A.                               A.________ (ci-après le plaignant) a déposé plainte pénale contre inconnu le 7 juillet 2019 pour « atteinte à la personnalité » et « surveillance illégale », au motif qu’il avait eu l’impression d’être surveillé et suivi durant des mois et avait découvert le 29 juin 2017 une balise GPS tracker, contenant une carte SIM Swisscom, cachée sur son véhicule Peugeot xxx, immatriculé NE XXXXXX.

B.                               Après investigation policière (, il est apparu que le numéro de téléphone en lien avec la carte SIM Swisscom retrouvée sur le véhicule du plaignant était enregistré sous le nom de « B.________ Sàrl », société inscrite au registre du commerce du canton de Fribourg. Cette société n’était qu’une société « virtuelle », dont les lignes téléphoniques étaient utilisées par l’agence « ***** » qui n’est pas inscrite au registre du commerce et dont X.________ est le responsable pour la Suisse romande.

C.                               X.________ (ci-après le prévenu), né en (….), est détective privé et ancien policier. Son casier judiciaire fait état d’une condamnation par le ministère public du canton de Fribourg pour violation grave des règles de la circulation routière.

D.                               a) X.________ a été entendu par la police le 8 septembre 2017 en qualité de prévenu. Il expliquait avoir été mandaté en 2014 par la compagnie d’assurances C.________ pour déterminer notamment l’aptitude du plaignant à conduire, suite à un accident de voiture. Fin septembre 2015, il avait posé une balise sur une Peugeot xxx que le plaignant conduisait. Un jour après la pose de la balise, la voiture avait été rangée dans un garage et la batterie s’était vidée ; il lui avait donc été impossible de la récupérer. Il n’a alors pas coché la case indiquant qu’il acceptait la notification des actes judiciaires à une adresse électronique.

Lors de cet interrogatoire, le prévenu a donné comme adresse de domicile Rue (...) à Z.________(FR).

b) D.________, inspecteur de sinistre auprès de la compagnie d’assurances C.________, a été entendu par la police le 19 septembre 2017 en qualité de personne appelée à donner des renseignements. Il a confirmé avoir mandaté le prévenu pour effectuer des contrôles, dans le but de vérifier le taux d’incapacité de travail du plaignant. Le mandat confié au prévenu consistait en une simple observation, selon les directives internes de la compagnie d’assurances C.________. L’intéressé n’était pas autorisé d’utiliser des moyens techniques, notamment des balises GPS. D.________ n’était pas au courant que le prévenu avait, en l’espèce, posé une telle balise sur le véhicule du plaignant.

c) Suite à l’audition de D.________ et à la demande du ministère public, la compagnie d’assurances C.________ a envoyé une copie du contrat de mandat confié au prévenu.

E.                               a) Par mandat de comparution du 10 janvier 2018, adressé à son domicile Rue (...) à Z.________, le prévenu a été avisé qu’il était attendu le 30 janvier 2018 pour être entendu par le ministère public.

b) Le prévenu a appelé le greffe du ministère public le 24 janvier 2018 ; selon la notice établie, le prévenu était parti au Brésil depuis le mois de novembre 2018, et il avait l’intention de rester encore une année dans ce pays ; il avait fait part de son absence au policier lors de son audition du 8 septembre 2017 ; c’est sa mère qui avait relevé son courrier et qui lui avait envoyé une photo du mandat de comparution ; il ne pouvait donc pas se présenter à l’audience fixée le 30 janvier 2018 ; il était disposé à répondre au besoin aux questions du procureur par le biais de son adresse e-mail : « xxxx@mail.com ».

c) L’avis d’annulation de l’audience du 30 janvier 2018 a été envoyé au prévenu via l’adresse e-mail qu’il avait indiquée.

F.                               Le 1er février 2018, le ministère public a vérifié l’adresse de domicile du prévenu dans la banque de données des personnes. Celle-ci s’est révélée être toujours celle qu’il avait déjà indiquée, soit Rue (...) à Z.________.

