A.                               X.________, né en 1999 et donc actuellement âgé de 21 ans, est ressortissant de la République dominicaine. Il est arrivé en Suisse en 2011, alors qu’il avait 10 ans environ, avec son frère et sa sœur pour y rejoindre leur mère. Il ne dispose pas de formation professionnelle. Il a un fils né en 2019. Il est en détention depuis le 10 juillet 2019, actuellement sous un régime d’exécution anticipée de peine.

B.                               a) Le casier judiciaire de X.________ fait état de trois condamnations :

-        31 octobre 2017 : 10 jours-amende sans sursis et amende de 500 francs pour voies de fait et dommages à la propriété ;

-        8 février 2018 : 20 jours-amende avec sursis pendant 2 ans et 300 francs d’amende pour conduite d’un véhicule sans moteur, en état d’incapacité de conduire, violence ou menace contre les autorités et les fonctionnaires et délit ou contraventions contre la loi sur les stupéfiants ;

-        18 janvier 2019 : 90 jours-amende avec sursis pendant 2 ans pour émeute, dommages à la propriété et violence ou menace contre les autorités et les fonctionnaires.

                        Il ressort en outre du dossier que, par ordonnance pénale du 12 septembre 2013 du juge des mineurs des Montagnes et du Val-de-Ruz, X.________ a été condamné à une prestation personnelle sous forme de 5 demi-journées de travail d’intérêt général pour une tentative de vol par effraction et de dommage à la propriété. Par jugement du 8 octobre 2016, le Tribunal pénal des mineurs l’a condamné à une peine privative de liberté de 9 mois sans sursis, le prévenu étant maintenu en détention, pour trois vols de moto/quadricycle, un brigandage, de nombreux dommages à la propriété, trois autres vols, des actes d’ordre sexuel avec un enfant et diverses contraventions ; avant jugement, le prévenu avait été placé dans un établissement pour mineurs durant 159 jours, dont 122 jours de fugue et détenu pendant 196 jours. Le juge des mineurs a par ailleurs rendu une ordonnance pénale condamnant X.________ à 50 francs d’amende pour détention de marijuana le 7 février 2017. Par ordonnance du 25 avril 2018, l’intéressé a été reconnu coupable d’un brigandage.

                        b) Par jugement du 26 septembre 2019, le Tribunal de police des Montagnes et du Val-de-Ruz a reconnu X.________ coupable de vols (U.________ juillet 2017, 10 septembre 2017, et 3 janvier 2019 ; T.________(BE), 30 septembre 2017 ; V.________, mars 2018), de dommages à la propriété et de violation de domicile (U.________, juillet 2017, et T.________ le 30 septembre 2017), de menaces (U.________, 29 octobre 2017), d’infractions contre la loi fédérale sur les stupéfiants (art. 19 al. 1 et 19 a LStup ; T.________, 30 septembre 2017 ; U.________, novembre 2018). Pour ces infractions, X.________ a été condamné à une peine privative de liberté de 7 mois dont à déduire un jour de détention avant jugement avec sursis pendant 3 ans. Sur appel du ministère public, la Cour pénale, par jugement du 28 mai 2020, a également reconnu X.________ coupable – en sus des infractions précitées – d’un brigandage (U.________, 19 et 20 janvier 2019) et l’a condamné à une peine privative de liberté ferme de 10 mois, dont à déduire un jour de détention avant jugement, en ordonnant l’expulsion du territoire suisse de l’auteur pour une durée de 5 ans. Ce jugement fait actuellement l’objet d’un recours au Tribunal fédéral, formé par le prévenu en relation avec le brigandage et l’expulsion.

