A.                               X.________ est né en 1961 en Angola. Il est de nationalité portugaise. Sommelier, il exploite un bar avec son fils à Z.________, après avoir été serveur dans un établissement public sis à proximité immédiate. Divorcé, il s’est remarié en 2016 avec une nouvelle compagne, dont il a un enfant né en 2012. Il a encore 5 autres enfants nés de quatre différentes femmes. Son casier judiciaire est vierge.

B.                               A.________, née en 1983, est de nationalité suisse. Elle présente un retard mental léger. Elle a été placée dès l’âge de 13 ans au centre C.________, d’abord en externat puis en internat. Son milieu familial a été décrit comme pesant. Après la fin de sa scolarité à W.________, A.________ est entrée dans un centre de formation professionnelle et sociale à V.________. Elle a commencé à cette époque à présenter des troubles de l’alimentation qui ont entraîné plusieurs hospitalisations. La formation entamée à V.________ n’a pas été menée à terme. En 2006, A.________ a refusé de rentrer chez ses parents, où elle vivait à l’époque ; elle a été accueillie d’abord dans un foyer d’accueil d’urgence, puis s’est installée de façon autonome dans un appartement à Z.________. Une curatelle a été mise en place. Au bénéfice d’une rentre AI, elle jouit d’un encadrement relativement important (prise en charge en atelier protégé, soutien éducatif à domicile, curatelle, traitements médicamenteux, psychothérapie). Sa situation financière est modeste.

C.                               B.________ est en 1975 à Z.________, de père italien et de mère portugaise. Elle est de nationalité suisse. Présentant un handicap mental léger, elle a d’abord suivi une classe de développement, puis vers 1986, a été placée dans une institution à Z.________ jusqu’à l’âge de 18 ans, puis dans une autre à U.________ pour y apprendre de petits travaux dans des ateliers spécialisés. Elle est au bénéfice d’une rente AI. Il est nécessaire de l’aider dans les actes de la vie quotidienne, même assez simples. Elle a un bon niveau de langage. Son niveau de connaissance peut être comparé à celui d’un enfant de 2ème année d’école primaire. En 2002, ses parents sont partis au Portugal et elle a fait l’objet d’une mesure d’interdiction volontaire, un curateur étant désigné. Elle vit dans un foyer et exerce une activité occupationnelle dans une boutique au centre de Z.________.

D.                               Le 9 février 2015 en fin d’après-midi, A.________ s’est présentée en compagnie d’un infirmier à la police judiciaire de Neuchâtel pour porter plainte contre X.________. En bref, elle a expliqué qu’elle avait fait la connaissance de ce dernier plus de 18 mois auparavant en se rendant dans le bar qu’il exploite à Z.________. X.________ avait commencé à la « draguer » dès leur première rencontre ; après 7 ou 8 mois, ils avaient entretenu des relations sexuelles qui s’étaient ensuite répétées de manière suivie. Selon ses dires, A.________ était consentante, tout en n’appréciant pas les pratiques que son partenaire attendait d’elle, qu’elle acceptait néanmoins parce qu’elle avait peur de ses réactions, en particulier qu’il ne la quitte. Par la suite, X.________ avait voulu entretenir des relations impliquant des tiers. Il s’était présenté au domicile de la plaignante avec un ou deux hommes noirs, à chaque fois différents, rencontrés dans la rue. Malgré le désaccord répété qu’elle avait manifesté, A.________ avait dû subir des relations sexuelles à trois. A une occasion, X.________ était accompagné d’une fille qu’il connaissait de son bar ; A.________ avait dû assister à leurs ébats dans son lit, ébats auxquels elle avait refusé de se mêler. En sus, X.________ avait exigé qu’elle lui remette chaque mois 400 francs, voire 600 francs une fois, soit un total de 4'000 à 4'500 francs qu’elle s’était résignée à lui donner alors qu’elle n’était pas d’accord. Il disait vouloir rembourser ces sommes mais il ne l’avait pas fait. Leur dernière rencontre datait du jour-même de l’audition.

E.                               Le 10 février 2015, le ministère public a ordonné l’ouverture d’une instruction.

F.                               Entendu le même jour dès 14h00 par la police, X.________, après avoir dans un premier temps tu le fait qu’il avait rencontré la plaignante la veille, a reconnu qu’il la connaissait et qu’il avait entretenu à dix ou quinze reprises des relations sexuelles avec elle. Selon lui, A.________ avait toujours été consentante ; elle demandait et souhaitait leurs rapports intimes. Il ne l’avait pas contrainte ni violée. Si, de son côté, la relation était purement sexuelle, il était possible que la plaignante ait eu des sentiments pour lui. Il avait bien remarqué qu’elle pouvait avoir un problème : sans aller jusqu’à un véritable handicap, il fallait souvent lui répéter plusieurs fois les choses pour qu’elle comprenne.

G.                               Devant la procureure en charge de l’instruction, X.________ a confirmé le 11 février 2015 ses premières déclarations en fournissant divers détails. Il a également reconnu avoir reçu à divers reprises quelques centaines de francs de la plaignante, clairement selon lui à titre de prêts qu’il avait toujours eu l’intention de rembourser. La représentante du ministère public l’a interrogé sur ses relations avec B.________ ; il était en effet apparu dans le cadre d’une autre procédure que cette jeune femme avait eu une liaison avec un « X.________ qui tient un bar à Z.________ et qui couche avec pas mal de femmes ». X.________ a admis qu’il avait entretenu avec elle des rapports sexuels alors qu’il occupait son précédent emploi de serveur à Z.________. Il a déclaré que B.________ avait un handicap qui se voyait et qui le gênait.

H.                               B.________ a été entendue le 2 mars 2015. Elle a confirmé qu’elle avait fait la connaissance de X.________ en 2007 ou 2008 au bar K.________, où il était alors serveur. Elle s’était rendue à une reprise chez lui pour un café. Lorsqu’elle avait voulu partir, il avait commencé à la serrer en refusant de la lâcher ; elle avait crié trois ou quatre fois, puis finalement elle lui avait donné un coup de pied entre les jambes. Réticente à dire si elle avait eu d’autres contacts avec X.________, elle a finalement ajouté qu’elle avait eu des relations sexuelles avec lui pendant deux ou trois mois et qu’il l’avait forcée à faire des choses qu’elle ne voulait pas faire. Il lui avait proposé d’avoir des relations avec lui et d’autres filles mais elle avait refusé et elle était partie.

Le 3 mars 2015, B.________ a déposé plainte pénale et s’est constituée partie civile contre X.________.

I.                                 Trois DVD pornographiques ont été saisis chez X.________.

J.                                X.________ a été détenu provisoirement du 11 février 2015 au 19 mars 2015.

K.                               De nombreux actes d’instruction ont été ordonnés pour tenter de retrouver les personnes impliquées dans les relations sexuelles décrites par A.________. Des clients du bar exploité par X.________ ont été entendus. Des renseignements ont été recueillis sur la personnalité et l’état de santé des plaignantes. A.________ a été soumise à une expertise confiée au psychiatre F.________.

L.                               A.________ a déposé une plainte pénale complémentaire pour infractions aux articles 122, 123 et éventuellement 125 al. 1 CP le 5 juillet 2016. Le prévenu a été réentendu par la procureure le 19 mars 2015. La magistrate a également réentendu la plaignante A.________ le 15 juillet 2015.

M.                              « Au terme de l’instruction, X.________ a été renvoyé devant le Tribunal criminel du Littoral et du Val-de-Travers. Selon l’acte d’accusation, du 11 octobre 2018, les faits de la prévention sont les suivants :

I       viols, contraintes sexuelles, tentative de contraintes sexuelles, éventuellement actes d'ordre sexuel avec une personne incapable de discernement, éventuellement abus de la détresse (art. 190, 189, 189/22, év. 191, év. 193 CPS)

1.       1.1         à Z.________

1.2            entre mars 2010 et fin 2014

1.3            au préjudice de B.________ (plainte du 3 mars 2015)

1.4            profitant des problèmes psychiques de sa victime et usant de sa force physique

1.5            la contraignant, notamment, à se déshabiller de force, la déshabillant lui-même parfois, la pénétrant contre sa volonté

1.6            restant à plusieurs reprises dans le corps de sa victime pour qui la relation devenait douloureuse, malgré ses plaintes

1.7            la pénétrant de force avec les doigts, alors qu'elle lui avait retiré la main et que ces gestes lui devenaient douloureux

1.8            la sodomisant, malgré son refus, et faisant mine de ne pas entendre lorsqu'elle lui disait que ça lui faisait mal et qu'elle haussait le ton

1.9            insistant en dernier lieu pour entretenir des relations sexuelles et réussissant à convaincre sa victime à se rendre avec lui dans un appartement

1.10         commençant à la serrer contre lui, en vue d'entretenir une relation

1.11         ne desserrant pas son étreinte, malgré la demande de la victime, puis ses cris

1.12         tentant ainsi de la contraindre à rester avec lui pour satisfaire ses envies

1.13         ne lâchant prise que lorsque la victime a réussi à le frapper avec ses pieds

II      contraintes sexuelles, viols, éventuellement actes d’ordre sexuel commis sur une personne incapable de discernement, éventuellement abus de détresse (art. 189, 190, év. 191, év. 193 CPS)

1.       1.1         à Z.________, rue [aaaaa]

1.2            entre mai 2014 et le 9 février 2015

1.3            au préjudice de A.________ (plainte du 9 février 2015)

1.4            profitant du retard mental de sa victime, des sentiments amoureux qu'elle manifestait à son encontre, de sa suggestibilité, de sa dépendance affective et de sa situation générale d'invalide, de son incapacité de résistance, usant de la force et profitant de la crainte ainsi instaurée

1.5            la contraignant, en lui tenant la tête, à avaler son sperme après avoir éjaculé dans sa bouche

1.6            la contraignant à subir des actes d'ordre sexuel sans contraception préalable

1.7            la contraignant à subir des actes d'urolagnie, en lui faisant pipi dans la bouche

1.8            la contraignant à se laisser pénétrer vaginalement, après des pénétrations anales

1.9            la contraignant malgré son refus, à entretenir des relations à trois avec un africain, la déshabillant de force, la plaçant de force sur son lit, la contraignant à faire une fellation à la tierce personne, pendant qu'il la pénétrait, en la poussant dans le dos, la contraignant ensuite à lui faire une fellation pendant que la tierce personne la pénétrait, en l'empêchant par la force de bouger, alors qu'elle tentait ainsi d'empêcher la pénétration

1.10         profitant, en plus des éléments déjà décrits, de la situation de crainte ainsi confirmée, pour contraindre sa victime à entretenir à trois reprises d'autres relations sexuelles à trois, avec, à chaque fois, des personnes d'origine africaine

1.11         tentant d'en faire de même avec deux nouveaux africains pour entretenir des relations à quatre, mais n'arrivant pas à ses fins, les deux africains, réalisant la situation de contrainte, ayant quitté l'appartement

1.12         tentant, toujours en profitant de la même situation, d'obliger sa victime à entretenir une relation sexuelle à trois, avec une personne de sexe féminin qu'il a rétribuée

1.13         contraignant sa victime, au vu de son désaccord, à assister à leurs ébats effectués dans le lit de la victime

1.14         continuant de profiter de l'ensemble de la situation pour entretenir des relations sexuelles avec sa victime, alors qu'elle voulait mettre un terme à leur relation

III     lésions corporelles graves, subsidiairement lésions corporelles simples, et lésions corporelles simples (art. 122, subs. 123, et 125 CPS)

1.       1.1 à Z.________, rue [aaaaa]

1.2            entre environ mai 2014 et février 2015

1.3            au préjudice de A.________ (plainte du 9 février 2015)

1.4            en agissant selon les faits récapitulés sous chiffre I, 1.1 à 1.14

1.5            portant gravement et durablement atteinte à la santé psychique de sa victime

1.6            portant atteinte à la santé de sa victime en lui déchirant légèrement l'utérus, en l'obligeant à prendre la pilule du lendemain, en lui provoquant des infections urinaires

IV     extorsion et chantage, éventuellement escroquerie (art. 156, évent. 146 CPS)

1.       1.1         à Z.________, rue [aaaaa] et rue [bbbbb]

1.2            entre mai 2014 et le 9 février 2015

1.3            au préjudice de A.________ (plainte du 9 février 2015)

1.4            dans un dessein d'enrichissement illégitime

1.5            usant de la situation décrite dans la récapitulation des faits concernant les infractions d'ordre sexuel ci-dessus, mêlant violence et pression psychologique

1.6            dissimulant ses intentions profondes

1.7            affirmant vouloir vivre une relation plus intense avec sa victime

1.8            la déterminant à lui remettre mensuellement CHF 400.- et une fois CHF 600.-

V      pornographie, importation et détention (art. 197 ancien ch. 3 et ch. 3bis et 197 ch. 1, 4 et 5 CPS)

1.       1.1         à Z.________, au Portugal, éventuellement en France, ainsi qu'en tout autre endroit

1.2            depuis une date indéterminée jusqu'en février 2015

1.3            important et possédant sous forme d'images vidéos des représentations d'ordre sexuel avec des animaux ».

N.                               A.________ a chiffré ses conclusions civiles le 1er avril 2019. Elle a conclu à l’octroi d’une indemnité de tort moral de 50'000 francs et d’une indemnité pour ses frais de défense de 19'653.70 francs. B.________ réclamé le 2 avril 2019 une indemnité pour tort moral de 20'000 francs plus intérêts à 5 % l’an dès le 1er janvier 2014 sous suite de frais et dépens. De son côté, le prévenu a déposé le 1er avril 2019 une requête en indemnité pour la détention provisoire subie.

O.                               A l’audience du tribunal criminel, un témoin a été entendu, de même que les deux plaignantes. Le prévenu a été interrogé. Une erreur de plume au chiffre III de l’acte d’accusation a été corrigée avec l’accord des parties (lire art. 125 CP à la place de 123 CP).

P.                               Dans son jugement du 4 avril 2019, expédié le 10 octobre 2019, le tribunal criminel retient que les relations entretenues par la plaignante B.________ et le prévenu ont été relativement brèves. La plaignante a déclaré avoir eu plusieurs rapports sexuels avec le prévenu, et ce dernier a constamment indiqué qu’elle n’était venue chez lui qu’à deux reprises. La relation sexuelle est admise par les deux parties mais le prévenu conteste tout élément de contrainte. Sans témoignage direct ou indirect et en l’absence d’élément permettant de mieux décrire ce qui s’est réellement passé, le doute doit profiter à l’accusé et il faut considérer que les rapports sexuels ne se sont pas déroulés dans le climat de contrainte précisé aux articles 189 et 190 CP. Le prévenu doit être également acquitté de la prévention de tentative de contrainte. En revanche, ce dernier s’est rendu coupable d’infraction à l’article 191 CP car il a profité du handicap de B.________, lequel ne permet pas à celle-ci de se déterminer dans certaines situations particulières comme pourrait le faire une personne ne présentant pas le même handicap, pour entretenir avec elle des rapports sexuels. La réalisation des éléments constitutifs de l’article 191 CPS exclut l’application de l’article 193 CPS.

S’agissant des viols et des contraintes au préjudice de la plaignante A.________, on ne peut se baser que sur les déclarations des parties. Les relations sexuelles sont admises mais le prévenu conteste tout élément de contrainte. Comme pour la plaignante B.________, il doit être mis au bénéfice du doute en ce qui concerne les préventions fondées sur les articles 189 et 190 CP. Le prévenu s’est toutefois rendu coupable d’infraction à l’article 191 CP. La plaignante A.________ souffre en effet d’un retard mental léger qui ne lui permettait « pas forcément », dans une situation donnée, de comprendre les intentions du prévenu. Elle a développé au fil du temps des sentiments amoureux pour lui. Le prévenu a profité de son ascendance sur la plaignante pour lui imposer des pratiques sexuelles que lui seul initiait.

Les atteintes à la santé psychique de A.________, ou à sa santé physique décrite dans l’acte d’accusation ne peuvent pas être qualifiées juridiquement de lésions corporelles graves. Il s’agit de lésions corporelles simples. Le prévenu doit être acquitté des préventions d’extorsion et de chantage ou subsidiairement d’escroquerie. Dans le premier cas, il n’y ait pas eu usage de violence ou menace d’un dommage sérieux. Dans le second cas, il n’est pas établi que le prévenu n’aurait pas souhaité rembourser à la plaignante les montants qu’il dit lui avoir empruntés. La prévention de pornographie est quant à elle admise.

Pour fixer la peine, le tribunal criminel qualifie la culpabilité du prévenu de relativement lourde, vu le handicap avéré des victimes et le comportement « encore plus particulier » adopté avec la plaignante A.________ ; il souligne l’absence de remords, retient à décharge des situations professionnelles et familiales « pas si simples » et le fait que, de manière générale, les personnes qui côtoient le prévenu disent plutôt l’apprécier. Des indemnités à titre de tort moral sont allouées aux deux plaignantes « tenant compte de l’ensemble des éléments qui ressortent du dossier ».

Q.                               A l’appui de son appel, l’appelant fait valoir que la plaignante B.________ était apte à se défendre et à décider si oui ou non elle souhaitait entretenir une relation sexuelle avec lui, comme elle l’avait fait auparavant avec un précédent ami intime. S’agissant de la plaignante A.________, l’appelant reproche au tribunal criminel de ne pas dire quand et comment celle-ci n’était plus en mesure de se déterminer. Les premiers juges n’ont pas tenu compte des conclusions de l’expertise psychiatrique selon lesquelles la plaignante n’était pas totalement incapable de se déterminer sur les sollicitations qui lui ont été faites. Cela signifie que les éléments constitutifs de l’article 191 CP ne sont pas réalisés. Par ailleurs, les premiers juges n’ont pas examiné si l’appelant avait jamais eu l’intention d’occasionner des lésions de quelque nature que ce soit à A.________. Enfin, le jugement retient une infraction à l’article 197 ch. 1 CP alors que l’appelant conteste avoir offert, montré ou rendu accessible à une personne de moins de 16 ans des objets ou représentations pornographiques. Par contre, il ne remet pas en cause l’application des articles 197 ch. 4 et 5 CP.