G.                               a) Par ordonnance du 1er février 2018, le ministère public a séquestré la balise Tracker GPS/GSM, de marque Haicom, modèle HI 604, no xxxxxxxxxxxx, no de série xxxxx, apposée sur la voiture du plaignant ainsi que la carte SIM Swisscom, no xxxxxxxxxxxx appartenant au prévenu.

b) L’ordonnance de séquestre a été notifiée au prévenu par courrier recommandé le 1er février 2018 à son adresse de domicile sis Rue (...) à Z.________.

c) Le courrier recommandé a été renvoyé au ministère public avec la mention « non réclamé ». Le ministère public l’a donc réexpédié par courrier simple à titre informatif le 26 février 2018.

H.                               a) Le ministère public a rendu une ordonnance pénale le 26 février 2018, condamnant le prévenu à 30 jours-amende à 30 francs (soit 900 francs au total) avec sursis pendant 2 ans et à une amende de 300 francs comme peine additionnelle pour infraction aux articles 179quarter et 179sexies CP, renonçant à révoquer le sursis octroyé le 12 avril 2014 par le ministère public du canton de Fribourg, ordonnant la confiscation et la destruction de la balise Tracker GPS/GSM Haicom et de sa carte SIM et condamnant le même aux frais de la cause arrêtés à 950 francs. Quant aux faits de la prévention, le ministère public les avait ainsi libellés :

« À W.________(NE), Z.________(FR) et en tout autre endroit, d’une date indéterminée au 29 juin 2017, le prévenu X.________, détective privé, a importé une balise Tracker GPS/GSM de marque Haicom, modèle HI 604, dans le but d’en faire usage contraire au droit, puis il l’a apposée sur le véhicule Peugeot xxx, NE-XXXXXX, de A.________ dans le but de le suivre à distance, étant précisé qu’il a agi de la sorte sur mandat d’une assurance privée du 8 septembre 2015, lui interdisant pourtant d’avoir recours à des moyens illicites. »

b) L’ordonnance pénale a été envoyée par courrier recommandé le même jour à l’adresse Rue (...) à Z.________.

c) Selon le service de suivi des envois de la Poste, le courrier recommandé est arrivé dans la case postale du prévenu le 27 février 2018. Le délai de garde venait à échéance le 6 mars 2018.

d) Le courrier recommandé a été renvoyé au ministère public avec la mention « non réclamé ». Le ministère public a donc réexpédié l’ordonnance pénale du 26 février 2018 par courrier simple le 14 mars 2018, tout en précisant que cet envoi était effectué à titre informatif et qu’il n’activait pas de nouveau délai d’opposition.

I.                                 Le prévenu a fait opposition à l’ordonnance pénale le 23 mars 2018, par pli remis à un bureau de poste le 26 mars. Il expliquait n’avoir eu connaissance de l’ordonnance pénale du 26 février 2018 que le 22 mars 2018, lorsqu’un ami avait relevé sa case postale. En transit au Portugal, il avait fait un détour par la Suisse pour transmettre son opposition. Il faisait valoir qu’après sa convocation à l’audience du 30 janvier 2018 devant le ministère public, il avait informé le greffe qu’il n’était plus domicilié en Suisse ; qu’il effectuait un long voyage à l’étranger ; qu’il avait transmis son adresse e-mail pour qu’on lui communique toutes décisions importantes par ce biais ; que c’était d’ailleurs par ce biais que le greffe lui avait transmis l’annulation de l’audience du 30 janvier 2018 et qu’il s’étonnait que l’ordonnance pénale ne lui ait pas été transmise de la même manière, soit via son e-mail.

Sur le fond, le prévenu alléguait que la pose de balise GPS avait toujours été un ultime moyen lors d’une filature, notamment dans le cas où un assuré soupçonne d’être surveillé. Les balises GPS étaient souvent utilisées sous la pression des mandants assureurs. Leur usage n’était ni autorisé ni interdit par aucune loi. Il existait des précédents dans lesquels d’autres détectives avaient été dénoncés pour utilisation de balises GPS, mais pas condamnés, soit en l’espèce une décision du ministère public du canton de Fribourg et une décision de la Cour de justice du canton de Genève.

Le prévenu précisait être à la disposition du ministère public pour tous renseignements supplémentaires à son adresse e-mail « xxxx@mail.com » ou éventuellement à l’adresse de sa mère, E.________, sis (…) à V.________(NE).

J.                                L’ordonnance pénale a été transmise au tribunal de police le 5 avril 2018. Le ministère public concluait principalement à la tardiveté de l’opposition et, si le tribunal de police devait entrer en matière, déclarait maintenir son ordonnance pénale comme valant acte d’accusation.

