Arrêt du Tribunal Fédéral

Arrêt du 29.09.2020 [2C_448/2020]

 

 

 

 

 

A.                               X.________, ressortissant turc né en 1973, est venu en Suisse en 1992 au bénéfice d’un permis touristique valable jusqu’au 2 décembre 1992. A son expiration, il est demeuré illégalement dans le pays. Suite à son mariage en octobre 1997 avec une ressortissante suisse, il a obtenu une autorisation de séjour au titre du regroupement familial puis, dès novembre 2002, une autorisation d’établissement qui a été régulièrement prolongée par la suite. Les époux ont divorcé en décembre 2009. Par la suite, l’intéressé a épousé en Turquie A.________, ressortissante turque née en 1977, avec laquelle il avait eu trois enfants (B.________, né en 2000, C.________, né en 2002 et D.________, né en 2005). Après avoir entamé des démarches dès l’automne 2014 en vue d’obtenir le regroupement familial en Suisse de sa famille, et après que le Service des migrations (ci-après : SMIG) a délivré les 16 et 23 février 2015 les autorisations habilitant les représentations suisses à délivrer un visa en leur faveur, l’intéressé est parti en Turquie début avril 2015 et est revenu en Suisse le 16 avril 2015 avec son épouse et leurs trois enfants. Ces derniers ont bénéficié d’autorisations de séjour en vue du regroupement familial, respectivement d’une autorisation d’établissement s’agissant de l’enfant D.________.

Selon les pièces au dossier, X.________ a fait l’objet des condamnations pénales suivantes :

-        jugement du 22 mars 2004 du Tribunal de police du district de Neuchâtel : condamnation à 20 jours d’emprisonnement avec sursis pour lésions corporelles simples;

-        jugement du 18 avril 2006 du Tribunal de police du district de Neuchâtel : condamnation à 10 jours d’arrêts avec sursis et 300 francs d’amende pour conduite d’un véhicule automobile sans permis et conduite en état d’ébriété;

-        jugement du 8 décembre 2015 du Tribunal criminel du Tribunal régional du Littoral et du Val-de-Travers : condamnation à une peine privative de liberté de 36 mois dont 12 mois fermes et 24 mois avec sursis pendant cinq ans, sous déduction de 43 jours de détention préventive, pour acte d’ordre sexuel commis sur une personne incapable de discernement ou de résistance (art. 191 CP), faits survenus le soir du 4 mars 2015. Ce jugement a été confirmé par la Cour pénale du Tribunal cantonal le 29 août 2016. L’exécution de la peine est intervenue du 3 septembre 2017 au 22 juillet 2018, sous le régime de la semi-détention.

Suite à la condamnation du 8 décembre 2015, le SMIG a informé l’intéressé qu’il étudiait ses conditions de séjour et l’a invité à s’exprimer, ce que ce dernier a fait. Le SMIG a aussi invité l’épouse à s’exprimer sur une possible remise en cause de ses conditions de séjour et de celles de ses enfants en cas de révocation de l’autorisation d’établissement de leur mari et père, ce à quoi elle a donné suite. Par décision du 25 septembre 2017, le SMIG a révoqué l’autorisation d’établissement de X.________ ainsi que les autorisations de séjour de sa femme A.________ et de leurs enfants B.________ et C.________, et a prononcé leur renvoi de Suisse. Il a confirmé que l’autorisation d’établissement de l’enfant D.________ n’est pas révoquée. Le SMIG a retenu que la condamnation de X.________ à une peine privative de liberté de 36 mois constitue un motif de révocation, que cette mesure est justifiée au regard du principe de proportionnalité, que la durée de la peine ne lui permet pas de se prévaloir du droit au respect de la vie familiale, et qu’il ne remplit pas les conditions du cas individuel d’une extrême gravité. Le SMIG a aussi retenu que la révocation de l’autorisation d’établissement de l’intéressé entraîne la perte du droit de rester en Suisse pour son épouse et ses enfants B.________ et C.________, et que cette mesure respecte le principe de proportionnalité. Le SMIG a enfin retenu que le renvoi de Suisse des époux et des enfants B.________ et C.________ est possible, licite et raisonnablement exigible au vu de la situation en Turquie.

Saisi d’un recours contre ce prononcé, le Département de l’économie et de l’action sociale (ci-après : DEAS) l’a rejeté par décision du 17 juin 2019. Il a confirmé que les conditions de la révocation de l’autorisation d’établissement sont données et que cette mesure n’apparaît pas disproportionnée. Il a aussi confirmé que cette révocation entraîne la perte du droit de séjourner en Suisse pour l’épouse et les enfants B.________ et C.________ et que la situation en Turquie ne s’oppose pas à leur renvoi dans ce pays.

B.                               X.________, A.________ et les enfants B.________ et C.________ recourent auprès de la Cour de droit public du Tribunal cantonal contre cette décision en concluant à son annulation, subsidiairement au renvoi de la cause à l’autorité précédente pour nouvelle décision au sens des considérants. Ils font grief à l’autorité d’avoir tenu compte d’infractions radiées du casier judiciaire, en violation des dispositions correspondantes du code pénal. S’agissant de l’intéressé, tout en disant reconnaître qu’il a commis une faute pouvant être qualifiée de grave, ils font valoir qu’elle restera isolée dans son parcours de vie; que le jugement du 8 décembre 2015 a estimé qu’il ne présentait qu’un faible risque de récidive; que depuis le jugement, il a fait preuve d’un comportement exemplaire; qu’il a scrupuleusement respecté les règles auxquelles est subordonné l’octroi du sursis. Ils invoquent aussi la longue durée de son séjour en Suisse ainsi que son intégration – précisant qu’il s’exprime avec aisance en français, qu’il occupe un emploi à plein temps, qu’il n’a plus de poursuites, qu’il s’efforce de rembourser ses dettes et qu’il n’a jamais dépendu des services sociaux – et la situation en Turquie. S’agissant de l’épouse, les recourants soulignent que depuis son arrivée en Suisse en 2015, elle s’est occupée des tâches ménagères et de ses enfants et qu’elle a déployé des efforts considérables en vue de son intégration, notamment sous l’angle linguistique; qu’elle ne dépend pas de l’aide sociale et qu’elle assure une présence constante au domicile familial, permettant ainsi au recourant de centraliser son énergie sur son emploi. Dans ce contexte, son renvoi serait disproportionné, en particulier au regard de la situation en Turquie. En ce qui concerne les enfants B.________ et C.________, les recourants mettent en avant leur âge et leur intégration en Suisse depuis leur arrivée en 2015, en particulier d’un point de vue professionnel puisque les deux ont commencé un apprentissage en août 2018, ainsi que les conséquences d’une révocation de leur autorisation de séjour, sous forme d’un nouveau déracinement social et culturel pouvant entraîner une détresse personnelle et une interruption de leur formation professionnelle.

