Arrêt du Tribunal Fédéral

Arrêt du 17.04.2020 [8C_403/2019]

 

 

 

 

 

A.                               X.________, né en 1968, est au bénéfice d'une demi-rente de l'assurance-invalidité depuis le 1er septembre 1999. Depuis 2006, il exerce une activité à mi-temps en atelier protégé, pour un salaire mensuel brut de 1'889 francs (CHF 1’743.75 + CHF 145.25), soit 22'668 francs brut par an. A ce titre, il est assuré contre le risque d'accidents auprès de la Caisse nationale suisse d'assurance en cas d'accidents (ci-après : CNA). Le 14 janvier 2016, alors qu'il se rendait à sa voiture, le prénommé a glissé sur une plaque de glace et a été victime d'une chute avec réception sur le bras droit. A l'Hôpital neuchâtelois, (ci-après : HNE), un bilan radio-clinique a mis en évidence une fracture diaphysaire de l'humérus à droite. Il a été opéré par le Dr A.________, médecin auprès du Service d'orthopédie et traumatologie de HNE, le 19 janvier 2016 (réduction fermée et enclouage centro médullaire). La CNA a pris en charge le cas.

Dans un rapport médical intermédiaire du 12 mai 2016, le Dr A.________ a posé le diagnostic de status post clou humérus droit pour fracture diaphysaire transverse compliquée par capsulite rétractile de l’épaule droite. Ce médecin a fait état d’une bonne évolution, maintenant cependant une incapacité de travail totale. En date du 5 août 2016, relevant un conflit acromial d’une vis proximale du clou huméral, il a procédé, avec le Dr B.________, médecin-assistant, à une ablation du matériel d’ostéosynthèse. Dans son rapport du 10 octobre 2016, le Dr A.________ a attesté une reprise du travail possible dès le 12 septembre 2016. X.________ a confirmé avoir repris son activité en atelier protégé le 12 septembre 2016 "en plein", soit selon son horaire habituel (7 h – 11 h 30 tous les jours). Dans son rapport du 22 février 2017, se référant à une arthro-IRM du 19 décembre 2016, le Dr A.________ a retenu une capsulite rétractile de l’épaule droite en phase de récupération et une bonne évolution.

Dans un rapport du 24 mai 2017, le Dr A.________ a ajouté à ses précédents diagnostics une dépression / anxiété traitée en milieu hospitalier, précisant que ceci interférait avec le traitement orthopédique et retardait le processus de guérison. Ayant procédé à une infiltration de l’épaule droite, il a relevé une évolution très lente et indiqué que la récupération de la capsulite pouvait durer un à deux ans au total. Il a attesté une nouvelle incapacité de travail totale du 23 mai au 30 juin 2017 et suggéré une prise en charge par la Clinique romande de réadaptation (ci-après : CRR) de Sion.