K.                               a) Lors de l’audience du 25 juin 2018 devant le tribunal de police, le prévenu a notamment déclaré qu’il avait quitté la Suisse, retiré ses papiers et remis son entreprise le 30 novembre 2017 ; que sa dernière adresse en Suisse était bien Rue (...) à Z.________ (FR) ; que la convocation du ministère public du 10 janvier 2018 qui avait été envoyée à cette adresse était arrivée dans une case postale que sa mère relevait ; qu’il avait directement téléphoné au ministère public pour dire qu’il était absent et que toutes communications pouvaient être faites sur son adresse e-mail ; que le pli recommandé du 26 février 2018 n’avait pas pu être retiré par sa mère puisqu’elle n’avait pas de procuration ; qu’elle avait pu, en revanche, relever le pli simple ; qu’il avait directement appelé le ministère public pour signaler qu’il avait reçu ce courrier et qu’il voulait faire opposition ; que le greffe lui avait dit que, bien qu’il était hors délai, il « fallait » qu’il envoie son opposition au ministère public ; qu’une inscription dans son casier judiciaire pouvait être préjudiciable pour lui dans ses activités professionnelles puisqu’il continuait à être consultant pour des entreprises en Amérique du Sud et qu’il devait souvent donner un extrait de son casier judiciaire ; qu’il n’avait, sur le fond, pas fait usage de la balise GPS de manière contraire au droit.

b) Le plaignant et un témoin ont été entendus lors de l’audience du 25 juin 2018.

L.                               a) Par jugement motivé du 24 juillet 2019, le tribunal de police a considéré que l’opposition du prévenu était valable ; que le ministère public savait que l’intéressé avait quitté la Suisse et qu’il disposait d’une adresse électronique sur laquelle il pouvait être atteint ; que, quand bien même cette communication ne dispensait pas le ministère public d’un envoi postal à la dernière adresse connue, un e-mail aurait dû être également adressé au prévenu ; qu’on ne pouvait pas déduire du comportement général du prévenu un désintérêt pour la suite de la procédure pénale.

b) Sur le fond, le tribunal de police a acquitté le prévenu de l’infraction de violation du domaine secret ou du domaine privé au moyen d’un appareil de prise de vue (art. 179quarter CP). Il a retenu que la prévention visait uniquement la pose d’une balise GPS sous la voiture du plaignant dans le but de le suivre à distance, et non pas la prise d’images lors de la filature ; que les balises GPS servant uniquement à localiser une personne, il ne s’agissait pas d’un espionnage visuel ; que l’article 179 quarter CP ne s’appliquait donc pas ; que, dans tous les cas, les images prises l’avaient été sur le domaine public et n’étaient dès lors pas protégées par le droit pénal.

M.                              Dans son appel, le ministère public conteste, en substance, la recevabilité de l’opposition adressée le 26 mars 2018 par le prévenu contre l’ordonnance pénale du 26 février 2018 – laquelle procède selon lui d’une violation de l’article 354 al. 1 CPP en lien avec les articles 85 et 86 CPP –, l’acquittement du prévenu du chef de prévention de violation du domaine secret ou du domaine privé au moyen d’un appareil de prise de vues (art. 179quarter CP) et la mise à la charge de l’État d’une partie des frais de procédure, en violation de l’article 426 CPP. Les arguments du ministère public seront repris plus loin, dans la mesure utile, de même que ceux de l’intimé.

C O N S I D E R A N T

1.                                Interjeté dans les formes et délai légaux (art. 399 et 401 CPP), l’appel est recevable. Faute d’appel joint formé en temps utile, les conclusions (ch. 3) du 11 mai 2020 de l’intimé qui sollicite son acquittement du chef de l’article 179 sexies CP sont irrecevables.

2.                                Aux termes de l’article 398 CPP, la juridiction d’appel jouit d’un plein pouvoir d’examen sur les points attaqués du jugement (al. 2). L’appel peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès ou l’abus du pouvoir d’appréciation, le déni de justice et le retard à statuer, pour constatation incomplète ou erronée des faits et pour inopportunité (al. 3). En vertu de l’article 404 CPP, la juridiction d’appel n’examine que les points attaqués du jugement de première instance (al. 1). Elle peut également examiner en faveur du prévenu les points du jugement qui ne sont pas attaqués, afin de prévenir les décisions illégales ou inéquitables (al. 2).