R.                               Dans sa déclaration d’appel joint, le ministère public soutient que les conditions des viols, contraintes, tentatives de contrainte et subsidiairement abus de détresse concernant les deux victimes sont réalisées. L’utilisation du handicap des victimes équivaut à des pressions d’ordre psychique ; de manière générale, les victimes ont été mises hors d’état de résister, d’où l’élément de contrainte. Vu la nature des lésions constatées chez A.________, leur gravité et leur durée, les conditions des lésions corporelles graves sont réalisées. Les éléments de pression psychologique auraient dû conduire à retenir la menace d’un dommage sérieux permettant la condamnation de l’appelant pour violation de l’article 156 CP.

S.                               La déclaration d’appel joint de B.________ n’est pas motivée.

T.                               Dans sa déclaration d’appel joint, A.________ fait valoir que l’appelant l’a mise hors d’état de résister en utilisant son extrême fragilité psychique qu’il ne pouvait ignorer. Les pressions psychologiques exercées par le prévenu doivent également conduire à appliquer l’article 156 CP. Enfin, les lésions corporelles graves sont démontrées par le rapport de la Dre D.________.

U.                               L’appelant a déposé le 25 novembre 2020 une requête en indemnité. Les plaignantes ont chacune déposé des actes écrits de motivation de leurs conclusions civiles, le 26 novembre 2020.

V.                               a) La Cour pénale a interrogé le prévenu à l’audience du 27 novembre 2020. Ses déclarations seront reprises ci-après dans la mesure utile.

b) En plaidoirie, la défense a d’abord contesté l’ensemble des accusations relatives à la relation entre l’appelant et B.________. Selon elle, il n’y a pas eu de rapports intimes entre eux durant la période visée par l’acte d’accusation, mais uniquement en 2008 ou 2009, au domicile du prévenu. Il s’agissait d’une relation vaginale normale consentie. La plaignante s’est déshabillée elle-même et rapidement. L’appelant n’a jamais rien eu à lui demander. La plaignante était à même de déterminer ce qu’elle voulait ou non au plan sexuel, ainsi que cela a déjà été constaté à propos d’une précédente relation amoureuse. Il n’est pas possible de se fier à ses déclarations quant au déroulement des faits. La jeune femme se contredit à plusieurs reprises. On note aussi une grande similitude dans les accusations formulées par elle dans une procédure pénale à l’encontre de son précédent ami intime et les actes maintenant reprochés au prévenu, alors que dorénavant la plaignante décrit son ancien ami comme « tout doux ». Les préventions du chiffre I doivent être abandonnées.

                        Les accusations concernant A.________ (chiffres II, III et IV de l’acte d’accusation) sont également totalement contestées. La plaignante et le prévenu ont fait connaissance en 2013 ou 2014. A cette époque, le prévenu rencontrait des difficultés matrimoniales. La plaignante et lui ne recherchaient que du sexe. Ils se voyaient une à deux fois par mois chez la jeune femme, sans toutefois entretenir forcément des relations intimes. La plaignante venait souvent au bar. Il n’y avait aucun climat de crainte. Le prévenu ne s’est jamais rendu coupable de menaces, de violences ou de pressions psychiques de l’intensité voulue par les articles 189 et 190 CP. L’exploitation de rapports généraux de dépendance ou d’amitié ne suffit pas pour que les pressions psychiques soient retenues. L’application de l’article 191 CP est également exclue. La loi n’interdit pas toute activité sexuelle avec des personnes souffrant de déficience mentale, à moins qu’elles aient été utilisées comme objets sexuels. La plaignante n’a jamais révélé sa situation personnelle et professionnelle au prévenu. Elle était déjà sexuellement active avant de faire la connaissance du prévenu, puisqu’elle s’était déjà inquiétée d’être atteinte d’une maladie sexuellement transmissible en demandant une prise de sang le 19 avril 2013. L’expertise réalisée en juin 2011 par le Dr E.________ démontre que la plaignante est capable de mentir pour se venger, procédé qu’elle a répété dans la présente procédure. De toute façon, l’expertise réalisée par le Dr F.________ en octobre 2017 ne décrit qu’un retard mental léger et pas d’incapacité de discernement. La plaignante comprend la signification des comportements sexuels. Son état n’était pas de nature à entraver son libre arbitre en matière sexuelle. L’épisode avec G.________ en est la preuve. La plaignante sait dire non quand une relation ne lui convient pas. À l’époque des faits, elle n’était pas dans une situation de détresse. Elle a fait part de sa situation à de nombreux thérapeutes. Personne n’a jugé nécessaire d’intervenir, ni considéré qu’elle était en danger ou en détresse. Les conditions de l’article 193 CP ne sont pas non plus réalisées. Les préventions de chantage et d’extorsion n’ont pas de sens. Il s’agissait uniquement d’emprunts. Enfin, s’agissant des lésions corporelles, la condition de l’intention n’est pas réalisée : à aucun moment l’appelant n’a envisagé, même par dol éventuel, causer des lésions corporelles graves à la plaignante, dont il ignorait la situation personnelle et l’état psychique. La rupture de la relation résulte de la seule volonté de celle-ci. Cela aurait pu se faire autrement que par le dépôt d’une plainte.

                        c) Pour la représentante du ministère public, l’existence d’un rapport d’asymétrie entre le prévenu et les plaignantes ne laisse pas place au doute. Le handicap des plaignantes est reconnaissable. Comme les enfants, celles-ci veulent toujours faire plaisir à leur interlocuteur. L’incapacité totale au sens de l’article 191 CP dépend du contexte et de la sollicitation. Le prévenu a commis des actes constitutifs de viol et de contrainte sexuelle, selon les déclarations des deux plaignantes, crédibles. Il a au surplus recouru à la violence structurelle pour briser leur résistance et créer un rapport de dépendance avec la plaignante A.________. On était en présence de femmes amoureuses. Dans les deux cas, les relations ont commencé avec des actes consentis et ensuite le prévenu a imposé des actes spécifiques, en faisant fi des oppositions. Le dossier montre que les plaignantes ont été surprises par les gestes de l’appelant et qu’elles n’ont pas eu le temps de réfléchir et de manifester leur désaccord. Les déclarations des victimes coïncident. Elles comportent des éléments à décharge. Les plaignantes ne tirent aucun bénéfice secondaire de leurs accusations. Le prévenu est coutumier de relations sexuelles avec des personnes qui lui sont subordonnées. Les infractions visées à titre principal dans l’acte d’accusation doivent être retenues, au moins par dol éventuel. On note une exploitation sexuelle parallèle à une exploitation financière. Au vu des déclarations du prévenu à l’audience, c’est même une peine privative de liberté de 6 ans et demi, et non pas de 6 ans comme requis dans la déclaration d’appel joint, qui doit être prononcée.

                        d) Selon la mandataire de la plaignante B.________, le consentement est le cœur de la question. L’avocate rappelle que sa cliente a l’âge mental d’un enfant de deuxième année primaire. Chacun sait qu’il doit protéger les enfants. La plaignante a toujours vécu dans un milieu protégé. Elle avait des difficultés à s’exprimer. Il est normal qu’elle soit incohérente sur des détails. L’appelant ne pouvait pas ignorer son handicap. Il y a des similitudes entre les déclarations des plaignantes. En revanche, les dires du prévenu manquent de crédibilité. Ils évoluent au fur et à mesure du temps. Le dossier montre que l’appelant a l’habitude de se trouver dans des relations déséquilibrées. Ce ne peut pas être un hasard qu’il soit poursuivi par deux femmes handicapées. Il est décrit comme un dragueur. Il rencontre ses conquêtes au bar. On voit qu’il fait preuve d’une certaine brusquerie. Il propose du sexe à plusieurs. Il n’entend pas ce que les femmes lui disent quand elles expriment un refus. Il n’accepte pas de se protéger durant les rapports. Le prévenu a clairement indiqué comment il voyait sa relation avec B.________ lorsqu’il a déclaré « c’était purement sexuel. Après tout, je suis un homme. Certains hommes vont dans les maisons closes, moi j’allais avec elles ». Juridiquement, les faits tombent sous le coup des articles 190 CP, subsidiairement 191 CP et 193 CP. On est dans la même situation que celle développée par la doctrine concernant les enfants et la violence structurelle.

                        e) L’avocate de la plaignante A.________ insiste sur le fait que le prévenu avait conscience de l’état mental de sa cliente, dont le handicap est visible par chacun (ce que l’appelant a contesté dans son interrogatoire devant la Cour pénale). Il en a profité pour entretenir des relations sexuelles, et encore plus lorsqu’il s’est rendu compte que la plaignante était amoureuse de lui. Il a fait preuve durant son interrogatoire devant la Cour pénale d’un déni total pour les conséquences des actes qu’il a commis. Ceux-ci se sont produits à de nombreuses reprises et sont montés en puissance. Pour le reste, l’avocate se réfère aux moyens développés par la représentante du ministère public et par la mandataire de la plaignante B.________.

C O N S I D E R A N T

Recevabilité et pouvoir d’examen de la juridiction d’appel

1.                               Interjetés dans les formes et délais légaux, les appel et appels joints sont recevables.

2.                               La juridiction d’appel jouit d’un plein pouvoir d’examen sur tous les points attaqués du jugement. L’appel peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation, le déni de justice et le retard injustifié, pour constatation incomplète ou erronée des faits et pour inopportunité (art. 398 CPP). La juridiction d’appel n’examine que les points attaqués du jugement de première instance (art. 404 al. 1 CPP). Elle peut également examiner en faveur du prévenu les points qui ne sont pas attaqués, afin de prévenir des décisions illégales ou inéquitables (art. 404 al. 2 CPP).

L’appel doit permettre un nouvel examen au fond par la juridiction d’appel. Celle-ci ne doit pas se borner à rechercher les erreurs du juge précédent et à critiquer le jugement de ce dernier ; elle doit tenir ses propres débats et prendre sa décision selon sa libre conviction, qui doit reposer sur le dossier et sa propre administration des preuves. L’immédiateté des preuves ne s’impose toutefois pas. Selon l’article 389 al. 1 CPP, la procédure d’appel se fonde sur les preuves administrées pendant la procédure préliminaire et la procédure de première instance. La juridiction d’appel administre d’office ou à la demande d’une partie les preuves complémentaires nécessaires au traitement de l’appel (art. 389 al. 3 CPP). En l’espèce, plusieurs pièces littérales ont été versées au dossier à la demande des parties. Le prévenu a été interrogé.

3.                               Le tribunal de première instance n’a établi qu’un état de fait lacunaire. La motivation juridique est sibylline. L’article 409 CPP ne permet l’annulation et le renvoi en première instance qu’à titre exceptionnel, pour des vices matériels qui ne peuvent être corrigés dans la procédure d’appel (ATF 143 IV 408 cons. 6.1 et les références).  Dans la mesure où le prévenu était régulièrement défendu, où le tribunal criminel était régulièrement composé, où l’ensemble des chefs d’accusation a été traité et où la juridiction d’appel dispose d’un plein pouvoir d’examen en fait et en droit, ces éléments ne commandent pas un renvoi en première instance. Les parties ne le demandent d’ailleurs pas.

Règles d’appréciation des preuves

4.                                

4.1                   Selon l'article 10 CPP, toute personne est présumée innocente tant qu'elle n'est pas condamnée par un jugement entré en force (al. 1). Le tribunal apprécie librement les preuves recueillies selon l'intime conviction qu'il retire de l'ensemble de la procédure (al. 2). D’après la jurisprudence (arrêt du TF du 29.07.2019 [6B_504/2019] cons. 1.1), la présomption d'innocence, garantie notamment par l’article 10 CPP, ainsi que son corollaire, le principe in dubio pro reo, concernent tant le fardeau de la preuve que l'appréciation des preuves au sens large. En tant que règle sur le fardeau de la preuve, elle signifie, au stade du jugement, que le fardeau de la preuve incombe à l'accusation et que le doute doit profiter au prévenu. Comme règle d'appréciation des preuves, la présomption d'innocence signifie que le juge ne doit pas se déclarer convaincu de l'existence d'un fait défavorable à l'accusé si, d'un point de vue objectif, il existe des doutes quant à l'existence de ce fait. Il importe peu qu'il subsiste des doutes seulement abstraits et théoriques, qui sont toujours possibles, une certitude absolue ne pouvant être exigée. Il doit s'agir de doutes sérieux et irréductibles, c'est-à-dire de doutes qui s'imposent à l'esprit en fonction de la situation objective. Le Tribunal fédéral retient en outre qu’un faisceau d’indices convergents peut suffire à établir la culpabilité : le tribunal peut forger sa conviction quant aux faits sur la base d'un ensemble d'éléments ou d'indices convergents, même si l'un ou l'autre de ceux-ci ou même chacun d'eux pris isolément est à lui seul insuffisant ; un état de fait peut ainsi être retenu s’il peut être déduit du rapprochement de divers éléments ou indices (arrêt du TF du 03.07.2019 [6B_586/2019] cons. 1.1). En d’autres termes, un faisceau d'indices concordants qui, une fois recoupés entre eux, convergent tous vers le même auteur, peut suffire pour le prononcé d’une condamnation (arrêt du TF du 02.07.2019 [6B_36/2019] cons. 2.5.3).

4.2                   Il est généralement admis qu’en présence de plusieurs versions successives et contradictoires des faits présentés par la même personne, le juge doit en principe accorder la préférence à celle qui a été donnée alors que l’intéressé en ignorait peut-être les conséquences juridiques, soit normalement la première, les explications nouvelles pouvant être consciemment ou non le fruit de réflexions ultérieures (RJN 2019, p.417, p. 421 ; 1995 p. 119 ; ATF 121 V 45 cons. 2a). Lorsque le prévenu fait des déclarations contradictoires, il ne peut en outre invoquer la présomption d’innocence pour contester les conclusions défavorables que le juge a, le cas échéant, tiré de ses déclarations (arrêt du TF du 30.06.2016 [6B_914/2015] cons. 1.2).

Eléments de faits ressortant de l’instruction

5.      

5.1                   Antécédents des parties en matière sentimentale ou sexuelle

5.1.1                L’appelant est connu comme un séducteur. Père de 6 enfants, il s’est marié en septembre 2016 pour la troisième fois. Il vit avec son épouse et leur fils mineur commun. Il n’a pas d’antécédents pénaux. Par jugement du 26 avril 2001, le tribunal de police du district de Neuchâtel l’a acquitté de la prévention d’actes d’ordre sexuel avec des enfants au sens de l’article 187 CP.

5.1.2                On ne connaît pas de liaison amoureuse identifiée à A.________ avant sa relation avec le prévenu. La plaignante a indiqué que le prévenu était son premier copain. Ce dernier a déclaré qu’elle avait déjà eu un ou des amis. Selon un témoin, la plaignante avait eu une histoire sentimentale avec une autre personne, mais sans suite d’ordre sexuel. A l’expert, elle a déclaré qu’elle n’avait jamais eu de vie sentimentale.

Dans son adolescence, A.________ s’est plainte d’avoir été victime de divers sévices de la part de son père et d’un éducateur du foyer de V.________. En 2011, elle a été soumise à une expertise psychiatrique, dans le cadre d’une procédure pénale ouverte à la suite d’accusations de la plaignante selon lesquelles un ami de son père avait abusé d’elle sexuellement ; la plaignante avait aussi mentionné à nouveau des abus sexuels subis de la part de son père, commencés lorsqu’elle était âgée de six ans ; elle expliquait qu’elle avait à l’époque accepté de signer un document où elle disait qu’elle avait menti au sujet des maltraitances infligées par son père (et un éducateur) pour laisser une chance au premier ; elle rapportait encore une agression par son père près de chez elle en juin 2011. L’expert est parvenu à la conclusion que la plaignante souffrait d’un retard mental léger avec déficience du comportement significatif, nécessitant une surveillance ou traitement. Il a aussi signalé une anorexie mentale. Les troubles étaient graves puisque l’expertisée était invalide et qu’elle ne parvenait à maintenir une autonomie personnelle qu’à condition de bénéficier d’un encadrement relativement important (prise en charge en atelier protégé, soutien éducatif à domicile, curatelle, traitement médicamenteux, psychothérapie). Ces troubles en faisaient par ailleurs une personne très suggestible, avec une tendance marquée à adapter ses déclarations à ce qu’elle pensait que ses interlocuteurs attendaient d’elle. L’expert observait qu’il avait trouvé, dans les documents mis à sa disposition, trois sources distinctes attestant que A.________ avait affirmé de façon mensongère avoir été victime d’abus.

5.1.3                B.________ a déposé plainte le 5 décembre 2012 contre son ancien ami intime H.________ pour des infractions contre son intégrité sexuelle commises durant leur relation. Par jugement du 26 septembre 2017, ce dernier a été acquitté des préventions de contrainte sexuelle et d’actes d’ordre sexuel commis sur une personne incapable de discernement ou de résistance. Il ressort du jugement que la relation entre les deux jeunes gens était étroitement surveillée par les professionnels en charge de la plaignante ; que les déclarations de celle-ci ne correspondaient pas à celles des témoins ; que la plaignante avait l’habitude d’avoir plusieurs versions pour les mêmes événements et qu’elle avait une certaine capacité de s’opposer aux rapprochements non désirés ; elle était en définitive à même de déterminer, au plan sexuel, ce qu’elle admettait ou n’admettait pas.

