A.                            X.________, né en 1961, ressortissant espagnol, sans formation professionnelle, était engagé comme carreleur auprès de A.________ Sàrl depuis le 1er avril 2019 lorsque, le 9 mai suivant, sur un chantier, il a chuté de sa hauteur sur le côté gauche du corps. Les investigations radiologiques menées à la suite de cet événement ont révélé un épaississement du tendon conjoint des épicondyliens avec fissuration intra-tendineuse, des phénomènes dégénératifs étagés avec discopathie surtout marquée en C5-C6 et une présence d’aspect en faveur d’un conflit disco-radiculaire foraminal droit en C3-C4 et C5-C6, ainsi qu’une fissuration non transfixiante de la face profonde du tendon infra-épineux de taille centimétrique et des possibles chondromes diaphysaires huméraux, à contrôler à distance. La Caisse nationale suisse d’assurance en cas d’accidents (ci-après : CNA) a pris en charge le cas. Sur la base d’un rapport du 9 octobre 2019 du Dr B.________, chirurgien orthopédique traitant, qui posait les diagnostics de tendinopathie du sous-épineux, associée à une épicondylite et à un tunnel carpien gauche, la CNA a mis en œuvre une évaluation interdisciplinaire à la Clinique romande de réadaptation (CRR) qui a mis en évidence une contusion du membre supérieur gauche ayant occasionné une déchirure du labrum supérieur, une épicondylite latérale gauche au décours et des paresthésies subjectives de D2, D3 et D4 sans traduction électrophysiologique et sans signe de neuropathie tronculaire ou radiculaire. L’échec du traitement conservateur a conduit le Dr B.________ à proposer une cure chirurgicale du tunnel carpien gauche associée à une arthroscopie de l’épaule gauche avec correction des lésions, notamment de la déchirure du labrum supérieur, qui ont été réalisées le 27 mai 2020.

Parallèlement, l’assuré a déposé une demande de prestations auprès de l’Office de l’assurance-invalidité du canton de Neuchâtel (ci-après : OAI), en mentionnant, à titre d’atteinte à la santé, « épaule G : lésion tendon sous épineux +/- labrum, tunnel carpien G, épicondylite latérale G ».

Compte tenu du développement d’une capsulite de l’épaule gauche, le Dr B.________ a recommandé un séjour à la CRR qui s’est déroulé du 9 septembre au 7 octobre 2020. A cours de celui-ci ont été diagnostiquées une arthrose débutante gléno-humérale, une lame de bursite sous-acromiale, une atteinte dégénérative acromio-claviculaire, ainsi qu’une épicondylite à gauche. Du point de vue médical, une stabilisation était attendue dans un délai de 2 à 3 mois. Les limitations fonctionnelles étaient provisoirement les suivantes : « port de charges lourdes de manière répétitive de plus de jusqu’à 10-15 kg. Travail prolongé avec le membre supérieur gauche au-dessus du plan des épaules et activités nécessitant de la force ou des mouvements répétés du membre supérieur gauche en porte-à-faux ». Aucune nouvelle intervention n’était proposée pour l’épaule gauche. Quant au pronostic de réinsertion dans l’ancienne activité de carreleur, il était décrit comme défavorable, l’omarthrose débutante rendant pratiquement illusoire une reprise totale. En revanche, on pouvait s’attendre à une réinsertion complète dans une activité adaptée respectant les limitations fonctionnelles. Durant les mois qui ont suivi le séjour à la CRR, le Dr B.________ a régulièrement informé la CNA au sujet de la lente amélioration de la capsulite de l’épaule gauche de son patient, de la réapparition de douleurs du coude gauche au niveau de l’épicondyle et de la réapparition des paresthésies dans la main gauche à territoire aspécifique d’origine non expliquée. Sollicité par la CNA, le Dr D.________, spécialiste en médecine interne et intensive et médecin d’arrondissement, a indiqué, le 15 septembre 2021, que la situation médicale n’était pas encore stabilisée car l’assuré continuait à faire des progrès notoires au niveau de l’épaule gauche. Au mois de janvier 2022, le Dr B.________ a précisé que les amplitudes articulaires de l’épaule gauche étaient quasi complètes, que par contre, les douleurs au niveau de l’épicondyle gauche persistaient et que des douleurs à l’épaule revenaient lors de manœuvres répétitives contre résistance. Il a confirmé qu’une « reprise de travail dans un milieu sans port de charge, plutôt de type supervision (contrôle de chantiers) serait possible ».