Suite à un examen par le Dr C.________, médecin d’arrondissement de la CNA, en date du 8 juin 2017, ainsi qu’à une prolongation de son incapacité de travail jusqu’au 30 juillet 2017 par le Dr A.________, X.________ a été admis à la CRR, où il a séjourné du 11 juillet au 9 août 2017. Dans leur rapport du 17 août 2017, les Drs D.________ et E.________, chef de clinique et médecin-assistant à la CRR, ont retenu, à titre de diagnostics, une fracture médio-diaphysaire de l’humérus droit (le 14.01.2016) et une omarthrose et des signes dégénératifs de l’articulation acromio-claviculaire droite sur RX (le 13.07.2017); au niveau des interventions, une réduction fermée de fracture avec enclouage centro-médullaire (le 19.01.2016), une ablation d’une vis proximale (le 05.08.2016) et une infiltration sous-acromiale droite, non échoguidée, par 1ml de Diprophos et 5ml de Rapidocaïne (le 23.05.2017); sous complication, une probable capsulite rétractile de l’épaule droite. En tant que comorbidités, ils ont mentionné un trouble anxio-dépressif, une hypertension artérielle et une obésité de grade I. Ils ont admis les limitations fonctionnelles provisoires suivantes en regard du membre supérieur droit : activités répétitives et/ou en force avec le membre supérieur droit en porte à faux; ports de charges, de manière répétitive, de plus de 20 kg et toute activité qui demande une rotation interne et externe du bras ample. Concluant à une situation pratiquement stabilisée du point de vue médical et des aptitudes fonctionnelles (stabilisation attendue dans un délai de 1 à 2 mois), ils ont retenu que le pronostic de réinsertion dans l’ancienne activité déclarée comme travailleur à la chaîne (assemblage et conditionnement en atelier protégé) était favorable et qu’une reprise pouvait être envisagée à court terme (septembre 2017), à un pourcentage à déterminer par le médecin traitant. Ils ont attesté une incapacité de travail totale pendant le séjour à la CRR, puis du 10 au 31 août 2017. Dans son rapport du 18 août 2017, le Dr F.________ de la CRR, chef de clinique spécialiste en psychiatrie et psychothérapie, a retenu un diagnostic de trouble dépressif récurrent, épisode actuel léger (F33.0) et a mentionné que durant le séjour, le patient avait pu s’impliquer dans la réadaptation, bien qu’il lui soit difficile de reconnaître des progrès du fait de sa symptomatologie dépressive. Il a constaté que le traitement psychotrope n’avait pas été modifié et que le patient reprendrait sa prise en charge habituelle sur le plan psychique à sa sortie.

La reprise du travail prévue à la CRR n’a pas pu être concrétisée et l’incapacité de travail de X.________ a été maintenue par le Dr A.________, à 100 % jusqu’au 1er octobre 2017, puis à 50 % du 2 au 31 octobre 2017. Dans un rapport du 12 octobre 2017, ce médecin a relevé que selon ses dires, son patient n’allait pas mieux mais qu’il souhaitait commencer le travail à temps partiel. Indiquant des douleurs chroniques récidivantes de la ceinture scapulaire, un déséquilibre musculaire, un syndrome douloureux cervico-brachial à droite, une progression de l’arthrose et à long terme une prothèse de l’épaule droite, il a mentionné qu’il fallait s’attendre à une persistance du problème. Le 8 novembre 2017, X.________ a subi une nouvelle intervention d’ablation du matériel d’ostéosynthèse, pratiquée par le Dr A.________. Ce dernier a attesté une incapacité de travail à 100 % pendant 6 semaines à compter du 8 novembre 2017, à réévaluer.

Afin de déterminer le droit aux indemnités journalières de son assuré, la CNA a recueilli des renseignements relatifs à l’incapacité de travail de X.________ pour cause de maladie. Dans un rapport du 20 novembre 2017, les Drs G.________, psychiatre-psychothérapeute FMH et chef de clinique, et H.________, médecin-assistant auprès du Centre neuchâtelois de psychiatrie (ci-après : CNP), ont indiqué qu’à sa sortie de l’Hôpital de jour, le 26 mai 2017, leur patient avait repris son suivi psychiatrique ambulatoire de manière régulière. Ils ont précisé n’avoir pas émis de certificat d’incapacité de travail, l’arrêt de travail étant géré par le médecin traitant. Ils ont retenu les diagnostics de trouble dépressif récurrent, épisode actuel sévère, sans symptômes psychotiques (F33.2) et d’autres troubles anxieux mixtes (F41.3). Ils ont fait état d’une évolution de l’état psychique lente et défavorable, avec une tendance à la chronicisation, d’un rendement fortement réduit d’un point de vue psychiatrique, jusqu’à une date indéterminée, et ont mentionné qu’une réévaluation du dossier AI était en cours. Dans un courrier du 28 novembre 2017, les Drs G.________ et H.________ ont attesté une incapacité de travail, du point de vue psychiatrique, à 70 % du 12 juin au 10 juillet 2017, puis du 10 août 2017 à une date indéterminée. Dans un courrier du 7 décembre 2017, les Drs I.________, médecin-adjoint, et J.________, médecin-assistant au CNP (Hôpital de jour) ont confirmé que X.________ était sorti de leur service le 26 mai 2017 pour reprendre son suivi psychiatrique ambulatoire. Ils ont indiqué que le dernier certificat de maladie rédigé par leur service datait du 10 mai 2017 et attestait une incapacité de travail à 90 % à partir du 11 mai 2017, jusqu’au 11 juin suivant.