3.                                a) Le ministère public reproche au tribunal de police d’avoir considéré que l’opposition du prévenu du 26 mars 2018 à l’ordonnance pénale du 26 février 2018 était recevable. Selon lui, l’ordonnance pénale du 26 février 2018 a valablement été notifiée au prévenu. Le ministère public n’avait aucune obligation de l’en aviser par le bais de son adresse e-mail communiquée au greffe. L’opposition du 26 mars 2018 est donc tardive, puisque le délai d’opposition venait à échéance le 16 mars 2018.

b) Conformément à l'article 354 al. 1 let. a CPP, le prévenu peut former opposition contre l'ordonnance pénale devant le ministère public, par écrit et dans les dix jours.

Selon l'article 85 CPP, sauf disposition contraire du CPP, les communications des autorités pénales sont notifiées en la forme écrite (al. 1); les autorités pénales notifient leurs prononcés – dont les ordonnances (cf. art. 80 al. 1 2ème phrase CPP) – par lettre signature ou par tout autre mode de communication impliquant un accusé de réception, notamment par l'entremise de la police (al. 2); le prononcé est réputé notifié lorsqu'il est remis au destinataire, à l'un de ses employés ou à toute personne de plus de seize ans vivant dans le même ménage, les directives des autorités pénales concernant une communication à adresser personnellement au destinataire étant réservées (al. 3) ; le prononcé est également réputé notifié lorsque, expédié par lettre signature, il n’a pas été retiré dans les sept jours à compter de la tentative infructueuse de remise du pli, si la personne devait s’attendre à une telle remise (al. 4 let. a) ou lorsque, notifié personnellement, il a été refusé et que ce refus a été dûment constaté le jour même par la personne chargée de remettre le pli (al. 4 let. b). Toute communication doit être notifiée au domicile, au lieu de résidence habituelle ou au siège du destinataire (art. 87 al. 1 CPP). Les parties et leur conseil qui ont leur domicile, leur résidence habituelle ou leur siège à l’étranger sont tenus de désigner un domicile de notification en Suisse ; les instruments internationaux prévoyant la possibilité de notification directe sont réservés (art. 87 al. 2 CPP).

La personne concernée ne doit s'attendre à la remise d'un prononcé que lorsqu'il y a une procédure en cours qui impose aux parties de se comporter conformément aux règles de la bonne foi, à savoir de faire en sorte, entre autres, que les décisions relatives à la procédure puissent leur être notifiées. Le devoir procédural d'avoir à s'attendre avec une certaine vraisemblance à recevoir la notification d'un acte officiel naît avec l'ouverture d'un procès et vaut pendant toute la durée de la procédure (ATF 130 III 396 cons. 1.2.3). Il est admis que la personne concernée doit s'attendre à la remise d'un prononcé lorsqu'elle est au courant qu'elle fait l'objet d'une instruction pénale au sens de l'art. 309 CPP (arrêts du TF du 16.10.2020 [6B_288/2020] cons. 1.1.3 et du 02.09.2020 [6B_723/2020] cons. 1.1.1 et les références citées). Ainsi, un prévenu informé par la police d'une procédure préliminaire le concernant, de sa qualité de prévenu et des infractions reprochées doit se rendre compte qu'il est partie à une procédure pénale et donc s'attendre à recevoir, dans ce cadre-là, des communications de la part des autorités, y compris un prononcé (arrêts précités).

Selon la jurisprudence, celui qui se sait partie à une procédure judiciaire et qui doit dès lors s'attendre à recevoir notification d'actes du juge, est tenu de relever son courrier ou, s'il s'absente de son domicile, de prendre des dispositions pour que celui-ci lui parvienne néanmoins. A ce défaut, il est réputé avoir eu, à l'échéance du délai de garde, connaissance du contenu des plis recommandés que le juge lui adresse. Une telle obligation signifie que le destinataire doit, le cas échéant, désigner un représentant, faire suivre son courrier, informer les autorités de son absence ou leur indiquer une adresse de notification (arrêt du TF du 16.10.20 [6B_288/2020] cons. 1.1.3 ; ATF 141 II 429 cons. 3.1; 139 IV 228 cons. 1.1 et les références citées).