Dans son rapport d’examen final du 22 février 2022, le Dr D.________ a retenu que la situation pouvait être considérée comme stabilisée Sur le plan de l’exigibilité, ce médecin a estimé que, au niveau de l’épaule gauche, l’assuré pouvait, « dans l’exercice d’une activité réalisée en-dessous du plan des épaules à l’aide du MS G, sans soulèvement et/ou port de charge supérieure à 5 kg avec le MS G, sans mouvement répété du MS G en porte-à-faux, en utilisant le MS G avant tout pour des tâches légères et non répétitives, réaliser une activité en pleine capacité ».

Se fondant sur le rapport du Dr D.________, le Dr E.________, médecin au Service médical régional de l’AI (SMR) a validé « une incapacité de travail durable de 100 % dès le 10.05.2019 » et retenu que, « dès le 03.12.2021 la capacité de travail dans une activité adaptée respectant les limitations fonctionnelles est de 100 % ». Sur cette base, l’OAI a informé son assuré de son intention de lui accorder une rente entière d’invalidité du 1er novembre 2020 au 31 mars 2022 et du fait que les conditions nécessaires à la mise en œuvre de mesures professionnelles n’étaient pas remplies. En dépit des objections de l’intéressé, qui faisait valoir que son état de santé n’était pas stabilisé et que ses douleurs s’étaient même empirées dans la région du coude, ce qui nécessitait une cure chirurgicale, l’OAI a maintenu sa position après avoir pris l’avis du Dr E.________ et a confirmé, par décision du 17 janvier 2023, l’octroi d’une rente entière temporaire du 1er novembre 2020 au 31 mars 2022 et le refus de mesures d’ordre professionnel. Il a considéré que dans la mesure où la problématique douloureuse au coude n’entraînait pas de nouvelles limitations fonctionnelles, la capacité de travail restait totale dans une activité adaptée tenant compte des limitations fonctionnelles déjà établies.

Antérieurement, par décision du 25 juillet 2022, entrée en force, la CNA avait nié le droit de l’assuré à une rente d’invalidité faute de diminution notable de la capacité de gain due à l’accident (perte de 6 %) et lui avait alloué une indemnité pour atteinte à l’intégrité de 10 %.

B.                            X.________ interjette recours devant la Cour de droit public du Tribunal cantonal contre cette décision, dont il demande l’annulation au sens des considérants, en concluant, avec suite de frais et dépens, principalement à ce que le versement de la rente soit poursuivi au-delà du 31 mars 2022 et que des mesures d’ordre professionnel soient mises en place et, subsidiairement, à ce que la cause soit renvoyée à l’intimé pour nouvelle instruction au sens des considérants. En substance, il reproche à l’OAI de s’être appuyé exclusivement sur l’appréciation du Dr D.________, qui n’a analysé sa situation que sous l’angle de l’accident et de ne pas avoir mis en œuvre d’expertise, alors même que le Conseil fédéral a mis en place une Commission fédérale d’assurance qualité des expertises médicales. Faisant par ailleurs valoir qu’il est âgé de plus de 55 ans (61 ans) et qu’il a travaillé toute sa vie dans le domaine de la construction, il fait grief à l’intimé de ne pas lui avoir accordé des mesures d’ordre professionnel avant de décider de mettre un terme à son droit à une rente d’invalidité.