C.                               Par jugement du 2 juillet 2020, dont est ici appel, le Tribunal criminel du Littoral et du Val-de-Travers (ci-après : tribunal criminel) a retenu que X.________ avait, entre décembre 2018 et le 10 juillet 2019, à U.________, S.________(NE) et en tout autre endroit de Suisse, acquis et consommé une quantité indéterminée de marijuana et de cannabis ainsi que revendu le 6 mai 2019 à W.________(NE) 25 grammes de marijuana à A.________ contre 120 francs, se rendant ainsi coupable de délit et de contravention contre la loi sur les stupéfiants. Il a aussi retenu que X.________ avait commis un abus de confiance d’importance mineure pour avoir, le 26 février 2019 à U.________, dans un dessein d’enrichissement illégitime, soustrait à B.________ sa carte de débit, qu’il avait utilisée sans droit à un bancomat pour en retirer 200 francs dépensés pour ses besoins personnels. Le tribunal criminel a également reconnu X.________ coupable de vols, pour avoir entre les 2 et 3 mars 2019 soustrait à U.________ une console de jeu de marque Sony, une PlayStation 4 Slim, une poignée de jeu, une protection de poignée en silicone ainsi qu’un sac à dos Invicta d’une valeur totale de 638.85 francs. X.________ était de surcroît coupable de s’être, les 1er avril, 11 et 15 avril 2019, U.________, V.________(VD) ou Z.________, approprié des téléphones portables qui lui avaient été confiés afin d’effectuer un appel, les téléphones ayant des valeurs respectives de 1'299 francs pour deux d’entre eux et 719 francs pour le troisième, soit de trois abus de confiance. Le tribunal criminel a encore retenu que X.________, entre le dimanche 5 mai 2019 et le mardi 7 mai 2019, à Z.________, avait fait venir chez un cousin C.________, née en 2005, et D.________, née en 2003, en invoquant vouloir les héberger ; qu’il avait remis aux jeunes filles une quantité importante de Xanax ; qu’il en avait profité pour entretenir avec D.________ un rapport sexuel ; qu’il s’était ainsi rendu coupable d’acte d’ordre sexuel commis sur une personne incapable de discernement ou de résistance et de remise à des mineurs de stupéfiants. Enfin, le tribunal criminel a retenu que, comme il l’admettait, X.________, accompagné de deux tiers, avait, le 14 mai 2019 à R.________, forcé la porte d’une buanderie au moyen d’une équerre et pénétré dans un appartement duquel les comparses avaient soustrait une clé d’appartement, deux vaporisateurs de CBD, un badge et une clé d’entrée pour le travail, le tout causant un préjudice de 1'300 francs au propriétaire ; pour ces derniers faits, X.________ a été reconnu coupable de vols, de dommages à la propriété et de violation de domicile.

                        Dans ses considérants relatifs à la fixation de la peine, le tribunal criminel a jugé que la culpabilité du prévenu était lourde, notamment eu égard à la multiplicité d’infractions dont il s’était rendu coupable ; que ses précédentes condamnations ne l’avaient pas amené à cesser d’enfreindre la loi ; que la présente procédure témoignait d’une importante absence de prise de conscience ; que le prévenu avait repris ses activités délictuelles quelques mois après avoir été condamné pour la septième fois ; qu’en détention il avait fait l’objet de plusieurs décisions disciplinaires ; que ses activités nuisibles avaient frappé de nombreuses victimes ; que le prévenu n’avait pas collaboré en cours d’instruction et s’était montré impoli et dénigrant envers la police ; qu’il était en état de récidive spéciale ; que sa situation personnelle était très mauvaise. Le tribunal criminel a estimé que seule une peine privative de liberté entrait en considération pour l’ensemble des crimes et des délits commis par le prévenu. Le prévenu n’avait pas de ressources financières et serait ainsi probablement incapable de s’acquitter d’une éventuelle peine pécuniaire qui serait inexécutable. Le tribunal criminel a renoncé à prononcer une amende pour les contraventions. Il a aussi jugé inutile de révoquer les sursis accordés pour des peines pécuniaires. Le tribunal criminel a arrêté la peine pour l’infraction abstraitement la plus grave, soit l’acte d’ordre sexuel commis sur une personne incapable de discernement ou de résistance, à 36 mois. Cette peine de base a été augmentée de 3 mois pour la remise de stupéfiants à D.________ et C.________. Les vols, dommages à la propriété et violation de domicile commis à R.________ ont justifié une augmentation d’un mois et 15 jours. Les trois abus de confiance ont conduit à de nouvelles augmentations de 10 jours chacune, pour un total d’un mois. Une augmentation de 10 jours a sanctionné les vols commis en mars 2019 U.________. La vente de 25 grammes de marijuana le 6 mai 2019 donne lieu à une dernière augmentation de 5 jours.