5.2                   Déclarations des parties sur les faits

5.2.1                A.________

5.2.1.1             Lorsqu’elle s’est présentée à la police le 9 février 2015, accompagnée d’un infirmier, la plaignante A.________ a déclaré que c’est le prévenu qui lui avait fait des avances (pour le film et retranscription mot à mot de certains passages). Elle avait consenti au début aux relations sexuelles, même si certaines pratiques (fellations en avalant le sperme, sodomies) lui répugnaient. Elle s’exécutait car elle avait peur des réactions de l’appelant et craignait qu’il ne la quitte. Elle était amoureuse de lui. Environ six mois avant le dépôt de la plainte, l’appelant avait voulu entretenir des relations à trois. Il était venu chez elle avec un Noir. Elle n’avait pas voulu le faire entrer mais elle avait accepté devant son insistance. Elle n’avait pas non plus voulu se déshabiller ni entretenir des relations sexuelles. Elle avait exprimé son refus, mais il avait insisté et l’avait, par sa force de persuasion, mais aussi en la tenant, conduite à subir les gestes décrits dans l’acte d’accusation. Elle contestait avoir jamais été consentante d’entretenir avec l’appelant des rapports sexuels mêlant un tiers. Les faits s’étaient reproduits à trois ou quatre reprises. Une fois, l’appelant était venu avec deux Noirs. Ceux-ci avaient vu qu’elle ne voulait pas de telles relations sexuelles et étaient partis. Une autre fois, l’appelant était venu chez elle avec une fille. La plaignante était folle de rage. L’appelant avait entretenu une relation sexuelle devant elle avec la fille, puis était parti quand il avait vu que la plaignante était toute énervée. Depuis cinq mois, l’appelant demandait de l’argent à la plaignante. Elle lui avait remis tous les mois 400 francs et une fois 600 francs. Elle était prise par les sentiments. Le jour du dépôt de la plainte, elle était allée boire un express au bar exploité par l’appelant. Il lui avait dit qu’il avait besoin d’argent et elle n’avait pas voulu lui en donner, même si elle avait au préalable retiré la somme en question d’un distributeur bancaire. L’appelant était venu chez elle vers midi. Elle lui avait dit qu’elle n’était plus d’accord de lui donner de l’argent et lui avait demandé comment il voyait la suite de leur relation. ll avait voulu entretenir une relation sexuelle. Elle n’était pas d’accord mais elle l’avait quand même fait. Puis elle lui avait remis de l’argent en culpabilisant.

5.2.1.2             A.________ a été réentendue à sa demande le 15 juillet 2015 par la procureure. Elle a déclaré, en bref, qu’au début elle était consentante. C’était d’avoir été obligée à coucher avec des Noirs qui l’avait convaincue de déposer plainte à la police. Il y avait eu quatre épisodes de ce type. L’idée venait du prévenu. Les Noirs étaient chaque fois différents. Elle a nié avoir ouvert la porte en étant nue ; à une reprise, elle sortait de la douche et elle portait un linge. Elle n’avait pas réagi plus vite parce qu’elle était amoureuse. C’était son premier copain, et elle n’avait pas réalisé tout de suite. Elle se souvenait qu’il y avait un Noir qui était tout perturbé et qui avait dit qu’il ne voulait pas avoir de problèmes. Elle n’avait pas du tout apprécié « le pipi dans la bouche ». L’appelant lui avait dit que cela lui donnait des sensations et que cela l’excitait. C’était arrivé deux fois. Ils n’en avaient pas vraiment parlé. Elle lui avait dit qu’elle n’aimait pas « comme ça ». Il avait vu la pratique sur une vidéo et voulait essayer. Elle avait dit à l’appelant qu’il fallait faire attention aux maladies. Avec lui, elle avait confiance, mais pas avec les Noirs. L’appelant lui disait qu’elle ne risquait rien car il les connaissait bien. Elle ne le croyait pas et elle avait peur. L’appelant ne respectait pas ce qu’elle disait. Elle s’était ouverte de ce qui se passait entre le prévenu et elle à une intervenante du Groupe SIDA, J.________, et avait consulté le planning familial ; elle avait aussi parlé à son médecin généraliste, le Dr L.________, à sa psychiatre, la Dre M.________, à son infirmier, à sa gynécologue la Dre D.________ (à qui elle avait raconté qu’elle avait été violée, n’osant pas lui dire ce qu’elle faisait avec les tiers amenés par l’appelant). Elle avait été soignée pour un petite déchirure à l’utérus, et des infections urinaires. Au début, elle avait pris la pilule du lendemain. On lui avait conseillé d’aller consulter sa gynécologue. S’agissant des sommes remises au prévenu, elle a expliqué : « il vivait dans une situation de dettes. Je devais l’aider, car il me disait qu’on était en relation. Moi je lui ai dit qu’on n’était pas en relation. Des fois il m’amenait à la gare pour que je retire de l’argent. Il me demandait de me coucher à l’arrière de la voiture, pour que personne ne me voie. Ensuite, je lui donnais de l’argent ». Elle a déclaré qu’elle avait remis environ 400 francs tous les mois et une fois 800 francs pour le fitness. A la question de savoir s’il s’agissait de dons ou de prêts, elle a répondu « je devais donner. Il m’a juste remboursé 400 francs, parce que j’ai exigé lorsqu’il est parti avec sa femme (au Portugal). Je lui ai dit que je ne pouvais pas donner comme ça de l’argent. Il me disait que dans une relation on s’aide. Il m’a aussi dit qu’il rembourserait plus tard. Il me disait « merci pour les cadeaux » et pour moi cadeau, c’est pas remboursé ».

A la question de savoir si elle était comblée de manière globale avec le prévenu, elle a répondu : « Au début oui. Mais après, j’ai réalisé que ce n’était plus du normal ». A la question de savoir si elle avait eu du plaisir lors des relations sexuelles, elle a expliqué « Au début, non. Mais il y a eu un moment, quand j’étais amoureuse et qu’il était tout seul, oui.  Après pas, quand il y a eu les Noirs. Là ça devenait pénible, je n’avais plus de plaisir ». Elle voulait qu’il quitte sa femme. Elle lui avait dit qu’elle n’attendrait pas plus d’une année et demie. Il lui avait déclaré qu’il ne savait pas ce qu’il voulait. Un jour, il lui avait dit que si elle allait à la police, il dirait que c’était juste une personne qu’il avait vue au bar. Elle avait pensé qu’il se rendait compte qu’il faisait des choses qu’il ne devait pas faire. Quant à sa situation après sa plainte à la police, elle a déclaré qu’elle allait mal parce qu’elle avait dénoncé quelqu’un qu’elle avait aimé et qu’elle culpabilisait parce qu’elle n’avait pas pu lui faire comprendre que ce n’était pas normal ce qu’il faisait. Elle pleurait tout du long. Elle avait « perdu la faim ». Elle avait dû être hospitalisée trois mois puis était allée à la clinique de T.________.

5.2.1.3             A l’audience du tribunal criminel, A.________ a expliqué que le prévenu lui avait fait des avances et qu’elle avait fini par l’inviter boire un verre chez elle. Il lui avait directement « sauté dessus » lorsqu’il était venu pour la première fois à son domicile. Il l’avait déshabillée. Elle n’avait pas eu le temps de réagir. Elle était choquée. Au début, elle n’avait pas de sentiments, puis elle en avait développés. Elle a confirmé qu’elle avait toujours dit qu’elle n’était pas d’accord pour les « plans » avec des « personnes de nationalité africaine ». Elle avait remis de l’argent au prévenu parce qu’il lui avait parlé de ses problèmes financiers. Dans son esprit, il s’agissait d’un prêt. Elle voyait un psychothérapeute deux fois par semaine (en raison du traumatisme subi). Des images lui revenaient dans la tête et ne s’en allaient pas. Elle dormait bien parfois. Cela dépendait des nuits.

5.2.2                B.________

5.2.2.1             B.________ a été entendue par la police le 2 mars 2015 (pour une retranscription mot à mot de certains passages), l’audition étant filmée. La jeune femme a d’abord déclaré qu’elle ne connaissait pas le patron du bar rue [bbbbb]. Puis elle a raconté que lorsqu’il était serveur dans le café d’à côté, il l’invitait pour aller chez lui, et qu’elle ne voulait pas mais qu’il était insistant. Elle était allée chez lui juste une fois. Il lui avait offert le café. Lorsqu’elle avait voulu partir, il l’avait retenue ; elle avait crié et elle lui avait donné un coup de pied entre les jambes pour qu’il la lâche. A la demande de la police, elle a dit qu’il y avait d’autres choses, mais qu’elle n’avait pas envie d’en parler (« si je commence à en parler je vais pleurer et ne plus m’arrêter »). Puis elle a admis des relations sexuelles qui s’étaient déroulées chez l’appelant, pendant une période de deux à trois mois. Elle avait décidé de ne plus retourner chez lui parce qu’il s’était passé quelque chose de pas agréable. Elle lui avait demandé d’arrêter en élevant la voix, mais il ne l’entendait pas ou ne l’écoutait pas. Ce n’était pas des gestes à caractère sexuel. Les relations sexuelles étaient trop douloureuses pour elle. Au début elle était d’accord, ensuite plus. L’appelant ne se protégeait pas, bien qu’elle le lui ait demandé. Il mettait ses doigts dans son sexe ; cela lui faisait mal. Il ne mettait pas son sexe dans sa bouche ; elle n’aimait pas cela. Il n’y avait jamais d’amis de l’appelant qui étaient présents. Il lui avait proposé que d’autres personnes viennent aussi. Elle avait dit non. Il était quand même arrivé avec une dizaine de filles. Elle était partie. L’appelant ne lui avait jamais proposé d’entretenir des relations avec d’autres garçons. Il la pénétrait des deux côtés. Cela lui faisait mal et elle le disait en élevant la voix mais il poursuivait ses gestes. C’était arrivé une seule fois. Elle ne pouvait pas expliquer pourquoi « on en est arrivé là. Je ne savais pas qu’il voulait cela. Il m’a demandé. Je n’arrive pas à expliquer pourquoi en est arrivé là ». Parlant de H.________, elle a expliqué que c’était son petit copain avant l’appelant. Elle avait eu des relations sexuelles avec lui, « il était tout doux ». Durant l’audition, B.________ a successivement déclaré qu’elle avait déjà eu des rapports sexuels avant sa relation avec le prévenu, puis qu’elle avait eu ses premiers rapports sexuels avec lui. Interpellée sur cette contradiction, elle a répondu : « Je ne m’en rappelais plus, j’étais dans ma bulle. Ça m’est revenu lorsque Me O.________ en a parlé. Je vous confirme que H.________ était mon premier petit copain avec lequel j’ai eu des relations sexuelles. Il m’a fait des promesses qu’il n’a jamais tenues. En fait, il m’avait dit qu’il viendrait me chercher avec ses enfants. Il ne l’a jamais fait ». Le lendemain, sa mandataire a déposé plainte.

5.2.2.2             Devant le tribunal criminel, B.________ s’est montrée nerveuse. Elle a d’abord soutenu qu’elle n’avait pas de souvenir particulier s’agissant du prévenu, puis, celui-ci étant sorti de la salle, elle a déclaré qu’il avait menti. C’est lui qui la suivait aux toilettes, et non l’inverse. Il avait bloqué la porte des toilettes pour l’empêcher de retourner vers ses amis. Elle a répondu qu’elle se souvenait d’une chose qui lui avait fait mal, soit lorsque le prévenu avait mis son doigt dans son vagin et qu’elle lui avait donné des coups de pieds. Ça n’avait pas marché.

5.2.3                X.________

5.2.3.1             Entendu le 10 février 2015, l’appelant a d’abord passé sous silence sa relation avec A.________. Puis il a expliqué ce qui suit : « Ben je la connais du bar, il ne faut pas mentir (…) c’est une fille qui veut absolument que je quitte ma femme pour elle. Je ne peux pas, je ne quitterais jamais ma femme pour aucune femme. Elle avait toujours espoir, je ne sais pas pourquoi, c’est une très gentille fille mais pas plus que ça. Je ne pensais pas que c’était un truc que je devais vous dire. Franchement, je n’ai jamais forcé personne, c’est un truc auquel je ne m’attendais pas. Elle veut que j’aille chez elle. Je n’ai pas le temps, c’est une fille sympathique mais j’ai l’impression qu’elle est aussi un peu compliquée. Ce n’est pas facile de dialoguer avec elle. Je ne sais pas quoi vous dire d’autre. » Il a admis des relations spontanées avec d’autres femmes dans les toilettes du bar, déclarant que beaucoup de femmes voulaient sortir avec lui depuis qu’il était propriétaire de l’établissement public. A.________ était un cas à part. C’était une gentille fille malgré le fait qu’elle avait un « problème (le prévenu fait un geste en direction de sa tête). C’est bizarre, je ne veux pas dire qu’elle a un handicap mais je ne sais pas comment elle prend les choses. Il faut lui dire les choses beaucoup de fois pour qu’elle comprenne. Elle voulait absolument que je lui donne une heure exacte et je devais lui promettre que je passerais. Je me suis même demandé si elle n’avait pas un problème. Elle doit avoir un problème (…) je suis étonné d’être là aujourd’hui à cause d’elle. Elle m’a dit qu’elle avait trouvé un autre bonhomme. Je ne sais pas si c’est vrai. Elle est difficile. Elle m’a demandé si je voulais qu’elle trouve quelqu’un d’autre que moi en attendant que je quitte ma femme. Je lui ai répondu que je ne serais jamais à elle, que je ne quitterais jamais ma femme, qu’elle pouvait chercher un autre homme (…) pour être clair, elle a un problème au cerveau mais je ne sais pas lequel (…) je ne l’ai jamais connue autrement (…) c’est une fille majeure. Je ne l’ai pas violée ». Au cours de l’audition, il s’est exprimé comme suit quant à savoir qui avait fait le premier pas : « Vous me demandez si elle était jolie. Non, gentille, c’est tout. Même les clients le disaient. Elle est considérée comme gentille et serviable. Elle proposait même d’aller m’acheter à manger. Sexuellement, nous nous cherchions l’un l’autre ». La première relation sexuelle était intervenue quelques mois après les premières rencontres au bar. C’était, lui semblait-il, chez elle : « Je l’ai ramenée puis voilà. Elle avait tellement envie cette fille. On l’a fait ». Durant la suite de l’audition, le prévenu a admis que c’était lui qui avait proposé à la plaignante la fellation et la sodomie. Il a déclaré qu’elle avait été d’accord tout de suite. Il n’y avait eu que deux sodomies. Il avait arrêté cette pratique car il n’aimait pas trop. Pour les fellations, c’est la plaignante qui avait demandé à avaler. Il ne touchait pas sa tête « c’est vrai que je ne pratique cela qu’avec A.________. C’est vrai, sexuellement, A.________ est forte. Elle aime le sexe à fond. Elle n’en a peut-être pas (le prévenu montre sa tête)… mais sexuellement elle est forte ». C’est la plaignante qui avait eu l’idée des relations sexuelles à trois. C’était plus facile avec un Noir. A une reprise, le prévenu était venu avec deux personnes « de passage » qui finalement avaient refusé de coucher avec eux. Il y avait eu « deux plans à trois », dont un qui n’avait pas fonctionné car l’individu n’avait pas eu d’érection. Il y avait aussi eu un « plan à trois » avec une fille prénommée G.________. A.________ n’avait pas apprécié car elle était jalouse. Le prévenu et G.________, que le premier avait payée pour cela, avaient eu une relation sexuelle devant la plaignante, qui n’avait pas voulu participer. En substance ainsi, le prévenu a reconnu pour l’essentiel les faits à caractère sexuel décrits dans l’acte d’accusation, en contestant toutefois avoir été à l’initiative des sodomies, fellations, actes sexuels à plusieurs (sauf avec G.________), et toute contrainte.

5.2.3.2             Le lendemain, l’appelant a été interrogé par la procureure. Il a déclaré que les premières relations sexuelles avec A.________ avaient eu lieu en 2013. Il a maintenu ses déclarations concernant le déroulement des fellations. Il a indiqué qu’il n’avait jamais déshabillé la plaignante. Il n’y avait jamais eu d’acte de contrainte lors des relations impliquant un tiers. Il y avait eu deux relations à trois, dont la fois où « la tierce personne n’a pas pu être en érection ». L’appelant a reconnu que « tout au début », c’est lui qui avait proposé les pratiques à plusieurs. Il n’avait jamais ressenti de réticence de la part de la plaignante.

Interrogé pour la première fois au sujet de B.________, l’appelant a déclaré qu’il en avait fait la connaissance lorsqu’il était serveur dans un établissement public à proximité de celui qu’il tenait actuellement. Elle venait au bar où il travaillait : « elle voulait sortir avec moi. Elle est venue une fois chez moi. On a eu des rapports. Vous me demandez comment elle était (…) elle avait un copain, elle a quitté le copain. J’ai trouvé qu’elle n’était pas correcte, elle avait un handicap. Vous me demandez quoi. Parfois elle parlait fort ». Son handicap le gênait et il ne voulait pas continuer. Il avait arrêté tout de suite avec elle.

L’appelant a par ailleurs admis que A.________ lui avait remis de l’argent. Selon lui, elle savait qu’il allait rembourser. Ça avait commencé par un parfum, des cadeaux. Elle avait voulu lui donner de l’argent. Lui ne voulait pas. Il avait un commerce. Elle lui avait remis deux fois 400 francs, une fois 600 francs et une fois 360 francs. Il lui avait dit qu’il la rembourserait. Il était clair qu’il allait le faire. Lorsque A.________ avait montré sa jalousie en relation avec l’épisode de G.________, elle s’était excusée lorsqu’il était retourné à l’appartement et même demandé que G.________ revienne. Il a déclaré que l’idée venait de la plaignante qui avait plutôt en tête de faire l’amour avec deux couples. « Elle voulait absolument toutes ces expériences. Bon, on les voulait tous les deux ».