C.                            Dans ses observations, l’OAI conclut au rejet du recours en relevant que l’absence d’octroi de mesures professionnelles tient au fait que l’assuré a de faibles connaissances en français (même si celles-ci ont pu être améliorées grâce aux cours suivis auprès de l’institut F.________), qu’il n’a aucune formation professionnelle et qu’il ne réside en Suisse que depuis le mois de septembre 2016.

C O N S I D E R A N T

en droit

1.                            Interjeté dans les formes et délai légaux, le recours est recevable.

2.                            Dans le cadre du « développement continu de l'AI », notamment la LAI, le RAI et la LPGA ont été modifiés avec effet au 1er janvier 2022 (RO 2021 705 ; FF 2017 2535). Selon la lettre c des dispositions transitoires de la modification du 19 juin 2020 (développement continu de l’AI), « pour les bénéficiaires de rente dont le droit à la rente est né avant l’entrée en vigueur de la présente modification et qui avaient au moins 55 ans à l’entrée en vigueur de cette modification, l’ancien droit reste applicable ». Tel est le cas du recourant, âgé de 60 ans le 1er janvier 2022, dont la rente d’invalidité, supprimée à partir du 1er avril 2022, avait pris naissance le 1er novembre 2020.

3.                            a) Selon l’article 4 al. 1 LAI, l’invalidité peut résulter d’une infirmité congénitale, d’une maladie ou d’un accident. En vertu de l’article 8 al. 1 LPGA, est réputée invalidité l'incapacité de gain totale ou partielle qui est présumée permanente ou de longue durée. Est réputée incapacité de travail toute perte, totale ou partielle, de l'aptitude de l'assuré à accomplir dans sa profession ou son domaine d'activité le travail qui peut raisonnablement être exigé de lui, si cette perte résulte d'une atteinte à sa santé physique, mentale ou psychique. En cas d'incapacité de travail de longue durée, l'activité qui peut être exigée de lui peut aussi relever d'une autre profession ou d'un autre domaine d'activité (art. 6 LPGA). En vertu de l'article 7 al. 1 LPGA, est réputée incapacité de gain toute diminution de l'ensemble ou d'une partie des possibilités de gain de l'assuré sur le marché du travail équilibré qui entre en considération, si cette diminution résulte d'une atteinte à sa santé physique, mentale ou psychique et qu'elle persiste après les traitements et les mesures de réadaptation exigibles. Seules les conséquences de l’atteinte à la santé sont prises en compte pour juger de la présence d’une incapacité de gain. De plus, il n’y a incapacité de gain que si celle-ci n’est pas objectivement surmontable (art. 7 al. 2 LPGA). L'assuré a droit à une rente s’il est invalide à 40 % au moins. Un taux d'invalidité de 40 % au moins donne droit à un quart de rente AI, un taux d'invalidité de 50 % au moins à une demi-rente AI, un taux d'invalidité de 60 % au moins à trois quarts de rente AI et un taux d'invalidité de 70 % au moins à une rente AI entière (art. 28 al. 2 LAI).

