A.                               a) Le 21 octobre 2019, le ministère public a rendu une ordonnance pénale condamnant X.________, en application des articles 19 al. 1, 19a LStup et 115 LEI, à une peine privative de liberté sans sursis de 90 jours, à titre de peine partiellement complémentaire à celles qu’il a prononcées les 15 mars 2019 et 18 mai 2019 ainsi qu’aux frais de la cause pour avoir :

« à Z.________(NE) et en tout autre lieu, entre l’automne 2018 et le 16 octobre 2019, acquis 8 grammes de cocaïne, vendu 7 grammes de cocaïne à trois personnes et consommé 1 gramme de cocaïne,

    à Z.________ et en tout autre lieu en Suisse, entre le 19 mai 2019 et le 21 octobre 2019, séjourné illégalement sur territoire suisse ».

b) X.________ a formé opposition contre cette ordonnance pénale, le 24 octobre 2019.

c) Le ministère public a transmis le dossier au tribunal de police des Montagnes et du Val-de-Ruz, le 4 novembre 2019, en maintenant l’ordonnance pénale.

B.                               Dans son jugement du 16 janvier 2020, le tribunal de police a acquitté le prévenu de l’infraction à la loi sur les étrangers et l’intégration, mais l’a condamné pour les infractions à la LStup. Il a considéré que le prévenu vendait de la cocaïne pour financer sa propre consommation. Les quantités retenues, au bénéfice du doute, correspondaient à celles avancées par le prévenu.

C.                               X.________ déclare attaquer ce jugement « en tant qu’il [le] condamne pour infractions aux articles 19 al. 1 et 19a LStup. Partant, la quotité de la peine infligée (soit les 80 jours ferme), respectivement son existence, ainsi que les frais de la cause qui ont été mis à charge de ce dernier sont également contestés ».

D.                               Les parties ont consenti à ce que la procédure se poursuive dans la forme écrite.

E.                               Le 2 avril 2020, un délai de 20 jours a été imparti par le vice-président de la Cour pénale à l’appelant pour déposer un mémoire d’appel motivé.

F.                               Par courrier du 30 avril 2020, le conseil de X.________ indique qu’il a reçu ladite communication le 6 avril suivant et que, le même jour, il a adressé un courrier à la Cour pénale afin de demander un délai supplémentaire au 4 mai 2020 pour déposer le mémoire motivé. Compte tenu du fait qu’il n’a reçu aucune réponse, il demande une confirmation de la réception de son courrier du 6 avril 2020. Il sollicite également une prolongation au 15 mai 2020.

G.                               Le 5 mai 2020, le vice-président de la Cour pénale a informé le prévenu du fait qu’il n’avait jamais reçu son courrier du 6 avril 2020 demandant une prolongation de délai pour le dépôt du mémoire motivé et que, par conséquent, une décision de non-entrée en matière était envisagée.

H.                               Dans ses observations du 12 mai 2020, X.________ considère qu’il serait « extrêmement sévère » de rendre une ordonnance de non-entrée en matière. Il joint à son courrier la copie de la lettre qu’il dit avoir adressé à la Cour pénale le 6 avril 2020, en indiquant qu’il n’a aucun moyen de prouver que ce courrier a été expédié puisqu’il ne s’agissait pas d’un courrier recommandé mais seulement prioritaire. Selon lui, il convient de tenir compte du fait que le délai fixé par la correspondance du 2 avril 2020 est prolongeable de par la loi ainsi que des difficultés d’acheminement rencontrées par la poste au cours des dernières semaines. Il joint à son courrier des copies de courriels et fax faisant état de correspondances qu’il n’a pas reçues des autorités judiciaires durant cette même période.

C O N S I D E R A N T

1.                                L’appel a été interjeté dans les formes et délai légaux (art. 398, 399 et 400 CPP).

2.                                La question de la recevabilité de l’appel principal se pose toutefois sous l’angle des articles 406 al. 3 et 407 al. 1 let. b CPP, dans la mesure où l’appelant a omis de déposer un mémoire d’appel motivé dans le délai qui lui avait été imparti à cet effet.

                        a) Lorsque la juridiction d’appel statue en procédure écrite (art. 406 al. 1 et 2 CPP), elle impartit un délai à celui qui a déclaré l’appel pour qu’il dépose un mémoire motivé répondant aux exigences de l’article 385 CPP (art. 406 al. 3 CPP ; Pitteloud, Code de procédure pénale suisse, Commentaire à l’usage de praticiens, 2012, n. 1218 p. 814). Dès lors que cette écriture remplace les plaidoiries, elle traitera des points attaqués et expliquera pour quels motifs le jugement entrepris devrait être modifié (Pitteloud, ibidem ; Kistler Vianin, in : Commentaire romand, Code de procédure pénale suisse, 2019, n. 17 ad art. 406 CPP).