5.2.3.3             L’appelant (encore interrogé par le Tribunal des mesures de contrainte le 12 février 2015, devant lequel il a confirmé ses précédentes déclarations) a été réentendu par la procureure le 19 mars 2015, au sujet de ses relations avec B.________. Il a relaté que c’était la jeune femme qui lui avait fait des avances. Elle le suivait aux toilettes. Ils avaient eu deux relations, dont l’une où il ne s’était rien passé, car il avait « un problème ». Il a nié tout acte de contrainte ou sodomie. S’agissant de la personnalité des plaignantes, il a expliqué que si, avec A.________, « on ne [voyait] vraiment rien, juste que de temps en temps il [fallait] lui répéter les choses », avec B.________ « on voyait qu’elle avait ses petites crises instantanées ». Tout d’un coup, elle parlait plus fort et cela le gênait. Il savait qu’elle vivait en institution. Il pensait qu’elle avait une intelligence normale, précisant ultérieurement qu’il n’avait pas suffisamment discuté avec elle pour voir s’il y avait « une faille ». Il pouvait dire qu’elle était consentante « parce qu’elle n’a pas posé de résistance et ensuite les choses sont venues toutes seules ». On voyait selon lui qu’elle avait de l’expérience : « J’étais étonné d’ailleurs qu’elle prenne du plaisir ».

L’appelant a en substance confirmé ses précédentes déclarations concernant les relations impliquant des tiers avec A.________. Il a affirmé avoir acheté à l’étranger les films pornographiques trouvés chez lui.

5.2.3.4             A l’audience du tribunal criminel, l’appelant a répété ses précédentes déclarations concernant B.________. Il n’y avait pas eu de coups de pieds. C’était un rapport sexuel normal. Il avait touché le vagin avec les doigts. Il a ajouté qu’il n’avait pas continué la relation alors qu’il aurait pu en profiter. La plaignante était revenue au bar tous les jours, mais il lui avait dit qu’il pourrait avoir des problèmes professionnels. Il n’avait pas voulu poursuivre. Il avait le sentiment d’avoir été correct.

S’agissant de A.________, l’appelant a déclaré qu’il avait toujours eu le sentiment qu’elle était consentante lors des rapports, même quand des tiers intervenaient. Il avait senti qu’elle avait développé des sentiments pour lui dans le courant 2014. L’épisode avec G.________ montrait qu’elle savait très bien dire non. Pour l’argent, la plaignante avait spontanément souhaité lui en prêter, à raison de deux versements de 400 francs. Il avait reçu en tout 1'600 francs. Il comptait lui rendre cette somme dès qu’il le pourrait. Il avait regardé des DVD avec la plaignante et ressenti, notamment à son attitude, qu’elle était d’accord avec les pratiques visionnées. La première fois, c’était lui qui avait entrepris les démarches. Par la suite, ils y avaient réfléchi ensemble. Il est vrai qu’elle ne pouvait pas voir les personnes africaines lorsque lui et elles étaient derrière sa porte. Il avait remarqué un handicap chez B.________, mais pas chez A.________.

5.2.3.5             A l’audience de la Cour pénale, l’appelant a déclaré qu’il avait fait la connaissance de B.________ en 2006-2007, jusqu’en 2009. C’est elle qui lui avait fait des avances. Elle l’appelait à tout bout de champ « chéri ». À l’époque, le prévenu était seul et il l’avait invitée chez lui au bout d’un moment. Il savait qu’elle vivait dans une institution. Elle se maquillait et elle s’habillait bien. Lorsqu’il l’avait invitée chez lui, elle avait voulu le prendre dans les bras et ils s’étaient déshabillés les deux. Ils n’avaient néanmoins pas entretenu de rapport sexuel. Il lui avait mis les doigts dans le vagin. Le prévenu avait ramené la plaignante en voiture tout près de l’institution. En septembre 2009, le prévenu avait déménagé et réinvité la plaignante chez lui. Ils avaient entretenu un rapport sexuel. Il avait été surpris par la rapidité avec laquelle la plaignante s’était déshabillée, comme si elle était venue pour ça. Il a contesté avoir fait mal à la plaignante, ou l’avoir sodomisée. La plaignante continuait à venir au bar qu’il avait repris et à l’appeler chéri. Elle s’installait régulièrement à une table du bar. C’était gênant qu’elle soit tout le temps là. Parfois, elle commençait à gesticuler. Le prévenu se sentait un peu mal à l’aise. Il avait essayé de lui expliquer de ne pas venir tous les jours. Elle n’avait pas trop apprécié. Au bout d’un moment, elle avait cessé de venir. S’il avait été un profiteur, il aurait continué les actes sexuels avec B.________. Celle-ci lui avait dit qu’elle ne pouvait pas avoir d’enfants.

L’appelant avait fait la connaissance de A.________ parce que c’était une cliente de son bar au début 2014. C’était une cliente toute souriante et sympathique. Elle lui avait offert quelques fois d’aller lui chercher un kébab. Parfois elle arrivait spontanément avec un kébab pour lui. Elle offrait souvent des tournées. Il trouvait à cette époque la plaignante assez normale. S’il avait dit devant la procureure qu’elle semblait bizarre, en fait il pensait à B.________. Il y avait un malentendu depuis le début. Les premières relations sexuelles devaient avoir lieu en avril-mai 2014. Il avait proposé de la ramener chez elle. A deux reprises, elle lui avait dit qu’elle avait déjà eu des amis et lui avait désigné un garçon comme étant « son ex ». A son avis, elle était expérimentée sexuellement. C’est plutôt le prévenu qui avait pris l’initiative. Il avait senti que la jeune femme avait la même envie et c’était réciproque. La plaignante avait pour pratique préférée la fellation. Elle était experte. Ils avaient regardé des vidéos pornographiques ensemble. La plaignante et lui se jetaient des coups d’œil, se souriaient et se montraient par là qu’ils étaient d’accord d’essayer les pratiques représentées sur les vidéos. Ils avaient vu quelqu’un avec un sac plastique sur la tête qui se faisait uriner dessus. Ils étaient allés dans la baignoire mais n’avaient pas réussi à reproduire la scène, parce que le prévenu n’avait pas envie d’uriner. Le couple avait aussi visionné des vidéos montrant des rapports sexuels à trois puis à quatre. Avant chaque relation à plusieurs, l’appelant et la plaignante discutaient de ce qu’ils allaient faire. La jeune femme voulait que cela reste discret et le prévenu lui avait répondu qu’il pouvait aller chercher un partenaire. Il lui avait semblé que la gare était l’endroit idéal pour trouver quelqu’un pour « faire un truc pareil ». Dans le hall de la gare, il avait trouvé « un black ». Il lui avait proposé la rencontre. Le « black » était venu. Ce dernier se tenait sur le côté de la porte quand le prévenu avait sonné chez de la plaignante. Celle-ci savait qu’il devait venir avec quelqu’un (elle ne pouvait donc dire qu’elle avait été surprise). L’étranger n’avait pas eu d’érection. Le prévenu et la plaignante avaient réessayé quelques jours plus tard. Ils avaient entretenu une relation sexuelle à trois. Le prévenu avait alors « un peu écarté la jambe » de la plaignante. Il n’avait pas trop apprécié. La plaignante et lui étaient conscients du risque de maladies sexuellement transmissibles. L’appelant a contesté les éléments de contrainte décrits au chiffre II 1.9 de l’acte d’accusation. Il a précisé que la plaignante et l’inconnu voulaient s’échanger leurs numéros de téléphones. Pour la tentative de relation à quatre, le prévenu était aussi allé à la gare, mais les individus recrutés étaient repartis au bout de deux minutes, alors que la plaignante était en sous-vêtements. C’est le prévenu qui avait eu l’idée pour la relation avec G.________. La plaignante, après visionnement d’un film, lui avait proposé de regarder avec une amie à elle si celle-ci accepterait d’entretenir des rapports sexuels avec eux. La plaignante y avait finalement renoncé, par crainte d’une indiscrétion. Le prévenu, quant à lui, était en train de découvrir de nouvelles choses sur le plan sexuel et, comme la plaignante était très intéressée, il avait sollicité G.________ qu’il connaissait depuis longtemps. G.________ avait été payée. La plaignante avait réagi différemment des précédentes fois lorsqu’elle avait vu l’appelant couché avec G.________. Elle avait montré qu’elle n’était pas du tout d’accord. C’est à ce moment-là que le prévenu avait commencé à découvrir qu’elle avait des sentiments amoureux pour lui. La plaignante s’était ensuite excusée et voulait même lui rembourser les 50 francs payés à G.________. Le prévenu avait refusé. Il lui avait dit « qu’on arrêtait tout avec les tiers et (qu’)on restait tous les deux » Ça devait être en août 2014. Invité à s’expliquer sur les remises d’argent de la plaignante, le prévenu a répondu que celle-ci avait d’abord eu l’habitude de lui offrir tous les quinze jours / trois semaines des parfums, après qu’il lui avait demandé de lui en acheter un qui était en action. Elle lui avait spontanément proposé de lui donner de l’argent pour qu’il puisse s’offrir un abonnement de fitness ; il avait expliqué que ce n’était pas nécessaire, mais elle avait insisté et il s’était laissé faire ; il avait dit qu’il voulait la rembourser plus tard, mais elle lui avait répondu que ce n’était pas la peine. En février 2015, le prévenu avait eu une semaine difficile et il avait demandé à la plaignante si elle pouvait lui prêter 1000 francs. Elle avait refusé, mais lui avait avancé 300 francs. Il lui avait dit qu’il lui restituerait cette somme la semaine suivante. Il ne comprenait pas pourquoi elle était allée déposer plainte à la police. La situation avec A.________ était très différente de celle avec B.________. La première était une cliente normale. Lorsqu’elle lui avait donné des parfums et de l’argent pour le fitness, il avait pensé qu’elle lui faisait des cadeaux parce que c’était un moyen de l’acheter pour avoir des rapports sexuels. Il n’avait pas pensé qu’elle était un peu faible. Il ne comprenait pas pourquoi elle allait encore très mal actuellement.

5.3                   Déclarations des tiers éventuellement impliqués dans les relations sexuelles

5.3.1                G.________ a été entendue par la police le 11 février 2015. Elle a reconnu qu’elle connaissait le prévenu (mais pas A.________) et qu’elle fréquentait pratiquement tous les matins son bar. C’était un dragueur qui lui avait proposé des parties sexuelles à trois, en la payant, mais elle avait refusé. Il lui avait demandé plusieurs fois si elle connaissait des filles africaines qui seraient partantes et en voulaient. Elle a absolument contesté avoir eu une relation sexuelle avec le prévenu.

5.3.2                I.________ a été entendu par la police le 13 mars 2015. Il ressort de ses déclarations qu’il a été approché avec un ami sénégalais par le prévenu à la gare de Z.________ en janvier ou février 2014. Finalement, lui seul avait accompagné l’appelant chez A.________. Lorsqu’elle avait ouvert la porte, la jeune femme était complètement nue. Le témoin avait compris que le prévenu voulait qu’il ait des relations sexuelles avec la jeune femme, sans savoir si c’était à trois ou deux. Il avait refusé et il était parti.

5.3.3                A.________ a reconnu sans hésitation et formellement G.________, lors d’une présentation de photos, comme étant la femme avec qui le prévenu avait entretenu des relations sexuelles devant elle. Elle a indiqué que I.________ avait « une certaine ressemblance » avec la personne qui avait participé à l’avant dernière ou à la dernière partie à trois.

5.4                   Déclarations de A.________ auprès de son entourage

5.4.1                J.________, collaboratrice au Groupe SIDA et dans des institutions, a déclaré lors de son audition le 15 juillet 2015 devant la procureure qu’elle connaissait A.________ depuis longtemps. La plaignante lui avait parlé de son copain le 24 avril 2013, puis encore lors de quelques rencontres jusqu’en septembre 2013. C’était un homme plus âgé qui avait des enfants de son âge. Un portugais qui avait un bar avec son fils. La plaignante avait peur d’être enceinte. Elle n’aimait pas la sodomie. Elle avait peur de le dire à son partenaire qui pourrait se fâcher. Pour elle, il s’agissait d’une relation d’amour. Elle n’aimait pas non plus pratiquer des fellations. Elle disait que son ami lui tenait la tête. Il refusait de mettre un préservatif. La plaignante se sentait sale et devait tout nettoyer après son départ. C’était comme si elle savait intellectuellement que les choses n’étaient pas correctes mais, émotionnellement, elle n’arrivait pas à faire la distinction et à rompre, ceci malgré les conseils de J.________. Cette dernière avait accompagné la plaignante à l’hôpital psychiatrique pour rencontrer son infirmière de référence, mais la plaignante se gênait de donner des détails. J.________ avait aiguillé la plaignante vers le planning familial. Un dépistage VIH avait été effectué. Le 9 juillet 2013, la plaignante lui avait dit qu’elle avait été violée par un homme noir et elle était paniquée. Elle avait aussi parlé d’un viol en juin à son infirmière ; elle n’avait pas le courage de déposer plainte et sa « psy » ne voulait pas la croire. J.________ a expliqué de manière générale ceci : « quand une femme majeure dit que tout y passe et qu’elle doit se plier à des exigences dont elle n’a pas envie, telles que pénétration anale ou fellation, on parle d’abus professionnellement. Sur ce plan, on doit aussi examiner les risques encourus (…) ». Le fait de tenir la tête de sa partenaire pendant une fellation n’est pas forcément une contrainte « mais la manière dont A.________ (…) racontait qu’il lui tenait la tête était (pour le témoin) une contrainte (…) A.________ est intelligente. Elle souffre de carence affective. Elle est abandonnique. C’est sa première relation amoureuse (…) Elle avait conscience qu’elle prenait des risques. Elle avait peur d’être malade. Elle n’arrivait pas au vu de sa situation à rompre, à ne plus répondre à ses appels quand il annonçait qu’il arrivait le dimanche ».

5.4.2                Le médecin traitant de A.________ a répondu à un questionnaire le 18 août 2015. Il rapporte que sa patiente lui a parlé de sa relation avec le prévenu en 2013. Elle avait des difficultés à le faire. Elle semblait valorisée par l’intérêt que lui portait son ami mais s’était, pendant plusieurs mois, plainte que leur relation s’arrête uniquement à des relations sexuelles. Le médecin était inquiet que ne soient imposés à sa patiente dans cette relation des actes qu’elle ne voulait pas. Les répercussions psychologiques avaient été, et étaient probablement encore majeures.

5.4.3                P.________, psychiatre psychothérapeute FMH, a rencontré A.________ entre janvier 2014 et août 2015 de manière régulière une à trois fois par mois. La plaignante lui avait parlé de sa relation avec un homme marié, qui allait quitter sa femme. Elle avait évoqué pour la première fois des abus à l’infirmier en psychiatrie qui la suivait à domicile le 24 octobre 2014, puis avec elle directement le 27 octobre 2014. La plaignante déclarait que son copain l’obligeait à avoir des relations sexuelles avec d’autres hommes noirs même si elle disait clairement qu’elle ne voulait pas. De novembre à février, il s’agissait des thématiques principales abordées entre le médecin et la patiente. Celle-ci n’arrivait pas à mettre fin à la relation qu’elle continuait à subir. Depuis début octobre 2014, la plaignante avait commencé à présenter un état anxio-dépressif. Elle avait été en arrêt de travail depuis. Suite au dépôt de plainte, son état avait empiré, elle s’était isolée, elle avait arrêté de se nourrir, elle avait dû être hospitalisée. Le 26 août 2015, elle présentait un état anxio-dépressif sévère traité avec des médicaments et un suivi par un infirmier psychiatrique à domicile cinq fois par semaine. Vu son immaturité affective, il lui était difficile d’élaborer des stratégies de défense face aux comportements abusifs. Il n’y avait pas de raison de douter que les séquelles psychiques actuelles fussent entièrement dues aux abus subis.

5.4.4                La Dre D.________, gynécologue, a déclaré le 26 novembre 2015, en réponse à un questionnaire de la procureure, avoir rencontré la première fois le 5 septembre 2013 A.________ pour un contrôle gynécologique. Sa patiente lui avait déclaré en fin de rendez-vous avoir subi un viol plusieurs semaines auparavant par un inconnu noir. Des contrôles ad hoc avaient été effectués. En octobre 2014, la patiente demandait une recherche de maladies sexuellement transmissibles car son partenaire avait eu d’autres relations sexuelles. La dernière consultation avait lieu le 2 octobre 2015 ; la plaignante était bien différente par rapport aux autres consultations. Elle était ralentie, triste, visiblement affectée par les événements passés.

5.5                   Constatations de tiers

Une cliente du bar décrit comme suit A.________ : « c’est une fille simple, elle cherchait des amis je pense. Elle a un petit problème mental ». Pour un autre client, la plaignante a un âge mental de 11 ans maximum. Il signale sa voix et le fait qu’on ne peut pas vraiment avoir de conversation avec elle. Une autre cliente considère A.________ comme une naïve : elle a la voix aigüe d’une petite fille et semble-t-il une mentalité de 10 ans ; elle ne commet pas trop de faute quand elle écrit mais elle a du mal pour le calcul ; elle doit avoir des problème d’anorexie ; elle est coquette. Pour une autre, A.________ est quelqu’un d’un peu diminué ; elle a l’air très naïf et très enfant, elle est très aimable et gentille, le genre à s’attacher. A.________ est encore dépeinte comme enfantine, pas très mûre, pas méchante, ou faisant beaucoup plus jeune que son âge et un peu handicapée ou retardée. Pour une ancienne cliente du bar, A.________ est fragile mentalement, fragile comme un petit enfant. Selon le fils du prévenu en revanche, A.________ est quelqu’un d’introverti, de timide, qui a de la peine à placer ses idées, ses phrases, mais qui a une personnalité bien à elle. Elle est capable de dire non quand elle n’a pas envie. Elle avait tendance à payer une tournée puis à dire non quand quelqu’un voulait encore se faire offrir quelque chose à boire. Elle est normale même si elle n’est pas très cultivée.