b) Aux termes de l'article 17 al. 1 LPGA, si le taux d’invalidité du bénéficiaire de la rente subit une modification notable, la rente est, d’office ou sur demande, révisée pour l’avenir, à savoir augmentée ou réduite en conséquence, ou encore supprimée. Tout changement important des circonstances propre à influencer le degré d'invalidité et donc le droit à la rente, peut motiver une révision selon l’article 17 LPGA. La rente peut être révisée non seulement en cas de modification sensible de l'état de santé mais aussi lorsque celui-ci est resté en soi le même, mais que ses conséquences sur la capacité de gain ont subi un changement important (ATF 134 V 131 cons. 3, 130 V 343 cons. 3.5). Tel est le cas lorsque la capacité de travail s'améliore grâce à l'accoutumance ou une adaptation au handicap. En revanche, une simple appréciation différente d'un état de fait qui, pour l'essentiel, est demeuré inchangé n'appelle pas une révision au sens de l'article 17 LPGA (ATF 141 V 9 cons. 2.3). Un motif de révision au sens de l'article 17 LPGA doit clairement ressortir du dossier. La réglementation sur la révision ne saurait constituer un fondement juridique à un réexamen sans condition du droit à la rente. Le point de savoir si un tel changement s'est produit doit être tranché en comparant les faits tels qu'ils se présentaient au moment de la dernière décision entrée en force reposant sur un examen matériel du droit à la rente avec une constatation des faits pertinents, une appréciation des preuves et une comparaison des revenus conformes au droit, et les circonstances régnant à l'époque de la décision litigieuse (ATF 133 V 108 cons. 5). Lorsque les faits déterminants pour le droit à la rente se sont modifiés au point de faire apparaître un changement important de l'état de santé motivant une révision, le degré d'invalidité doit être fixé à nouveau sur la base d'un état de fait correct et complet, sans référence à des évaluations d'invalidité antérieures (ATF 141 V 9 cons. 2.3).

Par ailleurs, à mesure que les règles régissant les cas de révision s’appliquent par analogie lorsqu’une décision accorde une rente avec effet rétroactif et, en même temps, prévoit sa réduction ou sa suppression (art. 17 LPGA ; ATF 145 V 209 cons. 5.3 et 131 V 164 cons. 2.2 ; arrêt du TF du 05.01.2021 [9C_244/2020] cons. 2.2), il convient d’examiner si un changement important des circonstances, propre à influencer le degré d’invalidité, donc le droit à la rente, est intervenu qui justifie la réduction ou la suppression de la rente. La date de la modification du droit à la rente est déterminée conformément à l’article 88a RAI (arrêt du TF du 17.07.2015 [9C_333/2015] cons. 2.3 et 3.2 et du 29.04.2008 [9C_556/2007] cons. 3 et les réf. citées). Selon l’article 88a al. 1 RAI, si la capacité de gain ou la capacité d’accomplir les travaux habituels de l’assuré s’améliore, ce changement n’est déterminant pour la suppression de tout ou partie du droit aux prestations qu’à partir du moment où on peut s’attendre à ce que l’amélioration constatée se maintienne durant une assez longue période (1re phrase) ; il en va de même lorsqu’un tel changement déterminant a duré trois mois déjà, sans interruption notable et sans qu’une complication prochaine soit à craindre (2e phrase).

4.                            a) Si l'invalidité est une notion juridique fondée sur des éléments d'ordre essentiellement économique, il ne convient pas moins d'examiner d'abord l'incapacité de travail telle qu'elle a été fixée par les médecins. En effet, pour pouvoir calculer le degré d'invalidité, l'administration, ou le juge s'il y a eu recours, a besoin de documents que seul le médecin est à même de lui fournir. La tâche du médecin consiste à porter un jugement sur l'état de santé et à indiquer dans quelle mesure et pour quelles activités l'assuré est capable ou incapable de travailler. En outre, les données fournies par le médecin constituent un élément utile pour déterminer quels travaux on peut encore, raisonnablement, exiger de l'assuré (ATF 140 V 193 cons. 2 et les réf. citées).

b) L'assurance-invalidité, comme toute autre assurance, repose sur l'hypothèse que le risque assuré ne se réalise qu’exceptionnellement. Il en découle que l’assuré doit en principe être considéré comme étant en bonne santé et pouvant exercer activité professionnelle (cf. ATF 141 V 281 cons. 3.7.2, selon lequel il faut en règle générale partir du principe de la « validité »), dès lors que la plupart des atteintes à la santé n'entraînent pas d'incapacité de travail durable, ainsi que cela est mis en évidence en considérant l’ensemble de l’éventail des maladies physiques et psychiques. Le droit à une rente d'invalidité suppose ainsi une atteinte à la santé. Le diagnostic d'une atteinte à la santé n’implique cependant pas encore qu’elle est invalidante. Le caractère invalidant d’une atteinte à la santé se détermine, selon le texte clair de la loi, d’après les conséquences de celle-ci sur la capacité de travail et de gain. Le point déterminant à cet égard est de savoir si, compte tenu des atteintes invoquées, il ne peut plus être exigé de l’assuré qu’il travaille encore, à temps plein ou à temps partiel. C'est pourquoi un examen objectif de l'exigibilité s'applique en tenant compte exclusivement des conséquences de l'atteinte à la santé, en partant du principe de la validité et en laissant à l’assuré le fardeau matériel de la preuve de l'invalidité (142 V 106 cons. 4.3 et 4.4).