Sur le plan somatique, le Dr A.________ a maintenu et prolongé l’incapacité de travail totale de son patient, du 8 novembre 2017 au 14 janvier 2018, puis du 15 au 31 janvier 2018 et du 29 janvier au 28 février 2018.

Dans un courrier du 2 février 2018, la CNA a adressé à son assuré un récapitulatif des indemnités journalières qui lui avaient été versées. Relevant qu’il était déjà en incapacité de travail pour maladie lorsque son incapacité de travail liée aux suites de son accident avait débuté, elle l’a informé que les indemnités journalières qui lui étaient versées depuis le 12 juin 2017 l’étaient sur la base d’une incapacité de travail de 30 %. S’opposant à cette appréciation, X.________ a demandé à la CNA de l’indemniser à hauteur de 49.70 francs par jour (soit sur la base d’une incapacité de travail de 100 %), dès le 14 janvier 2016, respectivement dès le 12 septembre 2016 (courriers des 08.02.2018 et 29.03.2018). Il a par ailleurs indiqué que son incapacité de travail était toujours totale (arrêt de travail attesté du 13.02.2018 au 31.03.2018, puis du 01.04.2018 au 30.04.2018) et qu’il avait subi une arthroscopie de l’épaule droite, en date du 20 mars 2018. Reprenant son argumentation selon laquelle, "en présence de troubles distincts, aussi longtemps qu’il existe une incapacité de travail due à la maladie, [elle est] complémentaire (même sans indemnités journalières LAMal et/ou LCA)", la CNA a maintenu qu’elle accordait à son assuré des indemnités journalières sur la base d’une incapacité de travail de 10 % (incapacité de travail de 90 % pour cause de maladie) du 23 mai au 11 juin 2017 et de 30 % (incapacité de travail de 70 % pour cause de maladie) à partir du 12 juin 2017, ce versement étant toujours en cours (décision du 05.04.2018). Ajoutant que lors de sa nouvelle interruption de travail pour troubles au membre supérieur droit, son assuré était en incapacité de travail pour cause de maladie et qu’il était par ailleurs "au bénéfice des indemnités journalières de [son] assureur perte de gain compétent", la CNA a confirmé sa position, par décision sur opposition du 1er mai 2018. Des attestations du Dr A.________, faisant état d’une incapacité de travail à 100 % du 1er au 31 mai 2018 et à 50 % du 4 au 30 juin 2018, ont encore été ajoutées au dossier.

B.                               X.________ interjette recours devant la Cour de droit public du Tribunal cantonal contre la décision sur opposition précitée, dont il demande l'annulation, en concluant, sous suite de frais et dépens, à ce que la CNA soit condamnée à lui verser les prestations légales découlant de la LAA, en particulier une pleine indemnité journalière dès le 23 mai 2017, cas échéant à ce que toutes mesures d'instruction utiles soient ordonnées et subsidiairement à ce que le dossier soit renvoyé à la CNA pour instruction complémentaire, puis nouvelle décision au sens des considérants. En substance, il reproche à la CNA d’avoir à tort considéré qu’il était assuré auprès d’un assureur perte de gain maladie et qu’il avait perçu des indemnités journalières d’un tel assureur, avant la survenance de l’incapacité de travail pour accident, le 23 mai 2017. Se référant au même arrêt que la CNA (arrêt du TF du 07.07.2016 [8C_942/2015]), il fait valoir que dans le cadre de son activité au service de la fondation, il n’était pas assuré en perte de gain maladie et que la CNA ne pouvait dès lors intervenir à titre d’assurance complémentaire. Il dépose, en complément à son recours, un courrier de son employeur du 4 juin 2018 confirmant que les employés en situation de handicap, au service de la fondation, ne bénéficient d’aucune assurance perte de gain et qu'il en est de même pour lui.