5.6                   Expertise judiciaire

Le rapport d’expertise aux fins de déterminer la faculté de résistance de A.________ a été rendu le 21 octobre 2017. L’expert estime notamment que « on ne saurait invoquer le fait que ses allégations (celles de la plaignante) pourraient lui avoir été suggérées par les thérapeutes comme cela a pu être le cas par le passé selon le Dr E.________. En effet, le Dr L.________ précise bien qu’il a lui-même plusieurs fois insisté sur ce point et que l’expertisée n’est pas entrée en matière et n’a pas pris la perche qu’il lui tendait pour parler de ce qu’elle était en train de vivre. C’est elle qui en a spontanément parlé à l’infirmier en psychiatrie qui la suivait à domicile. Depuis elle a toujours maintenu la même version des faits, et ce quels que soient les interlocuteurs. Ce qu’elle a révélé à l’expert correspond exactement à ce qui a été consigné dans les rapports d’audience ». Posant lui aussi le diagnostic notamment d’un retard mental léger, l’expert nie qu’au moment des faits la plaignante ait été totalement incapable de se déterminer sur les sollicitations qui lui ont été faites. Elle était partiellement capable de le faire : « en admettant que les faits se soient déroulés comme le décrit l’expertisée, son retard mental et son immaturité affective étaient parfaitement susceptibles de l’empêcher de comprendre les intentions du prévenu et de se trouver en situation de subir une relation sexuelle. La brutalité des sollicitations est tout à fait susceptible, vu le passé de l’expertisée et la description qu’elle a des faits, d’avoir entraîné un vécu traumatique l’empêchant de se déterminer pleinement face aux sollicitations suivantes qui lui ont été faites, ce qui a pu limiter son libre arbitre. Il est cependant plausible, comme l’a expliqué l’expertisée qu’elle ait à plusieurs reprises clairement signifié un refus, mais qu’elle n’ait pas réussi à résister aux sollicitations d’un individu qui profiterait de l’asymétrie de leurs positions. En raison de ces éléments médicaux, sa capacité de résister à des sollicitations appuyées telles qu’elles ont été décrites était diminuée de façon très importante ». L’expert confirme par ailleurs que la plaignante a développé d’importants symptômes de stress post-traumatique et a présenté une rechute dépressive ainsi que des troubles alimentaires en voie d’amélioration. Il ajoute que le vécu traumatique précoce et le retard mental de la plaignante structurent son rapport avec autrui sur un mode essentiellement dépendant, avec une plus grande intensité s’agissant des hommes, vu l’investissement affectif qui rend le risque d’aliénation, d’abus ou d’emprise beaucoup plus important.

5.7                   Evolution de l’état de santé de A.________ (voir aussi chiffres 5.4.2 à 5.4.4 ci-dessus)

5.7.1                Le rapport de la curatrice, du 18 juin 2015, expose que les abus subis par la plaignante l’ont fortement fragilisée et ont entraîné des troubles dépressifs importants ainsi que des problèmes d’anorexie. Le rapport établi deux ans plus tard, le 24 mai 2017, relate qu’en octobre 2015, les professionnels de la santé entourant la plaignante ont jugé bon que celle-ci puisse être suivie par un psychologue spécialisé dans les traumatismes.

5.7.2                Le psychologue-psychothérapeute Q.________ a répondu le 16 mai 2017 à un questionnaire de la défense. Il s’occupait depuis quinze mois du traitement du traumatisme de A.________ en lien avec sa relation avec le prévenu. Il a établi des rapports intermédiaires les 11 janvier 2019, 22 mai 2020 et 23 novembre 2020. Selon les constatations du 23 novembre 2020, le diagnostic reste inchangé : état de stress post-traumatique. La symptomatologie s’est généralement aggravée. « Les symptômes sont les suivants : souvenirs envahissants, cauchemars, détachement par rapport aux autres, évitement des stimuli associés au traumatisme, hyperactivité neurovégétative avec hypovigilance et troubles de sommeil, anxiété, symptomatologie dépressive et idéation suicidaire. Les souvenirs envahissants sont présents la majorité de la journée et causent des cauchemars systématiques pendant le sommeil. Actuellement l’autonomie de Madame A.________ est encore plus restreinte qu’au dernier rapport. Elle a beaucoup de peine à gérer son propre ménage, elle ne cuisine quasiment plus, les courses sont faites par une connaissance qu’elle paye ».

Infractions contre la liberté sexuelle (art. 189 à 193 CP)

En général

6.      

6.1                            Selon l’article 189 CP, celui qui, notamment en usant de menace ou de violence envers une personne, en exerçant envers elle des pressions d’ordre psychique ou en la mettant hors d’état de résister, l’aura contrainte à subir un acte analogue à l’acte sexuel ou un autre acte d’ordre sexuel, sera puni d’une peine privative de liberté de dix ans au plus ou d’une peine pécuniaire.

Selon l’article 190 CP, celui qui, notamment en usant de menace ou de violence, en exerçant sur sa victime des pressions d’ordre psychique ou en la mettant hors d’état de résister, aura contraint une personne de sexe féminin à subir l’acte sexuel, sera puni d’une peine privative de liberté de un à dix ans.

6.2                            Comme le rappelle le Tribunal fédéral (arrêt du TF du 20.04.2020 [6B_159/2020]), pour qu’il y ait contrainte en matière sexuelle, il faut que la victime ne soit pas consentante, que l’auteur le sache ou accepte cette éventualité et qu’il passe outre en profitant de la situation ou en utilisant un moyen efficace. Les articles 189 et 190 CP tendent à protéger la libre détermination en matière sexuelle, en réprimant l’usage de la contrainte aux fins d’amener une personne à faire ou à subir, sans son consentement, l’acte sexuel ou un autre acte d’ordre sexuel. Il s’agit de délits de violence qui doivent être considérés principalement comme des actes d’agression physique (ATF 131 IV 107 cons. 2.2 et les arrêts cités). Il en résulte que toute pression ou tout comportement conduisant à un acte sexuel non souhaité ne saurait être qualifié de contrainte. L’article 190 CP, comme l’article 189 CP, ne protège des atteintes à la libre détermination en matière sexuelle que pour autant que l’auteur surmonte ou déjoue la résistance que l’on pouvait raisonnablement attendre de la victime (ATF 133 IV 49 cons. 4 et l’arrêt cité). L’infraction visée par l’article 190 CP exige donc non seulement qu’une personne subisse l’acte sexuel alors qu’elle ne le veut pas, mais également qu’elle le subisse du fait d’une contrainte exercée par l’auteur. A défaut d’une telle contrainte, de l’intensité exigée par la loi et la jurisprudence, il n’y a pas viol, même si la victime ne souhaitait pas entretenir une relation sexuelle (arrêt du TF du 16.04.2018 [6B_502/2017] cons. 1.1). Les pressions d’ordre psychique concernent les cas où l’auteur provoque chez la victime des effets d’ordre psychique, tels que la surprise, la frayeur ou le sentiment d’une situation sans espoir, propre à la faire céder (ATF 128 IV 106 cons. 3a/bb ; 126 IV 124 cons. 2b). En cas de pression d’ordre psychique, il n’est pas nécessaire que la victime ait été mise hors d’état de résister (ATF 124 IV 154 cons. 3b). Une situation d’infériorité physique ou de dépendance sociale et émotionnelle peut suffire. Pour déterminer si l’on se trouve en présence d’une contrainte sexuelle ou d’un viol, il faut procéder à une appréciation globale des circonstances concrètes déterminantes (ATF 131 IV 107 cons. 2.2). Compte tenu du caractère de délit de violence que revêt la contrainte sexuelle, la pression psychique générée par l’auteur et son effet sur la victime doivent atteindre une intensité particulière, comparable à l’usage de la violence ou de la menace (ATF 131 IV 167 et les références). Pour que la contrainte soit réalisée, il faut au moins que les circonstances concrètes rendent la soumission compréhensible. Tel est le cas lorsque la victime est placée dans une situation telle qu’il serait vain de résister physiquement ou d’appeler du secours ou que cela entraînerait un préjudice disproportionné, de sorte que l’auteur parvient à ses fins, en passant outre au refus, sans avoir nécessairement à employer la violence ou la menace (ATF 122 IV 97 cons. 2b ; 119 IV 309 cons. 7b). Pour analyser si l’effet requis sur la victime a une intensité comparable à celle de la violence ou de la menace, il faut se fonder sur les circonstances de fait et la situation personnelle de la victime.

7.      

7.1                            Aux termes de l’article 191 CP, celui qui, sachant qu’une personne est incapable de discernement ou de résistance, en aura profité pour commettre sur elle l’acte sexuel, un acte analogue ou un autre acte d’ordre sexuel, sera puni d’une peine privative de liberté de 10 ans au plus ou d’une peine pécuniaire.

7.2                            Selon la jurisprudence, est incapable de résistance la personne qui n’est pas apte à s’opposer à des contacts sexuels non désirés. Cette disposition protège les personnes qui ne sont pas en mesure de former, exprimer ou exercer efficacement une volonté de s’opposer à des atteintes sexuelles. L’incapacité de résistance peut être durable ou momentanée, chronique ou due aux circonstances. Elle peut être la conséquence d’un état mental gravement anormal, d’une sévère intoxication due à l’alcool ou à la drogue ou encore d’entrave matérielle. Il faut cependant que la victime soit totalement incapable de se défendre. Si l’inaptitude n’est que partielle – par exemple en raison d’un état d’ivresse, la victime n’est pas incapable de résistance (arrêt du TF du 03.07.2019 [6B_586/2019] cons. 1.4 ; ATF 133 IV 49 cons. 7.2). L’exigence jurisprudentielle d’une incapacité de résistance ou de discernement « totale » ne recouvre pas exclusivement des états de perte de conscience complète, mais délimite les situations visées par l’article 191 CP de celles dans lesquelles, par exemple en raison de l’alcoolisation de la victime, celle-ci est simplement désinhibée. Une incapacité de résistance peut être retenue lorsqu’une personne, sous l’effet de l’alcool et de fatigue ne peut pas ou que faiblement s’opposer aux actes entrepris.

Sur le plan subjectif, l’article 191 CP requiert l’intention, étant précisé que le dol éventuel suffit. Agi intentionnellement celui qui s’accommode de l’éventualité que la victime ne puisse pas être, en raison de son état physique ou psychique, en situation de l’opposer à une sollicitation d’ordre sexuel, mais lui fait subir malgré tout un acte d’ordre sexuel. Il n'y a pas d’infraction si l’auteur est convaincu, à tort, que la personne est capable de discernement ou de résistance au moment de l’acte. Déterminer ce qu’une personne a su, envisagé, voulu ou accepté relève des constatations de fait (arrêt du TF du 03.07.2019 [6B_586/2019] cons. 1.4.1 et les références).

7.3                            Si la capacité de discernement est relative et ne doit donc pas être appréciée dans l’abstrait (ATF 118 Ia 236 cons. 2b), elle n’en doit pas moins être présumée sur la base de l’expérience générale en ce qui concerne les adultes qui ne sont pas atteints de maladie mentale ou de faiblesse d’esprit (ATF 134 II 235 cons. 4.3.3). De surcroît, le domaine de la sexualité ressortissant à l’intime, aux besoins fondamentaux, respectivement aux libertés les plus essentielles, la possibilité, pour une personne adulte, de se déterminer librement ne suppose pas la mise en œuvre de facultés psychiques particulièrement aiguisées. Dans ce contexte, l’article 191 CP vise une incapacité de discernement totale, qui peut se concrétiser par l’impossibilité pour la victime de se déterminer en raison d’une incapacité psychique durable (par exemple maladie mentale) ou passagère (par exemple perte de connaissance, alcoolisation importante, etc.) ou encore par une incapacité de résistance parce que, entravée dans l’exercice de ses sens, elle n’est pas en mesure de percevoir l’acte qui lui est imposé avant qu’il soit accompli et, partant, de porter un jugement sur celui-ci et, cas échéant, de le refuser (arrêt du TF du 15.04.2013 [6B_97/2013] cons. 1 ; ATF 133 IV 49 cons. 7.2).

8.      

8.1                            Selon l’article 193 al. 1 CP, celui qui, profitant de la détresse où se trouve la victime ou d’un lien de dépendance fondé sur des rapports de travail ou d’un lien de dépendance de toute autre nature, aura déterminé celle-ci à commettre ou à subir un acte d’ordre sexuel sera puni d’une peine privative de liberté de 3 ans au plus ou d’une peine pécuniaire.

8.2                            Cette disposition protège la libre détermination en matière sexuelle. L’infraction suppose que la victime se trouve dans une situation de détresse ou de dépendance, ce par rapport à l’auteur. S’agissant de la détresse, elle n’implique pas, au contraire de la dépendance, de relations spécifiques entre l’auteur et la victime, comme un rapport de force ou un lien de confiance. La détresse est un état de la victime que l’auteur constate et dont il se sert (arrêt du TF du 11.04.2018 [6B_1175/2017] cons. 1.1). La question de savoir s’il existe un état de détresse ou un lien de dépendance au sens de l’article 193 CP et si la capacité de la victime de se déterminer était gravement limitée doit être examinée à la lumière des circonstances du cas d’espèce (ATF 131 IV 114 cons. 1). La situation de détresse ou de dépendance doit être appréciée selon la représentation que se font les intéressés (ATF 99 IV 161 cons. 1). L’article 193 CP est réservé au cas où on discerne un consentement. Il faut que ce consentement apparaisse motivé par la situation de détresse ou de dépendance dans laquelle se trouve la victime. Il doit exister une certaine entrave au libre arbitre. L’article 193 CP envisage donc une situation qui se situe entre l’absence de consentement et le libre consentement qui exclut toute infraction. On vise un consentement altéré par une situation de détresse ou de dépendance dont l’auteur profite. Les limites ne sont pas toujours faciles à tracer. L’infraction doit permettre de réprimer celui qui profite de façon éhontée d’une situation de détresse ou de dépendance, dans un cas où la victime n’aurait manifestement pas consenti sans cette situation particulière (arrêt du TF du 11.04.2018 [6B_1175/2017] cons. 1.1). Outre l’existence de la détresse ou d’un lien de dépendance, l’article 193 CP exige que l’auteur de l’infraction, usant de son emprise sur la victime, ait déterminé cette dernière à commettre ou à subir un acte d’ordre sexuel. L’auteur doit avoir utilisé consciemment cette diminution de la capacité de décider ou de se défendre de la victime et la docilité de celle-ci pour l’amener à faire preuve de complaisance en matière sexuelle. Il importe de savoir si la personne concernée a accepté l’acte sexuel en raison de sa détresse ou du lien de dépendance existant ou si elle l’a accepté librement, indépendamment de ces éléments. Il doit par conséquent exister un lien de causalité entre la détresse ou le lien de dépendance et l’acceptation par la victime d’une relation de nature sexuelle avec l’auteur (ATF 131 IV 114 cons. 1 ; arrêt du TF du 13.04.2016 [6B_1076/2015] cons. 2.1). Du point de vue subjectif, il faut que l’acte soit intentionnel. L’auteur doit savoir ou tout au moins supposer que la personne concernée n’accepte les actes d’ordre sexuel en question qu’en raison de sa détresse ou du lien de dépendance existant (ATF 131 IV 114 cons. 1).

9.                     La délimitation entre les pressions psychiques au sens des articles 189 et 190 CP et la dépendance selon l’article 193 CP (abus de détresse) est parfois délicate. Pour l’application de cette dernière disposition, la jurisprudence exige tout d’abord, objectivement, que la personne dépendante ne veuille, en réalité, pas l’acte sexuel, qu’elle ne s’y soumette, malgré l’opposition de son for intérieur, que sous l’effet de l’autorité de l’autre. En d’autres termes, le consentement doit être vicié par la dépendance. Au plan subjectif, l’intention est exigée. L’auteur doit savoir ou tout au moins prendre en compte que la personne ne se soumet à l’acte qu’en raison de sa dépendance (ATF 131 IV 114 cons. 1 et les références). Lorsque l’auteur profite d’une situation préexistante entraînant une dépendance de la victime envers lui, c’est l’infraction définie à l’article 193 CP qui entre en considération. Les spécificités du rapport de dépendance et la faiblesse particulière de la victime influencent alors, sous l’angle de la faute, la sanction. En revanche, le juge appliquera les articles 189 ou 190 CP si l’auteur contribue à ce que la victime se trouve (subjectivement) dans une situation sans issue en usant de moyens d’action excédant la seule exploitation de la situation de dépendance, et que la pression exercée atteigne l’intensité qui caractérise la contrainte. Il convient de déterminer dans chaque cas à partir de quand le rapport de dépendance de l’article 193 CP se transforme en pression psychique selon les articles 189 et 190 CP, en tenant en particulier compte du fait que ces deux dernières normes répriment des infractions de violence. Elles doivent ainsi être interprétées dans la perspective des moyens que l’on peut attendre que la victime oppose. L’importance de l’influence exercée a, dans ce contexte, une portée décisive (ATF 128 IV 106 cons. 3b ; arrêt du TF du 29.06.2012 [6B_785/2011]).