                        Le tribunal criminel a constaté qu’on était dans un cas d’expulsion obligatoire. Il a jugé qu’il n’y avait pas lieu de faire application de la clause d’exception car l’expulsion du prévenu ne le mettrait pas dans une situation personnelle grave et l’intérêt public à l’expulsion l’emportait sur son intérêt privé à demeurer en Suisse.

D.                               A l’audience de ce jour, X.________ a été interrogé. Il sera revenu sur ses déclarations ci-après dans la mesure utile.

E.                               a) A l’appui de son appel, X.________ confirme qu’il n’attaque que la quotité de la peine et l’expulsion. La critique de la défense sur le premier point concerne uniquement la peine de base sanctionnant les actes d’ordre sexuel commis sur une personne incapable de discernement ou de résistance mais pas l’application des règles sur le choix du genre de peine ou le concours, ni même les peines sanctionnant les autres infractions commises. La défense reproche ainsi aux premiers juges de n’avoir pas pris en considération le fait que l’appelant était lui-même sous l’effet du cannabis ; qu’il n’y a pas eu d’opposition de la part de la jeune femme ou d’insistance de la part du jeune homme ; que les deux ont échangé une quantité non négligeable de messages juste avant les faits et jusqu’au 15 juin 2019 ; que certains de ces messages avaient avec une connotation amoureuse. Il est inexact de prétendre que le condamné n’a pas collaboré avec les autorités judiciaires : dès la deuxième audition, il a dit la vérité. Il n’y a aucune preuve qu’il ait fait usage de violence et soit l’auteur des blessures à l’avant-bras de la plaignante. Cette dernière n’a pas fait état de violences caractérisées. L’auteur n’a pas cherché à l’humilier : il était mu par un sentiment amoureux. Une peine de 36 mois est arbitrairement sévère. On est en présence d’un jeune homme qui s’exprime mal, désœuvré et immature, élevé par une mère qui était seule, sans présence paternelle. Les premiers juges ont totalement fait fi de la volonté de l’appelant de se reprendre en mains et ont mis en danger, par une sanction trop lourde, sa relation avec son jeune enfant. La défense conclut à une peine d’ensemble de 18 mois à partir d’une peine de base de 12 mois.

                        En ce qui concerne l’expulsion, la défense demande l’application de la clause de rigueur en invoquant les articles 5 Const. féd. et 8 CEDH. Le principe de la proportionnalité a été violé. L’intérêt de l’enfant de l’auteur à vivre avec ses parents est essentiel (ATF 142 I 21 cons. 5.5.5). Les moyens financiers manqueront pour mettre en place un droit de visite, en cas d’expulsion. Les moyens de communication modernes ne sont pas équivalents à des rencontres réelles. Par ailleurs, l’auteur n’a qu’une grand-mère très âgée en République dominicaine mais pas d’autre ami ou parent. Ses possibilités de réinsertion sont inexistantes dans ce pays.

                        b) Pour le ministère public, l’absence d’intégration de l’appelant en Suisse saute aux yeux. Les délits ont commencé dès son arrivée sur le territoire helvétique, ont connu une interruption pendant le séjour en République dominicaine en 2014-2015, puis ont repris. S’agissant de la peine sanctionnant l’atteinte à l’intégrité sexuelle de D.________, les déclarations de l’auteur lors de son audition du 16 janvier 2020 montrent qu’il était parfaitement capable d’apprécier la réalité lors des faits. Il n’y a pas de diminution de responsabilité. Les actes ont eu lieu alors que la victime était en fugue avec une amie de moins de 16 ans, en situation désespérée et cherchant à se loger. Le matin même, la victime avait envoyé à l’appelant un SMS pour lui dire qu’elle ne voulait pas entretenir de relation sexuelle avec lui. La peine prononcée est totalement justifiée eu égard aux antécédents du prévenu.

                        Quant à l’expulsion, elle est inéluctable. La relation de l’appelant avec son fils était furtive. La mère de l’enfant n’a pas dit qu’elle partageait sa vie avec l’appelant. Elle n’a pas reçu d’aide de sa part pour le paiement du loyer. Quand l’auteur évoque son domicile, il se réfère bien souvent à celui de sa mère. L’appel doit être rejeté en toutes ses conclusions.

