens ont été plus nombreux dès 2011, à mesure que la situation financière des époux X.________ et A.________ était devenue plus délicate. Le dossier ne contient aucun budget d’entretien.

b) Le 4 juin 2013, lors d’un rendez-vous, X.________ a reconnu qu’elle avait falsifié les fiches de salaire qu’elle avait fournies à son assistante sociale pour diminuer fictivement ses revenus et toucher plus d’argent. Le 7 mars 2014, elle a été condamnée par ordonnance pénale à une peine de 110 jours-amende à 25 francs le jour avec sursis durant un délai d’épreuve de 2 ans et à une peine additionnelle de 300 francs pour avoir, entre le 1er août 2012 et le 4 juin 2013 dissimulé, aux services sociaux le fait qu’elle percevait d’autres revenus provenant d’un emploi auprès de l’accueil familial de jour à W.________, puis avoir produit des fiches de salaire falsifiées aux services sociaux, obtenant ainsi des prestations sociales indues à hauteur de 9'289.45 francs. C’est là son seul antécédent inscrit au casier judiciaire. A.________ a été condamné pour les mêmes faits à 440 heures de travail d’intérêt général avec sursis durant un délai d..reuve de 2 ans et à une peine additionnelle de 300 francs. Son casier judiciaire comporte un autre antécédent, soit une condamnation en 2016 pour violation grave des règles de la circulation routière.

B.                               a) Le 27 septembre 2016, la commune de W.________, par son service juridique, a déposé une plainte pénale à l’encontre de X.________ et A.________, en exposant que ceux-ci avaient bénéficié de l’aide sociale de la commune de W.________ du 6 octobre 2005 au 31 décembre 2015. Ils avaient signé un formulaire de demande d’aide sociale, sur lequel il leur était rappelé leurs obligations de renseigner le service de l’aide sociale de manière complète sur leur situation personnelle et financière, ainsi que tout changement pouvant entraîner une modification de l’aide allouée. Ce devoir leur avait ensuite été rappelé. Au mois de septembre 2015, le service de l’aide sociale avait effectué des vérifications, en demandant un extrait des comptes individuels AVS des intéressés à l’Office cantonal de l’action sociale. Il avait ensuite été découvert que les salaires figurant sur les extraits de compte ne correspondaient pas aux salaires qu’ils avaient annoncés au service de l’aide sociale. Le 6 novembre 2015, lors d’un entretien avec le couple, l’assistante sociale en charge du dossier leur avait demandé de fournir leurs fiches de salaire ainsi qu’un extrait de tous leurs comptes. Malheureusement, aucun de ces documents n’avaient été fourni de sorte que l’aide sociale avait été suspendue avec effet au 18 décembre 2015. Au mois de février 2016, les intéressés avaient transmis aux services sociaux quelques relevés du compte bancaire de A.________. Le 23 février 2016, une nouvelle rencontre avait eu lieu avec le couple. Le 7 mars 2016, une décision avait été notifiée aux époux X.________ et A.________, demandant le remboursement de l’aide sociale versée à tort depuis le 1er octobre 2005. Cette décision mettait également fin à l’octroi de l’aide sociale avec effet au 1er janvier 2016 en raison du refus des bénéficiaires de fournir les renseignements nécessaires pour établir leur situation d’indigence. L’aide sociale perçue à tort se montait à 76'776.60 francs. Par leur comportement, les époux X.________ et A.________ avaient ainsi enfreint l’article 146 CP qui réprimait l’escroquerie. Enfin, la commune de W.________ a rappelé que les époux X.________ et A.________ avaient déjà été condamnés par ordonnance pénale du 7 mars 2014 pour des faits semblables.

b) Le 9 décembre 2016, le ministère public a transmis la plainte à l’Office de contrôle du service de l’emploi pour qu’il obtienne de la commune de W.________ les notes d’entretien des assistantes sociales en charge du dossier des époux X.________ et A.________ et pour qu’il interroge les intéressés.

c) Le 13 mars 2017, X.________ a été interrogée par l’Office de contrôle (ci-après : OFCO) sur les faits de la plainte. Elle a exposé sa situation personnelle et quelles étaient ses sources de revenu. Lorsqu’elle bénéficiait de l’aide sociale, les services sociaux complétaient son salaire. C’était son mari qui se rendait aux entretiens avec les services sociaux. Elle ne savait donc pas ce qu’il avait annoncé comme revenu. C’était aussi son mari qui s’occupait des affaires financières de la famille. Comme ils n’arrivaient pas à boucler les fins de mois, ils avaient demandé de l’aide à leur famille et amis qui leur avaient prêté de l’argent. X.________ a été informée du fait que les salaires annoncés à l’Office de l’aide sociale étaient inférieurs aux revenus effectivement gagnés ; elle n’a pas été en mesure d’expliquer ces différences. A la question de savoir si ces différences pouvaient en dix ans atteindre 84'788.70 francs, elle a estimé que cela n’était pas possible. Elle n’avait pas été en mesure de fournir à la commune de W.________ ses relevés de compte pour une période de 10 ans, parce que les frais que la banque lui demandait étaient trop élevés pour qu’elle puisse faire face à cette dépense. Son mari annonçait ses revenus aux services sociaux en glissant dans une boîte aux lettres dédiée à cet usage ses fiches de salaire, chaque mois. Les rendez-vous avec l’assistante sociale n’étaient pas très fréquents. Ils avaient lieu tous les quatre ou cinq mois. Elle a contesté devoir restituer un trop perçu d’aide sociale de 76'776.60 francs à la commune de W.________. Elle a souhaité obtenir des précisions quant au calcul qui avait été fait. Concernant la première affaire d’escroquerie à l’aide sociale, les époux X.________ et A.________ avaient une dette vis-à-vis de la commune de W.________ de 6'095.80 francs qu’ils n’avaient pas commencé à rembourser, faute de disposer des ressources financières suffisantes. En demandant l’aide sociale, X.________ avait signé un formulaire lui rappelant son obligation de renseigner l’autorité sur sa situation personnelle et financière de manière complète et de signaler tout changement de sa situation pouvant entraîner la modification de l’aide. Elle était consciente de ce que cela signifiait.

d) Le 4 avril 2017, A.________ a été interrogé par l’OFCO. Il a expliqué quelle était sa situation personnelle et financière. Il disposait d’un emploi à 20% et bénéficiait de l’assurance chômage. Lorsqu’il jouissait de l’aide sociale, il avait déclaré tous ses revenus sauf ceux provenant de petits boulots telle la distribution de journaux. Interrogé sur la différence qui existait entre ses revenus effectifs et ceux qu’il avait indiqués aux services sociaux, il a admis qu’il n’avait pas annoncé certains revenus, mais a aussi parlé de retraits d’argent opérés sur le compte de son épouse pour les reverser sur son compte à lui. Ainsi, il avait vendu une caméra et mis le produit de la vente sur son compte. Il avait aussi bénéficié de prêts de la part de proches pour finir le mois. A.________ a estimé que cette différence ne pouvait pas atteindre 84'788.70 francs. Ce montant était trop élevé. Il allait souvent avec son épouse aux rendez-vous que leur donnait leur assistante sociale. Si son épouse ne pouvait pas venir, c’est lui qui y allait. Lorsque leur assistante sociale leur avait demandé de fournir leurs extraits de comptes bancaires pour une période de dix ans, ils n’avaient pas pu obtenir ces documents, parce que cette démarche engendrait des frais bancaires considérables qu’ils n’étaient pas en mesure de payer. Les revenus non déclarés ne dépassaient pas 400 francs par mois. Comme lui et son épouse avaient de la peine à boucler les fins de mois, ils avaient emprunté de l’argent à la famille ou à des amis, 14'000 francs provenaient de la famille et 3'000 francs de ses amis. La commune leur réclamait la restitution d’un trop perçu d’aide sociale de 76'776.60 francs. Cela lui paraissait beaucoup. Il fallait enlever les versements qu’il avait effectués depuis le compte de son épouse. Il restait l’argent des livraisons de journaux et les salaires de l’entreprise H.________ qu’il n’avait pas déclarés. Il refusait de signer une reconnaissance de dette, mais il y aurait certainement lieu de s’arranger. Il a confirmé avoir signé une formule pour l’obtention de l’aide sociale lui rappelant ses devoirs légaux. Il était conscient qu’il devait annoncer ses revenus. Pour quelques petites sommes, il ne l’avait pas fait, parce que cela ne lui semblait pas utile. Il a admis les faits qui lui étaient reprochés, mais seulement à concurrence d’un montant beaucoup moins élevé. La situation financière de la famille était très difficile, après que le loyer de leur appartement avait augmenté et se trouvait au-dessus de la norme admise par les services sociaux. Avec son épouse, ils n’étaient pas parvenus à trouver un autre appartement, parce qu’ils avaient de nombreuses poursuites. Pour faire le mois, il restait à la famille parfois seulement 500 francs pour vivre, parfois c’était même moins.

e) Le 26 avril 2017, l’OFCO a établi un rapport à l’attention du ministère public en y joignant les notes d’entretien des assistantes sociales en charge du dossier des époux X.________ et A.________.