C.                               Dans son mémoire de réponse, la CNA conclut au rejet du recours, sous suite de dépens.

D.                               Dans un second tour d'écritures, X.________ confirme intégralement les faits, moyens et conclusions de son mémoire de recours du 1er juin 2018.

E.                               La CNA ne dépose pas de nouvelle prise de position.

C O N S I D E R A N T

en droit

1.                                Interjeté dans les formes et délai légaux, le recours est recevable.

2.                                a) L'assurance-accidents est en principe tenue d’allouer des prestations en cas d'accident professionnel, d’accident non professionnel et de maladie professionnelle (art. 6 al. 1 LAA). En vertu de l’article 16 al. 1 LAA, l’assuré totalement ou partiellement incapable de travailler (art. 6 LPGA) à la suite d’un accident a droit à une indemnité journalière. Est réputée incapacité de travail au sens de l’article 6 LPGA toute perte, totale ou partielle, de l'aptitude de l'assuré à accomplir dans sa profession ou son domaine d'activité le travail qui peut raisonnablement être exigé de lui, si cette perte résulte d'une atteinte à sa santé physique, mentale ou psychique. En cas d'incapacité de travail de longue durée, l'activité qui peut être exigée de lui peut aussi relever d'une autre profession ou d'un autre domaine d'activité. Selon l’article 16 al. 2 LAA, le droit à l'indemnité journalière naît le troisième jour qui suit celui de l'accident. Il s'éteint dès que l'assuré a recouvré sa pleine capacité de travail, dès qu'une rente est versée ou dès que l'assuré décède. L’annexe 2 OLAA prévoit que l’indemnité journalière est calculée conformément à la formule suivante : (gain annuel assuré : 365) x 80 %.

b) Le droit à des prestations de l’assurance-accidents suppose par ailleurs un lien de causalité naturelle et adéquate entre l'événement dommageable de caractère accidentel et l'atteinte à la santé.

Un rapport de causalité naturelle est donné lorsqu'il y a lieu d'admettre que, sans cet événement accidentel, le dommage ne se serait pas produit du tout ou qu'il ne serait pas survenu de la même manière. Il n'est pas nécessaire que l'accident soit la cause unique ou immédiate de l'atteinte à la santé : il suffit qu'associé éventuellement à d'autres facteurs, il ait provoqué l'atteinte à la santé, c'est-à-dire qu'il apparaisse comme la condition sine qua non de cette atteinte. Savoir si l'événement assuré et l'atteinte en question sont liés par un rapport de causalité naturelle est une question de fait que l'administration ou, le cas échéant, le juge, examine en se fondant essentiellement sur des renseignements d'ordre médical, et qui doit être tranchée en se conformant à la règle du degré de vraisemblance prépondérante, appliquée généralement à l'appréciation des preuves dans l'assurance sociale (ATF 142 V 435 cons. 1 et les arrêts cités).

La causalité est adéquate si, d’après le cours ordinaire des choses et l’expérience de la vie, le fait considéré était propre à entraîner un effet du genre de celui qui s’est produit, la survenance de ce résultat paraissant de façon générale favorisée par une telle circonstance (ATF 129 V 177 cons. 3.2 et les références citées). Dans le domaine de l'assurance-accidents obligatoire, cependant, en cas d'atteinte à la santé physique, la causalité adéquate se recoupe largement avec la causalité naturelle, de sorte qu'elle ne joue pratiquement pas de rôle (ATF 127 V 102 cons. 5b/bb et les références citées).

c) L’article 36 LAA – qui règle la réduction des prestations d’assurance en cas de concours de diverses causes de dommages – s’applique dans l’hypothèse où un accident et un événement non assuré ont causé ensemble un préjudice déterminé. En revanche, cette disposition n’est pas applicable en présence de dommages indépendants l’un de l’autre, soit lorsqu’un accident et un événement non assuré touchent des parties du corps distinctes. Dans un tel cas, les conséquences de l’événement accidentel assuré s’apprécient pour elles seules (ATF 113 V 54; arrêt du TF du 07.07.2016 [8C_942/2015] cons. 4.1).