C O N S I D E R A N T

1.                                Déposé dans les formes et délai légaux, l’appel est recevable. Un jugement directement motivé a été notifié aux parties, de sorte qu’une annonce d’appel n’était pas nécessaire.

2.                                Au terme de l’article 398 CPP, la juridiction d’appel jouit d’un plein pouvoir d’examen sur tous les points attaqués du jugement. L’appel peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès ou l’abus du pouvoir d’appréciation, le déni de justice, et le retard injustifié, pour constatation incomplète ou erronée des faits et pour inopportunité. La Cour pénale limite son examen aux violations décrites dans l’acte d’appel (art. 404 al. 1 CPP), sauf en cas de décision inégale ou inéquitable (art. 404 al. 2 CPP).

3.                                Les faits constitutifs d’infractions et leur qualification juridique ne font pas parties des points attaqués dans l’appel. De même, l’auteur ne critique pas le choix du genre de peine. La Cour pénale limitera son examen à la quotité de la peine et à la question de l’expulsion (art. 404 CPP).

4.                                a) Le tribunal criminel a correctement rappelé les principes qui président à la fixation de la peine, lorsqu’il y a concours d’infractions au sens de l’article 49 al. 1 CP. On peut renvoyer à ses considérants sans les paraphraser (art. 82 al. 4 CPP).

                        b) Les infractions à juger dans la présente procédure sont partiellement antérieures au jugement du 18 janvier 2019, par lequel l’appelant a été condamné à 90 jours-amende avec sursis pendant 2 ans pour émeute, dommages à la propriété et violence ou menace contre les autorités et les fonctionnaires. Dans la mesure où – et l’appelant admet ce choix expressément – toutes les nouvelles infractions doivent être sanctionnées par des peines privatives de liberté, il n’y a pas lieu de faire application de l’article 49 al. 2 CP, les peines n’étant pas du même genre (ATF 144 IV 313 cons. 1.1.1).

                        c) Ces infractions ont aussi été commises avant le jugement rendu le 26 septembre 2019 par le Tribunal de police des Montagnes et du Val-de-Ruz qui, lui, condamne l’appelant à une peine privative de liberté. Pour déterminer si le tribunal doit prononcer une peine complémentaire, il convient de se référer à la date du jugement antérieur, indépendamment de la date d’un éventuel arrêt sur appel ultérieur (arrêt du TF du 06.12.2019 [6B_837/2019] cons. 1.1 ; ATF 138 IV 113 cons. 3.4.1 et 3.4.2 ; 129 IV 113 cons. 1.1 et 1.2). En revanche, c’est le jugement entré en force dans la première procédure qui est déterminant pour la fixation, respectivement la quotité de la peine complémentaire (mêmes arrêts). Le jugement du 26 septembre 2019 a été réformé par un jugement d’appel de la Cour pénale du 28 mai 2020. Un recours est actuellement pendant devant le Tribunal fédéral. Dans ces conditions, il n’est pas possible de prononcer une peine complémentaire en l’état (ATF 129 IV 113). En effet, un recours en matière pénale au Tribunal fédéral fait échec à l’entrée en force au sens de l’article 413 al. 3 CPP (arrêt du TF du 15.04.2014 [1B_58/2014] cons. 3.1). Il appartiendra à l’appelant, s’il l’estime conforme à ses intérêts, d’entamer ultérieurement une procédure pour la fixation d’une peine d’ensemble, selon l’article 34 al. 3 CPP (à ce sujet, cf. arrêt du TF du 17.08.2020 [6B_780/2019], destiné à la publication).

5.                                Le prévenu doit être sanctionné pour les infractions suivantes : acte d’ordre sexuel commis sur une personne incapable de discernement ou de résistance – passible d’une peine privative de liberté de 10 ans au plus ou d’une peine pécuniaire – vols et abus de confiance – passibles d’une peine privative de liberté de 5 ans au plus ou d’une peine pécuniaire – vente de stupéfiants, remise à des mineurs de stupéfiants, dommages à la propriété et violation de domicile – passibles d’une peine privative de liberté de 3 ans au plus ou d’une peine pécuniaire – ainsi que consommation de stupéfiants et abus de confiance d’importance mineure – passibles d’une amende. Le tribunal criminel a renoncé à sanctionner les deux dernières contraventions. Il n’y a pas lieu de revenir sur ce point, faute d’appel ou d’appel joint du ministère public.