La notification peut se faire à une adresse e-mail pour autant que cette adresse respecte les conditions de l’article 86 CPP et de l’Ordonnance sur la communication électronique dans le cadre de procédures civiles et pénales et de procédures en matière de poursuite pour dettes et de faillite (OCEI-PCPP). En effet, les plateformes généralement utilisées ne garantissent pas une sécurité suffisante des données. C’est pourquoi l’OCEI-PCPP précise que la transmission s’effectue via une plateforme de notification reconnue et non via le trafic de courrier électronique ordinaire (art. 2, 9 al. 1 et 10 al. 1 OCEI-PCPP). Le consentement exprès de la partie concernée par la procédure est énuméré comme condition préalable à l’utilisation de ce mode de notification (art. 9 al. 2 OCEI-PCPP ; arrêt de la Cour d’appel du Tribunal cantonal de Bâle-Ville du 21.06.2019 [SB.2018.45] cons. 3.2.3). Seule la notification de communications sans effet juridique peut être admissible par simple lettre, FAX ou e-mail (arrêt du TF du 10.04.2018 [1B_70/2018] cons. 3.5 et du 06.02.2014 [6B_390/2013] cons. 2.3.2).

L’article 2 OCEI-PCPP énumère les critères qu’une plateforme de messagerie sécurisée doit remplir pour être reconnue par l’Ordonnance pour la communication électronique. L’article 9 OCEI-PCPP indique les conditions auxquelles un justiciable peut se faire notifier des communications par voie électronique d’une autorité : se faire enregistrer sur une plateforme reconnue (al. 1) ; accepter cette forme de notification dans la procédure en cause ou, de manière générale, dans le cadre de l’ensemble des procédures se déroulant devant une autorité déterminée (al. 2 en lien avec l’art. 86 CPP). Toute personne qui est régulièrement partie à une procédure devant une autorité déterminée ou qui représente régulièrement des parties devant elle peut demander à cette autorité de lui notifier par voie électronique les communications afférentes à une procédure donnée ou à l’ensemble des procédures (al. 3). L’acceptation peut être révoquée en tout temps (al. 4). L’acceptation et la révocation doivent être communiquées par écrit ou sous une autre forme permettant d’en garder une trace écrite; elles peuvent aussi être communiquées par oral et consignées au procès-verbal (al. 5).

Dans le canton de Neuchâtel, quiconque souhaite utiliser la communication électronique doit être titulaire d’un certificat d’authentification et de signature électronique SuisseID et s’inscrire sur une plateforme de messagerie reconnue conforme aux exigences de l’OCEI-PCPP, soit Incamail. De plus, afin de transmettre électroniquement des documents aux autorités judiciaires, les utilisateurs doivent, conformément aux exigences de l'OCEI-PCPP (art. 8) : formater tous les écrits au format PDF ; signer électroniquement les documents au moyen des certificats SwissID ; s'identifier sur la plateforme de messagerie sécurisée ; rédiger le courriel sécurisé et attacher toutes les pièces au courriel sécurisé ; envoyer le courriel sécurisé à l'adresse électronique « secretariat.PJ.EGOV@ne.ch », par l'intermédiaire de la plateforme de distribution Incamail, en sélectionnant obligatoirement l'option « recommandé eGov ». Il s’agit de l’unique option certifiant un accusé de réception avec une valeur juridique et garantissant que le destinataire est formellement authentifié. Ces adresses cantonales sont listées dans un répertoire publié par la Chancellerie fédérale (arrêt du TF du 01.10.2020 [4D_30/2020] cons. 3.1).

c) En l’espèce, l’intimé a été entendu en qualité de prévenu par la police le 8 septembre 2017. À cette occasion, il a signé le formulaire des droits du prévenu et rempli et signé une déclaration patrimoniale et d’état civil. Il a été cité à comparaître sous pli simple devant le ministère public le 30 janvier 2018 par mandat de comparution du 10 janvier 2018, acte dont il a eu connaissance. Il a donc été adéquatement informé – et ce à de nombreuse reprise – qu’il faisait l’objet d’une procédure pénale.