c) En matière d’appréciation des preuves, l’administration ou le juge apprécie librement celle-ci, sans être lié par des règles formelles, en procédant à une appréciation complète et rigoureuse. Ainsi, le juge des assurances sociales doit, quelle que soit leur provenance, examiner l'ensemble des moyens de preuve de manière objective et décider s'ils permettent de trancher la question des droits litigieux de manière sûre. En particulier, le juge ne saurait statuer, en présence de rapports médicaux contradictoires, sans s'être penché sur toutes les preuves disponibles et sans indiquer les motifs qui le conduisent à retenir un avis médical plutôt qu'un autre. A cet égard, l'élément déterminant n'est ni l'origine, ni la désignation du moyen de preuve comme rapport ou expertise, mais son contenu. Il importe, pour conférer pleine valeur probante à un rapport médical, que les points litigieux importants aient fait l'objet d'une étude circonstanciée, que le rapport se fonde sur des examens complets, qu'il prenne également en considération les plaintes exprimées par la personne examinée, qu'il ait été établi en pleine connaissance du dossier (anamnèse), que la description des interférences médicales soit claire et, enfin, que les conclusions du praticien soient bien motivées (ATF 134 V 231 cons. 5.1, 133 V 450 cons. 11.1.3, 125 V 351 cons. 3a).

Selon une jurisprudence constante, les rapports réalisés par le SMR en vertu de l’article 49 al. 1 RAI (et 59 al. 2bis LAI) ne constituent pas des expertises au sens de l’article 44 LPGA. Ces rapports ont pour fonction d’opérer la synthèse des renseignements médicaux versés au dossier et de prodiguer des recommandations quant à la suite à donner au dossier sur le plan médical. En tant qu’ils ne contiennent aucune observation clinique, ils se distinguent des expertises médicales ou des examens médicaux auxquels il arrive au SMR de procéder (art. 49 al. 2 RAI) ; en raison de leurs fonctionnalités différentes, ces différents documents ne sont d’ailleurs pas soumis aux mêmes exigences formelles. On ne saurait toutefois dénier toute valeur probante aux rapports de synthèse du SMR, dès lors qu’ils contiennent des informations utiles à la prise de décision pour l’administration ou les tribunaux, sous forme d’un résumé de la situation médicale et d’une appréciation de celle-ci. Cela étant, il convient d’ordonner une expertise si des doutes, même faibles, subsistent quant à la fiabilité et à la pertinence des constatations médicales effectuées par le service médical interne de l’assurance (ATF 135 V 465 cons. 4.6). Ces considérations valent également en ce qui concerne les appréciations émises par le médecin de la CNA aussi longtemps qu’aucun indice concret ne permet de douter de son bien-fondé. Le Tribunal fédéral insiste toutefois sur le fait que lorsqu'un cas est réglé sans avoir recours à une expertise externe, l'appréciation des preuves est soumise à des exigences sévères : s'il existe un doute même minime sur la fiabilité et la validité des constatations du médecin de l'assurance, il y a lieu de procéder à des investigations complémentaires (ATF 139 V 225 cons. 5.2 ; arrêt du TF du 09.11.2020 [8C_697/2019, 8C_698/2019] cons. 2.1).