3.                                a) Le litige porte sur le droit du recourant à des indemnités journalières de l’assurance-accidents en relation avec l’incapacité de travail subie dès le 23 mai 2017. Il n’est pas contesté que l’incapacité de travail ici discutée concerne l’activité à 50 % exercée par le recourant auprès de l’atelier protégé, indépendamment de la demi-rente AI que ce dernier admet percevoir, pour un taux d’invalidité de 54 %. En outre, le recourant ne remet pas en question le fait qu’il ait été en incapacité de travail pour cause de maladie pendant la période querellée. Il ne conteste pas non plus le taux et les dates de cette incapacité indiqués par le CNP et repris par la CNA. Le point litigieux consiste en revanche à déterminer si et dans quelle mesure l’intimée était en droit de réduire ses indemnités journalières, au motif que le recourant se trouvait déjà en incapacité de travail pour maladie et qu’il ne touchait par ailleurs pas d’indemnités journalières d’un assureur perte de gain maladie.

Il ressort du dossier que le recourant a été victime d’un accident (chute sur une plaque de glace) le 14 janvier 2016 et qu’il a de ce fait été en incapacité de travail totale, jusqu’au 12 septembre 2016, date à laquelle il a pu reprendre son activité auprès de l’atelier protégé, selon son horaire habituel. Durant cette période, non remise en cause, il a touché des indemnités journalières calculées sur la base d’une incapacité de travail de 100 % (soit [CHF 22'668 : 365] x 80 % = CHF 49.70 par jour). Dans un deuxième temps, soit à compter du 23 mai 2017, le recourant a connu une nouvelle période d’incapacité de travail totale découlant des suites de l’accident précité. Cette incapacité est intervenue alors qu’il se trouvait déjà en incapacité de travail pour maladie, en raison de troubles psychiques, totalement distincts de l’atteinte au bras consécutive à l’accident du 14 janvier 2016. Les médecins du CNP qui l’ont pris en charge pour ces troubles ont fait état, d’un point de vue psychiatrique, d’une incapacité de travail à 90 % du 11 mai au 11 juin 2017 (courrier du 07.12.2017), respectivement à 70 % du 12 juin au 10 juillet 2017, puis à partir du 10 août 2017 jusqu’à une date indéterminée (courrier du 28.11.2017). N’ayant aucune assurance perte de gain maladie de par son employeur (ni manifestement à titre individuel), le recourant allègue n’avoir touché aucune indemnité journalière d’un tel assureur, avant et/ou pendant sa nouvelle période d’incapacité de travail pour accident, débutée le 23 mai 2017. Sur le plan chronologique, le chevauchement des périodes d’incapacité de travail pour maladie et accident est établi. Cela étant, il convient de déterminer si, comme le soutient le recourant, il avait dans ce contexte droit à de pleines indemnités journalières de la part de l’assurance-accidents.