En l’espèce

1.                               Au moment de qualifier les faits décrits au chiffre I et II de l’acte d’accusation concernant B.________ et A.________, la Cour pénale constate tout d’abord que les deux femmes souffrent d’un retard mental léger qui est objectivement perceptible par les tiers, professionnels de la santé ou non. L’appelant a expressément admis, lorsqu’il a été entendu par la procureure le 11 février 2015, que B.________ souffrait d’un handicap qui le gênait. S’agissant de A.________, les premières déclarations de l’appelant montrent qu’il a bien perçu, dès le début de leur relation, l’état de la jeune femme, contrairement à ce qu’il a pu soutenir ultérieurement ; s’il n’a pas voulu dire qu’elle avait un handicap, il a, en faisant un signe du doigt vers sa tête, expliqué qu’il ne savait pas comment la jeune femme comprenait les choses ; il a aussi précisé que celle-ci était considérée comme gentille et serviable et qu’elle proposait d’aller lui acheter à manger. Il était donc conscient tant du fait qu’elle présentait un certain retard mental que de celui qu’elle était accommodante. L’appelant a prétendu qu’il n’avait mis en doute l’état mental de la plaignante qu’en relation avec le fait qu’il lui paraissait contradictoire de lui donner, le jour du dépôt de plainte, rendez-vous pour une prochaine rencontre. Outre qu’il a immédiatement ajouté, sur une question des enquêteurs, qu’il n’avait « jamais connu(e) autrement » la plaignante, il a, plus loin durant l’interrogatoire, après avoir répété que « indépendamment d’aujourd’hui, je dirais qu’elle est normale », continué en reconnaissant qu’il fallait toujours lui dire les choses plusieurs fois (sauf au niveau sexuel), et que « elle ne savait même plus le nom de son entreprise. C’est là que j’ai vu qu’il y avait un problème (le prévenu montrait sa tête). Je ne suis pas un spécialiste, mais on voit qu’elle a un problème psychique. Depuis aujourd’hui, je réalise qu’elle a un grand, un énorme problème psychique ». Pour les clients du bar de l’appelant, le léger retard mental de A.________ était clairement perceptible (cf. cons. 5.5 ci-dessus). On ne voit pas que l’appelant, qui passait du temps avec la prénommée, ne se soit pas rendu compte dès le début de leur relation de ce qui était évident pour chacun.

2.                               S’agissant de B.________ (ch. I de l’acte d’accusation), l’appelant a constamment indiqué que la plaignante ne serait venue chez lui qu’à deux reprises, à un moment qu’il a situé, à l’audience de ce jour, en 2009 – soit avant la période visée par l’acte d’accusation – avec, dans les deux cas, des actes à caractère sexuel consentis, mais un seul rapport complet, sans douleur causée à sa partenaire. L’impression générale qui se dégage des propos de l’appelante est qu’il y a eu selon elle plusieurs relations sexuelles initialement consenties de part et d’autre (« au début j’étais d’accord, ensuite plus »), avec certains actes non voulus par la plaignante, dont certains douloureux pour elle (contrainte pour se déshabiller ; relation anale, absence de préservatif, pénétration avec les doigts), ainsi qu’une tentative de viol (convaincre la victime à se rendre dans un appartement dans le but d’entretenir des relations sexuelles avec elle et l’étreindre pour l’empêcher de partir jusqu’à ce qu’elle se dégage en lui donnant un coup de pied). L’appelant conteste. On se trouve face à deux versions divergentes. Pour apprécier la crédibilité des déclarations respectives des parties, la Cour pénale constate que la plaignante a été réticente à s’exprimer et qu’elle a tenu des propos souvent contradictoires ou difficiles à concilier (cf. cons. 5.2.2.1). La jeune femme ne s’est pas plainte spontanément auprès de son entourage ou de la police de sa relation avec l’appelant, dont elle avait toutefois parlé à sa référente. Il n’y a pas de témoin, même indirect, des faits (R.________ n’a pas été entendue). Les rapports versés dans le dossier de l’APEA font état d’épisodes où la plaignante « fabule » ; on peut y lire qu’elle a l’habitude d’avoir plusieurs versions pour les mêmes événements, ce qui oblige l’équipe éducative à tout vérifier. La relation sentimentale entretenue par la jeune femme entre 2008 et mars 2010 avec H.________ avait déjà donné lieu à une procédure dans laquelle le prénommé était prévenu, comme l’appelant en l’espèce, de contrainte sexuelle et d’actes d’ordre sexuel commis sur une personne incapable de discernement ou de résistance, charges dont l’intéressé avait été libéré par jugement du 26 septembre 2017 ; le tribunal avait en particulier retenu que les déclarations de la plaignante (cf. notamment certaines descriptions semblables à celles de la présente cause [tenir par les bras, sodomie]) n’étaient souvent pas confirmées par les témoins et paraissaient fluctuer au fil du temps. De fait, lors de son audition du 2 mars 2015, la plaignante a parlé ainsi de ses rapports avec H.________ « J’ai eu des relations sexuelles avec lui. Il était tout doux. C’était avant X.________ ». Au vu de ce qui précède, la Cour pénale considère avec les premiers juges qu’il n’est pas établi, sans qu’objectivement un doute raisonnable ne subsiste, que l’appelant a exercé des actes de contrainte, voire de tentative de contrainte, au sens des articles 189 et 190 CP à l’encontre de B.________, et cela sans qu’il n’y ait lieu de rechercher exactement à quel moment ces actes auraient pris place. Cela ne veut pas dire que les souvenirs de la plaignante ne correspondraient pas à la réalité, mais que, sur la base du dossier, on ne dispose pas de suffisamment d’éléments pour écarter le doute objectif qui subsiste.

3.                               Le tribunal criminel a considéré que, même si l’on ne pouvait retenir que l’appelant aurait forcé la plaignante à se déshabiller ou à subir des pénétrations anales ou vaginale, il avait profité de la façon dont elle percevait les choses pour entretenir avec elle à tout le moins une relation sexuelle complète, et qu’il s’était ainsi rendu coupable d’infraction à l’article 191 CP. Cette manière de voir ne peut être partagée. En effet, l’article 191 CP suppose que la victime soit totalement incapable de se défendre. Cette condition n’est pas réalisée au vu du dossier. D’ailleurs, le ministère public a abandonné cette qualification dans sa déclaration d’appel joint.

4.                               Les éléments constitutifs de l’article 193 CP ne sont pas non plus réalisés. Le dossier ne permet pas de retenir que la plaignante aurait accepté l’acte sexuel proprement dit, ou les actes analogues que l’appelant admet, en raison de son état particulier. L’attitude des référents entourant étroitement la plaignante – elle prenait un contraceptif depuis 1993 – montre en effet que ceux-ci estimaient que B.________ était une jeune fille susceptible de jouir d’une certaine liberté sexuelle et qu’elle était en principe capable de s’opposer aux rapprochements non désirés (par exemple : « il ne me mettait pas son sexe dans sa bouche, je n’aime pas ça »).

5.                               En ce qui concerne A.________ (ch. II de l’acte d’accusation), l’appelant reconnaît, selon ses déclarations devant la Cour pénale, des relations sexuelles consenties de part et d’autre à une période qu’il situe entre avril-mai 2014 et le 9 février 2015, date du dépôt de la plainte pénale (confirmé par le témoignage J.________, plaçant le début des rapports intimes en 2013 – étant souligné que, quelle que soit la période déterminante effective, par rapport à celle visée par l’acte d’accusation, le prévenu n’a manifesté aucun doute quant aux faits qui lui sont reprochés, qu’il situe en dernier lieu d’ailleurs durant la période visée par la prévention). Il admet en substance qu’il y a eu des fellations, sodomies, urolagnie, quatre épisodes avec des tiers, parfois au stade de la tentative, et toujours sans contrainte.

La question déterminante en premier lieu est de savoir si l’appelant a usé de contrainte au sens des articles 189 et 190 CP pour obtenir les actes visés aux chiffres I.5 à 1.14. Dans ses premières déclarations, la plaignante a déclaré avoir consenti à entretenir des rapports intimes avec le prévenu, au début de leur relation, dix mois auparavant (soit en mai 2014 comme retenu par l’acte d’accusation, fixant le début de la liaison un mois après la rencontre, survenue 18 mois plus tôt, soit en août 2013), même si certains aspects de celle-ci la dégoûtaient et qu’elle l’avait exprimé sans se faire entendre – ce que l’appelant conteste. Elle a répété devant la procureure qu’elle était d’abord consentante, précisant qu’elle s’attendait à avoir un rapport sexuel lors de leur premier rendez-vous chez elle ; ce premier rapport s’était passé un peu brusquement, elle avait beaucoup saigné et elle avait demandé à son partenaire de ralentir. Lors d’auditions ultérieures, elle a décrit le premier rapport intime en faisant état d’un élément de surprise ou de contrainte (notamment à l’expert F.________ ou devant le tribunal criminel). Des professionnels auxquels la plaignante s’est confiée ont parlé d’abus ou se sont inquiétés que la plaignante n’obtienne pas le respect qui lui est dû, en relevant que la jeune femme se sentait dans une relation d’amour et valorisée par l’intérêt que lui portait son ami (idem), et sans juger que la situation atteignait un degré de gravité imposant une réaction de leur part. Ces éléments ne suffisent pas à établir l’usage de moyens de contrainte physique ou psychologique (autre est la question de savoir si l’intéressé a profité de l’état de la plaignante).

Il est établi que l’appelant, qui était conscient que sa partenaire avait « un problème au cerveau » et qu’elle était « gentille » (cf. cons. 10 ci-dessus), a fait voir à la plaignante des films vidéos, qu’il avait lui-même choisis et qui ont servi de modèles pour divers jeux sexuels. Cela n’est toutefois pas assimilable en soi à l’usage d’un moyen de contrainte. D’après l’appelant, la plaignante était d’accord d’essayer de reproduire les scénarios ainsi suggérés, jusqu’à l’épisode impliquant la participation de G.________ (la colère de la plaignante ayant alors pour effet d’interrompre les « plans » à plusieurs). La plaignante, quant à elle, n’a pas nié qu’elle avait accepté de visionner les films en question. Elle a par contre constamment déclaré qu’elle ne voulait pas entretenir des relations avec d’autres hommes, et qu’elle l’avait dit. Elle a décrit dans ce cadre un rapport sexuel qu’elle s’était laissée convaincre d’accepter, pour refuser ensuite certains gestes mais en donnant son accord pour que l’appelant la pénètre. On ignore toutefois de quelle force de persuasion l’appelant a dû faire usage pour convaincre sa partenaire, dont on ignore également le degré de résolution à s’opposer aux pratiques suggérées et la manière dont elle a manifesté son opposition. Outre la pression psychique, la plaignante a relaté, en lien avec cet épisode, des pressions physiques (il m’a déshabillée, il me tenait par la main, il m’a attirée vers le lit, il m’a poussée sur le lit, il me guidait, il me tenait, il me poussait, pour m’empêcher de bouger, il me tenait les jambes). L’appelant nie, encore une fois, toute pression physique ou psychique de sa part. Il lui a cependant échappé, en fin d’interrogatoire devant la Cour pénale, qu’il avait « un peu écarté la jambe de A.________ » lors du rapport sexuel avec le Noir inconnu. Il est possible que la plaignante ait parfois pratiqué des actes qui lui répugnaient pour faire plaisir à son partenaire, sans que ce dernier n’ait eu besoin de recourir à des moyens de contrainte répondant aux conditions des articles 189 et 190 CP, durant la première partie de leur relation. Il est plus difficile de se convaincre que la plaignante participait de son propre mouvement et sans pression à des aventures sexuelles avec des tiers. Les affirmations contraires de la victime sont cohérentes avec le sentiment amoureux qu’elle avait développé pour l’appelant. Elles sont également recoupées par les déclarations qu’elle a faites auprès des divers professionnels de soin auxquels elle s’est confiée. Cela étant, le docteur E.________ a relevé que la jeune femme était très suggestible et qu’elle avait tendance à se conformer à ce qu’elle pensait être les attentes de son interlocuteur du moment ; l’expert F.________ rapporté qu’il était plausible qu’elle ait vécu sa première expérience en subissant ce qui lui arrivait tout en s’accrochant à l’idée que c’était à ce prix qu’elle pourrait avoir une vraie relation de couple. En définitive, la preuve n’est pas rapportée, sans qu’objectivement un doute ne subsiste, que l’appelant ait dû faire usage de moyens de contrainte physique ou psychique atteignant le degré d’intensité voulu par les articles 189 et 190 CP (pour un rappel de la jurisprudence relative à la notion de violence structurelle, cf. Dupuis/Moreillon et al., PC CP, 2ème éd., n° 20-26 ad art. 189 CP) pour obtenir les comportements visés par l’acte d’accusation. Les préventions fondées sur les articles 189 et 190 CP doivent être abandonnées.

6.                               Comme pour B.________, on ne retiendra pas que A.________ ait été dans une situation d’incapacité de résistance ou de discernement totale. Si tel avait été le cas, son médecin traitant ou l’un des intervenants professionnels de son entourage par exemple, aurait discerné cette situation. L’expert n’a d’ailleurs pas retenu que cette situation était donnée. Le chef d’accusation n’est pas réalisé.

7.                               En revanche, l’abus de la détresse au sens de l’article 193 CP sera retenu. Les états de détresse, puis de dépendance émotionnelle, dans lesquels se trouvait la plaignante ressortent de l’expertise psychiatrique, dont il n’y a pas lieu de s’écarter. L’expert a mis en évidence que la plaignante ne pouvait se déterminer pleinement, vu son retard mental et son immaturité affective. L’appelant était conscient du retard mental de la prévenue, et de sa nature accommodante (cons. 10 ci-dessus). Des clients du bar ont remarqué cet état, et souligné la gentillesse et le caractère serviable de la plaignante (cons. 5.5 et 10 ci-dessus). La Cour pénale retient que, même s’il s’en défend, l’appelant a intentionnellement profité de sa docilité pour amener la plaignante à faire preuve de complaisance en matière sexuelle (Dupuis/Moreillon et al, op.cit., n° 17 ad art. 193). Il est vrai qu’il est établi que, par le passé, la plaignante a proféré de fausses accusations en relation avec des abus sexuels qu’elle aurait subis (cons. 5.1.2 ci-dessus). Pour autant, ses confidences auprès du témoin J.________ confirment que les comportements décrits dans l’acte d’accusation ne provenaient pas de sa propre initiative et ne lui procuraient pas de plaisir sexuel, mais plutôt douleurs et inquiétudes, alors qu’il en allait tout autrement pour le prévenu (« c’est une bonne question »). Celui-ci était plus âgé et expérimenté que la plaignante. Devant le tribunal des mesures de contrainte, il a expliqué qu’il pensait qu’il impressionnait la plaignante, à la façon qu’elle avait de le regarder, peut-être parce qu’il était gentil pour elle. Il a admis que c’était « plutôt » lui qui avait pris l’initiative du premier rapport sexuel. Il a déclaré s’être étonné de l’appétit sexuel de sa partenaire, puis être en train de découvrir de nouvelles choses sur le plan sexuel. Il a constaté dès le début de la relation que la plaignante lui offrait à intervalles trop rapprochés le même parfum, qu’elle avait constaté qu’il appréciait. Déjà en possession de vidéos de ce type, il a reconnu qu’il avait proposé à sa partenaire, qui n’en avait pas, de visionner des films pornographiques qu’il était allé se procurer – on retiendra qu’il a choisi des films correspondant à ses propres fantasmes. C’est encore lui qui avait trouvé des inconnus à la gare et engagé G.________ pour des « plans » à plusieurs. En somme, pour reprendre ses termes : « c’était plutôt moi qui proposait les pratiques et (…) A.________ acquiesçait. Autrement dit, conscient de l’état de la plaignante, l’appelant a profité de cette situation pour obtenir d’elle les pratiques décrites au chiffres 1.5, 1.6, 1.7, 1.8, 1.9 ,1.10 et 1.11 de l’acte d’accusation, qu’il admet pour l’essentiel, étant précisé qu’on ne retient qu’une tentative en rapport avec l’urolagnie, et qu’une seule relation sexuelle à trois, deux autres tentatives (dont l’une avec deux Noirs) ne s’étant pas concrétisées par des relations sexuelles, selon la version de l’appelant que l’on doit retenir en vertu du principe selon lequel le doute doit profiter à l’accusé. On retiendra plusieurs pénétrations anales selon les premières déclarations de l’appelant (voir aussi les vidéos retrouvées chez lui), plutôt que ses déclarations ultérieures, voire devant la Cour pénale. En revanche, le fait d’avoir entretenu une relation sexuelle avec une femme devant la plaignante ne tombe pas sous le coup de l’article 193 CP. Il y a eu seulement tentative d’abus, la plaignante s’étant mise en colère et leur ayant demandé de partir (chiffres 1.12 et 1.13). Le chiffre 1.14 n’a pas de signification indépendante.

Infractions contre l’intégrité corporelle (art. 122 à 125 CP)

En général

8.                               Selon l’article 122 CP, celui qui, intentionnellement, aura blessé une personne de façon à mettre sa vie en danger (al. 1) ou aura mutilé le corps d’une personne, un de ses membres ou un de ces organes importants ou causé à une personne une incapacité de travail, une infirmité ou une maladie mentale permanente, ou aura défiguré une personne d’une façon grave et permanente (al. 2) ou aura fait subir à une personne toute autre atteinte grave à l’intégrité corporelle ou à la santé physique ou mentale (al. 3) sera puni d’une peine privative de liberté de 10 ans au plus ou d’une peine pécuniaire de 180 jours-amende au moins.

9.                               Celui qui, intentionnellement, aura fait subir à une personne une autre atteinte à l’intégrité corporelle ou à la santé sera, selon l’article 123 CP, sur plainte, puni d’une peine privative de liberté de 3 ans au plus ou d’une peine pécuniaire.