Quant aux rapports établis par les médecins traitants, le juge peut et doit tenir compte du fait que, selon l'expérience, le médecin traitant est généralement enclin, en cas de doute, à prendre parti pour son patient en raison de la relation de confiance qui l'unit à ce dernier (ATF 135 V 465 cons. 4.5, 125 V 351 cons. 3a/cc ; arrêt du TF du 29.09.2022 [8C_13/2022] cons. 3.1.2).

5.                            a) En l’espèce, la décision entreprise allouant au recourant une rente entière d’invalidité du 1er novembre 2020 au 31 mars 2022 et supprimant celle-ci dès le lendemain est fondée sur les appréciations médicales du Dr E.________. En soi, la circonstance que ce médecin n’ait pas examiné lui-même l’assuré et qu’il se soit forgé son opinion sur la base des rapports médicaux recueillis par l’intimé, et celle que l’OAI n’ait pas ordonné une expertise externe ne sont pas critiquables. A ce propos, on précisera que la commission dédiée à la qualité et à l’assurance qualité des expertises médicales, dont la création a été décidée par le Parlement fédéral dans le cadre du « Développement continu de l’AI » et que le Conseil fédéral a mise sur pied (Commission fédérale d’assurance qualité des expertises médicales [COQEM]), n’a pas la mission, et encore moins la compétence, d’imposer aux assurances soumises à la LPGA, dont font partie les offices AI, la mise en œuvre d’expertises externes. Sa tâche consiste à surveiller, pour toutes les assurances sociales, l’accréditation des centres d’expertises, le processus d’expertise ainsi que les résultats des expertises médicales, et à formuler des recommandations publiques sur ces thématiques (https://www.ekqmb.admin.ch/ ekqmb/fr/home.html ).

b) Ceci étant précisé, le recourant ne conteste pas l’amélioration de son état de santé au niveau de l’épaule et de la main gauches. Par contre, il se prévaut de ses douleurs persistantes au coude et s’étonne qu’il ne soit pas tenu compte de l’avis du Dr B.________, qui recommande la chirurgie pour guérir l’épicondylite dont il est affecté. Dans un courrier du 5 septembre 2022 à la CNA, ce médecin a certes relevé que si la capsulite de l’épaule gauche de son patient, ainsi que le tunnel carpien gauche avaient évolué favorablement, les douleurs à l’épicondyle externe gauche s’étaient exacerbées et persistaient malgré un traitement conservateur et de multiples injections par le médecin traitant. Il sollicitait dès lors la prise en charge par l’assureur-accidents d’une cure chirurgicale pour traiter cette épicondylite invétérée. Il n’a cependant pas indiqué que cette problématique douloureuse ferait dorénavant obstacle à la capacité de travail dans une activité sans port de charge qu’il avait lui-même reconnue à son patient, en dépit des douleurs dont celui-ci se plaignait. Partant, en considérant que cet état douloureux, réapparu au printemps 2021 et persistant malgré un traitement conservateur, n’aggravait pas les limitations fonctionnelles décrites par le Dr D.________ dans son bilan final établi le 22 février 2022, le Dr E.________ n’a pas méconnu des éléments probants. Il n’y ainsi pas lieu de douter de la validité de son appréciation du 9 novembre 2022 qui confirmait son précédent avis du 31 mai 2022, au terme duquel une capacité de travail entière était exigible de l’assuré dans une activité adaptée respectant ses limitations fonctionnelles.