b) Tant le recourant que l’intimée se réfèrent au même arrêt du Tribunal fédéral (arrêt du TF du 07.07.2016 [8C_942/2015]), pour motiver leur position. Dans cet arrêt, une personne avait été victime – en date du 21.03.2014 – d’un accident lui causant une fracture au pied. A cette date, cette personne se trouvait déjà en incapacité de travail pour maladie à 50 %, consécutivement à un infarctus subi en décembre 2010, et touchait pour cette raison des indemnités de son assureur perte de gain maladie. Retenant que les effets sur la capacité de gain découlant de la fracture au pied, d’une part, et de l’infarctus, d’autre part, pouvaient être clairement distingués, le Tribunal fédéral a estimé que leurs effets pouvaient être appréciés isolément et que les prestations d’assurance y relatives pouvaient être accordées séparément, indépendamment l’une de l’autre ("Beim Beschwerdeführer lassen sich die Fersenbeintrümmerfraktur links einerseits und die auf den Herzinfarkt vom Dezember 2010 zurückzuführende Beeinträchtigung des Leistungsvermögens andererseits klar auseinanderhalten. Sie können isoliert gewürdigt werden und darauf basierende Versicherungsleistungen können losgelöst voneinander separat bestimmt werden", cons. 4.2). Dans de telles circonstances, le Tribunal fédéral a confirmé que l’article 36 LAA ne s’appliquait pas.

Si l’état de fait de cet arrêt est comparable à la situation examinée ici, en ce qu’une incapacité de travail découlant d’un accident intervient alors qu’une incapacité de travail pour maladie est en cours, il diffère dans la mesure où, contrairement au recourant, l’assuré touchait des indemnités journalières d’un assureur perte de gain maladie. Ainsi qu’il ressort des considérants du Tribunal fédéral, l’allocation de telles prestations n’est cependant pas décisive, l’élément déterminant pour l’octroi des indemnités journalières de l’assurance-accidents étant finalement l’existence ou non d’un lien de causalité entre l’événement accidentel et l’atteinte à la santé induisant une incapacité de travail.

" Ist von der Krankenversicherung rechtskräftig entschieden worden, dass krankheitsbedingt eine Arbeitsunfähigkeit von 50 % vorliegt und werden dafür - wie hier - entsprechende Taggeldleistungen erbracht, kann im Unfallversicherungsbereich nur die damit noch nicht gedeckte Teilarbeitsfähigkeit von ebenfalls 50 % versichert sein. Die Rechtfertigung der Leistungsausrichtung durch die Krankenversicherung ist einer Überprüfung im unfallversicherungsrechtlichen Verfahren nicht zugänglich. (…) Für den Unfallversicherer bleibt Tatsache, dass die Krankenversicherung - ob zu Recht oder nicht, sei dahingestellt – Taggeldleistungen aufgrund einer 50%igen Arbeitsunfähigkeit erbracht hat, womit für ihn lediglich noch die darüber hinausgehende – maximal ebenfalls 50%ige – Arbeitsunfähigkeit als unfallkausal in Betracht fallen kann. Nur diese war von der unfallversicherungsrechtlichen Deckung noch erfasst. Die Festsetzung der Höhe der für den Unfallversicherer relevanten Arbeitsunfähigkeit hatte denn auch unabhängig vom Entscheid des Krankenversicherers allein aufgrund der Auswirkungen der unfallbedingten Körperschädigung zu erfolgen. Die Rechtfertigung der von der Krankenversicherung anerkannten Verminderung des Leistungsvermögens spielt demgegenüber für die Unfallversicherung keine Rolle. Sie hatte sich nur für die Höhe der unfallkausalen Beeinträchtigung des Leistungsvermögens zu interessieren, welche im Übrigen auch weniger als 50 % hätte ausmachen können, nach dem Gesagten nach oben aber auf 50 % beschränkt bleiben musste." (arrêt précité, cons. 4.3)

Ainsi, et sans qu’il puisse se déterminer sur le bien-fondé des prestations octroyées par l’assureur perte de gain maladie, l’assureur-accidents ne peut, lorsque l’assuré est déjà en incapacité de travail partielle pour un autre motif (ici: maladie), intervenir que et jusqu’à concurrence du pourcentage excédant cette incapacité, seule l’incapacité de travail restante pouvant en effet être considérée comme étant en lien de causalité avec l’accident.