C.                               a) Le 15 juin 2017, le ministère public a décidé l’ouverture d’une instruction pénale contre A.________ et X.________, pour escroquerie au sens de l’article 146 CP, subsidiairement infractions aux articles 42 al. 1 et 73 de la loi sur l’action sociale.

b) Les 16 juin et 10 juillet 2017, le ministère public a invité les établissements bancaires de la région à fournir des renseignements concernant toutes relations dont X.________ et A.________ auraient été titulaires ayant droit économique ou fondés de procurations pour la période entre le 1er octobre 2005 et le jour de la réquisition.

c) Le 26 octobre 2017, l’analyste financier du ministère public a établi un rapport après avoir pris connaissance des relevés bancaires des intéressés. Il en ressort qu’entre le 6 octobre 2005 et le 31 décembre 2015, X.________ et A.________ ont perçu sur leurs comptes, en plus de l’aide des services sociaux et des remboursements de l’assurance maladie, 431'662.95 francs répartis comme suit : 11'400 francs d’allocations familiales, 1'687 francs de prestations d’assurances, 93'403.85 francs d’assurances chômage, 5'010.05 francs de divers montants, 266'772.45 francs de salaire et 53'389.60 francs de sommes versées sur leurs propres comptes dont 48'609.60 francs ne sont pas des transferts de compte à compte.

d) Le 24 novembre 2017, le ministère public a demandé à la banque E.________ de lui faire parvenir le relevé de compte lié aux cartes de crédit des intéressés pour la période du 1er janvier 2015 au 16 juin 2017.

e) Le 8 janvier 2018, l’analyste financier a établi une note complémentaire, en indiquant que les renseignements obtenus de la part de la banque E.________ en lien avec les cartes de crédit des intéressés n’avaient pas permis de mettre en lumière des revenus supplémentaires ou des retraits d’argent suivis d’un versement sur le compte bancaire des prévenus. Les conclusions du rapport de l’analyste du 26 octobre 2017 étaient donc confirmées.

f) Par lettre du 22 février 2018, la commune de W.________, se fondant sur les conclusions de l’analyste financier, a établi un décompte complémentaire des montants qui n’avaient pas été annoncés au service de l’aide sociale par les époux X.________ et A.________. Le dommage de la commune de W.________ s’élevait désormais à 100'285.75 francs.

g) Le 31 mai 2018, Me F.________ a annoncé qu’il représentait X.________ et, le 14 juin 2018, a déposé une demande d’assistance judiciaire. Le 28 juin 2018, le ministère public a accordé l’assistance judiciaire à X.________ et désigné Me F.________ en qualité de défenseur d’office.

h) Le 3 juillet 2018, A.________ a été interrogé par le ministère public. Après avoir été informé de ce qui lui était reproché, il a exposé quelle était sa situation personnelle. Il était au chômage depuis une année. Avant, il travaillait à 20 % dans une entreprise qui s’appelait D.________ Sàrl comme chauffeur. D’abord engagé à 20 %, son taux d’occupation avait été augmenté jusqu’à 80 %. Il avait été licencié quand son employeur n’avait plus eu besoin de lui. Actuellement, il était en train de faire un cours pour devenir chauffeur de taxi. Il avait réussi la théorie et espérait bien trouver de l’embauche auprès d’une entreprise de taxi de la région. Il ne percevait plus d’aide sociale depuis le 31 décembre 2015. S’agissant des prétentions de la commune de W.________ qui lui réclamait un trop perçu d’aide sociale de 100'285.75 francs, il a estimé que c’était un montant trop élevé. C’est pour cette raison qu’il n’avait pas signé de reconnaissances de dette en faveur de la lésée. En considérant que cette somme représentait environ 10'000 francs par an et 800 francs par mois, cela lui paraissait davantage plausible. Avant 2010, son loyer était de 1'455 francs par mois. Ensuite, il avait été augmenté à 1'855 francs. Malheureusement, il ne lui avait pas été possible de changer d’appartement car il avait des poursuites. En outre, l’aide sociale pour les loyers était limitée à 1'500 francs par mois. Les services sociaux avaient refusé d’entrer en matière pour garantir le loyer d’un autre appartement, dans la mesure où l’aide qui leur était accordée état partielle. Il avait donc dû trouver une solution pour combler ce trou. C’est la raison pour laquelle il avait pris des emplois le soir et le matin pour payer différentes factures. Concernant certains versements en espèces sur son compte, A.________ a expliqué que lorsqu’il travaillait comme chauffeur pour D._______ Sàrl, il devait véhiculer les invités de son employeur qui venaient visiter la Suisse. Après leur périple, ces gens lui donnaient de l’argent car ils connaissaient sa situation financière difficile. Il versait ensuite cet argent sur son compte. Comme il s’agissait de donations, il ne devait pas les annoncer aux services sociaux. Ces montants pouvaient représenter jusqu’à 11'000 francs par an. Avec cet argent, il payait les factures du ménage, pouvait acheter des habits pour ses enfants et payer l’assurance de la voiture. Il pensait que son épouse n’était pas au courant. Il a admis qu’il avait omis d’annoncer aux services sociaux ses revenus de livreur de journaux et d’employé d’une entreprise de nettoyage. Il contestait le montant du dommage. Il l’estimait à 40'000 francs. Il a ajouté que dès qu’il aurait trouvé un emploi, il proposerait aux services sociaux un plan de remboursement. Il avait déposé ses fiches de salaire tous les mois aux services sociaux et de cette façon, son assistante sociale calculait l’aide mensuelle qui était versée. Il se rendait aussi aux entretiens réguliers, tous les trois ou quatre mois, seul ou avec son épouse. Pour le prévenu, le but de ces rendez-vous était surtout de demander des montants supplémentaires aux services sociaux, parce qu’il n’arrivait pas à boucler les fins de mois et que s’il avait annoncé ses revenus l’aide des services sociaux aurait été diminuée d’autant. Les revenus qu’il n’avait pas annoncés aux services sociaux s’élevait à 400 ou 600 francs par mois, ce qui n’était pas très élevé. Lorsqu’il rencontrait l’assistante sociale, il était aussi question de ses revenus. Son épouse ne savait pas qu’il ne déclarait pas tout. Ils faisaient les paiements ensemble et son épouse était au courant de la situation financière de la famille. Les versements sur leurs comptes ont été estimés à 53'389.60 francs par l’analyste financier, correspondaient à ce qu’il recevait en plus de son salaire de chauffeur au service de D.________ Sàrl. Il ne fallait pas oublier les prêts de l’ordre de 10'000 francs que sa famille lui avait accordés, dont il n’avait remboursé que 6'000 ou 7'000 francs. Il avait déjà été condamné en 2014 pour des faits similaires. Il n’avait cependant rien voulu dire sur sa situation, parce qu’il ne voulait pas s’enfoncer encore plus. Il avait répondu aux questions qui lui étaient posées et n’avait pas spontanément parlé des autres éléments. Il admettait qu’il avait commis des erreurs, mais il s’était trouvé dans une situation financière difficile et il avait essayé de trouver des solutions. Il était disposé à rembourser le montant dû. Il a exprimé des regrets.

