A.                            Le 23 août 2016, X1________ et X2________ ont saisi le Service des contributions (ci-après : le service) d’une "demande de rappel d’impôt simplifié conformément à l’article 175 al. 3 LIFD", portant sur les périodes fiscales 2006 à 2015, relative à des biens immobiliers et mobiliers non déclarés, sis en Italie. Le 1er septembre 2016, le service a informé les prénommés de l’ouverture d’une procédure de rappel d’impôt portant sur les périodes fiscales 2006 à 2014. Par courrier du 18 juillet 2018, il leur a soumis le tableau de reprises devant servir de base au calcul du rappel d’impôt et des intérêts, tout en leur précisant qu’il serait renoncé au rappel d’impôt pour les années 2010 et 2011 (revenus négatifs) "dans la mesure où l’impôt sur la fortune ne compenserait pas l’impôt sur le revenu". Cette annonce de renonciation a suscité l’ire des contribuables qui revendiquaient, pour la détermination du taux de l’impôt applicable à l’ensemble de leurs revenus, la prise en compte des pertes subies à l’étranger en raison de travaux immobiliers d’entretien importants.

En date du 7 novembre 2018, le service a rendu deux décisions de rappel d’impôt, l’une en matière d’impôt cantonal et communal direct (ICD) d’un montant total de 44'972.80 francs, soit 29'871.60 francs à titre d’impôt cantonal et 15'101.20 francs à titre d’impôt communal, l’autre en matière d’impôt fédéral direct (IFD) d’un montant de 8'585.05 francs. Tant pour l’ICD que pour l’IFD, il a renoncé, ainsi qu’il l’avait annoncé, à procéder à un rappel d’impôt pour les années 2010 et 2011. Saisi par les époux X1________ et X2________ d’une réclamation contre ces deux décisions, le service l’a rejetée, par prononcé du 11 avril 2019. S’il a admis avoir ouvert une procédure de rappel d’impôt qui incluait les périodes fiscales 2010 et 2011, il a constaté qu’en raison de la prise en considération de travaux immobiliers d’entretien importants, les montants de l’impôt pour ces deux années étaient inférieurs à ceux fixés par les taxations initiales, de sorte qu’aucun rappel d’impôt ne se justifiait.

B.                            X1________ et X2________ interjettent recours devant la Cour de droit public du Tribunal cantonal contre cette décision sur réclamation, en concluant, sous suite de frais et d’une indemnité de dépens de 3'000 francs, hors TVA, à son annulation et à ce que l’intimé soit enjoint à corriger les taxations 2010 et 2011 par la prise en compte pour le taux de l’impôt des pertes subies à l’étranger. Ils font valoir que les travaux d’entretien déductibles sur les immeubles sis en Italie ont entraîné des revenus négatifs en 2010 et 2011 qui auraient dû être pris en compte dans le cadre du taux de l’impôt applicable à l’ensemble de leurs revenus. Ils se prévalent d’une violation des principes de l’égalité de traitement et de la capacité contributive. La position de l’intimé est selon eux d’autant moins compréhensible que procéder comme ils le requièrent pour ces deux années ne conduirait pas à un remboursement de l’impôt en leur faveur, mais à une diminution de leur charge fiscale par la compensation des montants à leur restituer en 2010 et 2011 avec les montants facturés pour les périodes 2006 à 2009 et 2012 à 2014.

C.                            Dans ses observations sur le recours, au rejet duquel il conclut, sous suite de frais, le service relève en particulier qu’il ne s’agit pas de procéder à une révision des taxations ordinaires 2010 et 2011 par le biais d’une procédure de rappel d’impôt.

D.                            Dans ses observations sur le recours, au rejet duquel elle conclut également, l’Administration fédérale des contributions (AFC) précise en substance que le rappel d’impôt suppose que la collectivité ait subi une perte fiscale et qu’il n’a dès lors pas lieu d’être lorsque la taxation prenant en compte les éléments non déclarés aboutit à un montant égal ou inférieur à celui de la taxation initiale.

C O N S I D E R A N T

en droit

1.                            a) En matière fiscale, lorsque le contenu des dispositions légales concernées est identique au niveau fédéral et cantonal, comme c'est le cas en l'occurrence, il est loisible au contribuable de déposer un seul recours avec une motivation commune pour l’IFD et l’ICD (ATF 135 II 260 cons. 1.3.2). Pour les mêmes motifs, le Tribunal est autorisé à se prononcer sous la forme d'une décision unique, pour autant toutefois que la motivation permette de saisir clairement qu'il est question de deux catégories d'impôts (ATF précité, cons. 1.3.1).

b) Interjeté dans les formes et délai légaux, le recours est recevable.

