A.                               « a) Le 22 février 2019, le ministère public a rendu une ordonnance pénale condamnant X.________, en application des articles 42, 177 et 180 CP, à 10 jours-amende à 30 francs (soit 300 francs au total) avec sursis pendant 2 ans, à une amende de 100 francs comme peine additionnelle (la peine privative de liberté de substitution étant fixée à 1 jour en cas de non-paiement fautif), ainsi qu’aux frais de la cause pour avoir :

à Z.________, rue [aaaaa], entre le vendredi 18 et le lundi 21 janvier 2019, […] injurié A.________ en le traitant de « fils de chien » et de « merde » et […] menacé [celui-ci] en lui disant que s’il jouait encore avec son petit frère, elle le taperait très très fort jusqu’à ce qu’il pleure ou qu’il meure, effrayant ainsi A.________ ».

b) X.________ a formé opposition contre cette ordonnance pénale, le 4 mars 2019.

c) Le ministère public a transmis le dossier au Tribunal de police du Littoral et du Val-de-Travers, le 5 mars 2019, en maintenant l’ordonnance pénale.

B.                               Dans son jugement du 23 mai 2019, envoyé sous forme de dispositif, le tribunal de police a acquitté la prévenue de l’infraction d’injures mais l’a condamnée pour les menaces.

C.                               Le jour même, le mandataire de la prévenue a demandé la motivation du jugement.

D.                               Dans son jugement motivé, envoyé aux parties le 14 août 2019, la première juge a considéré que les propos rapportés par A.________ à sa mère, puis par sa sœur à leur père, correspondaient dans leur teneur. Rien ne permettait de les mettre en doute. Ils s’inscrivaient également dans le contexte évoqué par l’éducateur de l’AEMO qui était intervenu dans cette famille. Ces propos étaient de nature à alarmer et effrayer un enfant en bas âge. L’infraction de menaces était réalisée.

E.                               Le 3 septembre 2019, X.________ a déclaré attaquer ce jugement.

F.                               Dans ses observations du 4 septembre 2019, la première juge a relevé que le mandataire de l’appelante avait présenté une demande de motivation écrite et non une annonce d’appel, raison pour laquelle le dossier n’avait pas été transmis à la Cour pénale aussitôt le jugement motivé rendu.

G.                               Le 23 septembre 2019, la représentante du ministère public a renoncé à présenter une demande de non-entrée en matière ainsi qu’à déclarer un appel joint.

H.                               La plaignante, Y.________, a déposé des observations le 4 octobre 2019, sans contester l’entrée en matière.

I.                                 Dans son courrier du 15 octobre 2019, la présidente de la Cour pénale a admis l’audition du père de la victime et époux de la prévenue, sollicitée dans la déclaration d’appel du 3 septembre 2019. Une audience a été fixée pour le 26 mars 2020.

J.                                Le 17 février 2020, le mandataire de la prévenue a informé la Cour pénale de la résiliation de son mandat.

K.                               L’audience du 26 mars 2020 a été annulée en raison de la situation sanitaire. Par courrier du 30 avril 2020, la présidente de la Cour pénale a constaté que la déclaration d’appel du 3 septembre 2019 n’avait pas été précédée de l’annonce d’appel mais uniquement d’une demande de motivation ; une non-entrée en matière sur l’appel était donc envisagée ; l’appelante avait la possibilité de déposer des observations à ce sujet.

L.                               Dans ses observations du 15 mai 2020, la prévenue fait valoir qu’il s’agit d’une erreur commise par son mandataire auquel elle faisait confiance et qu’elle se trouve ainsi privée de la possibilité de démontrer son innocence. Elle conteste la décision de première instance.

M.                              Le 25 mai 2020, la procureure conclut à l’irrecevabilité de l’appel déposé par la prévenue, en l’absence d’annonce d’appel valable quand bien même il y a eu une déclaration d’appel ultérieure par écrit. Les conditions d’une restitution de délai ne sont pas remplies dans la mesure où l’accusée était représentée par un mandataire professionnel et n’a pas été empêchée d’accomplir l’acte dans le délai légal de 10 jours.

N.                               La plaignante, dans ses observations du 29 mai 2020, conclut à la non-entrée en matière compte tenu de l’omission d’une annonce d’appel préalable constituant un grave vice de procédure.