i) Le 3 juillet 2018, X.________ a été interrogée par le ministère public concernant sa situation personnelle. Elle a expliqué qu’elle vivait avec son mari et ses enfants, qu’elle travaillait à l’hôpital depuis le 25 décembre 2016 comme aide infirmière, d’abord sur appel, puis, depuis le 1er mai 2018, comme employée à 70 %. Elle n’était plus à l’aide sociale depuis le mois de janvier 2016. Elle n’avait pas donné à l’assistante sociale tous ses relevés bancaires, parce que les frais bancaires auraient été trop élevés. Elle avait autorisé l’assistante sociale à demander ces documents. Durant la période où elle et son mari bénéficiaient de l’aide des services sociaux, c’est A.________ qui s’occupait des affaires financières de la famille. Elle ne savait pas que ses revenus et ceux de son mari étaient trop élevés et qu’elle recevait de l’aide à laquelle elle n’avait pas droit. Elle ignorait que son mari recevait des sommes importantes sur son compte et ce qu’il en avait fait. Elle avait toujours annoncé tout ce qu’elle gagnait. L’essentiel pour elle avait été que le loyer et les assurances soient payés. Le reste elle ne s’en occupait pas. Elle voyait bien qu’il n’y avait pas assez d’argent pour payer toutes les charges de la famille, c’est pourquoi elle avait demandé de l’aide de proches, en particulier à sa sœur. La situation s’était aggravée lorsque le loyer avait augmenté. Elle téléphonait aussi régulièrement à l’assistante sociale pour demander que la commune l’aide davantage. Malheureusement, on lui répondait toujours négativement. Depuis qu’elle et son mari avaient été condamnés pour des faits similaires, elle avait demandé davantage d’explications à son mari et décidé de reprendre la situation en main et de tout vérifier. C’était d’ailleurs à partir de ce moment-là qu’il y avait eu un conflit avec lui. A sa connaissance, il avait toujours eu un seul emploi et elle aurait souhaité qu’il cherche un emploi mieux payé. Elle estimait que son mari se contentait de ce qu’il avait et qu’il n’était pas « un bosseur », cela engendrait des conflits entre eux. Elle a ajouté que c’était son mari qui allait aux rendez-vous des services sociaux. Elle y allait quand on le lui demandait. Elle se souvenait y être allé trois ou quatre fois. En somme, c’était difficile pour elle de venir à ces rendez-vous, parce qu’elle devait s’occuper des enfants. Avant la naissance de sa fille, elle avait aussi vécu une période difficile avec plusieurs fausses couches avant la naissance de celle-ci. Pendant cette période, elle avait dû consulter un psychologue. Le but des entretiens auprès des services sociaux était d’éclaircir la situation financière de la famille. A ce moment-là, elle n’avait aucun doute sur le fait que son mari avait fourni toutes les informations nécessaires au sujet de leurs revenus. Elle ignorait qu’il avait caché certains éléments. Concernant le montant de 100'285.75 francs réclamé par l’Office de l’aide sociale de la commune de W.________ à titre de réparation du dommage, elle s’est dite très étonnée par l’ampleur de cette somme. Elle avait demandé à son mari ce qu’il en était et il lui avait répondu qu’il ne savait pas non plus comment cela était possible. Elle n’avait pas signé de reconnaissance de dette. Elle était d’accord de rembourser « vu que cela était collé sur notre dos à nous deux », mais elle voulait toutefois savoir à quoi cette somme correspondait puisqu’elle n’avait pas disposé de cet argent. Elle avait pensé que cette situation allait s’améliorer, lorsque son mari aurait trouvé un travail fixe de chauffeur de taxi. Il lui avait dit qu’il voulait tout rembourser. Elle n’avait aucune fortune au Maroc et s’y rendait une fois par année durant deux ou trois semaines pour voir la famille. Quand elle n’avait pas suffisamment d’argent, elle n’y allait pas. Cette situation l’affectait mais elle était soulagée car elle savait qu’elle n’avait rien fait de mal. Elle n’ignorait pas qu’elle risquait d’être condamnée. Elle trouvait cette situation injuste, parce qu’elle avait le sentiment qu’elle serait condamnée seulement parce qu’elle était mariée avec celui qui était le véritable responsable de la situation. Elle avait toujours tout dit ce qu’elle savait. Elle savait que son mari en plus de son travail principal distribuait des journaux, mais elle ignorait que celui-ci n’informait pas les services sociaux de ce revenu supplémentaire.

« j) Le 4 juillet 2018, le ministère public a émis un avis de prochaine clôture au sens de l’article 318 al. 1 CPP. Le 14 août 2018, la prévenue a informé le ministère public qu’elle n’avait pas de réquisition de preuve complémentaire à formuler. Le 2 octobre 2018, après avoir obtenu des extraits du casier judiciaire des prévenus, le ministère public a établi un acte d’accusation et a renvoyé devant le tribunal de police X.________ et A.________ en leur reprochant d’avoir :

Les préventions suivantes sont retenues à l'encontre de X.________ :

I.     Escroquerie, évent. par métier (art. 146 al. 1 et 2 CP), subsidiairement infraction aux articles 42 al. 1 et 73 de la Loi sur l'action sociale

1.       1.1.        à W.________,

1.2.       du 6 octobre 2005 au 31 décembre 2015,

1.3.       de concert avec A.________, son mari,

1.4.       dans un dessein d'enrichissement illégitime,

1.5.       bien qu'inscrite à l'Office de l'aide sociale de W.________ et garante de l'obligation de renseigner complètement et correctement ledit Office sur sa situation personnelle et financière,

1.6.       avoir dissimulé à l'aide sociale d'autres revenus perçus par le couple provenant de divers emplois auprès de G.________ Sàrl à (…), H.________ AG à (…) ainsi que de I.________,

1.7.       obtenant ainsi astucieusement des prestations de l'aide sociale auxquelles le couple X.________ et A.________ n'avait pas droit, à hauteur de CHF 100'285.75,

1.8.       utilisant les sommes ainsi reçues essentiellement pour améliorer la situation financière de la famille et financer leurs dépenses quotidiennes,

1.9.       causant un dommage de CHF 100'285.75 à l'Office de l'aide sociale de W.________.

Les préventions suivantes sont retenues à l'encontre de A.________ :

I.     Escroquerie, évent. par métier (art. 146 al. 1 et 2 CP), subsidiairement infraction aux articles 42 al. 1 et 73 de la Loi sur l'action sociale

1.       1.1.        à W.________,

1.2.       du 6 octobre 2005 au 31 décembre 2015,

1.3.       de concert avec X.________, sa femme,

1.4.       dans un dessein d'enrichissement illégitime,

1.5.       bien qu'inscrit à l'Office de l'aide sociale de W.________ et garant de l'obligation de renseigner complètement et correctement ledit Office sur sa situation personnelle et financière,

1.6.       avoir dissimulé à l'aide sociale d'autres revenus perçus par le couple provenant de divers emplois, notamment auprès de G.________ Sàrl à (…), H.________ AG à (…) ainsi que de I.________,

1.7.       obtenant ainsi astucieusement des prestations de l'aide sociale auxquelles le couple X.________ et A.________ n'avait pas droit, à hauteur de CHF 100'285.75,

1.8.       utilisant les sommes ainsi reçues essentiellement pour améliorer la situation financière de la famille et financer leurs dépenses quotidiennes,

1.9.       causant un dommage de CHF 100'285.75 à l'Office de l'aide sociale de W.________. ».

D.                               a) Devant le tribunal de police, le 4 décembre 2018, la prévenue a été interrogée. Elle a exposé qu’elle allait rarement aux rendez-vous de l’assistante sociale, parce qu’elle travaillait comme maman de jour. Elle avait des contacts téléphoniques avec l’assistante sociale pour demander des avances qu’on lui refusait toujours. Elle avait donc laissé son mari s’occuper des relations avec les services sociaux. Pour elle, l’essentiel était de remplir son « frigo ». Elle avait toujours donné ses fiches de salaire et à sa connaissance son mari n’avait qu’un seul travail. Elle savait qu’il livrait des journaux en plus de son emploi principal, mais elle ignorait qu’il ne déclarait pas cette activité. Elle estimait avoir toujours été honnête dans cette affaire et avait de bons contacts avec son assistante sociale à qui elle se confiait. Elle ignorait, en 2013 et 2014, ce que son mari avait sur son compte en banque. Aujourd’hui, c’était la cause de leurs conflits. Ils s’étaient d’ailleurs séparés. Son mari ne voulait jamais faire d’efforts pour gagner plus d’argent, alors qu’il avait une bonne formation. Ils avaient eu beaucoup de difficultés financières. Elle avait toujours travaillé et souhaitait sortir de cette situation dont elle n’était pas fière.

                        b) Interrogé lors de la même audience, A.________ a expliqué qu’il admettait n’avoir jamais déclaré à l’aide sociale les revenus tirés de la distribution des journaux et de son emploi dans une entreprise de nettoyage. Lui et sa femme avaient un loyer de 1'855 francs et l’aide sociale ne prenait en compte qu’un loyer de 1'500 francs. Ils demandaient plus d’aides, mais cela leur étaient refusées. Ils avaient « toujours des trous dans leur budget ». En plus de cela, ils ne pouvaient pas déménager à cause des poursuites qui étaient ouvertes contre eux. Il avait travaillé pour une entreprise, puis à la boulangerie et, dès 2013, il travaillait pour D.________ Sàrl. Il arrivait que les amis de D.________ Sàrl ou des membres de sa famille lui fassent des dons. Il ne pensait pas qu’il devait déclarer cet argent à l’aide sociale. Il contestait les 100'000 francs que la commune de W.________ lui réclamait. Le dommage de la commune n’excédait pas 48'609.60 francs (soit les montants qu’il avait perçu en liquide en dehors de son salaire et qu’il avait versés sur son compte). Actuellement il était en train de suivre une formation de chauffeur de taxi et il commencerait à rembourser ce qu’il devait, dès qu’il aurait du travail. Il allait tous les mois à l’aide sociale. La plupart du temps il était seul car son épouse était occupée avec les enfants. C’est lui qui donnait ses fiches de salaire au services sociaux. Son épouse n’était pas au courant des renseignements qu’il donnait. Actuellement, il n’avait pas de revenu.

c) Devant le tribunal de police, le 12 mars 2019, J.________ a été entendue comme témoin. Elle a expliqué qu’elle avait travaillé pour les services sociaux de la commune de W.________ comme assistante sociale du 1er juin 2011 au 31 mai 2013. Elle rencontrait les personnes bénéficiaires tous les trois mois. Lorsque les bénéficiaires de l’aide sociale réalisaient un revenu, il y avait deux possibilités : soit le salaire était versé sur le compte du bénéficiaire, soit il était encaissé directement par le service social, si le service social était garant du loyer. Il ne s’agissait toutefois pas d’une pratique systématique. On pouvait se contenter des justificatifs de paiements du loyer en vue de favoriser l’autonomie des bénéficiaires. Lorsque quelqu’un sollicitait l’intervention du service social, il devait d’abord signer une demande d’aide sociale indiquant le cadre légal de l’octroi des prestations ainsi qu’un rappel de ses obligations. Lorsqu’un salaire était versé, toutes les fiches de salaire devaient être transmise au service social. Les bénéficiaires disposaient d’une boîte aux lettres destinée à recueillir les fiches de salaire. De cette manière, tous les mois, le service recalculait l’aide sociale à laquelle les bénéficiaires avaient droit. Elle n’avait pas le souvenir d’avoir fait des démarches systématiques auprès de l’AVS pour vérifier les déclarations des personnes assistées. Elle n’avait plus de souvenir des prévenus. Elle savait qu’elle les avait rencontrés dans le cadre de son travail.