C.                               Le DEAS et le SMIG ne formulent pas d’observations et concluent au rejet du recours.

C O N S I D E R A N T

en droit

1.                                Interjeté dans les formes et délai légaux, le recours est recevable.

2.                                a) Depuis le 1er janvier 2019, la loi fédérale sur les étrangers du 16 décembre 2005 (LEtr), selon sa dénomination jusqu’au 31 décembre 2018, est intitulée loi fédérale sur les étrangers et l’intégration (LEI). Selon l’article 63 al. 2 LEI (dans sa teneur à la date de la décision du SMIG), l’autorisation d’établissement d’un étranger qui séjourne en Suisse légalement et sans interruption depuis plus de quinze ans ne peut être révoquée que pour les motifs mentionnés à l’article 63 al. 1 let. b LEI et à l’article 62 let. b LEI. Selon l’article 62 let. b LEI (actuellement : art. 62 al. 1 let. b LEI), qui seul entre en considération dans le cas d’espèce, l’autorité peut révoquer une autorisation en particulier si l’étranger a été condamné à une peine privative de liberté de longue durée. Selon une jurisprudence bien établie, constitue une peine privative de liberté au sens de cette disposition toute peine dépassant un an d’emprisonnement, indépendamment du fait qu’elle ait été prononcée avec un sursis complet, un sursis partiel ou sans sursis (ATF 135 I 145 cons. 2.1).

b) Dans le cas d’espèce, X.________ a été condamné, par jugement du 8 décembre 2015 confirmé sur appel par jugement du 29 août 2016, à une peine privative de liberté de 36 mois dont 12 mois fermes et 24 mois avec sursis pendant cinq ans, pour acte d’ordre sexuel commis sur une personne incapable de discernement ou de résistance, faits survenus le soir du 4 mars 2015. Cela étant, il s’agit d’une peine de longue durée au sens de la jurisprudence, de sorte que la condition d’une révocation de son autorisation d’établissement au sens de l’article 63 al. 2 LEI (dans sa teneur à la date de la décision du SMIG) est réalisée. Les recourants ne le contestent du reste pas.

c) Les autorisations de séjour délivrées à A.________ et aux enfants B.________ et C.________ l’ont été par regroupement familial, de sorte qu’elles reposent sur l’existence d’une autorisation d’établissement valable délivrée à X.________. Il en découle que la révocation de l’autorisation d’établissement du mari et père prive les autorisations de séjour de l’épouse et des enfants de leur fondement, de sorte que c’est à juste titre qu’elles ont été révoquées. Les recourants n’en disconviennent pas et cette mesure n’est pas critiquable.

3.                                a) Est litigieuse la question de savoir si la révocation de l’autorisation d’établissement et des autorisations de séjour est proportionnée au sens de l’article 96 al. 1 LEI (dans sa teneur jusqu’au 31.12.2018) et quels éléments peuvent être pris en considération dans l’examen de la proportionnalité.

b) Les recourants évoquent liminairement, en parlant du DEAS et du SMIG, un "transfert (…) de leur compétence discrétionnaire de l’ancien art. 63 LEtr au profit du juge pénal". Pour autant qu’il faille comprendre ce passage comme faisant référence au nouvel article 63 al. 3 LEI, il convient de relever ce qui suit. Selon cette disposition, en vigueur depuis le 1er octobre 2016, est illicite toute révocation fondée uniquement sur des infractions pour lesquelles un juge pénal a déjà prononcé une peine ou une mesure mais a renoncé à prononcer une expulsion. L'article 66a al. 1 du Code pénal suisse (CP; RS 311.0), entré en vigueur à la même date (RO 2016 2329), fixe un catalogue d'infractions (cf. let. a à o), qui oblige le juge pénal à expulser, pour une durée de cinq à quinze ans, l'étranger qui est condamné pour l'une d'elles, quelle que soit la quotité de la peine prononcée, sous réserve des cas de rigueur (art. 66a al. 2 CP; cf. arrêt du TF du 18.11.2019 [2C_1154/2018] cons. 2.1.2, destiné à la publication). En vertu de l'interdiction de la rétroactivité posée à l'article 2 al. 1 CP, l'article 66a CP ne s'applique qu'aux infractions commises après le 1er octobre 2016 (arrêt du TF du 18.11.2019 précité, cons. 2.1.2). En l'occurrence, l’infraction faisant l’objet du jugement du 8 décembre 2015 a été commise le 4 mars 2015, de sorte que l’article 66a CP ne pouvait pas trouver application. Dans ces circonstances, l’article 63 al. 3 LEI ne pouvait pas entrer en ligne de compte, si bien que l’autorité du droit des étrangers restait entièrement compétente pour révoquer l’autorisation de l’intéressé en se fondant sur l’infraction pour laquelle il a été condamné à une longue peine privative de liberté de 36 mois (cf. arrêt du TF du 06.02.2020 [2C_935/2019] cons. 5.3).

c) Les recourants font grief aux autorités précédentes d’avoir pris en compte des infractions qui étaient déjà éliminées du casier judiciaire de l’intéressé au moment où l’intimé a statué. Ils font valoir qu’en application de l’article 369 CP, les deux jugements de 2004 et 2006 devaient être éliminés d’office et qu’ils ne pouvaient plus lui être opposés (art. 369 al. 7 CP), de sorte que tant le DEAS que l’intimé ont violé le droit en les prenant en considération dans le cadre de leur appréciation. La Cour de céans relève qu’effectivement, l’article 369 CP n’est pas seulement applicable aux autorités de poursuite pénale mais également aux autorités cantonales de police des étrangers, de sorte que ces dernières ne peuvent pas fonder une mesure de police des étrangers sur des faits à l’origine d’un jugement éliminé du casier judiciaire. Par contre, la jurisprudence a eu l’occasion de relativiser cette interdiction : dans le cadre de la pesée des intérêts et de l’examen de la proportionnalité, et de manière à pouvoir procéder à un examen d’ensemble de la manière dont l’étranger s’est comporté pendant toute la durée de son séjour en Suisse, il est loisible aux autorités de police des étrangers de prendre en considération toutes les données pénales pertinentes qui se trouvent dans leur dossier ou dont elles ont connaissance (arrêt du TF du 06.11.2009 [2C_148/2009] cons. 2.3). Le grief des recourants est ainsi mal fondé.