                        b) Si la partie ayant déclaré appel omet de déposer un mémoire écrit dans le délai imparti, conformément à l’article 406 al. 3 CPP, elle est défaillante et son appel « est réputé retiré » au sens de l’article 407 al. 1 let. b CPP (Kistler Vianin, op. cit., n. 9 ad art. 407 CPP ; Moreillon/Parein-Reymond, op. cit., n. 7 ad art. 407 CPP ; Schmid, Schweizerische Strafprozessordnung, Praxiskommentar, 2e éd., 2013, n. 4 ad art. 407 CPP ; Sörensen, Les voies de recours, in : Procédure pénale suisse : approche théorique et mise en œuvre cantonale, 2010, n. 141 p. 172 ; Jeanneret/Kuhn, Précis de procédure pénale, 2018, n. 19061 p. 636 ; Eugster, in : Basler Kommentar, Schweizerische Strafprozessordnung, 2e éd., 2014, n. 3 ad art. 407 CPP ; Six, Das schriftliche Berufungsverfahren im Einverständnis der Parteien, forumpoenale 5/2018, p. 432). La sanction sera donc le refus d’entrer en matière sur l’appel (Kistler Vianin, op. cit., n. 17 ad art. 406 CPP et n. 11 ad art. 407 CPP ; Eugster, op. cit., n. 9 ad art. 406 CPP et n. 3 ad art. 407 CPP ; Pitteloud, op. cit., n. 1218 p. 814).                    

                        c) En cas de défaut au sens de l’article 407 al. 1 CPP, l’appelant peut demander la restitution du terme ou du délai à la juridiction d’appel, aux conditions de l’article 94 CPP (Kistler Vianin, op. cit., n. 12 ad art. 407 CPP ; Schmid, op. cit., n. 2 ad art. 407 CPP), soit s’il rend vraisemblable que le défaut n’est imputable à aucune faute de sa part (Moreillon/Parein-Reymond, op. cit., n. 1 et 4 ad art. 94 CPP et n. 4 ad art. 407 CPP). Même une faute légère ne permet pas la restitution du délai (Moreillon/Parein-Reymond, ibidem et la référence citée). Si la demande de restitution est acceptée, la direction de la procédure de la juridiction d’appel fixe un nouveau terme (Kistler Vianin, op. cit., n. 12 ad art. 407 CPP)

d) Les délais de prescription ou de déchéance doivent être respectés. Cela constitue une des règles élémentaires de la profession d’avocat. Lorsqu’il y a une incertitude sur le respect d’un délai, celui qui se prévaut de son respect est censé offrir la preuve de ce qu’il avance, d’autant plus s’il est avocat. Une surcharge de travail, une absence de l’avocat ou du personnel, une maladie n’empêchant pas que l’avocat charge un tiers d’agir à sa place, ne sont pas des motifs de retard. L’avocat est responsable d’une organisation adéquate de son cabinet ; il doit mettre en place des mécanismes de contrôle du bon fonctionnement de sa structure, en particulier lorsqu’elle est lourde. Si celle-ci est déficiente et qu’il en résulte la perte d’un délai, sa responsabilité est engagée (Bohnet/Martenet, Droit de la profession d’avocat, Berne, 2009, n. 2765, p. 1102 s).

                        e) Le délai pour déposer un mémoire écrit est également susceptible d’une demande de prolongation, aux conditions de l’article 92 CPP (Pitteloud, op. cit., n. 1218 p. 814 ; Kistler Vianin, op. cit., n. 17 ad art. 406 CPP). La demande de prolongation doit être présentée avant l’expiration du délai (Moreillon/Parein-Reymond, op. cit., n. 6 ad art. 92 CPP). Dans un arrêt du 16 février 2015, la Chambre pénale d’appel et de révision de la Cour de justice genevoise a considéré comme retiré, en application de l’article 407 al. 1 let. b CPP, un appel qui n’avait pas été suivi d’un mémoire d’appel motivé dans le délai de vingt jours imparti au prévenu pour le déposer (forumpoenale 4/2015 p. 204 s). De même, dans un arrêt du 30 août 2016, la Cour pénale a estimé que l’appelante, qui avait omis de déposer une motivation écrite, était défaillante et n’est pas entrée en matière sur son appel (CPEN.2015.59).