d) Lors de la même audience, K.________ a été entendue comme témoin. Elle a expliqué qu’elle travaillait comme assistante sociale pour la commune de W.________ depuis le mois de février 2013. Elle était responsable de l’aide sociale versée aux prévenus. Elle devait rencontrer les bénéficiaires au minimum une fois tous les trois mois. Elle se souvenait que les discussions avec les prévenus avaient porté sur leurs emplois et sur leur loyer qui était trop élevé. Tous les revenus devaient être annoncés et le service avait besoin des fiches de salaire toutes les fins de mois pour établir le budget des prévenus. Les époux X.________ et A.________ avaient déjà commis une fraude précédemment. Leur budget était ainsi grevé de 400 francs par mois pour le remboursement de ce qu’ils avaient indument perçu. Le loyer des intéressés dépassait les normes pour le calcul de l’aide matérielle de 300 francs. Cette situation était donc difficile. Pourtant, ils donnaient l’impression de ne pas avoir de problèmes financiers. A.________ conduisait une Mercedes. Elle n’avait pas vérifié si celle-ci lui appartenait. Elle avait l’impression qu’il avait un abonnement de fitness vu l’inscription sur son sac de sport. Les prévenus étaient toujours bien habillés. Tout cela avait éveillé des soupçons et elle avait fait des vérifications auprès de l’AVS. Elle était ainsi tombée sur d’autres revenus que ceux qui avaient été annoncés à son service. Elle en avait discuté avec les intéressés. Elle avait demandé toutes les fiches de salaire et les extraits de compte depuis l’ouverture du dossier. Les prévenus ne lui avaient pas tout de suite répondu. Les prévenus avaient expliqué que certaines fiches de salaire ne pouvaient plus être fournies pour différents motifs. Fin février 2016, le couple était venu amener une liasse de documents dont leurs passeports. Ils étaient repartis de l’entretien fâchés en emportant avec eux leurs documents. Elle leur avait demandé qu’ils déposent des attestations de la part des prêteurs, mais les prévenus avaient refusé. Lorsqu’elle discutait avec X.________ et A.________, elle avait l’impression que chacun savait très bien ce que l’autre faisait. Tout le monde intervenait dans la discussion. Au vu de cette situation l’aide avait été suspendue. Elle avait fait le premier calcul du dommage.

e) Lors de cette audience, X.________ a été interrogée une nouvelle fois. Elle a expliqué qu’elle avait donné à une assistante sociale un certificat émanant de sa sœur qui attestait les prêts que cette dernière lui avait accordés. Il s’agissait de petits montants qu’elle remboursait, quand elle pouvait. K.________ avait commencé à voir les prévenus ensemble lorsque l’enquête avait commencé. X.________ lui avait expliqué qu’elle ne pouvait pas lui fournir les justificatifs qu’elle demandait. Lorsque l’assistante sociale les avait reçus elle avait pu constater que l’argent n’avait pas transité sur son compte. D’un point de vue personnel, elle était séparée depuis le 1er novembre 2018 et elle vivait avec ses enfants. Elle touchait un salaire de 3'600 francs par mois, y compris les allocations familiales. Elle payait un loyer de 1'450 francs et pour l’instant elle ne percevait pas de contributions d’entretien. Une requête de mesures protectrices de l’union conjugale avait été déposée en janvier 2019. Elle travaillait toujours pour le même employeur à 70 % et les primes d’assurance maladie pour elle et ses enfants étaient subventionnées à 100 %.

f) A.________ a aussi été interrogé. Il a exposé que K.________ savait qu’il travaillait pour D.________ Sàrl comme chauffeur. La Mercedes qu’il conduisait ne lui appartenait donc pas. C’était son outil de travail. L’emploi auprès de D.________ Sàrl était connu des services sociaux. Il achetait des habits en solde dans les magasins et il n’avait pas d’abonnement de fitness. L’aide sociale avait été bloquée tant que les services sociaux n’avaient pas obtenus les documents requis. Il avait été coopératif. Il avait produit devant les services sociaux ce qu’il avait pu, soit les extraits bancaires des six derniers mois, que la banque ne leur facturait pas. Il avait aussi signé une procuration générale pour permettre aux services sociaux de faire des vérifications. Il était vrai qu’à la fin du rendez-vous avec K.________, il avait repris les documents qu’il lui avait amenés, mais il les lui avait renvoyés par la suite. Il travaillait comme chauffeur de taxi temporaire. Au mois de juin son employeur devrait lui proposer un engagement fixe. Son revenu actuel était de 2'000 francs par mois et son loyer de 1'600 francs.

g) Dans le jugement motivé du 4 juin 2019, le tribunal de police a retenu que les prévenus, au moment de demander l’aide sociale, avaient rempli un formulaire de demande leur rappelant leurs devoirs vis-à-vis des services sociaux notamment celui de donner des renseignements sur leur situation financière et de signaler les modifications de celle-ci. Les notes d’entretien étaient nombreuses, ce qui montrait que les contacts entre les services sociaux et le couple avait été fréquents. Le 6 novembre 2015, lorsque les époux X.________ et A.________ ont été confrontés au fait que les éléments de salaire annoncés ne correspondaient pas à leurs revenus effectifs, ils avaient contesté. Il ressort des notes de séance du 23 février 2016 que la prévenue avait soutenu à l’assistante sociale que son mari n’avait pas d’autres activités. Lorsque l’on examinait le compte individuel de A.________, on pouvait constater au vu de l’importance des salaires versés, qu’il avait dû consacrer un temps considérable à ses diverses activités non déclarées. De son côté, l’épouse avait peu travaillé. Elle pouvait donc parfaitement se rendre compte de l’activité déployée par son mari. Or, malgré les nombreux contacts avec les assistantes sociales durant le suivi de ce dossier, elle n’avait jamais fait allusion à cela et avait nié que son mari avait effectué un autre travail. Il fallait donc retenir que la responsabilité de ce manque de collaboration avec les services sociaux incombait aux deux époux, qui avaient profité ensemble des montants versés indûment par l’aide sociale. En se fondant sur les rapports de l’analyste financier et sur les estimations de la commune de W.________, il fallait retenir que le préjudice s’élevait à 100'285.75 francs comme cela figurait dans l’acte d’accusation. Les prévenus connaissaient, depuis le moment où ils avaient signé la formule de demande, leurs obligations vis-à-vis des services sociaux. Ils avaient déjà été condamnés pour des faits similaires en 2014. En l’occurrence, les prévenus n’avaient pas falsifié de document, mais s’étaient contentés de ne pas transmettre des informations qui étaient en leur possession pour améliorer leur situation financière, pendant une dizaine d’années. Ils n’avaient pas seulement eu un rôle passif, ils avaient aussi, au vu des notes d’entretien, formulé de nombreuses demandes à l’égard du service social. Après leur première condamnation, ils n’avaient pas changé leur façon d’agir. Ils ne s’étaient donc pas trouvés dans la situation de personnes qui reçoivent l’aide sans qu’aucune question ne leur soit jamais posée. Il fallait donc en déduire qu’ils avaient trompé le service social en dissimulant l’existence de revenus annexes. Le service de l’aide social n’avait pas de raison de douter de la parole des prévenus et il n’incombait pas au service social d’effectuer régulièrement des vérifications auprès de la caisse AVS comme cela avait été fait quand l’assistante sociale en charge du dossier avait commencé à avoir des doutes à leur sujet. Enfin, il n’était pas possible pour le service social d’accéder aux comptes bancaires des prévenus, de sorte que le service ne pouvait pas vérifier les allégations des prévenus. La tromperie était donc astucieuse.