En novembre 2017, l’intimé a quitté la Suisse et n’en a informé le ministère public que le 24 janvier 2018 après avoir reçu le mandat de comparution pour le 30 janvier 2018. Dans son opposition, le prévenu indique qu’il a informé « très précisément » le greffe du ministère public de son absence de domicile en Suisse et soutient qu’il a transmis son adresse e-mail pour qu’on puisse lui communiquer toutes décisions importantes. Ce dernier point ne ressort toutefois pas expressément de la note de la secrétaire du 24 janvier 2018, en particulier le fait que l’adresse postale de l’intimé ne serait désormais plus valide. Les vérifications opérées par le ministère public ont montré que le prévenu avait toujours une adresse en Suisse, soit celle qu’il avait donnée à la police comme étant son adresse de domicile, en l’espèce rue (…) à Z.________, avec une déviation pour une case postale à laquelle sa mère et/ou un ami allait relever le courrier. Dans ces conditions, le ministère public pouvait partir de l’idée que le prévenu avait pris des dispositions pour recevoir le courrier envoyé à son adresse à Z.________.

L’intimé invoque en vain la jurisprudence selon laquelle le devoir procédural de s’attendre à la remise d’un prononcé ne vaut pas indéfiniment, lorsque le dernier contact du justiciable avec les autorités pénales remonte à près d’une année (arrêt du TF du 19.09.2019 [6B_674/2019] cons. 1.4.3). Ici toutefois, le délai est bien plus court. Il a en effet eu des contacts avec l’autorité pénale un mois seulement avant le prononcé de l’ordonnance pénale, soit le 24 janvier 2018.

Le prévenu soutient que le ministère public aurait dû lui adresser l’ordonnance pénale par e-mail. L’adresse e-mail « xxxx@mail.com » ne remplit toutefois ni les conditions posées par l’OCE-PCPP ni les conditions spécifiques posées par le canton de Neuchâtel quant à la communication électronique (cf. cons. 4.b ci-dessus). En outre, il était loisible à l’intimé de délivrer une procuration ad hoc à sa mère ou à un autre tiers pour retirer ses recommandés. Le prévenu, qui a déjà fait l’objet d’une procédure pénale (LCR) clôturée par une ordonnance pénale, devait s’attendre à recevoir des décisions par courrier recommandé. Il lui appartenait d’instruire les tiers qui relevaient sa case postale de manière à ce qu’ils l’avisent de la présence d’une invitation à retirer des recommandés.

Le fait que, suite au contact téléphonique du 24 janvier 2018, le ministère public ait adressé au prévenu un courrier confirmant l’annulation de ladite audience par e-mail est sans portée. En effet, selon la jurisprudence citée ci-dessus (arrêts du TF du 10.04.2018 [1B_70/2018] cons. 3.5 et du 06.02.2014 [6B_390/2013] cons. 2.3.2), la notification de communications sans effet juridique peut être admissible par simple lettre, FAX ou e-mail. Ce courriel n’engageait donc pas le ministère public à envoyer l’ordonnance pénale au prévenu via son adresse e-mail.

L’ordonnance pénale, datée du 26 février 2018 a été envoyée par courrier recommandé le même jour. Selon le suivi des envois de la poste, l’intimé a reçu dans sa case postale le 27 février 2018 l’avis qu’un recommandé était à retirer au guichet avec délai au 6 mars 2018. La notification fictive est réputée avoir eu lieu à l’échéance du délai de garde (art. 85 al. 4 let. a CPP). Le délai d’opposition est de 10 jours. L’opposition datée du 23 mars 2018 et postée le 26 mars 2018 est donc tardive.

4.                                Dès lors que l’opposition du 23 mars 2018 est tardive, le reste des griefs soulevés par le ministère public est sans objet.

5.                                a) Il résulte de ce qui précède que l’appel du ministère public doit être admis, et le jugement entrepris annulé.

b) Les frais du tribunal de police, soit 730 francs (1'680 - 950), doivent être mis à la charge du prévenu (art. 428 CPP). Il en va de même des frais de la procédure d’appel, arrêtés à 1'000 francs (art. 428 CPP). L’intéressé n’a pas droit à une indemnité au sens de l’article 429 CPP, que ce soit pour la procédure de première instance ou la procédure d’appel.

c) Le plaignant n’a pas produit de documents attestant de souffrances particulières et n’a pas non plus chiffré sa prétention. Il est donc renvoyé à agir par la voie civile. Il a droit pour la procédure de première instance à une indemnité pour les dépenses obligatoires occasionnées par la procédure (art. 433 CPP). La Cour pénale admettra comme honoraires justifiés le montant retenu par le tribunal de police de 5'668 francs frais et TVA inclus que l’intimé n’a pas contesté à titre indépendant.