f) Selon Eugster, lorsque la déclaration d’appel est déjà suffisamment motivée, l’appelant n’a pas besoin de déposer une nouvelle motivation. Dans ce cas, si l’appelant n’entend pas compléter sa motivation dans le délai qui lui a été imparti, il peut simplement renvoyer à la motivation contenue dans sa déclaration d’appel. Compte tenu toutefois des conséquences strictes attachées à l’article 407 al. 1 let. b CPP (non-entrée en matière), il doit en informer l’autorité de deuxième instance par écrit, dans le délai qui lui a été imparti pour déposer son mémoire d’appel motivé (Eugster, op. cit., n. 9 ad art. 407 CPP ; Arrêt de la Cour d’appel pénale du Canton de Zurich du 22.04.2016 [SU150103] cons. 4 et 5). Dans un arrêt récent, le Tribunal fédéral considère que lorsque la déclaration d’appel contient déjà une motivation suffisante, il n’est pas nécessaire de déposer, dans le délai imparti, une nouvelle motivation ou de renvoyer à la déclaration d’appel motivée. L’absence de mémoire motivé dans ce cas ne peut pas être considérée comme un défaut, sous peine de constituer du formalisme excessif (arrêt du TF du 13.03.2018 [6B_684/2017] cons. 1.4.2 in fine in forumpoenale 5/2019 p. 368). Lorsque la partie appelante n’est pas représentée par un avocat, en particulier lorsqu’il s’agit du prévenu, il y a lieu de se montrer plus restrictif dans l’admission du défaut, vu les conséquences graves d’une non-entrée en matière (Eugster, ibidem).

g) En l’espèce, un délai de 20 jours a été imparti au prévenu pour déposer un mémoire d’appel motivé, par courrier du vice-président de la Cour pénale, daté du 2 avril 2020. Ce courrier a été reçu le 6 avril suivant. En ne déposant pas la preuve du dépôt de son mémoire d’appel motivé dans le délai qui lui avait été imparti et qui était échu le 27 avril 2020 (délai de 20 jours imparti par lettre recommandée du 2 avril ; lettre reçue le 6 avril ; délai échu le dimanche 26 avril, reporté au premier jour ouvrable soit au lundi 27 avril 2020), le prévenu a omis de déposer un mémoire écrit et se trouve être défaillant. Son appel, selon ce que prévoit l’article 407 al. 1 CPP, est donc réputé retiré.

h) Le 30 avril 2020, soit une fois que le délai de 20 jours était échu, le mandataire s’est inquiété du sort d’une demande de prolongation de délai qu’il aurait envoyée à la Cour pénale le 6 avril 2020. En tout cas, cette demande de prolongation de délai n’est jamais parvenue à la Cour pénale. Si l’épidémie de la COVID-19 était susceptible de générer des retards d’acheminement du courrier et si le DETEC pouvait, sur demande motivée de la Poste, approuver des restrictions temporaires locales des prestations du service universel dans les domaines des services postaux (cf. notamment l’article 7b de l’Ordonnance 2 sur les mesures destinées à lutter contre le coronavirus du Conseil fédéral du 13 mars 2020), tel n’a pas été le cas dans le canton de Neuchâtel. Le prévenu, représenté par un mandataire professionnel, devait en tous les cas, malgré les circonstances sanitaires particulières, se soucier du sort de sa requête de prolongation de délai avant l’échéance de ce dernier.

i) Le prévenu n’a pas non plus requis la restitution de ce délai, en invoquant l’article 94 CPP. Comme cela a été dit plus avant, le prévenu, représenté par un mandataire professionnel, aurait dû, malgré les circonstances sanitaires particulières, se soucier du sort de sa requête de prolongation de délai envoyée en courrier simple, le 6 avril 2020. Il ne l’a pas fait et, de ce fait, il a manqué à son devoir de diligence et a commis une faute. Par conséquent, une telle demande aurait de toute manière dû être rejetée.

j) Par ailleurs, l’appelant ne saurait simplement renvoyer à sa déclaration d’appel du 29 janvier 2020, laquelle ne répond pas aux exigences de motivation de l’article 385 CPP. En effet, bien qu’elle contienne des conclusions, cette écriture n’explique pas pour quels motifs le jugement entrepris devrait être modifié. La simple mention selon laquelle le jugement « est contesté en tant qu’il condamne l’appelant pour infractions aux articles 19 al. 1 et 19a LStup », sans aucune précision, ne constitue pas une motivation. Or la motivation d’un acte de recours doit être entièrement contenue dans l’acte de recours lui-même ; elle ne saurait être complétée ou corrigée ultérieurement (arrêt du TF du 31.07.2018 [6B_510/2018] cons. 1).