E.                               a) Seule la prévenue a contesté ce jugement. Dans son mémoire d’appel motivé, X.________ rappelle les faits de la cause, puis expose les faits retenus par le tribunal de police dans le jugement querellé. L’appelante reproche en premier lieu à la première juge une constatation erronée des faits. En premier lieu, la plaignante n’a pas produit de budget d’aide mensuelle avec la signature des prévenus. Deuxièmement, il n’a pas été demandé à l’appelante de signer les notes d’entretien de l’assistante sociale. Troisièmement les notes des assistantes sociales, qui se sont succédées pour suivre la situation des prévenus, montrent que le suivi était lacunaire de la part de la commune de W.________. En 2005, l’appelante n’a jamais été reçue. En 2007, il n’y a pas eu d’entretien. En 2008, il y a eu quatre entretiens et trois en 2009 et en 2010. Dès 2011, les entretiens ont été plus nombreux parce que plusieurs problèmes se posaient et avaient des répercussions sur le budget familial. On peut déduire des notes d’entretien qu’il y a eu 52 rendez-vous et que l’épouse n’a participé qu’à 20 d’entre eux, soit environ un sur trois. Et quatrièmement, les notes d’entretien versées au dossier montrent que l’appelante a précédemment triché, non pas en cachant la situation de son mari, mais en falsifiant ses propres feuilles de salaire, ce qui ne signifie pas encore qu’elle connaissait la situation financière de son époux. Il subsiste donc un doute au sujet de ce que l’appelante savait véritablement. Il semble en effet que le mari tenait son épouse à l’écart de la réalité. Le jugement attaqué se fonde ainsi sur un état de fait insuffisant pour justifier une condamnation. En droit, si l’on se réfère à la jurisprudence de la Cour pénale, une escroquerie à l’aide sociale peut être retenu si : a) un budget mensuel est déposé devant l’autorité chargée de juger et : b) s’il a été signé par la personne prévenue. En l’espèce, tel n’est pas le cas, en 11 ans d’aide sociale apportée aux époux X.________ et A.________, il n’y a pas eu de budget mensuel signé par ces derniers. Selon la jurisprudence précitée, il ne peut donc pas être retenu un cas d’escroquerie aux services sociaux. En outre, une omission punissable de fournir des renseignements ne peut pas non plus être retenue car la seule obligation d’informer prévue par l’article 42 LASOC ne suffit pas pour considérer le bénéficiaire comme étant dans une position de garant. Le Tribunal fédéral précise que le seul fait de recevoir des prestations d’assurance n’a pas valeur de déclarations positives par acte concluant et ne suffit pas pour que l’on retienne que le bénéficiaire ait adopté un comportement actif, comme cela pourrait être le cas si avant de toucher des prestations il a été invité à remplir un questionnaire mensuel dans lequel il aurait omis de fournir des renseignements. Il n’est pas établi qu’au moment de signer la demande d’aide sociale, le 5 octobre 2005, l’appelante dissimulait déjà des revenus. Le dossier ne montre pas non plus que l’appelante aurait été invitée à répondre à d’autres questionnaires ou à signer les notes d’entretien. L’appelante n’a donc pas adopté un comportement actif pour tromper les services sociaux. Il ne ressort pas non plus des notes d’entretien que l’appelante aurait répondu faussement à des questions explicites sur l’établissement de sa situation financière ou sur la modification de celle-ci. Sur la seule base des notes d’entretien déposées au dossier, il est impossible de déterminer, lorsque l’appelante était présente aux entretiens et ce qu’elle a dit. L’appelante apparaît plutôt comme ayant été une interlocutrice secondaire. Au bénéfice du doute, il ne peut être retenu un comportement actif. En outre, le seul fait que le couple vivait ensemble n’est pas suffisant pour retenir que l’appelante pouvait parfaitement se rendre compte de l’activité de son mari. Le fait que l’appelante procédait à de nombreuses demandes de prestations supplémentaires aux services sociaux montre qu’au contraire l’épouse ignorait les véritables revenus de son mari. L’opacité sur les questions financières du mari a d’ailleurs eu un rôle important dans la séparation des époux X.________ et A.________. Lors du rendez-vous du 14 octobre 2013, l’épouse a émis des doutes sur la réalité de la situation de son époux. Cela aurait dû amener la première juge à retenir que celui-ci avait une vie parallèle, dont il ne disait pas mot à son épouse. Le 12 janvier 2012, l’appelante a téléphoné au gestionnaire de son dossier pour annoncer des difficultés dans la gestion des ressources familiales après que son mari voulait percevoir directement les allocations familiales sur son compte. Il ressort aussi des notes d’entretien qu’il y avait de nombreux conflits entre les époux au sujet des finances du couple, ce qui les a conduits à la séparation. La prévention d’escroquerie peut être réalisée aussi par dol éventuel, si l’on retient que l’épouse devait se rendre compte de l’activité de son mari et acceptait le risque que l’argent qu’elle recevait des services sociaux ait été versé alors que les époux n’y avaient pas droit. Or, tel n’a pas été le cas. X.________ ayant été tenue durant de nombreuses années dans le flou le plus complet par son époux, on ne saurait lui reprocher de ne pas avoir cherché à en savoir plus dans une situation trouble et conflictuelle de rupture conjugale. En outre, un tel reproche ne peut pas être formulé à l’encontre de l’appelante, dans la mesure où sa situation financière ne s’est jamais trouvé améliorée par les montants que son mari touchait et qu’il ne déclarait pas aux services sociaux.

Les faits reprochés à l’appelante peuvent également être réprimés par l’article 73 al. 1 LASOC. En l’espèce, les derniers faits remontent au mois de décembre 2015. Dès lors, même si on retenait les faits tels que décrits dans l’acte d’accusation, cette prévention serait de toute manière prescrite à mesure qu’il s’agit d’une contravention et que le délai de prescription pour de telles infractions est de 3 ans. Les faits étaient donc prescrits au plus tard en décembre 2018. Enfin à titre subsidiaire, même à retenir la culpabilité de l’appelante, le montant du préjudice causé à la plaignante à hauteur de 100'285.75 francs ne pourrait pas être retenus à l’encontre de l’appelante alors que le rapport de l’analyste financier montre que seulement 48'609.60 francs proviennent de sources extérieures. C’est donc à hauteur de ce montant seulement que les faits pourraient être retenus contre la prévenue.

b) Par lettre du 7 novembre 2019, le ministère public a renoncé à présenter des observations mais a conclu à ce que l’appel soit rejeté dans toutes ses conclusions et à ce que les frais de la cause soient mis à la charge des appelants.

c) Par lettre du 12 novembre 2019, la plaignante a indiqué qu’elle n’avait pas d’observations à formuler quant au mémoire d’appel du 22 octobre 2019.

d) L’échange d’écritures a été clos le 12 décembre 2019.

C O N S I D E R A N T

1.                                a) Interjeté dans les formes et délai légaux (art. 399 CPP) par une partie ayant qualité pour recourir contre le jugement du tribunal de première instance qui a clos la procédure (art. 398 al. 1 CPP), l’appel est recevable. Comme le jugement de première instance a été adressé à la prévenue sans communication préalable d’un dispositif, une annonce d’appel n’était pas nécessaire (Moreillon/Parrein-Raymond, Petit commentaire CPP, 2ème éd., n. 11 ad art. 399, avec les références à la jurisprudence).

b) Selon la jurisprudence (arrêts du TF du 11.07.2018 [1B_158/2018] ; du 26.07.2019 [1B_576/2018] cons. 2.4), une commune ou un guichet d’aide sociale ne peut pas intervenir en qualité de partie plaignante dans une procédure pénale ouverte pour escroquerie à l’aide sociale dès lors que la loi lui confère la possibilité de rendre des décisions de nature administrative fixant le préjudice et en ordonnant le remboursement et qu’elle défend des intérêts publics dont la sauvegarde incombe au ministère public. En outre, l’article 14 LI-CPP ou la législation cantonale sur l’action sociale ne contiennent pas de base légale au sens formel autorisant la collectivité publique à intervenir en l’espèce dans la procédure pénale. La Commune de W.________, agissant par son service juridique n’a donc pas qualité de plaignante dans la présente procédure.

c) A.________, qui n’a pas procédé, n’est pas non plus partie à la procédure d’appel.

2.                                Selon l’article 398 CPP, la juridiction d’appel jouit d’un plein pouvoir d’examen sur tous les points attaqués du jugement (al. 2). L’appel peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation, le déni de justice et le retard injustifié, pour constatation incomplète ou erronée des faits et pour inopportunité (al. 3). En vertu de l’article 404 CPP, la juridiction d’appel n’examine en principe que les points attaqués du jugement de première instance (al. 1). Elle peut également examiner en faveur du prévenu les points du jugement qui ne sont pas attaqués, afin de prévenir les décisions illégales ou inéquitables (al. 2).