C O N S I D E R A N T

1.                                a) Aux termes de l’article 403 CPP, la juridiction d’appel rend par écrit sa décision sur la recevabilité de l’appel lorsque la direction de la procédure ou une partie invoque l’un des moyens prévus par l’article 403 al. 1 let. a à c CPP.

b) L’autorité d’appel procède d’office à un examen des conditions de recevabilité de l’appel (Eugster, Basler Kommentar Schweizerische Strafprozessordnung, 2e éd 2014, no 1 ad art. 403 CPP; Kistler Vianin, CR CPP, 2e éd 2019, no 1 ad art. 403 CPP). Le fait qu’aucune décision d’irrecevabilité n’a été prise ne signifie pas que la question est définitivement réglée. La juridiction d’appel peut examiner ou réexaminer la question de la recevabilité, notamment d’entrée de cause en audience publique lorsque des débats sont convoqués (Eugster, op. cit., no 1 ad art. 403 CPP; Kistler Vianin, op. cit., no 3 ad art. 403 CPP). 

Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, il est douteux que l'on puisse déduire de l'article 3 al. 2 CPP, de manière générale, qu'une autorité de recours ou d'appel qui serait entrée en matière sur le fond d'un moyen de droit, par exemple en ordonnant des mesures d'instruction, ne serait absolument plus en mesure de statuer sur la recevabilité de celui-ci. Une telle solution, peut-être inspirée du principe de la « vorbehaltlose Einlassung » qui prévaut en procédure arbitrale, ne paraît, en effet, pas s'imposer de la même manière en procédure pénale (arrêt du TF du 09.02.2018 [6B_1147/2017] cons. 5.2).

2.                                Dans un courriel du 14 mai 2020 déposé par l’appelante à l’appui de ses observations, l’ancien mandataire de l’appelante semble se référer au principe de la confiance et invoquer un comportement contradictoire des autorités judiciaires.

Le fait que la direction de la procédure n’ait pas immédiatement pris garde à l’omission d’une annonce d’appel et que cette question n’ait été soulevée ni par le ministère public, ni par la plaignante dans leurs observations préalables sur la déclaration d’appel déposée par la prévenue ne lie pas la Cour pénale. Celle-ci procède d’office à l’examen de la recevabilité. En l’espèce, et comme dans le cas jugé par le Tribunal fédéral (arrêt du TF [6B_1147/2017] précité), l’admission de l’audition requise par l’appelante dans sa déclaration d’appel et la convocation de débats par la direction de la procédure ne permettait pas d’admettre définitivement la recevabilité de l'appel et d'exclure que cette question soit examinée ultérieurement par la juridiction d’appel in corpore. On ne peut pas y voir un comportement contradictoire de l’autorité d’appel. 

3.                                a) Aux termes de l'article 399 al. 1 CPP, la partie annonce l'appel au tribunal de première instance par écrit ou oralement pour mention au procès-verbal dans le délai de dix jours à compter de la communication du jugement. Lorsque le jugement motivé est rédigé, le tribunal de première instance transmet l'annonce et le dossier à la juridiction d'appel (art. 399 al. 2 CPP). La partie qui a annoncé l'appel adresse une déclaration d'appel écrite à la juridiction d'appel dans les 20 jours à compter de la notification du jugement motivé (art. 399 al. 3 1ère phrase CPP). La jurisprudence ne fait exception à l’obligation d’une annonce d’appel que lorsque le jugement n'est communiqué ni oralement ni par écrit au travers d'un dispositif, mais directement notifié avec sa motivation. Il suffit alors que les parties adressent une déclaration d'appel à la juridiction d'appel. Elles disposent, pour ce faire, d'un délai de 20 jours au sens de l'article 399 al. 3 CPP (ATF 138 IV 157 cons. 2.2).

b) La procédure d’appel est ainsi, sauf exception non réalisée en l’espèce, divisée en deux étapes : tout d’abord, l’annonce d’appel, puis la déclaration d’appel (Moreillon/Parein-Reymond, PC CPP, n. 2 ad art. 399 CPP). L’annonce d’appel peut, par exemple, se faire oralement, pour mention au procès-verbal, à la suite de la lecture du jugement ou du dispositif par le tribunal de première instance (ibidem, n. 3 ad art. 399 CPP). L’annonce d’appel doit comporter la volonté du recourant de faire réexaminer le jugement de première instance. Celle-ci doit pouvoir se déduire de l’écrit ou des déclarations orales de son auteur. Elle doit cependant demeurer expresse et ne saurait être déduite de simples actes concluants (ibidem, n. 5 ad art. 399 CPP).