6.                            a) Avant de réduire ou de supprimer une rente d'invalidité, l'administration doit examiner si la capacité de travail que la personne assurée a recouvrée sur le plan médico-théorique se traduit pratiquement par une amélioration de la capacité de gain et, partant, une diminution du degré d'invalidité ou si, le cas échéant, il est nécessaire de mettre préalablement en œuvre une mesure d'observation professionnelle (afin d'établir l'aptitude au travail, la résistance à l'effort, etc.), voire des mesures de réadaptation au sens de la loi (arrêt du TF du 29.06.2016 [9C_92/2016] cons. 5.1 et les références). Selon la jurisprudence, l'âge de la personne assurée constitue de manière générale un facteur étranger à l'invalidité qui n'entre pas en considération pour l'octroi de prestations. S'il est vrai que ce facteur – comme celui du manque de formation ou les difficultés linguistiques – joue un rôle non négligeable pour déterminer dans un cas concret les activités que l'on peut encore raisonnablement exiger d'un assuré, il ne constitue pas, en règle générale, une circonstance supplémentaire qui, mis à part le caractère raisonnablement exigible d'une activité, est susceptible d'influencer l'étendue de l'invalidité, même s'il rend parfois difficile, voire impossible la recherche d'une place et, partant, l'utilisation de la capacité de travail résiduelle (arrêt du TF du 04.03.2016 [9C_899/2015] cons. 4.3.1).

Selon la jurisprudence, il existe cependant des situations dans lesquelles il convient d'admettre que des mesures d'ordre professionnel sont nécessaires, malgré l'existence d'une capacité de travail médico-théorique. Il s'agit des cas dans lesquels la réduction ou la suppression, par révision (art. 17 al. 1 LPGA) ou reconsidération (art. 53 al. 2 LPGA), du droit à la rente concerne une personne assurée qui est âgée de 55 ans révolus ou qui a bénéficié d'une rente pendant quinze ans au moins. Cette jurisprudence qui est également applicable lorsque l’on statue sur la limitation et/ou l’échelonnement en même temps que sur l’octroi de la rente (ATF 145 V 209 cons. 5) ne signifie pas que la personne assurée peut se prévaloir d'un droit acquis ; il est seulement admis qu'une réadaptation par soi-même ne peut, sauf exception, être exigée d'elle en raison de son âge ou de la durée du versement de la rente (arrêt du TF du 11.08.2021 [9C_663/2020] cons. 4.1). Des exceptions ont ainsi été admises lorsque la personne concernée avait maintenu une activité lucrative malgré le versement de la rente – de sorte qu’il n’existait pas une longue période d’éloignement professionnel – ou lorsqu’elle disposait d’une agilité et d’une flexibilité particulière et était bien intégrée dans l’environnement social (arrêts du TF du 29.06.2016 [9C_92/2016] cons. 5.1 et du 19.08.2015 [9C_183/2015] cons. 5). Quoi qu’il en soit, les organes de l'assurance-invalidité doivent vérifier si l'assuré a besoin de la mise en œuvre de mesures d'ordre professionnel, même s’il a recouvré une capacité de travail et indépendamment du taux d'invalidité qui subsiste (arrêt du TF du 05.11.2021 [9C_211/2021 cons. 3.1). Pour déterminer si l’âge de 55 ans est atteint, il y a lieu de se fonder sur le moment du prononcé de la décision de l’OAI (ATF 148 V 321 cons. 7.3 ; arrêt du TF du 31.05.2023 [9C_303/2022] cons. 5.2).