6.                                Il est constant que l’acte d’ordre sexuel commis sur une personne incapable de discernement ou de résistance constitue l’infraction abstraitement la plus grave. Le tribunal criminel a reproduit de manière circonstanciée les déclarations des protagonistes concernant le déroulement des faits et ceux qu’il a finalement retenus. On peut se référer à ses considérants (cons. 9.2-9.3 ; art. 82 al. 4 CPP). D’un point de vue objectif, la culpabilité du prévenu est lourde. L’acte est grave. Il a été commis contre une jeune fille d’à peine 16 ans, qualifiée par l’appelant de gamine et décrite par lui comme une fugueuse. La victime a présenté des dermabrasions au bras droit qu’elle a mentionnées durant sa première audition et rapportées par l’Hôpital de Fribourg. On concèdera toutefois à la défense que cela ne signifie pas que l’appelant ait volontairement fait preuve de violence (étant de toute manière entendu que le tribunal criminel a écarté le viol au bénéfice du doute). D’un point de vue subjectif, on ne peut que retenir que l’auteur, qui avait bien conscience, selon ses propres déclarations que la plaignante était « défoncée », ou dans un état « choquant » (cf. toutefois devant le tribunal criminel puis devant la Cour pénale : « elle était un peu défoncée mais moi aussi »), a agi par égoïsme, sans égard pour autrui, sans attention pour le jeune âge de sa victime. Qu’il ait fumé un joint pendant que les filles prenaient du Xanax (des plaquettes entières fournies par lui) n’y change rien. Sa responsabilité pénale est entière. Devant la Cour pénale, la défense a fait valoir que l’appelant et la victime avaient flirté avant les faits et qu’ils s’étaient ensuite échangé une multitude de messages, dont certains ambigus. Ces messages ont été analysés par la police. Le matin du 5 mai 2019, la victime explique qu’elle ne dort pas avec les gars qu’elle ne connaît pas, tout en précisant à son interlocuteur qu’ils ne se parlent que depuis le matin-même. Après les faits, le 8 mai 2019, la jeune fille écrit qu’elle était « inconsciente » au moment de l’acte (entendue à ce sujet par la police, elle déclarera qu’elle voulait dire qu’elle n’était « pas consentante »). Toujours le 8 mai 2019, plus tard, la victime envoie à l’appelant, qui lui a adressé un message « mes femmes » avec un cœur et une fleur, un message « notre homme » avec un cœur. On ne discerne pas, dans ces échanges, de circonstances atténuantes au sens strict (art. 48 CP), ce que l’appelant ne soutient du reste pas. Dans le cadre général de la fixation de la peine (art. 47 CP), on ne voit pas non plus d’élément réduisant la faute. Au contraire, on est frappé du refus de relations intimes exprimé le 5 mai, avant les faits. Si elle a envoyé un cœur le 8 mai 2019, la victime a confirmé le 20 juin 2019 devant la police qu’elle souhaitait éviter que ce qu’elle avait vécu n’arrive à quelqu’un d’autre et qu’elle entendait porter plainte. L’auteur a divers antécédents figurant au casier judiciaire de gravité relative. On relève toutefois la condamnation, non inscrite, du 18 octobre 2016 pour, notamment, des actes d’ordre sexuels avec un enfant commis des alors qu’il était mineur, en plus d’autres délits, qui devraient figurer au casier judiciaire (art. 366 al. 3 et 369 CP). S’agissant de sa situation personnelle, l’appelant est père d’un enfant né quelques mois avant les faits, en 2019. Devant la Cour pénale, il a laissé entendre qu’il cohabitait avec la mère de son enfant presque jusqu’à sa détention. Ceci n’est pas totalement exact : l’intéressée a expliqué à la police qu’elle a vécu avec l’appelant chez la mère de celui-ci jusqu’en 2017 ; elle avait déposé quelques plaintes contre son compagnon pour des violences qui s’étaient arrêtées devant la menace d’une expulsion et le retrait de son permis B ; dès la naissance de l’enfant, la jeune fille a vécu avec celui-ci d’abord chez sa mère à elle, puis dans un appartement indépendant ; le père est venu voir l’enfant quand il le pouvait ; il n’a pas été présent budgétairement. Au moment de son incarcération, l’appelant entretenait des relations avec la mère et le garçonnet en règle générale à raison d’une fois par semaine ou toutes les deux semaines. L’appelant n’a pas entrepris de formation professionnelle, hormis quelques stages, ni rien qui puisse lui permettre de subvenir aux besoins des siens. Son mode de vie dénote immaturité et égocentrisme. Il ne manifeste pas de prise de conscience de la gravité de ses actes ni des répercussions que ses agissements peuvent avoir sur la victime (« C’est global. Je ne regrette pas quelque chose de précis (…) Vous me rappelez que j’ai fait du mal à plusieurs personnes et vous me demandez si je regrette. Je ne peux pas dire que je regrette concernant D.________. Pour les autres personnes, par exemple celles dont j’ai violé le domicile, oui je regrette). Dans ces circonstances, la Cour pénale considère, comme le tribunal criminel, qu’une peine privative de liberté de 36 mois doit être prononcée. Cette peine n’est pas exagérément sévère ou clémente, si on la compare à d’autres peines ; bien que toute comparaison soit d’emblée délicate vu les nombreux paramètres qui interviennent dans la fixation de la peine et le principe de l’individualisation voulue par le Code pénal (ATF 141 IV 61 cons. 6.3.2 et arrêt du TF du 08.10.2019 [6B_963/2019] cons. 3.3.1), on mentionnera dans ce contexte un arrêt du 03.07.2019 [6B_586/2019] qui confirme une peine de 30 mois de privation de liberté pour infraction à l’article 191 CP et la loi sur les armes, et un arrêt du TF du 11.03.2020 [6B_1362/2019], qui confirme le prononcé d’une peine privative de liberté de 3 ½ ans pour actes d’ordre sexuel commis sur une personne incapable de discernement et commis en commun (191 cum 200 CP).