10.                            Selon l’article 125 CP, celui qui, par négligence, aura fait subir à une personne une atteinte à l’intégrité corporelle ou à la santé sera, sur plainte, puni d’une peine privative de liberté de 3 ans au plus ou d’une peine pécuniaire. Si la lésion est grave, le délinquant sera poursuivi d’office.

11.                            Selon l’article 12 al. 2 CP, agi intentionnellement quiconque commet un crime ou un délit avec conscience et volonté. Les infractions de lésions corporelles peuvent être commises par dol éventuel, élément subjectif qui est réalisé lorsque l’auteur envisage le résultat dommageable mais agit, même s’il ne le souhaite pas, parce qu’il s’en accommode pour le cas où il se produirait. Parmi les éléments extérieurs permettant de conclure que l’auteur s’est accommodé du résultat dommageable pour le cas où il se produirait figure notamment la probabilité, connue par l’auteur, de la réalisation du risque et l’importance de la violation du devoir de prudence. Plus celle-ci est grande, plus sera fondée à la conclusion que l’auteur, malgré d’éventuelles dénégations, a accepté l’éventualité de la réalisation du résultat dommageable (ATF 138 V 74 cons. 8.4.1 ; 135 IV 12 cons. 2.3.3). Ainsi, le dol éventuel peut notamment être retenu lorsque la réalisation du résultat devait paraître suffisamment vraisemblable à l’auteur pour que son comportement ne puisse raisonnablement être interprété que comme une acceptation de ce risque (ATF 137 IV 1 cons. 4.2.3 ; 133 IV 222 cons. 5.3). La négligence consciente se distingue du dol éventuel par l’élément volitif. Alors que celui qui agit par dol éventuel s’accommode du résultat dommageable pour le cas où il se produirait, celui qui agit par négligence consciente escompte – ensuite d’une imprévoyance coupable – que ce résultat qu’il envisage aussi comme possible ne se produira pas (ATF 138 V 74 cons. 8.2 ; 133 IV 9 cons. 4.1 ; 130 IV 58 cons. 8.3 ; 125 IV 242 cons. 3c p. 251 ; arrêt du TF du 28.03.2018 [6B_953/2017] cons. 1.1.2).

En l’espèce

12.                            Au chiffre III de l’acte d’accusation, il est reproché à l’appelant d’avoir causé principalement des lésions corporelles graves, subsidiairement des lésions corporelles simples, très subsidiairement des lésions corporelles par négligence pour avoir porté gravement et durablement atteinte à la santé psychique de la victime et lui avoir déchiré légèrement l’utérus, l’avoir obligée à prendre la pilule du lendemain et lui avoir provoqué des infections urinaires. Les premiers juges ont considéré que, si le dossier était « éloquent » sur la recrudescence des problèmes tant psychiques que physiques affectant la plaignante A.________ suite aux abus commis par l’appelant, les lésions n’atteignaient pas le degré de gravité nécessaire pour retenir la qualification juridique de lésions corporelles graves et ont retenu des lésions corporelles simples au sens de l’article 123 CP. Cette motivation est tout à fait insuffisante. L’appelant allègue avec raison que le premier juge n’a pas examiné si la condition de l’intention était réalisée, autrement dit s’il voulait, au moins par dol éventuel, causer des lésions corporelles, que celles-ci soient simples ou graves (cf. Dupuis/Moreillon, PC CP 2e éd., n°17 ad art. 122 et 12 ad art. 123 CP).

Pour les lésions psychiques, il n’est pas établi que l’appelant ait envisagé que ses agissements causeraient un stress post-traumatique durant encore aujourd’hui, de l’ampleur que constate le psychologue-psychothérapeute Q.________, si bien que seule la négligence au sens de l’article 125 CP entre en ligne de compte. Il est clair que l’appelant ne pouvait pas ignorer que les abus commis au détriment de la victime pouvaient causer une souffrance morale ou psychique à celle-ci, même s’il ne l’a pas voulue. Trancher entre la qualification de lésions corporelles simples (que ne conteste pas l’appelant) et celle de lésions corporelles graves (que soutient le ministère public dans son appel joint) n’est pas aisé. L’acte d’accusation ne décrit pas en quoi consistent les lésions psychiques et ce qui permettrait de les qualifier de graves. Ne disposant que d’indications émanant du thérapeute traitant, la Cour pénale optera pour la solution retenue par les premiers juges, soit la qualification de lésions corporelles simples pour les faits décrits au chiffre III. 1.5.

En ce qui concerne les atteintes physiques, qui relèvent elles aussi de la négligence, on constate qu’aucune plainte valable n’a été déposée pour les affections décrites dans l’acte d’accusation (la plainte du 05.07.2016 concerne une affection sexuelle acquise par le papillomavirus qui n’est pas mentionnée dans l’acte d’accusation ; celui-ci ne vise pas non plus la problématique relative aux infections par le VIH [cf. ATF 141 IV 97 et 134 IV 193]). Les effets de prises rapprochées à intervalle d’une semaine de la pilule du lendemain ne sont de toute façon pas documentés par le dossier. Quant aux infections urinaires, s’il est possible qu’elles soient en lien de causalité avec les pratiques sexuelles de l’appelant, il est aussi possible qu’elles aient une autre cause. Les charges doivent être abandonnées sur ce point (chiffre III. 1.6).

Infractions contre le patrimoine (art. 156, 146 CP)

En général

22.

22.1                 Aux termes de l’article 156 CP, celui qui, dans le dessein de se procurer ou de procurer à un tiers un enrichissement illégitime, aura déterminé une personne à des actes préjudiciables à ses intérêts pécuniaires ou à ceux d'un tiers, en usant de violence ou en la menaçant d'un dommage sérieux, sera puni d'une peine privative de liberté de cinq ans au plus ou d'une peine pécuniaire (ch. 1).

22.2                 Sur le plan objectif, les éléments constitutifs de l'article 156 CP sont l'usage d'un moyen de contrainte, soit l'usage de la violence ou la menace d'un dommage sérieux, la réalisation d'un acte de disposition préjudiciable par le lésé, un dommage et un lien de causalité entre les éléments précités (ATF 129 IV 22 cons. 4.1). L’un des deux moyens de contrainte évoqué par l’article 156 ch. 1 CP se rapporte donc à la menace d’un dommage sérieux (Mazou, CR CP II, n. 5 ad art. 156 CP ; Dupuis/Moreillon, PC CP, n. 9 ad art. 156 ; Weissenberger, BSK StGB, n. 10 ad art. 156 ; Corboz, Les infractions en droit suisse, Vol. I, 3e éd., n. 10 ad art .156). Le dommage dont l’auteur menace la victime peut avoir trait à n’importe quel intérêt juridiquement protégé de celle-ci ou d’une personne qui lui est chère ou à l’égard de laquelle elle se sent obligée. Il peut s’agir de la menace de porter atteinte à l’honneur, à la liberté, ou au patrimoine (Mazou, CR CP II, n. 6 ad art. 156 CP). On vise ici un moyen de pression de nature psychologique. La notion est la même que celle qui figure à l’article 181 CP (ibidem). Pour que le dommage annoncé soit sérieux, il n’est pas nécessaire qu’il soit si important que la victime puisse en être alarmée ou effrayée. Il suffit que le préjudice annoncé soit suffisamment sérieux pour porter atteinte d’une manière sensible à la liberté d’action d’une personne raisonnable (Dupuis/Moreillon, op. cit., n. 13 ad art. 181 CP). La perspective de l’inconvénient évoqué doit être propre à l’amener à adopter un comportement qu’il n’aurait pas eu s’il avait toute sa liberté de décision (Corboz, op. cit., n. 16 ad art. 156 CP). La menace implique que l’auteur fasse comprendre à la victime qu’il est en mesure de lui faire subir un préjudice conséquent (Dupuis/Moreillon, op. cit., n. 9 ad art. 156 CP). Il ne doit pas s’agir d’une simple mise en garde, en ce sens que la survenance de l’inconvénient doit paraître dépendre de la volonté de l’auteur ; il importe peu que l’auteur ne puisse en réalité pas influencer la survenance de l’événement préjudiciable (Corboz, op. cit. n. 14 ad art. 156 ; menace de méchants démons pouvant infliger la mort ou de graves souffrances [Oger ZH du 08.10.1987, SJZ 1988 270-272, Nr 44], Weissenberger, op. cit, n. 16 ad art. 156). Dans un arrêt ancien, l’Obergericht zurichois (Oger ZH du 08.10.1987 précité) a reconnu, dans une affaire peu ordinaire, deux prévenus coupables d’extorsion et retenu que l’infraction avait été réalisée, au moyen de rituels de magie noire, sur une personne se trouvant dans l’incapacité psychique de résister avait été constatée in concreto (Corti, Les sectes en Suisse : entre droit pénal et liberté religieuse, Plädoyer, 1997, p. 54).

Sur le plan subjectif, cette infraction suppose que l’auteur soit mû par un dessein d’enrichissement illégitime (Dupuis/Moreillon, op. cit., n. 18 ad art. 156 CP). Une partie de la doctrine préfère dire que l'enrichissement est illégitime s'il est acquis de manière contraire à l'ordre juridique. Si l'auteur n'est pas absolument convaincu de son droit, mais agit néanmoins en acceptant l'éventualité d'un enrichissement illégitime, le dessein doit être retenu sous la forme du dol éventuel (ATF 105 IV 29 cons. 3a et les références citées).

23.                            Selon l’article 146 CP, celui qui, dans le dessein de se procurer ou de procurer à un tiers un enrichissement illégitime, aura astucieusement induit en erreur une personne par des affirmations fallacieuses ou par la dissimulation de faits vrais ou l’aura astucieusement confortée dans son erreur et aura de la sorte déterminé la victime à des actes préjudiciables à ses intérêts pécuniaires ou à ceux d’un tiers sera puni d’une peine privative de liberté de 5 ans au plus ou d’une peine pécuniaire.

En l’espèce

24.                            Le tribunal criminel a écarté la prévention d’extorsion visée au chiffre IV de l’acte d’accusation pour le motif que l’usage de violence ou la menace d’un dommage sérieux, éléments constitutifs de l’extorsion et du chantage, ne ressortent ni des déclarations du prévenu, ni de celles de la plaignante. La Cour pénale peut faire sien ce raisonnement (art. 82 al. 4 CPP).

25.                            Le tribunal criminel a retenu qu’il n’était pas établi que l’appelant n’aurait pas souhaité rembourser à la plaignante les montants qu’il a obtenus de sa part. Certes, au moment où il a sollicité la plaignante, l’intéressé se trouvait dans une situation financière très difficile. La plaignante connaissait cet élément. La Cour pénale partage l’avis du tribunal criminel selon laquelle la prévention d’escroquerie doit être abandonnée, faute d’astuce de l’intention. On peut relever d’ailleurs que l’appelant a remboursé le montant de 1'600 francs en octobre 2019.

Pornographie

26.                            Selon le chiffre III de l’acte d’accusation, il est reproché à l’appelant d’avoir importé et possédé sous formes d’images vidéos des représentations d’ordre sexuel avec des animaux. L’appelant admet le fait. On relève que l’acte d’accusation ne vise pas le fait d’avoir rendu accessible à autrui les vidéos séquestrées. Dans ce cas, on retiendra que le comportement litigieux tombe sous le coup de l’article 197 al. 5 CP, qui prévoit une sanction de 1 an au plus de peine privative de liberté ou une peine pécuniaire (s’agissant d’un délit continu, le nouveau droit est applicable ; cf. aussi ATF 131 IV 64 cons. 11.4).

Fixation de la peine

En général

27.                            Selon l’article 47 CP, le juge fixe la peine d'après la culpabilité de l'auteur. Il prend en considération les antécédents et la situation personnelle de ce dernier ainsi que l'effet de la peine sur son avenir (al. 1). La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l'acte, par les motivations et les buts de l'auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (al. 2). D’après la jurisprudence (arrêt du TF du 30.01.2018 [6B_807/2017] cons. 2.1), la culpabilité de l'auteur doit être évaluée en fonction de tous les éléments objectifs pertinents, qui ont trait à l'acte lui-même, à savoir notamment la gravité de la lésion, le caractère répréhensible de l'acte et son mode d'exécution. Du point de vue subjectif, sont pris en compte l'intensité de la volonté délictuelle ainsi que les motivations et les buts de l'auteur. A ces composantes de la culpabilité, il faut ajouter les facteurs liés à l'auteur lui-même, à savoir les antécédents, la réputation, la situation personnelle (état de santé, âge, obligations familiales, situation professionnelle, risque de récidive, etc.), la vulnérabilité face à la peine, de même que le comportement après l'acte et au cours de la procédure pénale (ATF 142 IV 137 cons. 9.1 ; 141 IV 61 cons. 6.1.1).

28.                            L’article 22 CP prévoit que le juge peut atténuer la peine si l’exécution d’un crime ou d’un délit n’est pas poursuivie jusqu’à son terme ou que le résultat nécessaire à la consommation de l’infraction ne se produit pas. L’atténuation de la peine est facultative, mais la peine doit de toute manière être atténuée lorsque le résultat ne s’est pas produit (Dupuis et al., op. cit., n. 25 et 26 ad art. 22).

29.                            Aux termes de l'article 49 al. 1 CP, si, en raison d'un ou de plusieurs actes, l'auteur remplit les conditions de plusieurs peines de même genre, le juge le condamne à la peine de l'infraction la plus grave et l'augmente dans une juste proportion. Il ne peut toutefois excéder de plus de la moitié le maximum de la peine prévue pour cette infraction. Il est en outre lié par le maximum légal de chaque genre de peine.

                        D’après la jurisprudence (ATF 144 IV 313 cons. 1.1.1), l'exigence, pour appliquer l'article 49 al. 1 CP, que les peines soient de même genre, implique que le juge examine, pour chaque infraction commise, la nature de la peine à prononcer pour chacune d'elle. Le prononcé d'une peine d'ensemble en application du principe de l'aggravation contenu à l'article 49 CP n'est ensuite possible que si le juge choisit, dans le cas concret, le même genre de peine pour sanctionner chaque infraction commise. Que les dispositions pénales applicables prévoient abstraitement des peines de même genre ne suffit pas. Si les sanctions envisagées concrètement ne sont pas du même genre, elles doivent être prononcées cumulativement. La peine privative de liberté et la peine pécuniaire ne sont pas des sanctions du même genre. La peine pécuniaire constitue la sanction principale dans le domaine de la petite et moyenne criminalité, les peines privatives de liberté ne devant être prononcées que lorsque l'Etat ne peut garantir d'une autre manière la sécurité publique. Lorsque tant une peine pécuniaire qu'une peine privative de liberté entrent en considération et que toutes deux apparaissent sanctionner de manière équivalente la faute commise, il y a en règle générale lieu, conformément au principe de la proportionnalité, d'accorder la priorité à la première, qui porte atteinte au patrimoine de l'intéressé et constitue donc une sanction plus clémente qu'une peine privative de liberté, qui l'atteint dans sa liberté personnelle. Le choix de la sanction doit être opéré en tenant compte au premier chef de l'adéquation de la peine, de ses effets sur l'auteur et sur sa situation sociale ainsi que de son efficacité du point de vue de la prévention. La faute de l'auteur n'est en revanche pas déterminante.

                        Le même arrêt (cons. 1.1.2) précise que lorsqu'il s'avère que les peines envisagées concrètement sont de même genre, l'article 49 al. 1 CP impose au juge, dans un premier temps, de fixer la peine pour l'infraction abstraitement – d'après le cadre légal fixé pour chaque infraction à sanctionner – la plus grave, en tenant compte de tous les éléments pertinents, parmi lesquels les circonstances aggravantes ou atténuantes. Dans un second temps, il augmentera cette peine pour sanctionner chacune des autres infractions, en tenant là aussi compte de toutes les circonstances y relatives. La jurisprudence avait admis que le juge puisse s'écarter de cette méthode concrète dans plusieurs configurations, mais le Tribunal fédéral est toutefois revenu sur ce point en soulignant que cette disposition ne prévoyait aucune exception.

En l’espèce

30.                            Le tribunal criminel n’a pas respecté les principes rappelés au considérant précédent pour fixer la peine. Les parties contestent toutes la sanction prononcée, soit qu’elles la considèrent comme trop sévère, soit qu’elles la considèrent comme trop clémente.

30.1                 D’un point de vue abstrait, l’abus de la détresse et les lésions corporelles simples par négligence sont de même gravité. Concrètement, l’abus de la détresse constitue l’infraction la plus grave. La Cour pénale considère que la culpabilité du prévenu est écrasante. Les actes se sont déroulés sur plusieurs mois. L’auteur n’a montré aucun égard pour la sensibilité de la victime. Celle-ci a été amenée à s’inquiéter gravement pour sa santé et a été malmenée dans le respect qu’elle était en droit d’attendre de tout partenaire. L’auteur a agi uniquement par égoïsme, dans le but de réaliser ses fantasmes. Il lui était facile de se comporter autrement. Il n’a montré aucun remord. Ses agissements ont eu de lourdes répercussions sur la plaignante. Du point de vue personnel, l’auteur n’a pas d’antécédents. Il paraît être un bon père et ses proches se montrent attachés à lui. Sur le plan professionnel, il est décrit comme un homme très travailleur. Ses revenus sont moyens, sans doute impactés dorénavant par la pandémie. Il doit être tenu compte du temps relativement long qui s’est écoulé depuis les faits, sans que les conditions de l’article 48e CP soient pour autant réalisées. Au vu de ce qui précède, la Cour pénale considère que les faits décrits sous chiffre II 1.9 de l’acte d’accusation justifient une sanction de 20 mois de peine privative de liberté. Celle-ci doit être augmenté pour tenir compte des tentatives d’échangisme, respectivement de 3, 2 et 1 mois (chiffre II 1.10 à 12). Les faits décrits aux chiffres 1.5, 1.6, 1.7 (tentative) et 1.8 appellent des augmentations de peine respectives de 1 mois chacune. Les faits décrits au chiffre III 1.5, qualifiés de lésions corporelles simples par négligence, sont sanctionnés d’une peine de 6 mois. Il est précisé, s’agissant du genre de peine, que pour chaque infraction précitée, la Cour pénale considère qu’une réponse pénale sévère et sans équivoque doit être donnée à l’appelant, qui ne paraît pas prendre conscience du caractère choquant et inadmissible de son comportement vis-à-vis de la plaignante. Cela justifie d’opter pour des peines privatives de liberté.