d) La question de la proportionnalité d'une révocation d'autorisation doit être tranchée au regard de toutes les circonstances du cas d'espèce, les critères déterminants se rapportant notamment – en cas de condamnation pénale – à la gravité de l'infraction, à la culpabilité de l'auteur, au temps écoulé depuis l'infraction, au comportement de celui-ci pendant cette période, au degré de son intégration et à la durée de son séjour antérieur, ainsi qu'aux inconvénients qui le menacent, lui et sa famille, en cas de révocation (cf. ATF 139 I 31 cons. 2.3.3, 135 II 377 cons. 4.3; arrêt du TF du 10.01.2020 [2C_727/2019] cons. 4.1). Il convient aussi de tenir compte entre autres éléments de la nationalité des différentes personnes concernées, de la situation familiale des recourants et, en présence d’enfants, de leur âge, des difficultés que ceux-ci sont susceptibles de rencontrer dans le pays à destination duquel le renvoi est exécuté ainsi que de la solidité des liens sociaux, culturels et familiaux avec la Suisse et avec le pays de destination.

Lorsque la mesure de révocation est prononcée en raison de la commission d'une infraction, la peine infligée par le juge pénal est le premier critère à utiliser pour évaluer la gravité de la faute et pour procéder à la pesée des intérêts (ATF 139 I 16 cons. 2.2.1). Dans le cadre de l’analyse de la proportionnalité, pour évaluer la menace que représente un étranger condamné pénalement, le Tribunal fédéral se montre particulièrement rigoureux en présence d’infractions contre l’intégrité sexuelle (arrêts du TF du 30.09.2019 [2C_452/2019] cons. 6.2 et du 17.07.2014 [2C_121/2014] cons. 3.2 et les références citées). Lors d’infractions pénales graves, il existe – sous réserve de liens personnels ou familiaux prépondérants – un intérêt public digne de protection à mettre fin au séjour d’un étranger afin de préserver l’ordre public et de prévenir de nouveaux actes délictueux. S’agissant du risque de récidive, on ne saurait tirer des conclusions déterminantes – du point de vue du droit des étrangers – du comportement de l’étranger pendant la durée du sursis, dès lors qu’il s’expose à une révocation de celui-ci en cas de nouveau comportement pénalement répréhensible (ATF 139 II 121 cons. 5.5.2 par analogie).

La durée de présence en Suisse d’un étranger constitue un autre critère très important. Plus cette durée est longue, plus les conditions pour prononcer l’expulsion administrative doivent être appréciées restrictivement (ATF 135 II 377 cons. 4.4 et 4.5). Lorsque l’étranger réside légalement depuis plus de dix ans en Suisse, ce qui correspond en droit suisse au délai pour obtenir une autorisation d’établissement ou la naturalisation, il y a lieu de partir de l’idée que les liens sociaux qu’il a développés avec la Suisse sont suffisamment étroits pour que la révocation de l’autorisation de rester en Suisse ne soit prononcée que pour des motifs sérieux (ATF 144 I 266 cons. 3.9 et les références citées).

e) Le 8 décembre 2015, l’intéressé a été condamné à une peine privative de liberté de 36 mois, dont douze mois fermes et 24 mois avec sursis pendant cinq ans, pour acte d’ordre sexuel commis sur une personne incapable de discernement ou de résistance (art. 191 CP). Selon les faits qui ressortent de ce jugement, lequel figure dans le dossier de l’intimé, alors qu’il était serveur dans un bar et qu’il avait l’habitude d’offrir des boissons alcoolisées à la clientèle féminine de façon répétée lors d’une même soirée, il avait commis l'acte sexuel sur l’une d’entre elles alors qu’elle était inconsciente au moment des faits et en conséquence incapable de résister en raison de l’alcool ingurgité. Le jugement retient que "la culpabilité du prévenu est relativement lourde. Il a profité de son ascendance sur une femme bien plus jeune que lui. Il a agi pour satisfaire des pulsions sexuelles au mépris de la liberté sexuelle de la victime, ainsi que sa santé physique et psychique" (ch. 3.2). Tout en admettant que l’intéressé ne semblait pas avoir planifié l’agression, il retient qu’il avait "cependant profité de sa situation de serveur (…)" (ch. 3.2). Il souligne aussi – en s’appuyant sur une expertise psychiatrique – que l’intéressé, s’il se trouvait en "intoxication alcoolique légère" au moment des faits, avait "cependant gardé un bon contrôle physique et émotionnel" et qu’il "était donc pleinement responsable au moment des faits" (ch. 1.5). Le jugement mentionne par ailleurs que l’intéressé n’avait "pas fait preuve de véritables remords ou même d’empathie à l’égard de sa victime" (ch.3.2), circonstances qui ont conduit le tribunal à considérer "que le prévenu n’a pas pris réellement conscience de ses actes, dont on peut sérieusement craindre qu’il ne les répète un jour, compte tenu des conclusions de l’expert psychiatre à ce sujet" (ch. 3.2), tout en mentionnant aussi qu’au vu du dossier, le prévenu avait "adopté à plusieurs reprises des comportements inadéquats avec des femmes, les retenant de façon plus ou moins autoritaire, et faisant preuve de violence à l’égard de l’une de ses anciennes petites amies. Ces faits dénotent une tendance certaine du prévenu à se comporter de façon répréhensible" (ch. 3.2). Le tribunal a retenu que l’intéressé ne bénéficiait d’aucune circonstance atténuante, relevant encore que "le prévenu dénote un certain mépris pour l’intégrité corporelle et psychique d’autrui" (ch. 4.2).