Dans l’arrêt ici examiné, le Tribunal fédéral devait encore se prononcer sur le fait de savoir si l’épuisement du droit aux prestations de l’assureur perte de gain maladie avait une influence sur les indemnités journalières de l’assurance-accidents auxquelles l’assuré pouvait prétendre. Le Tribunal fédéral a répondu à cette question par la négative. A cet égard, il a estimé qu’une incapacité de travail due initialement à un état maladif ne pouvait, suite à la cessation des prestations contractuelles de l’assureur perte de gain maladie, pas être mise à la charge de l’assureur-accidents, faute de lien de causalité avec l’accident. En effet, l’atteinte à la santé initiale ne pouvait devenir dans ce contexte une atteinte consécutive à l’accident.

" Daran ändert nichts, dass die Swica ihre Taggeldleistungen zufolge Ablaufs der vertraglich vereinbarten Bezugsdauer per 8. August 2014 eingestellt hat. Die krankheitsbedingte Arbeitsunfähigkeit, für welche der Unfallversicherer mangels Unfallkausalität nicht aufzukommen hat, besteht unverändert fort, auch wenn dafür seitens der Krankenversicherung keine Leistungen mehr erbracht werden. Für eine Erhöhung des Taggeldes der Unfallversicherung besteht aufgrund der zufolge Erschöpfung der Bezugsdauer erfolgten Leistungseinstellung des Krankenversicherers kein Anlass. Die diese Arbeitsunfähigkeit bewirkende Gesundheitsschädigung wird allein dadurch nicht zu einer unfallkausalen." (arrêt précité, cons. 4.4)

c) En l’espèce, les troubles psychiques dont souffre le recourant sont clairement distincts de l’atteinte au bras droit consécutive à l’accident, de sorte que ces deux aspects peuvent, du point de vue des assurances, être évalués isolément. Dès lors que les médecins du CNP ont conclu à une incapacité de travail découlant des troubles psychiques de l’assuré à compter du 11 mai 2017 au moins, que cette incapacité de travail est antérieure à la nouvelle période d’incapacité de travail consécutive à l’accident, qui a débuté le 23 mai 2017, il ne peut y avoir de lien de causalité entre l’atteinte au bras et l’incapacité de travail partielle déjà en cours, due aux troubles psychiques. Dans ces circonstances, c’est donc à bon droit que l’intimée a considéré qu’elle ne pouvait intervenir qu’à titre complémentaire. En effet, tant et aussi longtemps que subsiste une incapacité de travail préalable dont ne répond pas l’assurance-accidents (couverte ou non par une assurance), une incapacité de travail due à un accident ne peut pas donner lieu à des indemnités journalières LAA, faute de lien de causalité entre l’accident et cette incapacité de travail.

Le recourant n’ayant pas fait valoir que ses troubles psychiques se seraient améliorés, respectivement que son taux d’incapacité de travail sous cet angle se serait modifié, la décision de l’intimée de limiter, pour la période ici examinée, le droit de son assuré à des indemnités journalières calculées sur le base d’une incapacité de travail de 10 %, puis de 30 % ne prête pas flanc à la critique.

4.                                Au vu de ce qui précède, le recours doit être rejeté et la décision attaquée confirmée.

La procédure est gratuite (art. 61 let. a LPGA). En outre, au vu de l’issue de la cause, il n’y a pas lieu à allocation de dépens (art. 61 let. g LPGA a contrario).

Par ces motifs,
la Cour de droit public

1.    Rejette le recours.

2.    Statue sans frais.

3.    N'alloue pas de dépens.

Neuchâtel, le 9 mai 2019

Art. 6 LAA
Généralités
 

1 Si la présente loi n'en dispose pas autrement, les prestations d'assurance sont allouées en cas d'accident professionnel, d'accident non professionnel et de maladie professionnelle.