b) En l’espèce, dans la mesure où le recourant, né en 1961, avait plus de 55 ans au moment où l’intimé s’est prononcé le 17 janvier 2023, il avait droit à ce que le besoin de mesures de réadaptation soit examiné avec sérieux avant la suppression de sa rente, examen qui n’a pas été régulièrement effectué. D’une part, la décision attaquée se contente de mentionner que « les conditions nécessaires à la mise en œuvre de mesures d’ordre professionnel ne sont pas remplies », sans faire état d’aucun élément propre à fonder, dans le cas de l’assuré, l’exigibilité d’une réadaptation par soi-même (exceptionnelle après 55 ans révolus). D’autre part, la seule référence à l’examen qui aurait dû être mené résulte d’un échange de courriels entre la gestionnaire du dossier et un conseiller AI. Sollicité par celle-là au sujet de l’éventuelle mise en œuvre de mesures en faveur de l’assuré « au vu de son âge 60 ans et du fait qu’il y ait un droit temporaire qui soit reconnu », celui-ci lui a répondu : « tu dois faire l’analyse, dans les Notes de l’OAI-NE, du besoin éventuel de MOP puis, si tu estimes que le besoin existe, le dossier doit forcément être vu en table ronde ». Il a ajouté : « En ce qui me concerne, je suis convaincu que des mesures professionnelles sont vouées à l’échec dans cette situation, compte tenu de l’âge surtout, en l’absence d’expérience exploitable (sans parler de la longue période d’inactivité – 09.05.2019 – et de la présence en Suisse depuis fin 2016 seulement) ». Dans les « Notes de l’OAI », il est indiqué que : « des mesures ne sont pas opportunes car l’assuré présente des obstacles à une réadaptation qui sont des facteurs étrangers à l’invalidité. En effet l’assuré a de très faibles connaissances en français et n’a aucune formation ». Ce qui précède démontre une méconnaissance de la jurisprudence du Tribunal fédéral qui n’a dès lors pas été appliquée de manière correcte. Il n’est en effet pas pertinent de retenir l’âge avancé de l’assuré pour nier son droit à des mesures d’ordre professionnel alors même que cette jurisprudence s’adresse en particulier à cette catégorie d’assurés (plus de 55 ans). Quant aux faibles connaissances de la langue française, à l’absence de formation professionnelle, à la durée de l’éloignement du marché du travail ou à la durée du séjour en Suisse de l’intéressé, ils constituent davantage des éléments venant conforter la présomption qu’il ne pourrait pas entreprendre de son propre chef tout ce que l’on peut raisonnablement attendre de lui pour tirer profit de sa capacité de travail dans une activité adaptée à ses limitations fonctionnelles. En conséquence, il y a lieu de renvoyer la cause à l’intimé afin qu’il examine concrètement les besoins objectifs du recourant à ce propos. Ce n’est qu’à l’issue de cet examen et de la mise en œuvre d’éventuelles mesures de réintégration sur le marché du travail, y compris une aide au placement (arrêt du TF du 11.08.2021 [9C_663/2020] cons. 4.2), que l’administration pourra définitivement statuer sur la suppression de la rente entière d’invalidité (v. arrêt du TF du 05.11.2021 [9C_211/2021] cons. 3.3).

7.                            a) Bien fondé, le recours doit être admis, la décision attaquée doit être annulée et le dossier doit être renvoyé à l’OAI au sens de ce qui précède.

b) Vu le sort de la cause, les frais de procédure doivent être mis à la charge de l’intimé (art. 69 al. 1bis LAI et 61 let. fbis LPGA). Le recourant, qui obtient gain de cause et est au bénéfice d’une assurance de protection juridique, peut prétendre à une indemnité de dépens (art. 61 let. g LPGA ; ATF 135 V 473, cons. 2 et 3). À défaut d'un état des honoraires et des frais, les dépens seront fixés sur la base du dossier (art. 64 al. 1 et 2 LTFrais). Tout bien considéré, l'activité déployée par le mandataire peut être évaluée à quelque 8 heures. Eu égard au tarif usuellement appliqué par la Cour de céans de l'ordre de 280 francs de l'heure (CHF 2'240.00), des débours à raison de 10 % des honoraires (art. 64 LTFrais, CHF 224.00), et de la TVA au taux de 7,7 % dès lors que l’activité a été effectuée avant le 1er janvier 2024 (CHF 189.70), l'indemnité de dépens sera fixée à 2'653.70 francs.

Par ces motifs,
la Cour de droit public

1.    Admet le recours.

2.    Annule la décision de l’OAI du 17 janvier 2023 et renvoie la cause à celui-ci au sens des considérants.

3.    Met à la charge de l’OAI un émolument de décision et les débours par 660 francs et ordonne la restitution au recourant de son avance.

4.    Alloue au recourant une indemnité de dépens de 2'653.70 francs à la charge de l’OAI.

Neuchâtel, le 2 février 2024