En relation avec la gravité de la faute, les recourants citent des arrêts du Tribunal fédéral (arrêts du 05.07.2018 [2C_22/2018], du 31.10.2016 [2C_455/2016], du 07.08.2018 [2C_95/2018]) pour en conclure que le cas de l’intéressé est différent. L’arrêt [2C_22/2018] concerne un étranger qui avait été condamné pour viol en commun avec son fils handicapé sur une adolescente de seize ans ainsi que pour lésions corporelles simples, voies de faits, injures et menaces perpétrées sous l’emprise de l’alcool à l’encontre de son épouse; l’arrêt [2C_455/2016] concerne un étranger qui avait déjà subi quatre condamnations pénales avant de commettre des actes d’ordre sexuel sur une fille âgée de quinze ans; l’arrêt [2C_95/2018] concerne un étranger qui avait été condamné à une peine privative de liberté de 42 mois pour des infractions de viol, de contrainte sexuelle et d’actes d’ordre sexuel avec des enfants. Dans la mesure où les recourants entendent ainsi relativiser le comportement de l’intéressé, ils ne peuvent pas être suivis. Certes, la condamnation de l’intéressé ne porte pas sur un comportement d’une certaine durée mais sur une infraction unique; certes, l’intéressé n’avait pas d’antécédents encore inscrits au casier judiciaire dont l’autorité pénale aurait dû tenir compte; certes, il a été condamné à 36 mois de peine privative de liberté et non pas à 42. Il n’en demeure pas moins que la gravité des faits reprochés, l’importance des biens juridiques lésés et l’attitude de l’intéressé par rapport à ceux-ci justifient un intérêt public très important à son éloignement. Les recourants font valoir que "l’intéressé a pleinement pris conscience de la gravité des actes commis, qu’il regrette amèrement et pour lesquels il éprouve aujourd’hui un profond remords." Ces mots ne sont toutefois étayés par aucun élément de fait qui serait de nature à rendre crédible une prise de conscience et un remords sincères, qui ne soient pas seulement ou essentiellement dictés par la perspective de la révocation de son autorisation d’établissement. Ainsi, alors que le recourant met en avant qu’il a déjà remboursé plus de 120'000 francs de dettes, il n’est pas prétendu et il ne ressort pas non plus du dossier qu’il aurait payé à sa victime l’indemnité pour tort moral de 10'000 francs ou l’indemnité pour ses dépenses obligatoires de 11'679 francs, indemnités auxquelles il a été condamné le 8 décembre 2015. Le choix de privilégier le règlement de dettes autres que celles permettant de dédommager sa victime ôte toute vraisemblance à l’allégation d’un changement d’attitude par rapport à celle constatée dans le jugement du 8 décembre 2015, ainsi qu’à l’affirmation d’une véritable prise de conscience, alors que le dédommagement de sa victime aurait été un indice concret en ce sens. Par ailleurs, le fait qu’il cite d’autres causes dans le but de relativiser son comportement tend à confirmer qu’il n’a toujours pas saisi la gravité des faits pour lesquels il a été condamné.

Les recourants font valoir que le jugement du 8 décembre 2015 retient que l’intéressé ne présente qu’un faible risque de récidive. Il est vrai que le tribunal a exposé que le risque de récidive est faible (ch. 4.2) mais cette appréciation, émise dans un contexte où il s’agissait de statuer sur l’octroi du sursis, doit être relativisée eu égard à l’appréciation, exprimée dans le cadre de la fixation de la peine, selon laquelle il y a lieu de sérieusement craindre une répétition des actes incriminés, compte tenu des conclusions de l’expert psychiatre (ch. 3.2). Quoi qu’il en soit, le risque de récidive ne joue pas un rôle déterminant pour les mesures d'éloignement prises sur la base du droit interne, comme c’est le cas en l’espèce, mais ne constitue qu'un facteur parmi d'autres dans la pesée des intérêts, où la gravité des actes commis est, comme on l'a vu, le premier élément à prendre en considération. Quant au comportement exemplaire de l’intéressé depuis le jugement du 8 décembre 2015 et au respect scrupuleux des règles de conduite imposées, mis en avant par les recourants, ils ne sont pas décisifs. Un comportement adéquat pendant l’exécution de la peine est ce qui est généralement attendu de tout délinquant (ATF 139 II 121 cons. 5.5.2). Quant au respect des règles de conduites auxquelles est subordonné le sursis, c’est le moins que l’on puisse attendre de l’étranger, lequel y a du reste un intérêt évident. En l’occurrence, le jugement du 8 décembre 2015 fixe un délai d’épreuve de cinq ans, de sorte que le respect scrupuleux des règles de conduite, invoqué pour l’intéressé, n’a rien de particulièrement remarquable et n’est pas déterminant s’agissant de la révocation de l’autorisation d’établissement.

L’intéressé est arrivé en Suisse en 1992. Il n’y a toutefois lieu de tenir compte de ce séjour que depuis octobre 1997 puisqu’auparavant, il s’agissait d’une présence illégale. Ainsi, l’intéressé séjournait en Suisse depuis vingt ans au moment de la décision de révocation de son autorisation d’établissement. S’il s’agit d’une durée longue, elle n’est pas spécialement importante (cf. arrêt du TF du 31.10.2016 [2C_455/2016] cons. 5.4). L’intéressé a séjourné dans son pays d’origine depuis sa naissance en 1973 jusqu’à son départ en 1992, c’est-à-dire pendant les 19 premières années de sa vie, soit une période déterminante pour la formation de la personnalité ainsi que l’intégration sociale et culturelle. Il a gardé des liens avec son pays d’origine et y est régulièrement retourné ainsi qu’en témoignent la rencontre avec son épouse actuelle, la naissance en Turquie de leurs trois enfants en 2000, 2002 et 2005 ainsi que les retours au pays effectués une à deux fois par année sur la période 2012 à 2017 (cf. timbres humides apposés dans son passeport), soit également pour la période postérieure à la venue de sa famille en Suisse. Il n’est pas prétendu que l’intéressé ne parle pas la langue de son pays. S’agissant de son intégration en Suisse, la décision attaquée relève qu’il a travaillé de nombreuses années notamment comme serveur, qu’il a toujours été indépendant financièrement, qu’il a contracté des dettes pour plus de 340'000 francs, qu’il en a remboursé plus de 120'000 francs et qu’il n’a plus de poursuites. Les recourants ajoutent que l’intéressé s’exprime avec aisance en français et qu’il a retrouvé un emploi à plein temps depuis le 1er mars 2019 de sorte qu’il doit être considéré comme intégré. La Cour de céans observe que les éléments qui ressortent de la décision attaquée et mis en avant par les recourants ne sont pas de nature à démontrer que l’intéressé bénéficierait d’une intégration si exceptionnelle qu’elle serait de nature à contrebalancer l’intérêt public important à son départ de Suisse. Quant à sa réintégration en Turquie, s’il est possible qu’elle ne soit pas aisée dans un premier temps, elle sera favorisée par le fait que l’intéressé en maîtrise la langue et qu’il n’a cessé d’y maintenir des contacts. Sa longue expérience professionnelle dans le domaine de la restauration est aussi de nature à favoriser sa réintégration professionnelle.