7.                                A l’audience de ce jour, l’appelant a expressément déclaré qu’il ne contestait pas les sanctions prononcées pour les autres infractions commises selon le principe de l’aggravation. On ne reviendra pas dès lors sur celles-ci.

                        La remise à des mineurs de stupéfiants aurait toutefois mérité une sanction plus lourde que celle prononcée par le tribunal criminel. En effet objectivement, la culpabilité de l’auteur est lourde. Il a mis en danger la santé de deux jeunes filles. Il a agi sans scrupules et n’a fait part d’aucun regret, alors même que, comme le tribunal criminel l’a observé, ses actes auraient pu avoir des conséquences bien plus graves, au vu de la quantité importante de produit qu’il a remis, correspondant à 60 fois la posologie journalière habituelle (soit 0,5 mg par jour selon le site internet compendium.ch). L’appelant n’a pas nié qu’il connaissait les effets du Xanax. Le tribunal criminel a retenu que ses motivations étaient obscures, mais qu’elles n’avaient en tous les cas rien d’altruiste ni d’honorable (avoir un effet facilitateur pour arriver à ses fins, mais pas nécessairement au point de mettre D.________ hors d’état de résister au moment des relations sexuelles). On est en présence d’un motif égoïste et d’une absence de scrupules patents. Dans ces circonstances, la peine de base aurait pu être augmentée de 4 mois, et non 3 mois en relation avec l’infraction de l’article 19 bis LStup.

8.                                La peine d’ensemble résultant du concours d’infractions aurait ainsi pu être plus élevée que la peine privative de liberté qui a été prononcée par les premiers juges. Conformément à l’interdiction de la reformatio in pejus, on s’en tiendra à la quotité de 42 mois résultant du jugement attaqué.

9.                                Le tribunal criminel a correctement rappelé les règles applicables et la jurisprudence relatives à l’expulsion pénale. On renvoie au jugement attaqué à ce propos (art. 82 al. 4 CPP ; sur l’application restrictive de la clause de rigueur, on peut encore citer les arrêts du TF du 01.07.2020 [6B_286/2020] cons. 1.3.1 ; du 11.05.2020 [6B_312/2020] cons. 2.1.1 ; du 06.05.2020 [6B_255/2020] cons. 1.2.1).