Le Tribunal fédéral a précisé que l’on ne saurait déduire de la demande de motivation du jugement une annonce d’appel (arrêts du TF du 09.02.2018 [6B_1147/2017] cons. 5.4 ; du 07.05.2012 [6B_170/2012] cons. 1.4.1). La demande de motivation doit être clairement distinguée de l’annonce d’appel, l’une ne valant pas l’autre (ibidem). De même, la volonté de former appel ne peut se déduire du seul fait que le jugement ne donne pas gain de cause au justiciable. Il n’est pas exclu qu’une partie qui a succombé n’ait pas l’intention de porter la cause devant une autorité supérieure mais souhaite néanmoins connaître les motifs de la décision (ibidem).

Le respect des délais pour annoncer l'appel et pour adresser une déclaration d'appel est une condition de recevabilité de l'appel, qui est examinée d'office et dont l’inobservation entraîne la déchéance du droit d’interjeter appel (Kistler Vianin, op. cit., n. 5 ad art. 403 CPP). En d’autres termes, en cas d’inobservation du délai de dix jours, la partie concernée est déchue de son droit de faire appel et le jugement de première instance entre en force. L’article 94 CPP demeure toutefois réservé (Moreillon/Parein-Reymond, op. cit., n. 9 ad art. 399 CPP). 

c) Selon l'article 94 CPP, une partie peut demander la restitution d’un délai si elle a été empêchée de l'observer et qu'elle est de ce fait exposée à un préjudice important et irréparable; elle doit toutefois rendre vraisemblable que le défaut n'est imputable à aucune faute de sa part (art. 94 al. 1 CPP). Une telle demande, dûment motivée, doit être adressée par écrit dans les 30 jours à compter de celui où l'empêchement a cessé, à l'autorité auprès de laquelle l'acte de procédure aurait dû être accompli et l'acte de procédure omis doit être répété durant ce délai (al. 2).

d) Les conditions formelles consistent donc à former une demande de restitution ainsi qu'à entreprendre l'acte de procédure omis dans le délai légal, d'une part, et à justifier d'un préjudice important et irréparable, d'autre part. Si les conditions de forme ne sont pas réalisées, l'autorité compétente n'entre pas en matière sur la demande de restitution (arrêts du TF du 06.07.2017 [6B_1187/2016] cons. 1.2 ; arrêt du TF du 19.10.2016 [6B_672/2015] cons. 2.1.1 et la référence citée). La restitution de délai suppose ensuite que la partie ou son mandataire a été empêché d'agir sans faute dans le délai fixé. Elle n'entre pas en ligne de compte lorsque la partie ou son mandataire a renoncé à agir, que ce soit à la suite d'un choix délibéré, d'une erreur ou du conseil - peut-être erroné - d'un tiers (arrêt du TF du 06.07.2017 [6B_1187/2016] cons. 1.2 ; ATF 143 I 284 cons. 1.3 et les références citées). Le comportement fautif de l’avocat est imputable à son client (ATF 143 I 284 cons. 1.3 ; arrêt du TF du 19.10.2016 [6B_673/2015] cons. 2.1.2).

Toutefois, si le Tribunal fédéral pose le principe selon lequel le comportement fautif de l'avocat, respectivement de son auxiliaire, est imputable à son client dans le cadre de l'application de l'art. 94 CPP, il réserve expressément l'hypothèse d'une erreur grossière commise dans le cadre de la défense obligatoire (ATF 143 I 284 cons. 2.2 ; Stoll, CR-CPP, 2e éd., n°10a ad art. 94 CPP ; Riedo, Commentaire bâlois, 2éd. n°57 ad art. 94 CPP).