En ce qui concerne la situation des autres membres de la famille dont l’autorisation de séjour est révoquée suite à la révocation de l’autorisation d’établissement de l’intéressé, la Cour de céans relève qu’ils sont arrivés en Suisse en avril 2015, de sorte qu’ils ne pouvaient se prévaloir que d’une présence de moins de 2 ½ ans au moment de la décision de l’intimé. À ce jour, leur présence en Suisse est de cinq ans. S’agissant de l’épouse, elle est arrivée en Suisse à l’âge de 38 ans de sorte que la courte durée passée en Suisse n’est pas déterminante en vue d’un retour en Turquie. Les recourants font valoir qu’elle a déployé des efforts considérables en vue de son intégration, notamment sous l’angle linguistique. Ils ne prétendent toutefois pas que ces efforts auraient abouti et en particulier, ils ne prétendent pas qu’elle maîtrise le français. Le recours lui-même permet d’en douter, puisqu’il décrit comment à son arrivée en Suisse, la famille s’est accordée sur une répartition traditionnelle des rôles, l’épouse assumant le rôle de femme au foyer et s’occupant des tâches ménagères. Quand bien même ses éventuelles connaissances d’une langue nationale ne seraient pas de nature à faire considérer son intégration comme si exceptionnelle qu’elle justifierait sa présence en Suisse indépendamment de la présence de son mari alors que le but de son séjour était précisément de pouvoir vivre avec lui. Les deux enfants B.________ et C.________ sont arrivés en Suisse alors qu’ils étaient âgés de 14 et 12 ans. Actuellement, B.________ a 19 ans et C.________ en a 17. Ils se trouvent ainsi en adolescence, cette période essentielle du développement personnel et social où la jurisprudence reconnaît qu’un soudain déplacement du centre de vie peut constituer un véritable déracinement et s’accompagner de grandes difficultés d’intégration. Dans le cas d’espèce, B.________ et C.________ ont vécu en Turquie depuis leur naissance jusqu’à leur départ en avril 2015. A défaut d’indications contraires au dossier, il paraît raisonnable d’admettre qu’ils y ont fréquenté l’école jusqu’à leur départ et qu’ils en maîtrisent la langue. Les recourants font valoir que leur arrivée en Suisse a constitué un déracinement scolaire, social et culturel dont les effets n’ont pu être atténués que grâce à la présence d’un noyau familial, et en particulier par la présence, la bienveillance et l’attention de leur mère dont ils soulignent qu’elle s’est vouée en particulier au ménage et à ses enfants. On peut en déduire que leur arrivée en Suisse a entraîné un certain repli de leur part dans la sphère familiale et retardé d’autant la reprise du processus d’autonomisation propre à cette période de la vie. S’ils se prévalent d’une parfaite intégration et de solides attaches culturelles, sociales et affectives avec la Suisse, ils ne prétendent pas et il n’apparaît pas qu’elle aille au-delà de l’intégration usuelle des jeunes de leur âge. En particulier, leur propos général relatif à de solides attaches avec la Suisse n’est étayé par aucun élément concret qui permettrait de se convaincre d’une intégration particulière. Ils ne prétendent pas participer à des manifestations culturelles, faire partie de clubs de sport ou d’associations culturelles ou professionnelles ou s’intéresser d’une autre manière à la vie publique. Sur le plan de leur formation professionnelle, B.________ effectue un apprentissage d’aide en technique du bâtiment AFP d’une durée de deux ans et C.________ un apprentissage de maçon d’une durée de quatre ans. Ils ne prétendent pas être autonomes financièrement de leurs parents. Ils ont tous deux commencé leur formation en août 2018, soit postérieurement à la décision de l’intimé et donc en toute connaissance de cause quant à la possibilité de ne pas pouvoir l’achever. S’ils n’arrivent pas à terminer leur formation avant leur départ de Suisse, ils pourront toutefois se prévaloir dans leur pays de l’expérience acquise jusqu’à ce moment. Si leur départ de Suisse pourra constituer un déracinement, il ne faut pas perdre de vue que leur présence en Suisse n’excède pas cinq ans, qu’ils sont accompagnés de leurs deux parents et qu’ils ont maintenu des liens avec leur pays d’origine, y ayant notamment séjourné tous deux pendant six semaines tant en 2016 qu’en 2017 (cf. timbres humides apposés dans leurs passeports). Si leur âge et la formation professionnelle en cours sont des éléments qui participent à leur intégration en Suisse, ils ne sont cependant pas suffisants pour faire obstacle à leur renvoi et à celui de leurs parents.

f) Les recourants invoquent que la situation actuelle est particulièrement tendue en Turquie et plus généralement au Moyen-Orient. Ils mettent en avant en particulier les attentats terroristes, les tensions politiques et communautaires ainsi que la répression des manifestations publiques par le pouvoir. Ils font valoir qu’en raison de sa situation géographique et en particulier de ses frontières directes avec la Syrie et l’Irak, la Turquie ne peut pas être considérée comme un pays sûr. Ils en déduisent que leur renvoi vers la Turquie n’est pas raisonnablement exigible.

Conformément à l’article 83 al. 4 LEI, l’exécution de la décision ne peut pas être raisonnablement exigée si le renvoi de l’étranger dans son pays d’origine le met concrètement en danger, par exemple en cas de guerre, de guerre civile ou de violence généralisée. En l’espèce, il est notoire que la Turquie ne se trouve pas dans une telle situation qui d’emblée rendrait inexigible le renvoi vers ce pays (cf. arrêt du TAF du 13.03.2020 [D-1402/2020]). Les références à la situation actuelle dans le pays ne sont pas à même de démontrer que les recourants y seraient exposés à un danger concret en raison de la situation générale qui y règne. Leur grief doit être rejeté.