3.                                a) L’appelante invoque la présomption d’innocence. Elle soutient qu’elle ne connaissait pas entièrement la situation financière de son mari qui la tenait à l’écart de la réalité, de sorte qu’un doute subsiste sur ce que l’appelante connaissait des revenus de son mari et de ce que, ce dernier, déclarait aux services sociaux.

b) Selon l'article 10 CPP, toute personne est présumée innocente tant qu'elle n'est pas condamnée par un jugement entré en force (al. 1). Le tribunal apprécie librement les preuves recueillies, selon l'intime conviction qu'il retire de l'ensemble de la procédure (al. 2). Lorsque subsistent des doutes insurmontables quant aux éléments factuels justifiant une condamnation, le tribunal se fonde sur l'état de fait le plus favorable au prévenu (al. 3).

c) D’après la jurisprudence (arrêt du TF du 29.07.2019 [6B_504/2019] cons. 1.1), la présomption d'innocence, garantie par les articles 10 CPP, 14 § 2 Pacte ONU 2, 6 § 2 CEDH et 32 al. 1 Cst., ainsi que son corollaire, le principe in dubio pro reo, concernent tant le fardeau de la preuve que l'appréciation des preuves (au sens large : ATF 144 IV 345 cons. 2.2.3.1). En tant que règle relative au fardeau de la preuve, la présomption d'innocence signifie, au stade du jugement, que toute personne prévenue d'une infraction pénale doit être présumée innocente jusqu'à ce que sa culpabilité soit légalement établie et, partant, qu'il appartient à l'accusation de prouver la culpabilité de celle-là (cf. aussi ATF 127 I 38 cons. 2a ; arrêt du TF du 30.06.2016 [6B_914/2015] cons. 1.1). Comme règle d'appréciation des preuves, la présomption d'innocence signifie que le juge ne doit pas se déclarer convaincu de l'existence d'un fait défavorable à l'accusé si, d'un point de vue objectif, il existe des doutes quant à l'existence de ce fait. Il importe peu qu'il subsiste des doutes seulement abstraits et théoriques, qui sont toujours possibles, une certitude absolue ne pouvant être exigée. Il doit s'agir de doutes sérieux et irréductibles, c'est-à-dire de doutes qui s'imposent à l'esprit en fonction de la situation objective. Le principe in dubio pro reo est violé si le juge du fond se déclare convaincu de faits défavorables à l'accusé sur lesquels, compte tenu des éléments de preuve qui lui sont soumis, il aurait au contraire dû, objectivement, éprouver des doutes; on parle alors de doute raisonnable (cf. ATF 120 I a 31 ; arrêt du TF du 19.04.2016 [6B_695/2015] cons. 1.1). L'appréciation des preuves est l'acte par lequel le juge du fond évalue la valeur de persuasion des moyens de preuve à disposition et pondère ceux-ci afin de parvenir à une conclusion sur la réalisation ou non des éléments de fait pertinents pour l'application du droit pénal matériel. L'appréciation des preuves est dite libre, car le juge peut par exemple accorder plus de crédit à un témoin, même un prévenu dans la même affaire, dont la déclaration va dans un sens, malgré plusieurs témoins soutenant la thèse inverse; il peut fonder une condamnation sur un faisceau d'indices ; en cas de versions contradictoires, il doit déterminer laquelle est la plus crédible. En d'autres termes, ce n'est ni le genre ni le nombre de preuves qui est déterminant, mais leur force de persuasion (Verniory, in : CR CPP, n. 34 ad art. 10, et les références). Il convient de faire une évaluation globale de l'ensemble des preuves rassemblées au dossier, en s'attachant à la force de conviction de chaque moyen de preuve et non à la nature de la preuve administrée (cf. notamment arrêt du TF du 05.11.2014 [6B_275/2014] cons. 4.2).

d) Le 5 octobre 2005, les époux X.________ et A.________ qui sollicitaient l’aide sociale, ont signé un formulaire de demande, qui leur rappelait leurs devoirs et obligations notamment celles d’annoncer sans retard à l’autorité tout changement dans leur situation pouvant entraîner la modification de l’aide. Il était aussi rappelé la teneur de l’article 73 LASOC qui réprime d’une amende ceux qui font de fausses déclarations pour obtenir une aide matérielle. Les époux X.________ et A.________ avaient bien compris ce qui était attendu d’eux, comme ils l’ont admis lors de leurs différents interrogatoires.

e) La Commune de W.________ n’a déposé aucun budget d’entretien, ni le calcul de l’aide sociale apportée en sus des revenus des parties. Il ne semble pas que les prévenus aient signé, chaque mois, un tel document. Les notes d’entretien des assistantes sociales qui se sont occupées des prévenus ont été rédigées d’une manière peu circonstanciée. Il n’est pas clair de savoir qui était présent aux rendez-vous. Certaines interventions relatées dans les notes d’entretien ne correspondent pas forcément à une rencontre. Comme le relève dans son mémoire d’appel X.________, sa présence aux entretiens des services sociaux n’est établie que pour 20 séances sur les 52 recensées. La Cour pénale ne retient donc pas que X.________ était l’interlocutrice principale des services sociaux.

f) Dans ses déclarations, A.________ a notamment reconnu qu’il était l’interlocuteur principal des services sociaux. C’est lui qui transmettait les fiches de salaire en les glissant dans la boîte aux lettres des services sociaux prévue à cet effet. Son épouse ignorait qu’il ne déclarait pas ses activités de nettoyeur et de livreur de journaux. Elle ne savait pas non plus qu’il recevait des dons de la part des proches de son employeur D.________ Sàrl. Elle était en revanche au courant de la situation financière de la famille depuis 2005 en ce sens qu’elle faisait parfois les paiements. Ils avaient demandé des prêts d’argent à leurs proches qu’ils avaient remboursés en partie avec l’argent non déclaré. L’époux a admis qu’il avait commis des erreurs. Les déclarations de A.________ sont assez crédibles. Si en avril 2017, lors de son premier interrogatoire par l’office de contrôle il a cherché à dissimuler qu’il recevait des dons de la part des proches de D.________ Sàrl, il a toutefois spontanément voulu compléter ses déclarations lors de son interrogatoire devant le ministère public, en juillet 2018, où il a reconnu qu’il recevait de l’argent de la part de l’entourage de D.________ Sàrl.

g) X.________ a déclaré que ce n’était pas elle qui se rendait le plus souvent aux entretiens des services sociaux parce qu’elle s’occupait des enfants. Elle ne savait pas que son mari recevait de l’argent en plus de son salaire de chauffeur chez D.________ Sàrl. Ce n’est que durant l’instruction pénale qu’elle avait appris que son mari lui cachait qu’il recevait des sommes importantes sur son compte. Elle ne savait donc pas ce qu’il avait fait de cet argent, même si ce dernier avait affirmé qu’il l’avait utilisé pour l’entretien de la famille. Cette situation avait généré des disputes entre eux, conflits qui les ont amenés à la séparation avec effet au 1er décembre 2018. Selon X.________, sa situation matérielle ne s’était pas améliorée, demeurant critique entre 2005 et 2015, s’empirant même durant les dernières années. Son mari ne lui avait pas dit qu’il recevait de l’argent en plus de son salaire pour ne pas qu’elle le lui réclame. Elle avait donc demandé de l’aide supplémentaire à sa famille et des avances au service d’aide sociale. Quand elle allait aux rendez-vous, elle n’avait pas pu dire la vérité à l’assistante sociale, parce qu’elle n’avait pas de doute sur ce que son mari déclarait comme revenu et ignorait qu’il cachait des revenus. La Cour pénale retient que les déclarations de l’appelante sont exemptes de contradictions internes. En outre, elles ne sont pas contredites par d’autres éléments du dossier. En particulier, les déclarations de A.________ confirment celle de l’appelante, alors même que les époux sont séparés.

h) Dans ses déclarations devant le tribunal de police, l’assistante sociale K.________, entendue comme témoin, a déclaré qu’elle avait eu l’impression que les deux époux X.________ et A.________ savaient très bien ce que l’autre faisait et que tout le monde intervenait dans la discussion. Il ressort des notes de l’entretien du 23 février 2016, que l’appelante avait assuré à l’assistante sociale que son mari n’avait qu’un seul travail, alors que cela était erroné. Le couple avait ensuite parlé en arabe, et le ton était monté. Ils avaient quitté les lieux précipitamment en reprenant les documents qu’ils voulaient déposer. Le déroulement de cette séance ne permet pas de retenir à lui seul qu’à ce moment-là A.________ exerçait plusieurs activités professionnelles, qu’elle le savait et que, partant, ses déclarations étaient contraires à la vérité, même si en novembre 2013, elle redoutait que son mari puisse avoir réalisé des revenus non déclarés et qu’elle avait envisagé de se séparer de lui.

i) L’extrait du casier judiciaire ainsi que la copie de l’ordonnance pénale du 7 mars 2014 et le contre-rendu de l’entretien du 4 juin 2013 attestent que l’appelante a, entre le 1er août 2012 et le 4 juin 2013, dissimulé les revenus qu’elle percevait auprès de l’accueil familial de jour à W.________ et qu’elle avait ensuite produit des fiches de salaire falsifiées en obtenant ainsi des prestations indues de la part des services sociaux. Cet antécédent diminue la crédibilité de l’appelante, mais cela ne signifie encore pas qu’elle aurait persisté dans ce fonctionnement après une première condamnation, ni qu’elle aurait été au courant des revenus que son mari dissimulait.