Dans ces circonstances, l’appel doit être réputé retiré, faute de mémoire motivé déposé dans le délai utile.

3.                                Les frais judiciaires de deuxième instance, arrêtés à 300 francs, sont mis à la charge de l’appelant, dont l’appel est irrecevable et qui est considéré comme ayant succombé (art. 428 al. 1 CPP).

Même si l’appel joint est réputé avoir été retiré, faute pour le prévenu d’avoir déposé un mémoire écrit, la requête d’assistance judiciaire de X.________ pour la procédure d’appel doit tout de même être admise, dans la mesure où la cause n’était pas dénuée de chances de succès au moment du dépôt de la déclaration d’appel (cf. art. 136 al. 1 let b CPP). Le mémoire d’honoraires déposé par Me A.________ fait état de 4h55. Cette activité est excessive eu égard à la nature et à la difficulté de la cause. En particulier, la durée de 2h00 pour la rédaction d’une déclaration d’appel non motivée dans une affaire simple est excessive et doit être ramenée à 1h00. L’activité de Me A.________ sera donc réduite à 3h55. L'indemnité d'avocat d'office due au mandataire du prévenu pour la procédure d’appel sera fixée à 797.25 francs, frais et TVA compris, pour l’activité déployée en seconde instance. Cette indemnité sera entièrement remboursable par X.________, aux conditions de l’article 135 al. 4 CPP.

la Cour pénale décide

Vu les articles 132, 406 al. 3, 407 al. 1 let. b, 428 al. 1 CPP,

1.       Il n’est pas entré en matière sur l’appel de X.________.

2.       Les frais de la procédure d’appel, arrêtés à 300 francs, sont laissés à la charge de l’Etat.

3.       Fixe l'indemnité d'avocat d'office de Me A.________ pour la procédure d’appel à 797.25 francs, frais, débours et TVA compris. Elle sera entièrement remboursable par X.________, aux conditions de l’article 135 al. 4 CPP.

4.       Le présent jugement est notifié à X.________, par Me A.________, au ministère public, à La Chaux-de-Fonds (MP.2019.5543), et au Tribunal de police des Montagnes et du Val-de-Ruz, à La Chaux-de-Fonds (POL.2019.587).

Neuchâtel, le 7 août 2020

Art. 406 CPP
Procédure écrite
 

1 La juridiction d’appel ne peut traiter l’appel en procédure écrite que:

a. si seuls des points de droit doivent être tranchés;

b. si seules les conclusions civiles sont attaquées;

c. si le jugement de première instance ne porte que sur des contraventions et que l’appel ne porte pas sur une déclaration de culpabilité pour un crime ou un délit;

d. si seuls des frais, des indemnités ou la réparation du tort moral sont attaqués;

e. si seules des mesures au sens des art. 66 à 73 CP1 sont attaquées.

2 Avec l’accord des parties, la direction de la procédure peut en outre ordonner la procédure écrite:

a. lorsque la présence du prévenu aux débats d’appel n’est pas indispensable;

b. lorsque l’appel est dirigé contre des jugements rendus par un juge unique.

3 La direction de la procédure fixe à la partie qui a déclaré l’appel ou l’appel joint un délai pour déposer un mémoire d’appel motivé.

4 La suite de la procédure est régie par l’art. 390, al. 2 à 4.


1 RS 311.0

Art. 407 CPP
Défaut des parties
 

1 L’appel ou l’appel joint est réputé retiré si la partie qui l’a déclaré:

a. fait défaut aux débats d’appel sans excuse valable et ne se fait pas représenter;

b. omet de déposer un mémoire écrit;

c. ne peut pas être citée à comparaître.

2 Si l’appel du ministère public ou de la partie plaignante porte sur la déclaration de culpabilité ou sur la question de la peine et que le prévenu ne comparaît pas aux débats sans excuse, une procédure par défaut est engagée.

3 Si l’appel de la partie plaignante est limité aux conclusions civiles et que le prévenu ne comparaît pas aux débats sans excuse, la juridiction d’appel statue sur la base des résultats des débats de première instance et du dossier.