Pour la procédure d’appel, le plaignant a déposé le 20 mai 2020 un mémoire de frais et honoraires relatif à la période du 12 août 2019 au 20 mai 2020 présentant un montant total de 3'656.35 francs, pour une activité totale de 10 heures 21 au tarif de 300 francs de l’heure. Cette prétention est exagérée. La Cour pénale applique en effet un tarif horaire de 270 francs, selon sa pratique actuelle usuelle dont il n’y a pas lieu de s’écarter. Par ailleurs, l’activité annoncée doit être revue à la baisse, compte tenu du fait que le mandataire du plaignant connaissait le dossier et s’est contenté de brèves observations générales qui n’ont pas pu exiger plus d’une heure d’activité à un avocat expérimenté. C’est dès lors une somme de 290.80 francs, TVA comprise, qui sera allouée.

Par ces motifs,
la Cour pénale décide

vu les articles 85, 86, 354, 423, 426, 428, 433 CPP :

1.     L’appel du ministère public est admis.

2.     Le jugement du 24 juillet 2019 rendu par le tribunal de police du Littoral et du Val-de-Travers est annulé.

3.     L’opposition de X.________ du 26 mars 2018 est déclarée irrecevable.

4.     Les frais de première et deuxième instance sont arrêtés respectivement à 730 francs et à 1’000 francs et mis à la charge de X.________.

5.     X.________ est condamné à payer un montant de 5'668 francs à titre d’indemnité pour les dépenses obligatoires de A.________ en première instance

6.     X.________ est condamné à payer un montant de 290.80 francs à titre d’indemnité pour les dépenses obligatoires de A.________ pour la procédure d’appel.

7.     Le présent jugement est notifié au ministère public, à La Chaux-de-Fonds (MP.2017.3120-PNE), à X.________, par Me F.________, à A.________, par Me G.________ et au Tribunal de police du Littoral et du Val-de-Travers, à Boudry (POL.2018.134).

Neuchâtel, le 30 décembre 2020

 

Art. 85 CPP
Forme des communications et des notifications
 

1 Sauf disposition contraire du présent code, les communications des autorités pénales sont notifiées en la forme écrite.

2 Les autorités pénales notifient leurs prononcés par lettre signature ou par tout autre mode de communication impliquant un accusé de réception, notamment par l’entremise de la police.

3 Le prononcé est réputé notifié lorsqu’il a été remis au destinataire, à l’un de ses employés ou à toute personne de plus de seize ans vivant dans le même ménage. Les directives des autorités pénales concernant une communication à adresser personnellement au destinataire sont réservées.

4 Le prononcé est également réputé notifié:

a. lorsque, expédié par lettre signature, il n’a pas été retiré dans les sept jours à compter de la tentative infructueuse de remise du pli, si la personne concernée devait s’attendre à une telle remise;

b. lorsque, notifié personnellement, il a été refusé et que ce refus a été dûment constaté le jour même par la personne chargée de remettre le pli.

 

Art. 861CPP
Notification par voie électronique
 

1 Les communications peuvent être notifiées par voie électronique avec l’accord de la personne concernée. Elles sont munies d’une signature électronique au sens de la loi du 18 mars 2016 sur la signature électronique2.

2 Le Conseil fédéral règle:

a. le type de signature à utiliser;

b. le format des communications et des pièces jointes;

c. les modalités de la transmission;

d. le moment auquel la communication est réputée notifiée.


1 Nouvelle teneur selon l’annexe ch. II 7 de la L du 18 mars 2016 sur la signature électronique, en vigueur depuis le 1er janv. 2017 (RO 2016 4651; FF 2014 957).
2 RS 943.03

Art. 354 CPP
Opposition
 

1 Peuvent former opposition contre l’ordonnance pénale devant le ministère public, par écrit et dans les dix jours:

a. le prévenu;

b. les autres personnes concernées;

c. si cela est prévu, le premier procureur ou le procureur général de la Confédération ou du canton, dans le cadre de la procédure pénale pertinente.

2 L’opposition doit être motivée, à l’exception de celle du prévenu.

3 Si aucune opposition n’est valablement formée, l’ordonnance pénale est assimilée à un jugement entré en force.