4.                                a) En vertu de l'article 146 CP, se rend coupable d'escroquerie celui qui, dans le dessein de se procurer ou de procurer à un tiers un enrichissement illégitime, aura astucieusement induit en erreur une personne par des affirmations fallacieuses ou par la dissimulation de faits vrais ou l'aura astucieusement confortée dans son erreur et aura de la sorte déterminé la victime à des actes préjudiciables à ses intérêts pécuniaires ou à ceux d'un tiers.

b) La jurisprudence (arrêt du TF du 05.04 2019 [6B_312/2019] cons. 2.1) précise que cette disposition réprime le comportement consistant à tromper la dupe. Pour qu'il y ait escroquerie, une simple tromperie ne suffit cependant pas ; il faut qu'elle soit astucieuse. Il y a tromperie astucieuse, au sens de l'article 146 CP, lorsque l'auteur recourt à un édifice de mensonges, à des manœuvres frauduleuses ou à une mise en scène, mais aussi lorsqu'il donne simplement de fausses informations, si leur vérification n'est pas possible, ne l'est que difficilement ou ne peut raisonnablement être exigée, de même que si l'auteur dissuade la dupe de vérifier ou prévoit, en fonction des circonstances, qu'elle renoncera à le faire en raison d'un rapport de confiance particulier (ATF 142 IV 153 cons. 2.2.2 ; 135 IV 76 cons. 5.2). L'astuce n'est toutefois pas réalisée si la dupe pouvait se protéger avec un minimum d'attention ou éviter l'erreur avec le minimum de prudence que l'on pouvait attendre d'elle. Il n'est cependant pas nécessaire qu'elle ait fait preuve de la plus grande diligence ou qu'elle ait recouru à toutes les mesures possibles pour éviter d'être trompée. L'astuce n'est exclue que si elle n'a pas procédé aux vérifications élémentaires que l'on pouvait attendre d'elle au vu des circonstances. Une coresponsabilité de la dupe n'exclut toutefois l'astuce que dans des cas exceptionnels (ATF 142 IV 153 cons. 2.2.2 ; 135 IV 76 cons. 5.2). Ainsi, n'importe quelle négligence de sa part ne suffit pas à exclure l'astuce (ATF 126 IV 165 cons. 2a p. 172). Il n'est donc pas nécessaire que la dupe soit exempte de la moindre faute (arrêt du TF du 27.10.2011 [6B_314/2011] cons. 3.2.1).

c) L’infraction d’escroquerie se commet en principe par une action. Telle est le cas lorsqu’elle est perpétrée par actes concluants (ATF 140 IV 11 cons. 2.3.2). L’assuré qui a l’obligation de communiquer toute modification importante des circonstances déterminantes pour l’octroi d’une prestation, ne respecte pas cette obligation et continu à percevoir les prestations allouées initialement à juste titre, n’adopte pas un comportement actif de tromperie. Le fait de continuer à percevoir des prestations allouées ne saurait être interprété comme la manifestation positive – par acte concluant – du caractère inchangé de la situation. Il convient en revanche d’analyser la situation de façon différente lorsque la perception de prestation est accompagnée d’autres actions permettant objectivement d’interpréter le comportement de l’assuré comme étant l’expression du caractère inchangé de la situation. Tel sera le cas lorsque l’assuré ne répond pas ou pas de manière conforme à la vérité aux questions explicites de l’assureur destinées à établir l’existence de modification de sa situation personnelle, médicale ou économique ; il n’est en effet plus question alors d’une escroquerie par omission, mais d’une tromperie active (ATF 140 IV 206 cons. 6.3.1.3 et les références citées).

d) L’escroquerie peut aussi être commise par un comportement passif, contraire à une obligation d’agir (art. 11 al. 1 CP). Tel est le cas, lorsque l’auteur n’empêche pas la lésion du bien juridique protégé, bien qu’il y soit tenu à raison de sa situation juridique, notamment en vertu de la loi ou d’une contrat (art. 11 al. 2 let. a et b CP ; ATF 136 IV 188 cons. 6.2). Dans cette hypothèse, l’auteur n’est punissable que si, compte tenu des circonstances il encourt le même reproche que s’il avait commis l’infraction par un comportement actif (art. 11 al. 3 CP). L’auteur doit ainsi occuper une position de garant qui l’obligeait à renseigner ou à détromper la dupe (ATF 140 IV 11 cons. 2.3.2). Il n’est pas contesté qu’un contrat où la loi puisse être la source d’une telle position de garant. N’importe quelle obligation juridique ou contractuelle ne suffit toutefois pas. En particulier, l’obligation de renseigner prévue par la loi où un contrat ne crée pas à elle seule une position de garant (ATF 140 IV 11cons. 2.4).

e) En matière d’aide sociale, la Cour pénale a rappelé (RJN 2015, p.179) qu’une infraction d’escroquerie par commission est réalisée lorsque le bénéficiaire de l’aide sociale signe lors des entretiens avec son assistant social, les budgets mensuels n’indiquant rien dans la colonne des revenus, et n’informant pas les services sociaux du contrat de travail et des salaires qu’il perçoit. Ce faisant, le prévenu a intentionnellement caché à ceux-ci les informations qu’il aurait dû leur transmettre en leur laissant croire que sa situation professionnelle n’avait pas changé. Par contre, la Cour pénale a estimé que la prévention d’escroquerie ne pouvait pas être retenue pour les faits relatifs au mois pour lequel le budget signé faisait défaut. Pour ce mois, une omission punissable ne pouvait pas être retenue, car la seule l’obligation d’informer prévue à l’article 42 LASOC ne suffisait pas pour considérer le bénéficiaire comme un garant. Les faits qui échappaient à la qualification d’escroquerie devaient toutefois être examinés sous l’angle d’une violation de l’article 73 al. 1 let. b LASOC.

f) Subjectivement, l’escroquerie est une infraction intentionnelle. L’intention doit porter sur tous les éléments constitutifs objectifs de l’infraction, c’est-à-dire que l’auteur doit savoir (au moins au degré du dol éventuel) que, par ses agissements, il induit ou conforte la victime dans une erreur qui la motivera à accomplir un acte préjudiciable à son patrimoine ou à celui d’un tiers (Gabarski/Borsodi, in CR CP, II, n. 121 ad art. 146). L’auteur agit par dol éventuel quand il tient pour possible la réalisation de l’infraction et l’accepte au cas où elle celle-ci se produirait (art. 12 al. 2 CP). Le dol éventuel suppose que l’auteur qui ne veut pas le résultat dommageable pour lui-même, envisage le résultat de son acte comme possible et l’accepte ou s’en accommode au cas où il se produirait, même s’il préfère l’éviter (arrêts du TF du 18.07.2017 [6B_1117/2016] cons. 1.1.2 et du 02.04.2019 [6B_259/2019] cons. 5.1). Le dol éventuel peut notamment être retenu lorsque la réalisation du résultat devait apparaître suffisamment vraisemblable à l’auteur pour que son comportement ne puisse raisonnablement être interprété que comme une acceptation de ce risque ; les mobiles de l’auteur et la manière dont il a agi peuvent constituer des éléments extérieurs révélateurs (arrêt de 2017 précité, cons. 1.1.4).

g) Enfin, selon l’article 42 LASOC, le bénéficiaire est tenu de signaler sans retard à l’autorité d’aide sociale respectivement au guichet social régional, tout changement dans sa situation pouvant entraîner la modification de l’aide. En cas d’activité lucrative à temps partiel et/ou d’une durée inférieure à un mois, une franchise minimale de 200 francs est accordée sur les revenus (art. 3b al. 2 de l’Arrêté fixant les normes pour le calcul de l’aide matérielle, RSN 831.02). Selon l’article 17 de ce même arrêté, à l’exception de la franchise, l’ensemble des revenus et de la fortune du bénéficiaire sont pris en considération dans le calcul du budget de l’aide matérielle. Conformément au principe de la subsidiarité, la personne sollicitant une aide matérielle doit préalablement utiliser ses actifs à l’exception des prestations reçues à titre de réparation morale ou pour atteinte à l’intégrité, pourvu que ces montants ne dépassent pas une certaine limite (Normes de la conférence suisse des institutions d’action sociale E.2-2/14).

