A.                            X.________ était au bénéfice d’un contrat de travail de durée indéterminée auprès de la société A.________ depuis le 1er avril 1988. L’employeur a résilié le contrat de travail pour le 31 janvier 2019. L’assuré s’est inscrit auprès de l’assurance-chômage et a demandé à la Caisse cantonale neuchâteloise d’assurance-chômage (ci-après : CCNAC) des indemnités de chômage dès le 1er février 2019. Appelé à fournir des renseignements, l’employeur a indiqué avoir versé en plus du salaire des indemnités pour un total de 238'461 francs. Sur la base de ces informations, la CCNAC, par décision du 18 mars 2019, a pris en considération une indemnité de 230'000 francs et a refusé à l’assuré l’ouverture du droit à l’indemnité de chômage durant la période du 1er février au 25 avril 2019 pour tenir compte de cette prestation volontaire versée par l’employeur. L’assuré s’est opposé à cette décision en faisant valoir que pour limiter l’impact important de ce licenciement sur sa prévoyance professionnelle, il a conclu une convention avec sa caisse de pension consistant à payer l’équivalent des cotisations employeur et employé dès février 2019 et jusqu’au moment où il retrouve un emploi mais au plus tard jusqu’au 31 juillet 2020, cotisations qui représentent un montant mensuel de 5'791.70 et un montant maximum à sa charge jusqu’en juillet 2020 de 104'250.60 francs ; qu’il a aussi versé 100'000 francs à la caisse de pension de son épouse à titre de rachat. Par décision sur opposition du 8 avril 2019, la CCNAC a rejeté l’opposition en invoquant que les montants versés par l’assuré à sa caisse de pension ne peuvent pas être qualifiés de versement de rachat d’années mais qu’il s’agit de cotisations pour conserver la LPP, et que le montant affecté à la prévoyance professionnelle de l’épouse ne peut pas être pris en considération, faute de base légale.

B.                            X.________ recourt auprès de la Cour de droit public du Tribunal cantonal contre cette décision sur opposition en concluant à son annulation et à l’ouverture de son droit à l’indemnité de chômage dès le 1er février 2019, le tout sous suite de dépens. Il fait valoir que les montants mensuels qu’il verse à sa caisse de pension ainsi que la somme de 100'000 francs versée à la caisse de pension de son épouse sont des montants affectés à la prévoyance professionnelle, de sorte qu’il y a lieu de les déduire de la prestation volontaire versée par son employeur.

C.                            Dans ses observations, la CCNAC conclut au rejet du recours.


 

C O N S I D E R A N T

en droit

1.                            Interjeté dans les formes et délai légaux, le recours est recevable.

2.                            L’assuré à droit à l’indemnité de chômage si, entre autres conditions, il est sans emploi ou partiellement sans emploi et s’il subit une perte de travail à prendre en considération (art. 8 al. 1 let. a et b LACI). Il n’y a lieu de prendre en considération la perte de travail que lorsqu’elle se traduit par un manque à gagner et dure au moins deux journées de travail consécutives (art. 11 al. 1 LACI). La perte de travail n’est pas prise en considération tant que des prestations volontaires versées par l’employeur couvrent la perte de revenu résultant de la résiliation des rapports de travail (art. 11a al. 1 LACI). Sont réputées prestations volontaires de l’employeur les prestations allouées en cas de résiliation de rapports de travail qui ne constituent pas des prétentions de salaire ou des indemnités pour cause de résiliation anticipée des rapports de travail (art. 10a OACI en relation avec l’art. 11 al. 3 LACI).

Les prestations volontaires de l’employeur ne sont prises en compte que pour la part qui dépasse 148’200 francs (art. 11a al. 2 LACI en relation avec l’art. 3 al. 2 LACI et l’art. 22 al. 1 OLAA). En outre, les montants affectés à la prévoyance professionnelle sont déduits des prestations volontaires à prendre en compte selon l’article 11a al. 2 LACI, jusqu’à concurrence du montant limite supérieur fixé à l’article 8 al. 1 LPP (art. 10b OACI), soit 85'320 francs depuis le 1er janvier 2019 (cf. RO 2018 3537).

3.                            L’intimée a retenu que l’indemnité de 230'000 francs versée par l’employeur devait être prise en considération au sens de l’article 11a LACI à raison de 81'800 francs, soit après déduction du montant de 148'200 francs. Elle a refusé de déduire encore de cette somme de 81'800 francs les montants versés par le recourant à la prévoyance professionnelle. Ce refus constitue l’objet du litige et il porte sur deux aspects : les versements affectés à la prévoyance professionnelle du recourant d’une part, et le versement effectué en faveur de la prévoyance professionnelle de son épouse d’autre part.

a) En ce qui concerne les versements affectés à la prévoyance professionnelle du recourant, provenant des prestations volontaires de l’employeur, le Tribunal fédéral a eu l’occasion de préciser – en se référant au Message du Conseil fédéral (FF 2001 2157) – qu’il était indifférent pour leur prise en considération que cette affectation soit effectuée directement par l’employeur ou que ce soit les assurés qui les versent eux-mêmes au deuxième pilier (arrêt du TF du 19.06.2008 [8C_568/2007] cons. 3.4 et du 24.10.2007 [C 221/06]). De ce point de vue, les montants versés par le recourant personnellement à sa caisse de pension peuvent entrer en considération au sens des articles 11a al. 3 LACI et 10b OACI. Sur un autre point, et par une motivation des plus sommaires, l’intimée affirme que « force est de constaté (sic) que les montants versés à la [caisse de pension] ne peuvent être qualifiés de versement de rachat d’années mais il s’agit de « cotisations » pour conserver la LPP ». Se fondant sur cette justification absconse, elle refuse de déduire de la prestation volontaire de l’employeur les montants affectés par l’assuré à sa prévoyance professionnelle. L’intimée n’indique pas sur quelles bases légales, doctrinales ou jurisprudentielles elle fait reposer ce qui doit être considéré comme son interprétation autonome et propre des dispositions légales, dont une simple lecture permet pourtant de constater qu’elles ne font pas la distinction que tente d’y voir la CCNAC. Au vu du texte clair de l’article 10b OACI, lequel se limite à mentionner la déductibilité des « montants affectés à la prévoyance professionnelle » sans procéder à aucune forme de distinction, c’est de manière contraire aux textes légaux que la CCNAC a refusé de prendre en considération les montants affectés par le recourant à sa prévoyance professionnelle. Sur ce point, la décision attaquée doit être annulée.