4.                                Les considérants qui précèdent amènent au rejet du recours. Le délai de départ fixé par le SMIG étant échu, il convient de lui transmettre le dossier de la cause pour qu’il fixe aux intéressés un nouveau délai de départ.

5.                                Vu le sort de la cause, les frais de la procédure sont mis à la charge des recourants qui succombent (art. 47 al. 1 LPJA) et qui ne peuvent ainsi pas prétendre à des dépens (art. 48 al. 1 a contrario LPJA).

Par ces motifs,
la Cour de droit public

1.    Rejette le recours.

2.    Renvoie la cause au SMIG pour fixation d’un nouveau délai de départ.

3.    Met à la charge des recourants les frais de la procédure à hauteur de 880 francs, montant compensé par leur avance de frais.

4.    N’alloue pas de dépens.

Neuchâtel, le 28 avril 2020

Art. 66a1  CP
Expulsion
Expulsion obligatoire
 

1 Le juge expulse de Suisse l’étranger qui est condamné pour l’une des infractions suivantes, quelle que soit la quotité de la peine prononcée à son encontre, pour une durée de cinq à quinze ans:

a. meurtre (art. 111), assassinat (art. 112), meurtre passionnel (art. 113), incitation et assistance au suicide (art. 115), interruption de grossesse punissable (art. 118, al. 1 et 2);

b. lésions corporelles graves (art. 122), mutilation d’organes génitaux féminins (art. 124, al. 1), exposition (art. 127), mise en danger de la vie d’autrui (art. 129), agression (art. 134);

c. abus de confiance qualifié (art. 138, ch. 2), vol qualifié (art. 139, ch. 2 et 3), brigandage (art. 140), escroquerie par métier (art. 146, al. 2), utilisation frauduleuse d’un ordinateur par métier (art. 147, al. 2), abus de cartes-chèques ou de cartes de crédit par métier (art. 148, al. 2), extorsion et chantage qualifiés (art. 156, ch. 2 à 4), usure par métier (art. 157, ch. 2), recel par métier (art. 160, ch. 2);

d. vol (art. 139) en lien avec une violation de domicile (art. 186);

e. escroquerie (art. 146, al. 1) à une assurance sociale ou à l’aide sociale, obtention illicite de prestations d’une assurance sociale ou de l’aide sociale (art. 148a, al. 1);

f. escroquerie (art. 146, al. 1), escroquerie en matière de prestations et de contributions (art. 14, al. 1, 2 et 4, de la loi fédérale du 22 mars 1974 sur le droit pénal administratif2), fraude fiscale, détournement de l’impôt à la source ou autre infraction en matière de contributions de droit public passible d’une peine privative de liberté maximale d’un an ou plus;

g. mariage forcé, partenariat forcé (art. 181a), traite d’êtres humains (art. 182), séquestration et enlèvement (art. 183), séquestration et enlèvement qualifiés (art. 184), prise d’otage (art. 185);

h.3 actes d’ordre sexuel avec des enfants (art. 187, ch. 1), contrainte sexuelle (art. 189), viol (art. 190), actes d’ordre sexuel commis sur une personne incapable de discernement ou de résistance (art. 191), encouragement à la prostitution (art. 195), pornographie (art. 197, al. 4, 2e phrase);

i. incendie intentionnel (art. 221, al. 1 et 2), explosion intentionnelle (art. 223, ch. 1, al. 1), emploi, avec dessein délictueux, d’explosifs ou de gaz toxiques (art. 224, al. 1), emploi intentionnel sans dessein délictueux (art. 225, al. 1), fabriquer, dissimuler et transporter des explosifs ou des gaz toxiques (art. 226), danger imputable à l’énergie nucléaire, à la radioactivité et aux rayonnements ionisants (art. 226bis), actes préparatoires punissables (art. 226ter), inondation, écroulement causés intentionnellement (art. 227, ch. 1, al. 1), dommages intentionnels aux installations électriques, travaux hydrauliques et ouvrages de protection (art. 228, ch. 1, al. 1);

j. mise en danger intentionnelle par des organismes génétiquement modifiés ou pathogènes (art. 230bis, al. 1), propagation d’une maladie de l’homme (art. 231, ch. 1), contamination intentionnelle d’eau potable (art. 234, al. 1);

k. entrave qualifiée de la circulation publique (art. 237, ch. 1, al. 2), entrave intentionnelle au service des chemins de fer (art. 238, al. 1);

l. actes préparatoires délictueux (art. 260bis, al. 1 et 3), participation ou soutien à une organisation criminelle (art. 260ter), mise en danger de la sécurité publique au moyen d’armes (art. 260quater), financement du terrorisme (art. 260quinquies);

m. génocide (art. 264), crimes contre l’humanité (art. 264a), infractions graves aux conventions de Genève du 12 août 19494 (art. 264c), autres crimes de guerre (art. 264d à 264h);

n. infraction intentionnelle à l’art. 116, al. 3, ou 118, al. 3, de la loi fédérale du 16 décembre 2005 sur les étrangers5;

o. infraction à l’art. 19, al. 2, ou 20, al. 2, de la loi du 3 octobre 1951 sur les stupéfiants (LStup)6.

2 Le juge peut exceptionnellement renoncer à une expulsion lorsque celle-ci mettrait l’étranger dans une situation personnelle grave et que les intérêts publics à l’expulsion ne l’emportent pas sur l’intérêt privé de l’étranger à demeurer en Suisse. À cet égard, il tiendra compte de la situation particulière de l’étranger qui est né ou qui a grandi en Suisse.

3 Le juge peut également renoncer à l’expulsion si l’acte a été commis en état de défense excusable (art. 16, al. 1) ou de nécessité excusable (art. 18, al. 1).


1 Introduit par le ch. I 1 de la LF du 20 mars 2015 (Mise en oeuvre de l’art. 121, al. 3 à 6, Cst. relatif au renvoi des étrangers criminels), en vigueur depuis le 1er oct. 2016 (RO 2016 2329; FF 2013 5373).
2 RS 313.0
3 Erratum de la CdR de l’Ass. féd. du 28 nov. 2017, publié le 12 déc. 2017 (RO 2017 7257).
4 RS 0.518.12; 0.518.23; 0.518.42; 0.518.51
5 RS 142.20
6 RS 812.121

 
Art. 369 CP
Élimination de l’inscription
 

1 Les jugements qui prononcent une peine privative de liberté sont éliminés d’office lorsqu’il s’est écoulé, dès la fin de la durée de la peine fixée par le jugement:1

a. 20 ans en cas de peine privative de liberté de cinq ans au moins;

b. quinze ans en cas de peine privative de liberté de un an ou plus, mais de moins de cinq ans;

c. dix ans en cas de peine privative de liberté de moins d’un an;

d.2 dix ans en cas de privation de liberté selon l’art. 25 DPMin3.