Pour la détention de matériel pornographique avec des animaux, on prononcera une peine pécuniaire de 30 jours-amende. Le montant du jour-amende sera arrêté à 30 francs.

30.2                 Lorsque le prévenu est condamné pour plusieurs infractions en première instance, puis qu’il est acquitté de certains chefs de prévention en appel, sa faute est diminuée, ce qui doit entraîner en principe une réduction de la peine. La juridiction d’appel est toutefois libre de maintenir la peine infligée en première instance, mais elle doit motiver sa décision, par exemple en expliquant que les premiers juges auraient mal apprécié les faits en fixant une peine trop basse qu’il n’y aurait pas lieu de réduire encore (cf. art. 50 CP ; ATF 118 IV 18 cons. 1c/bb p. 21 ; arrêts du TF du 11.04.2018 [6B_1175/2017] cons. 2.3, du 12.10.2017 [6B_976/2016] cons. 3.3.2 et du 24.01.2017 [6B_335/2016] cons. 3.3.1). En l’espèce, alors que le tribunal criminel a qualifié la culpabilité de l’appelant de relativement lourde, la Cour pénale la considère comme écrasante. Cela explique le fait que, malgré l’abandon des charges liées à la relation avec B.________, et la requalification en des infractions abstraitement de moindre gravité des faits concernant A.________, la Cour pénale prononce une peine proche de celle fixée en première instance.

31.

31.1                 Le tribunal criminel a suspendu partiellement (art. 43 aCP) la peine privative de liberté prononcée. Le ministère public ne conteste ce point du jugement que comme une conséquence de l’admission de ses autres moyens et de l’aggravation de la peine privative de liberté, mais pas à titre indépendant. Il ne se justifie pas de renoncer à l’octroi du sursis partiel ou de modifier le rapport entre les parties suspendue et ferme, voire encore la durée du délai d’épreuve.

31.2                 S’agissant de la peine pécuniaire, le sursis total peut être accordé (art. 42 al. 1 aCP).

 

Détention pour motifs de sûreté

32.                   En définitive, l’appelant est condamné à une peine privative de liberté équivalente à celle prononcée en première instance. Laissé en liberté durant la procédure d’appel, il n’a pas tenté de s’enfuir ni récidivé. Sa femme et son enfant sont domiciliés dans le canton, où il exploite un établissement public. La requête de mise en détention immédiate formée par la représentante du ministère public devant la juridiction d’appel doit être rejetée.

Prétentions civiles

En général

33.

33.1                 Ainsi que l'indique l'article 122 al. 1 CPP, les prétentions civiles que peut faire valoir la partie plaignante sont exclusivement celles qui sont déduites de l'infraction ; cela signifie que les prétentions civiles doivent découler d'une ou de plusieurs infractions qui, dans un premier temps, sont l'objet des investigations menées dans la procédure préliminaire, puis, dans un second temps, figurent dans l'acte d'accusation élaboré par le ministère public, en application de l'article 325 CPP ; la plupart du temps, le fondement juridique des prétentions civiles réside dans les règles relatives à la responsabilité civile des articles 41 ss CO ; la partie plaignante peut ainsi réclamer la réparation de son dommage (art. 41 à 46 CO) et l'indemnisation de son tort moral (art. 47 et 49 CO), dans la mesure où ceux-ci découlent directement de la commission de l'infraction reprochée au prévenu (arrêt du TF du 25.05.2016 [6B_486/2015] cons. 5.1).

33.2                 L'article 49 al. 1 CO dispose que celui qui subit une atteinte illicite à sa personnalité a droit à une somme d'argent à titre de réparation morale, pour autant que la gravité de l'atteinte le justifie et que l'auteur ne lui ait pas donné satisfaction autrement. Selon la jurisprudence (arrêt du TF du 25.05.2016 [6B_486/2015] cons. 4.1), l'ampleur de la réparation morale dépend avant tout de la gravité des souffrances physiques ou psychiques consécutives à l'atteinte subie par la victime et de la possibilité d'adoucir sensiblement, par le versement d'une somme d'argent, la douleur morale qui en résulte. En raison de sa nature, l'indemnité pour tort moral, qui est destinée à réparer un dommage qui ne peut que difficilement être réduit à une simple somme d'argent, échappe à toute fixation selon des critères mathématiques, de sorte que son évaluation en chiffres ne saurait excéder certaines limites. L'indemnité allouée doit toutefois être équitable (ATF 130 III 699 cons. 5.1 ; 129 IV 22 cons. 7.2). Le juge en proportionnera donc le montant à la gravité de l'atteinte subie et il évitera que la somme accordée n'apparaisse dérisoire à la victime. S'il s'inspire de certains précédents, il veillera à les adapter aux circonstances actuelles pour tenir compte de la dépréciation de la monnaie (ATF 129 IV 22 cons. 7 et les arrêts cités). S'agissant du montant de l'indemnité, toute comparaison avec d'autres affaires doit intervenir avec prudence, dès lors que le tort moral touche aux sentiments d'une personne déterminée dans une situation donnée et que chacun réagit différemment face au malheur qui le frappe (ATF 138 III 337 cons. 6.3.3 et l'arrêt cité).

34.                   Dans la jurisprudence assez récente, on trouve un certain nombre d’exemples d’indemnités, soit par exemple 3'000 francs pour un viol (arrêt du TF du 08.08.2017 [6B_770/2016]), 10'000 francs pour une tentative de meurtre, la victime ayant reçu plusieurs coups de couteau ayant mis sa vie en danger (arrêt du TF du 20.09.2017 [6B_1021/2016]) et 15'000 francs pour un viol et des actes de contrainte sexuelle commis en commun (arrêt du TF du 15.02.2017 [6B_267/2016]). Dans une autre affaire, concernant un auteur condamné pour avoir frappé sa compagne et pour l’avoir contrainte à entretenir avec lui plusieurs rapports sexuels, en l'insultant et en la frappant, puis en l'étranglant, un tort moral de 10'000 francs a été alloué à la victime (cf. arrêt du TF du 08.06.2010 [6B_71/2010] let. A).

En l’espèce

35.                   La plaignante B.________ n’a pas droit à une indemnité de tort moral, vu l’abandon des charges en lien avec elle. Quant à elle, la plaignante A.________ a été victime d’abus sexuels durant plusieurs mois. Elle était particulièrement vulnérable. Après le dépôt de sa plainte, elle a dû subir plusieurs mois d’hospitalisation. Elle est toujours en traitement. Les lésions corporelles qu’elle a subies ne peuvent toutefois être juridiquement qualifiées de graves. L’indemnité pour tort moral allouée par le tribunal criminel paraît justifiée et sera confirmée.

Frais et indemnités

36.                   Au vu de ce qui précède, l’appel de X.________ est partiellement admis. Les appels joints de B.________ et de A.________ sont rejetés. Celui du ministère public est partiellement admis.

37.                   L’abandon des faits concernant B.________ conduit à revoir la répartition des frais de première instance. L’instruction a principalement concerné les faits en relation avec A.________. Une part des frais de justice d’environ 20 % restera à la charge de l’Etat. L’appelant ne remboursera pas les frais de défense d’office de B.________. Il sera précisé dans le dispositif que l’appelant ne devra rembourser les frais de défense de A.________ qu’aux conditions de l’article 135 al. 4 CPP (arrêts du TF du 16.09.2020 [6B_44/2020] cons.11, du 14.05.2012 [6B_150/2012] cons. 2).

38.                   Pour la seconde instance, il se justifie de mettre à la charge de l’appelant la moitié des frais de justice. B.________ est exonéré de sa part de frais de justice arrêtée à 500 francs, selon l’article 136 al. 2 let. b CPP et remboursera l’indemnité de son mandataire d’office aux conditions de l’article 135 al. 4 CPP. L’appel joint de A.________ est rejeté. Celle-ci jouissant de la qualité de victime, elle ne supportera pas de frais de justice. Ses frais de défense d’office seront remboursables par l’appelant aux conditions de l’article 135 al. 4 CPP à raison de la moitié.

39.                   Les relevés d’activité des mandataires d’office appellent les observations suivantes :

                        S’agissant de Me O.________, il n’y a pas lieu de prendre en compte que l’activité à compter d’octobre 2019 (les activités antérieures relevant de la procédure de première instance déjà indemnisée à part l’annonce d’appel tenant sur deux lignes utiles). Pour le reste le mémoire est justifié. Cela donne un total de 1'220 minutes, à quoi il faut ajouter 30 minutes pour la lecture du jugement. Le tarif horaire est de 180 francs, ou 3 francs la minute. A cela s’ajoutent une indemnité forfaitaire de 5 % pour les frais, ainsi que la TVA à 7,7 % sur le tout, soit une indemnité totale de 4'240,70 francs.

                        Pour Me S.________, on ne tiendra compte que de l’activité à compter du 14 octobre 2019 (on ne voit pas à quoi se rapporte la correspondance du 9 octobre 2019 avec le tribunal criminel), ce qui donne un total de 8 heures 30 ou 510 minutes. Il convient d’y ajouter 6 heures pour l’audience du 27 novembre 2020 et 30 minutes pour celle de lecture du jugement. Au total, on admettra donc que Me S.________ a consacré 900 minutes à l’exécution de son mandat, l’indemnité qui lui sera allouée est donc de 3'053,30 francs, frais et TVA inclus.

                        Le relevé d’activité déposé par Me N.________ ne détaille pas le temps consacré aux différentes opérations de la mandataire, qui sont simplement regroupées sous diverses rubriques générales, pour un total de 21 heures 50, sans compter les audiences de débats et jugement (6 heures 30). Une telle activité paraît excessive dans la mesure où elle est plus importante que celle des mandataires précités, alors que les faits concernant B.________ étaient réduits par rapport à ceux concernant A.________. L’avocate a toutefois démontré par sa plaidoirie une connaissance étendue du dossier et d’importantes recherches juridiques. Dans ces conditions, on allouera une indemnité équivalente à celle reconnue à Me S.________.

 

Par ces motifs,
la Cour pénale décide

Vu les articles 125, 193, 193/22, 197 al. 5 CP, 10, 135 al. 4, 136 al. 2, 138, 232, 422ss, 428 CPP,

I.         L’appel de X.________ est partiellement admis. L’appel joint du ministère public est partiellement admis. Les appels joints de A.________ et de B.________ sont rejetés.

II.         Le jugement attaqué est réformé, le nouveau dispositif étant le suivant :

1.          Reconnaît X.________ coupable d’abus de détresse, de tentative d’abus de détresse, de lésions corporelles simples par négligence et de pornographie (détention de représentations d’ordre sexuel avec des animaux).

2.          Condamne X.________ à une peine privative de liberté de 36 mois – dont 18 mois fermes et 18 mois avec sursis pendant 4 ans – sous déduction de 38 jours de détention subie avant jugement et à une peine pécuniaire de 30 jours-amende à 30 francs, avec sursis pendant 4 ans, ainsi qu'au paiement d’une part des frais de la cause, fixée à 15’216 francs, sous réserve des règles de l’assistance judiciaire.

3.          Ordonne la restitution, une fois l’entrée en force du présent jugement, à X.________, des deux téléphones portables et de la tour d’ordinateur.

4.          Ordonne la confiscation et la destruction du solde des objets séquestrés en cours d’enquête.

5.          Condamne X.________ à payer à A.________ 10'000 francs à titre de réparation morale et 1'600 francs, les deux montants avec intérêts à 5 % dès le 1er mars 2015.

6.          Rejette les conclusions civiles de B.________.

7.          Rejette la requête en indemnité déposée par le condamné.

8.          Fixe à 10’520.55 francs, frais et TVA compris, l’indemnité d’avocat d’office revenant à Me O.________, mandataire d’office de X.________, pour la période allant du 28 mars 2017 au 4 avril 2019, sous déduction d’éventuels acomptes déjà versés et dit qu’elle est remboursable aux conditions de l’article 135 al. 4 CPP à raison de 80 %.

9.          Fixe à 7'871.80 francs, frais et TVA compris, l’indemnité d’avocate d’office revenant à Me N.________, mandataire d’office de B.________, pour la période allant du 2 mars 2015 au 4 avril 2019, sous déduction d’éventuels acomptes déjà versés et dit qu’elle est remboursable par B.________ aux conditions des articles 135 al. 4 et 138 al. 1 CPP.

10.       Fixe à CHF 13'249.45, frais et TVA compris, l’indemnité d’avocate d’office revenant à Me S.________, mandataire d’office de A.________, pour la période allant du 9 mars 2015 au 4 avril 2019, sous déduction d’éventuels acomptes déjà versés et dit qu’elle est entièrement remboursable par X.________ aux conditions de l’article 135 al. 4 CPP.

III.         La demande de détention pour motifs de sûreté formée par le ministère public est rejetée.

IV.         Les frais de justice de seconde instance sont arrêtés à 4'000 francs et mis à la charge de X.________ à raison de 2'000 francs, le reste étant laissé à la charge de l’Etat.

V.         L’indemnité allouée à Me N.________ pour ses activités d’avocate d’office est arrêtée à 3'053.30 francs. Elle est entièrement remboursable par B.________ aux conditions des articles 135 al. 4 CPP et 138 al. 1 CPP.

VI.         L’indemnité d’avocate d’office due à Me S.________ est arrêtée à 3'053.30 francs. Elle est remboursable par X.________ par moitié aux conditions de l’article 135 al. 4 CPP.

VII.         L’indemnité d’avocat d’office due à Me O.________ est arrêtée à 4'240.70 francs. Elle est remboursable par X.________ par moitié aux conditions de l’article 135 al. 4 CPP.

VIII.         Le présent jugement est notifié à X.________, par Me O.________, à A.________, par Me S.________, à B.________, par Me N.________, au ministère public, à La Chaux-de-Fonds (MP.2015.659), au Tribunal criminel du Littoral et du Val-de-Travers, à Neuchâtel (CRIM.2018.39).

 

Neuchâtel, le 7 décembre 2020

Art. 189 CP
Contrainte sexuelle
 

 

1  Celui qui, notamment en usant de menace ou de violence envers une personne, en exerçant sur elle des pressions d'ordre psychique ou en la mettant hors d'état de résister l'aura contrainte à subir un acte analogue à l'acte sexuel ou un autre acte d'ordre sexuel, sera puni d'une peine privative de liberté de dix ans au plus ou d'une peine pécuniaire.

2  ... 225

3  Si l'auteur a agi avec cruauté, notamment s'il a fait usage d'une arme dangereuse ou d'un autre objet dangereux, la peine sera la peine privative de liberté de trois ans au moins. 226


225 Abrogé par le ch. I de la LF du 3 oct. 2003 (Poursuite des infractions entre conjoints ou partenaires), avec effet au 1 er  avr. 2004 ( RO 2004 1403 ; FF 2003 1750 1779 ).

226 Nouvelle teneur selon le ch. I de la LF du 3 oct. 2003 (Poursuite des infractions entre conjoints ou partenaires), en vigueur depuis le 1 er  avr. 2004 ( RO 2004 1403 ; FF 2003 1750 1779 ).

 
Art. 190 CP
Viol
 

1  Celui qui, notamment en usant de menace ou de violence, en exerçant sur sa victime des pressions d'ordre psychique ou en la mettant hors d'état de résister, aura contraint une personne de sexe féminin à subir l'acte sexuel, sera puni d'une peine privative de liberté de un à dix ans.

2  ... 227

3  Si l'auteur a agi avec cruauté, notamment s'il a fait usage d'une arme dangereuse ou d'un autre objet dangereux, la peine sera la peine privative de liberté de trois ans au moins. 228


227 Abrogé par le ch. I de la LF du 3 oct. 2003 (Poursuite des infractions entre conjoints ou partenaires), avec effet au 1 er  avr. 2004 ( RO 2004 1403 ; FF 2003 1750 1779 ).

228 Nouvelle teneur selon le ch. I de la LF du 3 oct. 2003 (Poursuite des infractions entre conjoints ou partenaires), en vigueur depuis le 1 er  avr. 2004 ( RO 2004 1403 ; FF 2003 1750 1779 ).

Art. 191 CP
Actes d’ordre sexuel commis sur une personne incapable de discernement ou de résistance

 

Celui qui, sachant qu'une personne est incapable de discernement ou de résistance, en aura profité pour commettre sur elle l'acte sexuel, un acte analogue ou un autre acte d'ordre sexuel, sera puni d'une peine privative de liberté de dix ans au plus ou d'une peine pécuniaire.

Art. 193 CP
Abus de la détresse
 

1  Celui qui, profitant de la détresse où se trouve la victime ou d'un lien de dépendance fondée sur des rapports de travail ou d'un lien de dépendance de toute autre nature, aura déterminé celle-ci à commettre ou à subir un acte d'ordre sexuel sera puni d'une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d'une peine pécuniaire.

2  Si la victime a contracté mariage ou conclu un partenariat enregistré avec l'auteur, l'autorité compétente pourra renoncer à le poursuivre, à le renvoyer devant le tribunal ou à lui infliger une peine. 230


230 Nouvelle teneur selon l'annexe ch. 18 de la LF du 18 juin 2004 sur le partenariat, en vigueur depuis le 1 er  janv. 2007 ( RO 2005 5685 ; FF 2003 1192 ).