10.                             En l’espèce, la Cour pénale a déjà eu à examiner si l’appelant pouvait se prévaloir de la clause de rigueur dans son jugement d’appel du 28 mai 2020, actuellement attaqué devant le Tribunal fédéral. S’agissant de la situation personnelle, il n’y a pas lieu de s’écarter des éléments alors constatés, qui d’après l’intéressé sont exacts, selon ses déclarations devant le tribunal criminel. En effet, l’auteur n’a pas été remis en liberté depuis le 10 juillet 2019. Ces éléments correspondent à ceux qui sont relatés dans le jugement attaqué, au considérant 12.2.1 à 12.2.8 auquel on peut renvoyer (art. 82 al. 4 CPP), et ceux déjà évoqués ci-dessus dans le cadre de la fixation de la peine (cf. aussi son interrogatoire devant la Cour pénale). En bref, on retiendra que le prévenu, originaire de la République dominicaine, est arrivé en Suisse en 2011, soit il y a presque 10 ans. Son frère, sa sœur et leur mère vivent en Suisse. L’appelant a un fils, né en 2019 ; il voyait régulièrement la mère de son fils et l’enfant à raison d’une fois par semaine ou toutes les deux semaines avant son arrestation. Les visites ont continué pendant la détention, à raison de 1 à 2 fois par mois. Pour la jeune femme, le mariage n’est pas à l’ordre du jour. Dans le pays d’origine de l’auteur, vivent son père – avec lequel il a des contacts téléphoniques, mais à qui il reproche de n’avoir été concrètement très présent dans sa jeunesse – et des demi-frères, dont l’un âgé de huit ans qu’il aime beaucoup, ainsi qu’une grand-mère très âgée. L’auteur parle couramment l’espagnol et a encore vécu plusieurs mois en République dominicaine en 2014-2015.

                        Sur le plan de sa formation et de son intégration sociale en Suisse, l’appelant a suivi une partie de sa scolarité dans notre pays, mais a été renvoyé de son école alors qu’il se trouvait en 10ème année. Il a alors été placé en institution. Il a commencé à faire des « bêtises ». L’appelant n’a pas entrepris de formation professionnelle, suivant seulement quelques stages. Après son séjour en République dominicaine entre août 2014 et janvier 2015, il a été placé pendant un certain nombre de mois en institution pour des raisons pénales. Il a notamment été condamné en octobre 2016 à 9 mois de détention sans sursis par le tribunal des mineurs pour notamment un brigandage (comme on l’a déjà relevé, celui-ci remplit les conditions de l’inscription au casier judiciaire). Devenu majeur en 2017, l’auteur a vécu pendant quelques mois dans un hôtel U.________, où les services sociaux l’avaient placé. A l’audience de ce jour, il a déclaré que son adresse était en dernier lieu chez sa mère et qu’il allait voir son amie et des copains. Toutes ses affaires étaient chez sa mère. Les condamnations pénales ont continué (on ne retiendra pas les infractions concernées dans la procédure actuellement pendante devant le Tribunal fédéral). L’auteur a des poursuites en cours pour 25'000 francs.

                        Sur le vu de ce qui précède, il n’apparaît pas qu’un renvoi de l’appelant en République dominicaine constituerait une atteinte l’auteur à son droit au respect de sa vie privée et familiale au sens de l’article 8 § 1 CEDH et le mettrait dans une situation personnelle grave.

                        Quoiqu’il en soit, l’intérêt public présidant à l’expulsion l’emporte sur son intérêt privé de l’auteur à rester en Suisse. En effet, l’infraction commise au préjudice de D.________ est grave. Elle dénote un comportement dénué de tout scrupule qui s’accompagne en outre d’une absence totale de prise de conscience. Elle confirme la tendance de l’appelant à fouler au pied l’ordre juridique de son pays d’accueil. Le risque de récidive est patent. L’intéressé met en danger la sécurité publique sur plusieurs plans (intégrité corporelle, sexuelle, patrimoine, etc.). La naissance de son enfant n’a pas amené l’appelant à un changement de comportement. Ce dernier a de la famille en République dominicaine (son père, sa grand-mère et des demi-frères) où il est retourné plusieurs mois. Avant d’être placé, en 2019, en détention, il ne vivait pas avec son fils et il n’apparaît pas qu’il ait entretenu des liens étroits avec ce dernier. Les relations avec l’enfant pourraient être maintenues par le biais des moyens de communication modernes. Enfin, l’appelant est en bonne santé. Ses perspectives professionnelles en Suisse sont vagues (« je verrais bien mon avenir dans la cuisine, la peinture ou la mécanique ») et pourraient aussi se réaliser en République dominicaine, avec des chances de succès, qui ne sauraient être d’emblée considérées comme inférieures.