2 Les délais fixés à l’al. 1 sont augmentés d’une fois la durée d’une peine privative de liberté déjà inscrite.

3 Les jugements qui prononcent une peine privative de liberté avec sursis, une privation de liberté avec sursis, une peine pécuniaire, un travail d’intérêt général ou une amende comme peine principale sont éliminés d’office après dix ans.4

4 Les jugements qui prononcent soit une mesure institutionnelle accompagnant une peine, soit exclusivement une mesure institutionnelle sont éliminés d’office:

a. après quinze ans en cas de mesure ordonnée en vertu des art. 59 à 61 et 64;

b. après dix ans en cas de placement en établissement fermé au sens de l’art. 15, al. 2, DPMin;

c.5 après sept ans en cas de placement en établissement ouvert ou chez des particuliers en vertu de l’art. 15, al. 1, DPMin. 6

4bis Les jugements qui prononcent exclusivement un traitement ambulatoire au sens de l’art. 63 sont éliminés d’office après dix ans. Les jugements qui prononcent un traitement ambulatoire au sens de l’art. 14 DPMin sont éliminés d’office après cinq ans, si les al. 1 à 4 ne s’appliquent pas au calcul du délai. 7

4ter Les jugements qui prononcent exclusivement une mesure au sens des art. 66, al. 1, 67, al. 1, et 67e du présent code ou 48, 50, al. 1, et 50e CPM8 sont éliminés d’office après dix ans.9

4quater Les jugements qui prononcent exclusivement une interdiction au sens des art. 67, al. 2 à 4, ou 67b du présent code ou des art. 50, al. 2 à 4, ou 50b CPM sont éliminés d’office après dix ans.10

4quinquies Les jugements qui prononcent exclusivement une interdiction au sens de l’art. 16a DPMin sont éliminés d’office après sept ans.11

5 Les délais fixés à l’al. 4 sont augmentés de la durée du solde de la peine.

5bis Le jugement dans lequel une expulsion est prononcée reste inscrit au casier judiciaire jusqu’au décès de la personne concernée. Si cette personne ne séjourne pas en Suisse, le jugement est éliminé du casier judiciaire au plus tard 100 ans après sa naissance. Si elle acquiert la nationalité suisse, elle peut demander huit ans plus tard l’élimination du jugement au terme des délais visés aux al. 1 à 5.12

6 Le délai court:

a.13à compter du jour où le jugement est exécutoire, pour les jugements visés aux al. 1, 3, 4ter, 4quater et 4quinquies;

b. à compter du jour de la levée de la mesure ou de la libération définitive de la personne concernée, pour les jugements visés aux al. 4 et 4bis.14

7 L’inscription ne doit pas pouvoir être reconstituée après son élimination. Le jugement éliminé ne peut plus être opposé à la personne concernée.

8 Les inscriptions portées au casier judiciaire ne sont pas archivées.


1 Nouvelle teneur selon l’art. 44 ch. 1 du droit pénal des mineurs du 20 juin 2003, en vigueur depuis le 1er janv. 2007 (RO 2006 3545; FF 1999 1787).
2 Introduite par l’art. 44 ch. 1 du droit pénal des mineurs du 20 juin 2003, en vigueur depuis le 1er janv. 2007 (RO 2006 3545; FF 1999 1787).
3 RS 311.1
4 Nouvelle teneur selon l’annexe ch. 2 de la LF du 19 mars 2010, en vigueur depuis le 1er janv. 2013 (RO 2010 6015, 2011 487; FF 2009 5331).
5 Introduite par l’annexe ch. 2 de la LF du 19 mars 2010, en vigueur depuis le 1er janv. 2013 (RO 2010 6015, 2011 487; FF 2009 5331).
6 Nouvelle teneur selon le ch. I de la LF du 24 mars 2006 (Correctifs en matière de sanctions et casier judiciaire), en vigueur depuis le 1er janv. 2007 (RO 2006 3539 3544; FF 2005 4425).
7 Introduit par le ch. I de la LF du 24 mars 2006 (Correctifs en matière de sanctions et casier judiciaire, RO 2006 3539; FF 2005 4425). Nouvelle teneur selon l’annexe ch. 2 de la LF du 19 mars 2010, en vigueur depuis le 1er janv. 2013 (RO 2010 6015, 2011 487; FF 2009 5331).
8 RS 321.0
9 Introduit par le ch. I de la LF du 24 mars 2006 (Correctifs en matière de sanctions et casier judiciaire, RO 2006 3539; FF 2005 4425). Nouvelle teneur selon le ch. I 1 de la LF du 13 déc. 2013 sur l’interdiction d’exercer une activité, l’interdiction de contact et l’interdiction géographique, en vigueur depuis le 1er janv. 2015 (RO 2014 2055; FF 2012 8151).
10 Introduit par le ch. I 1 de la LF du 16 mars 2018 (Mise en oeuvre de l’art. 123c Cst.), en vigueur depuis le 1er janv. 2019 (RO 2018 3803; FF 2016 5905).
11 Introduit par le ch. I 1 de la LF du 16 mars 2018 (Mise en oeuvre de l’art. 123c Cst.), en vigueur depuis le 1er janv. 2019 (RO 2018 3803; FF 2016 5905).
12 Introduit par le ch. I 1 de la LF du 20 mars 2015 (Mise en oeuvre de l’art. 121, al. 3 à 6, Cst. relatif au renvoi des étrangers criminels), en vigueur depuis le 1er oct. 2016 (RO 2016 2329; FF 2013 5373).
13 Nouvelle teneur selon le ch. I 1 de la LF du 16 mars 2018 (Mise en oeuvre de l’art. 123c Cst.), en vigueur depuis le 1er janv. 2019 (RO 2018 3803; FF 2016 5905).
14 Nouvelle teneur selon le ch. I de la LF du 24 mars 2006 (Correctifs en matière de sanctions et casier judiciaire), en vigueur depuis le 1er janv. 2007 (RO 2006 3539; FF 2005 4425).