4.                                En l’espèce, le dispositif du jugement du 23 mai 2019 a été notifié à l’appelante, par le biais de son mandataire, à l’issue des débats du même jour, avec l’indication des voies de recours et de la nécessité d’une annonce d’appel. Le procès-verbal de cette audience ne mentionne ni demande de motivation, ni annonce d’appel formulées à l’issue des débats. Dans son courrier également daté du 23 mai 2019, l’avocat de la prévenue a uniquement demandé la motivation du dispositif du jugement. La volonté de former appel n’est pas exprimée et ne saurait être déduite uniquement du fait que le jugement condamnait sa cliente pour une des préventions qui lui était reprochée. L’annonce d’appel n’étant soumise à aucune exigence spécifique, il était aisé, pour le mandataire professionnel, d’exprimer l’intention de sa mandante de faire appel si tel était le cas. La jurisprudence distinguant clairement demande de motivation et annonce d’appel est claire et bien établie depuis 2012. En pareille situation, il était indispensable que la condamnée, si elle entendait contester le jugement du tribunal de police comme elle soutient avoir toujours voulu le faire, dépose ou fasse déposer par son mandataire une annonce d’appel et le délai pour y procéder ne peut être restitué, l’omission étant fautive.

A supposer ainsi que l’avocat ait immédiatement reçu le mandat de déposer appel et qu’il ne l’ait pas respecté, il faudrait examiner dans quelle mesure ce manquement fautif devrait être imputé à l’appelante. On peut au passage constater qu’aucune demande de restitution de délai accompagnée de l’acte omis (cf. art. 94 CPP) n’a été déposée auprès du tribunal de première instance. Quoi qu’il en soit, la prévenue a été renvoyée sous la prévention d’injures et de menace ; le ministère public a requis en première instance une peine de 10 jours-amende à 30 francs et une amende de 100 francs. L’affaire est donc de peu de gravité et l’appelante ne se trouve pas dans un cas de défense obligatoire (art. 130 CPP). Or selon la jurisprudence fédérale, sauf dans les cas de défense obligatoire – non réalisée ici –, le comportement même fautif de l’avocat est opposable au mandant.

5.                                Dans ces circonstances, l’appel du 3 septembre 2019 doit être déclaré irrecevable.

6.                                Les frais judiciaires de deuxième instance sont mis à la charge de l’appelante, qui doit être considérée comme ayant succombé (art. 428 al. 1 2e phrase). Aucune indemnité de dépens ne sera octroyée à la plaignante, qui a procédé seule.

Par ces motifs,
LA COUR PENALE décide

Vu les articles 94, 399, 403, 428 al. 1 CPP,

1.     L’appel de X.________ est irrecevable.

2.     Les frais de la procédure d’appel, arrêtés à 500 francs, sont mis à la charge de l’appelante.

3.     Le présent jugement est notifié à X.________, à Y.________, au ministère public, à La Chaux-de-Fonds (MP.2019.900) et au Tribunal de police du Littoral et du Val-de-Travers, à Neuchâtel (POL.2019.147).

Neuchâtel, le 5 août 2020

 

Art. 399 CPP
Annonce et déclaration d’appel
 

1 La partie annonce l’appel au tribunal de première instance par écrit ou oralement pour mention au procès-verbal dans le délai de dix jours à compter de la communication du jugement.

2 Lorsque le jugement motivé est rédigé, le tribunal de première instance transmet l’annonce et le dossier à la juridiction d’appel.

3 La partie qui annonce l’appel adresse une déclaration d’appel écrite à la juridiction d’appel dans les 20 jours à compter de la notification du jugement motivé. Dans sa déclaration, elle indique:

a. si elle entend attaquer le jugement dans son ensemble ou seulement sur certaines parties;

b. les modifications du jugement de première instance qu’elle demande;

c. ses réquisitions de preuves.

4 Quiconque attaque seulement certaines parties du jugement est tenu d’indiquer dans la déclaration d’appel, de manière définitive, sur quelles parties porte l’appel, à savoir:

a. la question de la culpabilité, le cas échéant en rapport avec chacun des actes;

b. la quotité de la peine;

c. les mesures qui ont été ordonnées;

d. les prétentions civiles ou certaines d’entre elles;

e. les conséquences accessoires du jugement;

f. les frais, les indemnités et la réparation du tort moral;

g. les décisions judiciaires ultérieures.