h) En l’occurrence, il est établi que c’est A.________ qui transmettait ses fiches de salaire, chaque mois, aux services sociaux, en les glissant dans une boîte aux lettres prévue à cet effet. Ce dernier a admis qu’il n’avait pas fourni toutes ses fiches de salaire et qu’il percevait de l’argent en liquide en plus de son revenu de chauffeur, de la part des proches de son employeur. Il a estimé qu’il recevait à ce titre environ 11'000 francs par an. En agissant ainsi, il a certainement eu un comportement actif, parce que lorsqu’il dissimulait une part de ses revenus, en ne renseignent pas correctement l’autorité, il définissait lui-même la part indue de l’aide sociale qui lui serait versée, chaque mois. En outre, une bonne part des sommes d’argent non déclarées lui était versée au noir, de sorte que la commune de W.________ ne pouvait pas, en procédant à des vérifications auprès de la Caisse cantonale de compensation, identifier l’entier des dissimulations. Cela étant, il faut relever qu’il serait disproportionné d’exiger des services sociaux des vérifications systématiques auprès de la Caisse cantonale de compensation. A.________ a donc été condamné pour escroquerie et il n’a d’ailleurs pas recouru contre ce jugement. S’agissant de l’appelante, un doute subsiste au sujet de ce qu’elle savait des revenus de son mari. Il ressort des déclarations concordantes des époux X.________ et A.________ que le mari cachait à son épouse qu’il touchait de l’argent au noir dans le cadre de son travail de chauffeur et qu’elle ne savait pas qu’il ne déclarait pas tous ses autres revenus aux services sociaux. Les éléments du dossier ne permettent pas de contredire les déclarations de l’appelante ni celles de son mari, même si la témoin K.________ a eu l’impression, lors d’un entretien en février 2016, que l’appelante était au courant de tout. Les notes de cet entretien ne permettent toutefois pas de se convaincre du fait que l’épouse connaissait tous les revenus de son mari. Depuis 2011, lorsque la situation financière du couple s’est dégradée, l’appelante a d’ailleurs souvent demandé aux services sociaux des aides supplémentaires qu’elle n’aurait sans doute pas demandées si elle avait eu connaissance de l’entier des revenus de son mari. Il est dès lors assez crédible, comme l’a expliqué l’appelante lors de son interrogatoire devant le ministère public, que tel n’était pas le cas, parce que A.________ entendait conserver une part de ses revenus pour ses besoins propres, sans forcément en faire bénéficier sa famille. L’enquête pénale a mis en lumière les pratiques de A.________. Cela a eu pour effet de provoquer une crise conjugale, qui a amené les époux X.________ et A.________ à se séparer. Même à supposer que l’épouse connaissait les véritables revenus de son mari, l’instruction n’a pas non plus établi qu’elle aurait commis une escroquerie activement par actes concluants. Le dossier ne contient en effet aucun budget mensuel signé de la main de l’appelante. En outre, les notes d’entretien qui sont rédigées d’une façon assez sommaire ne permettent pas de déterminer, lorsque les deux époux étaient présents, ce qui était dit par l’un et par l’autre. A cela s’ajoute le fait que lorsque l’épouse s’est présentée seule aux rendez-vous de l’assistante sociale, elle a émis des doutes concernant la façon dont son mari gérait le budget familial et a fait part de son désarroi à ce sujet. Reste l’hypothèse d’une escroquerie commise par omission. Comme l’a rappelé la jurisprudence, la seule obligation d’informer prévue à l’article 42 LASOC ne suffit pas pour considérer le bénéficiaire comme étant dans une position de garant. Le bénéficiaire a l’obligation de contribuer à l’établissement de sa situation d’indigence et de renseigner l’autorité concernant l’évolution de celle-ci car c’est lui qui connaît le mieux sa situation. Une violation de l’obligation d’aviser peut avoir pour effet que des prestations d’aide sociale soient perçues à tort. L’obligation d’aviser doit prémunir les collectivités publiques de versements injustifiés. C’est pour cela que la loi d’aide sociale réprime par une amende les fausses déclarations (art. 73 LASOC et depuis le 1er octobre 2018 l’article 148a CP). Cependant, le devoir de renseigner ne crée par une position juridique particulière du bénéficiaire de l’aide sociale d’empêcher la mise en danger du patrimoine de la collectivité publique qui lui fournit l’aide sociale. Le bénéficiaire ne se trouve donc pas être dans une position de garant du bien juridiquement protégé par la norme pénale, en l’espèce, l’article 146 CP. La prévention d’escroquerie doit donc aussi être écartée pour ce motif. Sur ce point, l’appel est ainsi bien fondé.

5.                                Comme le relève justement la défense, les faits reprochés à l’appelante pourraient être constitutifs d’infractions aux articles 42 al. 1 et 73 LASOC. A cet égard, il faut relever que l’article 73 LASOC réprime d’une amende celui qui aura fait sciemment oralement ou par écrit une déclaration inexacte ou incomplète en vue d’obtenir ou de faire obtenir à un tiers une aide matérielle. Il s’agit donc d’une contravention. L’article 109 CP stipule que l’action pénale et la peine se prescrivent par trois ans lorsque l’infraction est une contravention. Les faits reprochés à l’appelante sont censés avoir été commis entre le 6 octobre 2005 et le 31 décembre 2015. Par conséquent, le délai de prescription était échu le 31 décembre 2018. Or la cause n’a été jugée par le tribunal de police que le 4 juin 2019, de sorte que les faits seraient prescrits. Il n’y a donc pas lieu d’examiner les faits reprochés à l’appelante sous l’angle de la violation des normes pénales de la loi sur l’aide sociale.

6.                                a) Vu le sort de la cause, les frais de la procédure d’appel seront laissés à la charge de l’Etat (art. 428 al. 1 CPP).

b) Il faut aussi revenir sur la fixation et la répartition des frais et indemnités de première instance (art. 428 al. 3 al. 3 CPP), en ce sens que l’appelante ne devait pas être condamnée à sa part des frais de la cause arrêtés à 915 francs. Sa part des frais sera donc laissée à la charge de l’Etat. Par ailleurs, il convient d’indiquer que l’indemnité d’avocat d’office allouée en première instance n’était pas remboursable (art. 135 al. 4 CPP a contrario).

c) La prévenue qui plaide au bénéfice de l’assistance judiciaire ne peut pas prétendre à une indemnité pour ses frais de défense au sens de l’article 429 CPP (arrêts du TF du 22.11.2017 [6B_1049/2016] cons. 3.1.1 et 3.3 ; du 10.10.2016 [6B_1104/2015] cons. 2.2]) mais seulement à être libérée de l’obligation de rembourser à l’Etat les frais occasionnés par l’assistance judiciaire dont elle avait bénéficié (art. 135 al. 4 CPP a contrario). Le mandataire d’office de l’appelante a droit à une indemnité qui ne doit être fixée que pour la procédure d’appel car l’activité déployée en première instance a déjà été indemnisée, conformément au chiffre 6 du dispositif du jugement entrepris. Le mandataire a produit un mémoire mentionnant une activité d’avocat d’office de 10 heures. Celle-ci est trop élevée, eu égard à la nature et à la difficulté de la cause. Il faut d’abord rappeler que les prises de connaissance brèves qui n’impliquent qu’une lecture cursive ne dépassant pas quelques secondes pour un avocat expérimenté n’ont pas à figurer dans un relevé d’activité. A cet égard, il faut retrancher 25 minutes au mémoire d’activité (prises de connaissance comptées en août et octobre 2019). Le temps consacré à la rédaction du mémoire d’appel motivé y compris la lecture du dossier et les recherches juridiques s’élève à 07:35 heures, ce qui est excessif pour un avocat qui défendait déjà l’appelante en première instance et qui disposait donc d’une bonne connaissance du dossier. Ce poste est donc ramené à 06:00 heures. L’activité de Me F.________ peut donc être arrêtée à 08:00 heures. Tout bien considéré, l’indemnité retenue pour la procédure d’appel et de 1'628.40 francs (180 x 8 = 1'440 ; + 5% pour les frais forfaitaires selon l’article 24 LAJ, soit en l’espèce 72 francs et 7.7% de TVA, soit 116.40 francs). Cette indemnité ne sera pas remboursable par l’appelante (art. 135 al. 4 CPP a contrario).

Par ces motifs,
la Cour pénale décide

Vu les articles 10, 135 al. 4 a contrario, 392 et 428 CPP,

I.         L’appel de X.________ est admis.

II.         Il est constaté que la Commune de W.________ n’est pas partie à la procédure.

III.         Le jugement du Tribunal de police du Littoral et du Val-de-Travers du 4 juin 2019 est réformé, le dispositif du jugement étant désormais le suivant, en ce qui concerne X.________ :

1.              Acquitte X.________.

2.              (inchangé)

3.              (inchangé)

4.              Laisse le solde des frais de la cause à la charge de l’Etat.

5.              Renonce à la révocation du sursis accordé le 7 mars 2014 à X.________.

6.              Alloue à Me F.________, mandataire d’office de X.________, une indemnité de 5'402.25 francs qui ne sera pas remboursable en application de l’article 135 al. 4 CPP a contrario.

IV.         Les frais de la procédure d’appel sont laissés à la charge de l’Etat.

V.         La rémunération d’avocat d’office due à Me F.________ pour la procédure d’appel, est fixée à 1'628.40 francs, frais et TVA compris. Cette indemnité n’étant pas remboursable.

VI.         Le présent jugement est notifié à X.________, par Me F.________, au ministère public, à La Chaux-de-Fonds (MP.2016.4280), au Service juridique de W.________, au Tribunal de police du Littoral et du Val-de-Travers, à Neuchâtel (POL.2018.423). Copie pour information au service des migrations, à Neuchâtel.

Neuchâtel, le 4 septembre 2020

 

Art. 10 CPP
Présomption d’innocence et appréciation des preuves
 

1 Toute personne est présumée innocente tant qu’elle n’est pas condamnée par un jugement entré en force.

2 Le tribunal apprécie librement les preuves recueillies selon l’intime conviction qu’il retire de l’ensemble de la procédure.

3 Lorsque subsistent des doutes insurmontables quant aux éléments factuels justifiant une condamnation, le tribunal se fonde sur l’état de fait le plus favorable au prévenu.

Art. 146 CPP
Audition de plusieurs personnes et confrontations
 

1 Les comparants sont entendus séparément.

2 Les autorités pénales peuvent confronter des personnes, y compris celles qui ont le droit de refuser de déposer. Les droits spéciaux de la victime sont réservés.

3 Elles peuvent obliger les comparants qui, à l’issue des auditions, devront probablement être confrontés à d’autres personnes à rester sur le lieu des débats jusqu’à leur confrontation.

4 La direction de la procédure peut exclure temporairement une personne des débats dans les cas suivants:

a. il y a collision d’intérêts;

b. cette personne doit encore être entendue dans la procédure à titre de témoin, de personne appelée à donner des renseignements ou d’expert.