I. Impôt fédéral direct

2.                            a) Selon l'article 151 al. 1 LIFD, lorsque des moyens de preuve ou des faits jusque-là inconnus de l'autorité fiscale lui permettent d'établir qu'une taxation n'a pas été effectuée, alors qu'elle aurait dû l'être, ou qu'une taxation entrée en force est incomplète ou qu'une taxation non effectuée ou incomplète est due à un crime ou un délit commis contre l'autorité fiscale, cette dernière procède au rappel de l'impôt qui n'a pas été perçu, y compris les intérêts. Le rappel d'impôt constitue la perception après coup d'impôts qui n'ont, à tort, pas été perçus dans le cadre de la procédure de taxation. Il représente le pendant, en faveur du fisc, de la procédure de révision et permet à l’autorité de revenir sur une décision entrée en force. Le rappel d’impôt n’équivaut pas à un nouvel examen complet de la taxation, mais ne porte que sur les points pour lesquels l’autorité fiscale dispose de nouveaux éléments. Les nouveaux arguments que le contribuable peut faire valoir pour diminuer l’imposition dans la procédure de rappel d’impôt sont ainsi limités; il ne peut pas profiter de cette procédure pour revenir librement sur l’ensemble de sa taxation. Sous réserve d’une erreur manifeste, il peut uniquement demander que la taxation soit reprise en sa faveur sur les points qui, précisément, font l’objet du rappel d’impôt. La détermination des faits et leur appréciation juridique antérieure restent déterminantes, qu’elles soient en faveur ou en défaveur du contribuable (ATF 144 II 359 cons. 4.5.1, 141 I 78 cons. 7.2.1; arrêt du TF du 11.02.2019 [2C_263/2018] cons. 3.1). Le rappel d'impôt est soumis à deux conditions objectives cumulatives, à savoir l’existence de faits et moyens de preuve nouveaux et une imposition insuffisante (arrêt du TF du 24.09.2018 [2C_129/2018] cons. 7.2). Une sous-imposition fait défaut si, en prenant en compte les éléments non déclarés, l’autorité fiscale aboutit à un montant d’impôt inférieur à celui retenu dans la taxation initiale (Casanova/Dubey in Noël/Aubry Girardin : Commentaire romand, Impôt fédéral direct, 2017, ad art. 151, no 6, p. 1812; RDAF II 2004, p. 567; StE 1998 B 97.41 no 9). D'un point de vue subjectif, il n'est pas nécessaire que le contribuable ait commis une faute pour que cette procédure soit ouverte; le rappel d'impôt n'a donc pas de caractère pénal ou de réparation (arrêt du TF du 25.04.2015 [2C_662/2014] cons. 6.3 et les références citées). Par ailleurs, selon l’article 175 al. 3 LIFD, lorsque le contribuable dénonce spontanément et pour la première fois une soustraction d’impôt, il est renoncé à la poursuite pénale (dénonciation spontanée non punissable) à condition qu’aucune autorité n’en ait connaissance (let. a), qu’il collabore sans réserve avec l’administration pour déterminer le montant du rappel d’impôt (let. b) et qu’il s’efforce d’acquitter le rappel d’impôt dû (let. c).

b) En l’espèce, si l’annonce spontanée par les époux X.________ à l’autorité fiscale de l’existence en Italie de biens mobiliers et immobiliers non déclarés a conduit à leur impunité d’un point de vue pénal, elle ne leur donne en revanche pas le droit de bénéficier de la procédure de rappel d’impôt simplifié (art. 153a LIFD), laquelle est réservée exclusivement aux héritiers. Cette précision apportée, il convient de vérifier si c’est en violation des principes de l’égalité de traitement et de la capacité contributive que l’autorité fiscale a renoncé au rappel de l’IFD des années 2010 et 2011. Les recourants lui reprochent en effet de ne pas avoir fixé, pour ces deux années, l’assiette de l’impôt applicable à l’ensemble de leurs revenus en tenant compte de l’excédent de charges liées à l’un de leurs immeubles en Italie, alors que pour les autres périodes fiscales (2006 à 2009, 2012 à 2014), elle a tenu compte des revenus inhérents à leurs biens immobiliers italiens pour déterminer le taux de l’impôt, respectivement les créances fiscales.

Préalablement, il convient de rappeler que, selon l’article 127 al. 2 Cst. féd., dans la mesure où la nature de l'impôt le permet, les principes de l'universalité, de l'égalité de traitement et de la capacité économique doivent, en particulier, être respectés. En vertu des principes de l’égalité d’imposition et de l’imposition selon la capacité contributive, les contribuables qui sont dans la même situation économique doivent supporter une charge fiscale semblable; lorsqu’ils sont dans des situations de faits différentes qui ont des effets sur leur capacité économique, leur charge fiscale doit en tenir compte et y être adaptée (ATF 140 II 157 cons. 7.1). Le Tribunal fédéral a relevé que le rappel d’impôt se trouvait à la croisée de plusieurs droits constitutionnels (principes de la légalité, de l’égalité de traitement, de l’imposition selon la capacité économique, de la sécurité juridique ou encore de la protection de la bonne foi) et qu’on ne saurait examiner le respect d’un principe constitutionnel isolément sans prendre en considération la pluralité des principes exprimés par la Constitution fédérale, qui ne valent jamais sans exception et entrent souvent en contradiction les uns avec les autres. Il a ainsi considéré qu’il appartenait au législateur fiscal (art. 127 al. 1 Cst. féd.) d’aménager le système fiscal, d’arbitrer les conflits de valeurs et de concrétiser les principes d’imposition de façon à conférer précision, prévisibilité et sécurité à la réglementation fiscale. Il a retenu que le législateur disposait à cet égard d’un pouvoir d’appréciation étendu (ATF 140 précité cons. 7.2), dont il a fait usage en édictant l’article 151 LIFD et en précisant les conditions du rappel d’impôt. Il n’y a par conséquent pas lieu de s’écarter des conditions de l’article 151 LIFD ni de la jurisprudence rendue en application de cette disposition, à tout le moins lorsqu’il y a unanimité sur la règle qui veut que le rappel d’impôt n’équivaut pas à un nouvel examen complet de la taxation (arrêt du TF du 24.09.2018 [2C_129/2018] cons. 7.5).