Le dossier ne permet pas de déterminer quels montants provenant des prestations volontaires de son ancien employeur le recourant a versé à sa prévoyance professionnelle. La mention la plus récente, figurant dans le recours contre la décision attaquée, fait état du paiement de trois mensualités de 5'791.70 francs chacune. Elle indique aussi l’intention du recourant de payer au total onze mensualités pour 2019 et sept mensualités pour 2020, intention dont on ne sait pas si elle pourra être réalisée compte tenu qu’elle dépend du fait de savoir s’il a trouvé ou trouvera un nouvel emploi avant que le cumul des mensualités versées à sa caisse de pensions atteigne le solde du montant de la prestation volontaire versée par son ancien employeur, soit 81'800 francs (CHF 230'000 – CHF 148'200), ce qui correspond à 14,12 mensualités à 5'791.70 francs. Pour ces motifs, la cause doit être renvoyée à l’intimée, à charge pour elle d’obtenir de la caisse de pension la confirmation que les montants versés par le recourant ont bien été affectés à la prévoyance professionnelle.

b) S’agissant de la somme de 100'000 francs versée par le recourant à la caisse de pension de son épouse, c’est à juste titre que l’intimée, en se fondant sur la jurisprudence pertinente (arrêt du TF du 24.10.2007 [C 221/06]) a considéré que les montants affectés à la prévoyance professionnelle du conjoint de l’assuré ne font pas l’objet d’un traitement privilégié au sens des articles 11a al. 3 LACI et 10b OACI. Dans un arrêt ultérieur (arrêt du TF du 19.06.2008 [8C_568/2007] cons. 3.4), le Tribunal fédéral a confirmé que ni le Message du Conseil fédéral ni les procès-verbaux des commissions et des Chambres fédérales ne contenaient de quelconques éléments permettant de retenir que les prestations volontaires affectées à la prévoyance professionnelle du conjoint devraient aussi être prises en considération dans le cadre de l’article 11a al. 3 LACI. Sur ce point, le recours doit être rejeté.

c) Les considérants qui précèdent amènent à l’admission partielle du recours et à l’annulation de la décision attaquée. La cause est renvoyée à l’intimée pour complément d’instruction au sens des considérants et nouvelle décision sur le moment du début du droit du recourant aux indemnités de chômage et sur l’importance de la prise en considération des prestations volontaires de l’employeur.

4.                            Il est statué sans frais, la procédure étant en principe gratuite (art. 61 let. a LPGA applicable par le renvoi de l’art. 1 LACI). Le recourant qui obtient gain de cause a droit au remboursement de ses frais et dépens dans la mesure fixée par le tribunal (art. 61 let. g LPGA). Le recourant conclut à l’octroi de dépens. Indépendamment du fait qu’il n’a obtenu que partiellement gain de cause, il n’a pas prétendu et il ne ressort pas du dossier que le dépôt du recours lui aurait occasionné des frais particuliers qui justifieraient l’octroi de dépens, étant entendu qu’il a agi seul sans l’aide d’un mandataire professionnel. Il n’y a ainsi pas lieu d’accorder une allocation de dépens.

Par ces motifs,
la Cour de droit public

1.    Admet partiellement le recours.

2.    Annule la décision sur opposition du 8 avril 2019.

3.    Renvoie la cause à la Caisse cantonale neuchâteloise d’assurance-chômage pour complément d’instruction et nouvelle décision au sens des considérants.

4.    Statue sans frais.

5.    N’alloue pas de dépens.

Neuchâtel, le 12 mai 2020

Art. 11a1 LACI
Prestations volontaires de l’employeur en cas de résiliation des rapports de travail
 

1 La perte de travail n’est pas prise en considération tant que des prestations volontaires versées par l’employeur couvrent la perte de revenu résultant de la résiliation des rapports de travail.

2 Les prestations volontaires de l’employeur ne sont prises en compte que pour la part qui dépasse le montant maximum visé à l’art. 3, al. 2.

3 Le Conseil fédéral règle les exceptions lorsque les prestations volontaires sont affectées à la prévoyance professionnelle.


1 Introduit par le ch. I de la LF du 22 mars 2002, en vigueur depuis le 1er juil. 2003 (RO 2003 1728; FF 2001 2123).

Art. 10b1 OACI
Prestations volontaires affectées à la prévoyance professionnelle
(art. 11a, al. 3, LACI)
 

Les montants affectés à la prévoyance professionnelle sont déduits des prestations volontaires à prendre en compte selon l’art. 11a, al. 2, LACI jusqu’à concurrence du montant limite supérieur fixé à l’art. 8, al. 1, de la loi fédérale du 25 juin 1982 sur la prévoyance professionnelle vieillesse, survivants et invalidité2.


1 Introduit par le ch. I de l’O du 28 mai 2003 (RO 2003 1828). Nouvelle teneur selon le ch. I de l’O du 11 mars 2011, en vigueur depuis le 1er avr. 2011 (RO 2011 1179).
2 RS 831.40