2 L'assurance alloue aussi ses prestations pour les lésions corporelles suivantes, pour autant qu'elles ne soient pas dues de manière prépondérante à l'usure ou à une maladie:

a. les fractures;

b. les déboîtements d'articulations;

c. les déchirures du ménisque;

d. les déchirures de muscles;

e. les élongations de muscles;

f. les déchirures de tendons;

g. les lésions de ligaments;

h. les lésions du tympan.1

3 L'assurance alloue en outre ses prestations pour les lésions causées à l'assuré victime d'un accident lors du traitement médical (art. 10).


1 Nouvelle teneur selon le ch. I de la LF du 25 sept. 2015 (Assurance-accidents et prévention des accidents), en vigueur depuis le 1er janv. 2017 (RO 2016 4375; FF 2008 4877, 2014 7691).

 

 
Art. 16 LAA
Droit
 

1 L'assuré totalement ou partiellement incapable de travailler (art. 6 LPGA1) à la suite d'un accident a droit à une indemnité journalière.2

2 Le droit à l'indemnité journalière naît le troisième jour qui suit celui de l'accident. Il s'éteint dès que l'assuré a recouvré sa pleine capacité de travail, dès qu'une rente est versée ou dès que l'assuré décède.

3 L'indemnité journalière de l'assurance-accidents n'est pas allouée s'il existe un droit à une indemnité journalière de l'assurance-invalidité ou à une allocation de maternité selon la loi du 25 septembre 1952 sur les allocations pour perte de gain3.4

4 L'indemnité journalière est versée aux personnes au chômage nonobstant les délais d'attente (art. 18, al. 1, LACI5) ou les jours de suspension (art. 30 LACI).6

 


1 RS 830.1
2 Nouvelle teneur selon le ch. 12 de l'annexe à la LF du 6 oct. 2000 sur la partie générale du droit des assurances sociales, en vigueur depuis le 1er janv. 2003 (RO 2002 3371; FF 1991 II 181 888, 1994 V 897, 1999 4168).
3 RS 834.1
4 Nouvelle teneur selon le ch. 3 de l'annexe à la LF du 3 oct. 2003, en vigueur depuis le 1er juil. 2005 (RO 2005 1429; FF 2002 6998, 2003 1032 2595).
5 RS 837.0
6 Introduit par le ch. I de la LF du 25 sept. 2015 (Assurance-accidents et prévention des accidents), en vigueur depuis le 1er janv. 2017 (RO 2016 4375; FF 2008 4877, 2014 7691).

 

 
Art. 36 LAA
Concours de diverses causes de dommages1
 

1 Les prestations pour soins, les remboursements de frais ainsi que les indemnités journalières et les allocations pour impotent ne sont pas réduits lorsque l'atteinte à la santé n'est que partiellement imputable à l'accident.

2 Les rentes d'invalidité, les indemnités pour atteinte à l'intégrité ainsi que les rentes de survivants sont réduites de manière équitable lorsque l'atteinte à la santé ou le décès ne sont que partiellement imputables à l'accident. Toutefois, en réduisant les rentes, on ne tiendra pas compte des états antérieurs qui ne portaient pas atteinte à la capacité de gain.


1 Introduit par le ch. 12 de l'annexe à la LF du 6 oct. 2000 sur la partie générale du droit des assurances sociales, en vigueur depuis le 1er janv. 2003 (RO 2002 3371; FF 1991 II 181 888, 1994 V 897, 1999 4168).

 
Art. 6 LPGA
Incapacité de travail
 

Est réputée incapacité de travail toute perte, totale ou partielle, de l'aptitude de l'assuré à accomplir dans sa profession ou son domaine d'activité le travail qui peut raisonnablement être exigé de lui, si cette perte résulte d'une atteinte à sa santé physique, mentale ou psychique.1 En cas d'incapacité de travail de longue durée, l'activité qui peut être exigée de lui peut aussi relever d'une autre profession ou d'un autre domaine d'activité.


 

1 Nouvelle teneur selon le ch. 2 de l'annexe à la LF du 21 mars 2003 (4e révision AI), en vigueur depuis le 1er janv. 2004 (RO 2003 3837; FF 2001 3045).