c) En l'occurrence, il n’est pas contesté que les conditions de l’existence de faits et moyens de preuve nouveaux, d’une part, et d’une imposition insuffisante, d’autre part, sont réalisées pour les périodes fiscales 2006 à 2009 et 2012 à 2014, justifiant par conséquent un rappel d’impôt pour ces sept années. Il n’est pas davantage contesté que la collectivité n’a pas subi de perte fiscale en 2010 et 2011 puisque, en raison de frais d’entretien déductibles supérieurs aux revenus immobiliers non déclarés sis en Italie, les recourants ont subi des pertes à l’étranger (revenus négatifs en 2010 et 2011), qui auraient abouti, si leurs taxations initiales 2010 et 2011 avaient été complètes, à l’absence de revenus imposables pour ces deux années. La condition sine qua non d’une taxation insuffisante n’étant ainsi pas remplie, il n’y a effectivement pas matière à rappel d’impôt pour 2010 et 2011 et, partant, c’est à juste titre que l’intimé a exclu ces deux années du rappel d’impôt. Sur ce point, le recours doit être rejeté car mal fondé.

d) En réalité, au regard de la conclusion no 2 de leur recours, les contribuables tentent bien plutôt d’obtenir, par le biais de la procédure de rappel d’impôt (en faveur du fisc), une révision en leur faveur, prévue à l’article 147 LIFD, de leurs taxations initiales 2010 et 2011. Cette conclusion, qui excède la portée de la procédure de rappel d’impôt ouverte à leur encontre suite à leur annonce spontanée de soustraction fiscale, doit ainsi être déclarée irrecevable dans le cadre de la présente procédure de recours.

II. Impôt cantonal et communal direct

3.                            En matière de rappel d’impôt, la procédure et les principes juridiques précités trouvent leur parallèle dans le domaine de l’ICD (cf. art. 53 LHID; art. 221 al. 1 LCdir). Il peut donc être renvoyé aux considérants qui précèdent et qui conduisent également, en tant qu’il concerne cet impôt, au rejet du recours dans la mesure où il est recevable.

4.                            Les recourants qui succombent doivent supporter les frais de justice (art. 47 al. 1 LPJA) et ne peuvent prétendre à l'allocation de dépens (art. 48 al. 1 a contrario LPJA).

Par ces motifs,
LA COUR DE DROIT PUBLIC

1.    Rejette le recours dans la mesure où il est recevable en tant qu’il concerne l’impôt fédéral direct.

2.    Rejette le recours dans la mesure où il est recevable en tant qu’il concerne l’impôt cantonal et communal direct.

3.    Met à la charge des recourants un émolument de décision de 1’200 francs et les débours par 120 francs, montants compensés par leur avance.

4.    N'alloue pas de dépens.

Neuchâtel, le 3 octobre 2019

 


Art. 151 LIFD
Rappel d’impôt ordinaire1
 

1 Lorsque des moyens de preuve ou des faits jusque là inconnus de l’autorité fiscale lui permettent d’établir qu’une taxation n’a pas été effectuée, alors qu’elle aurait dû l’être, ou qu’une taxation entrée en force est incomplète ou qu’une taxation non effectuée ou incomplète est due à un crime ou à un délit commis contre l’autorité fiscale, cette dernière procède au rappel de l’impôt qui n’a pas été perçu, y compris les intérêts.

2 Lorsque le contribuable a déposé une déclaration complète et précise concernant son revenu, sa fortune et son bénéfice net, qu’il a déterminé son capital propre de façon adéquate et que l’autorité fiscale en a admis l’évaluation, tout rappel d’impôt est exclu, même si l’évaluation était insuffisante.2


1 Nouvelle teneur selon le ch. I 1 de la LF du 20 mars 2008 sur la simplification du rappel d’impôt en cas de succession et sur l’introduction de la dénonciation spontanée non punissable, en vigueur depuis le 1er janv. 2010 (RO 2008 4453; FF 2006 8347).
2 Nouvelle teneur selon le ch. I 1 de la LF du 10 oct. 1997 sur la réforme 1997 de l’imposition des sociétés, en vigueur depuis le 1er janv. 1998 (RO 1998 669; FF 1997 II 1058).