                        Le tribunal criminel a fixé la durée de l’expulsion à 7 ans. L’appelant ne critique pas à titre indépendant cette durée, qui peut être confirmée.

11.                             Au vu ce qui précède, l’appel doit être rejeté. Les frais de justice de seconde instance seront mis à la charge de son auteur. Celui-ci plaide au bénéfice de l’assistance judiciaire. Son mandataire a déposé un relevé d’activité qui est raisonnable. Pour tenir compte de la durée effective de l’audience, on y ajoutera une demi-heure, ce qui représente 101.80 francs (90 francs + 4.50 francs (5 % de frais) + 7.30 francs (7.7 % TVA).

Par ces motifs,
la Cour pénale décide

Vu les articles 47 ss, 66 a CP, 135, 428 CPP

1.    L’appel est rejeté.

2.    Le jugement attaqué est confirmé.

3.    Les frais de justice de seconde instance, arrêtés à 2'000 francs, sont mis à la charge de l’appelant.

4.    L’indemnité d’avocat d’office due à Me E.________, pour la défense de X.________ en procédure d’appel est fixée à 1'472.40 francs, frais et TVA inclus. Elle sera entièrement remboursable par X.________ aux conditions de l’article 135 al. 4 CPP.

5.    La présente décision est notifiée à X.________, par Me E.________, à D.________, par Me F.________, à C.________, par Me G.________, au ministère public (MP.2019.3167), à La Chaux-de-Fonds, au service des migrations, à Neuchâtel, au Tribunal criminel des Montagnes et du Val-de-Ruz (CRIM.2020.5), à La Chaux-de-Fonds, à l’Office d’exécution des sanctions et de probation, à La Chaux-de-Fonds, à H.________, à B.________, à I.________.

Neuchâtel, le 23 octobre 2020

Art. 47 CP
Principe
 

1 Le juge fixe la peine d’après la culpabilité de l’auteur. Il prend en considération les antécédents et la situation personnelle de ce dernier ainsi que l’effet de la peine sur son avenir.

2 La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l’acte, par les motivations et les buts de l’auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures.

Art. 49 CP
Concours
 

1 Si, en raison d’un ou de plusieurs actes, l’auteur remplit les conditions de plusieurs peines de même genre, le juge le condamne à la peine de l’infraction la plus grave et l’augmente dans une juste proportion. Il ne peut toutefois excéder de plus de la moitié le maximum de la peine prévue pour cette infraction. Il est en outre lié par le maximum légal de chaque genre de peine.

2 Si le juge doit prononcer une condamnation pour une infraction que l’auteur a commise avant d’avoir été condamné pour une autre infraction, il fixe la peine complémentaire de sorte que l’auteur ne soit pas puni plus sévèrement que si les diverses infractions avaient fait l’objet d’un seul jugement.

3 Si l’auteur a commis une ou plusieurs infractions avant l’âge de 18 ans, le juge fixe la peine d’ensemble en application des al. 1 et 2 de sorte qu’il ne soit pas plus sévèrement puni que si les diverses infractions avaient fait l’objet de jugements distincts.

Art. 34 CPP
For en cas d’infractions commises en des lieux différents
 

1 Lorsque le prévenu a commis plusieurs infractions en des lieux différents, l’autorité du lieu où a été commise l’infraction punie de la peine la plus grave est compétente pour la poursuite et le jugement de toutes les infractions. Si plusieurs infractions sont punies de la même peine, l’autorité compétente est celle du lieu où les premiers actes de poursuite ont été entrepris.

2 Lorsqu’au moment de la procédure visant à déterminer le for selon les art. 39 à 42, un acte d’accusation pour une des infractions concernées a déjà été dressé dans un canton, les procédures sont conduites séparément.

3 Lorsqu’une personne a été condamnée par plusieurs tribunaux à plusieurs peines de même nature, le tribunal qui a prononcé la peine la plus grave fixe, à la requête de la personne condamnée, une peine d’ensemble.