  
Art. 63 LEI
Révocation de l’autorisation d’établissement
 

1 L’autorisation d’établissement ne peut être révoquée que dans les cas suivants:

a.1 les conditions visées à l’art. 62, al. 1, let. a ou b, sont remplies;

b. l’étranger attente de manière très grave à la sécurité et l’ordre publics en Suisse ou à l’étranger, les met en danger ou représente une menace pour la sécurité intérieure ou extérieure de la Suisse;

c. lui-même ou une personne dont il a la charge dépend durablement et dans une large mesure de l’aide sociale;

d.2 l’étranger a tenté d’obtenir abusivement la nationalité suisse ou cette dernière lui a été retirée suite à une décision ayant force de chose jugée dans le cadre d’une annulation de la naturalisation au sens de l’art. 36 de la loi du 20 juin 2014 sur la nationalité suisse3.

e.4 ...

2 L’autorisation d’établissement peut être révoquée et remplacée par une autorisation de séjour lorsque les critères d’intégration définis à l’art. 58a ne sont pas remplis.5

3 Est illicite toute révocation fondée uniquement sur des infractions pour lesquelles un juge pénal a déjà prononcé une peine ou une mesure mais a renoncé à prononcer une expulsion.6


1 Nouvelle teneur selon le ch. IV 3 de la LF du 19 juin 2015 (Réforme du droit des sanctions), en vigueur depuis le 1er janv. 2018 (RO 2016 1249; FF 2012 4385).
2 Introduite par l’annexe ch. II 1 de la L du 20 juin 2014 sur la nationalité suisse, en vigueur depuis le 1er janv. 2018 (RO 2016 2561; FF 2011 2639).
3 RS 141.0
4 Anciennement let. d. Abrogée par l’annexe ch. IV 3 de la LF du 19 juin 2015 (Réforme du droit des sanctions), avec effet au 1er janv. 2018 (RO 2016 1249; FF 2012 4385).
5 Nouvelle teneur selon le ch. I de la LF du 16 déc. 2016 (Intégration), en vigueur depuis le 1er janv. 2019 (RO 2017 6521, 2018 3171; FF 2013 2131, 2016 2665).
6 Introduit par l’annexe ch. 1 de la LF du 20 mars 2015 (Mise en oeuvre de l’art. 121, al. 3 à 6, Cst. relatif au renvoi des étrangers criminels), en vigueur depuis le 1er oct. 2016 (RO 2016 2329; FF 2013 5373).

  
Art. 83 LEI
Décision d’admission provisoire
 

1 Le SEM décide d’admettre à titre provisoire l’étranger si l’exécution du renvoi ou de l’expulsion n’est pas possible, n’est pas licite ou ne peut être raisonnablement exigée.

2 L’exécution n’est pas possible lorsque l’étranger ne peut pas quitter la Suisse pour son État d’origine, son État de provenance ou un État tiers, ni être renvoyé dans un de ces États.

3 L’exécution n’est pas licite lorsque le renvoi de l’étranger dans son État d’origine, dans son État de provenance ou dans un État tiers est contraire aux engagements de la Suisse relevant du droit international.

4 L’exécution de la décision peut ne pas être raisonnablement exigée si le renvoi ou l’expulsion de l’étranger dans son pays d’origine ou de provenance le met concrètement en danger, par exemple en cas de guerre, de guerre civile, de violence généralisée ou de nécessité médicale.

5 Le Conseil fédéral désigne les États d’origine ou de provenance ou les régions de ces États dans lesquels le retour est raisonnablement exigible. Si l’étranger renvoyé ou expulsé vient de l’un de ces États ou d’un État membre de l’UE ou de l’AELE, l’exécution du renvoi ou de l’expulsion est en principe exigible.1

5bis Le Conseil fédéral soumet à un contrôle périodique les décisions prises conformément à l’al. 5.2

6 L’admission provisoire peut être proposée par les autorités cantonales.

7 L’admission provisoire visée aux al. 2 et 4 n’est pas ordonnée dans les cas suivants:

a.3 l’étranger a été condamné à une peine privative de liberté de longue durée en Suisse ou à l’étranger ou a fait l’objet d’une mesure pénale au sens des art. 59 à 61 ou 64 CP4;

b. l’étranger attente de manière grave ou répétée à la sécurité et à l’ordre publics en Suisse ou à l’étranger, les met en danger ou représente une menace pour la sûreté intérieure ou extérieure de la Suisse;

c. l’impossibilité d’exécuter le renvoi ou l’expulsion est due au comportement de l’étranger.

8 Le réfugié auquel l’asile n’est pas accordé en vertu des art. 53 ou 54 LAsi5 est admis à titre provisoire.

9 L’admission provisoire n’est pas ordonnée ou prend fin avec l’entrée en force d’une expulsion au sens des art. 66a ou 66abis CP ou 49a ou 49abis CPM6.7

10 Les autorités cantonales peuvent conclure une convention d’intégration avec un étranger admis à titre provisoire lorsque se présentent des besoins d’intégration particuliers conformément aux critères définis à l’art. 58a.8


1 Nouvelle teneur selon l’annexe ch. 1 de la LF du 14 déc. 2012, en vigueur depuis le 1er fév. 2014 (RO 2013 4375 5357; FF 2010 4035, 2011 6735). Voir aussi les disp. trans. de cette mod. à la fin du texte.
2 Introduit par l’annexe ch. 1 de la LF du 14 déc. 2012, en vigueur depuis le 1er fév. 2014 (RO 2013 4375 5357; FF 2010 4035, 2011 6735). Voir aussi les disp. trans. de cette mod. à la fin du texte.
3 Nouvelle teneur selon l’annexe ch. 1 de la LF du 20 mars 2015 (Mise en oeuvre de l’art. 121, al. 3 à 6, Cst. relatif au renvoi des étrangers criminels), en vigueur depuis le 1er oct. 2016 (RO 2016 2329; FF 2013 5373).
4 RS 311.0
5 RS 142.31
6 RS 321.0
7 Introduit par l’annexe ch. 1 de la LF du 20 mars 2015 (Mise en oeuvre de l’art. 121, al. 3 à 6, Cst. relatif au renvoi des étrangers criminels), en vigueur depuis le 1er oct. 2016 (RO 2016 2329; FF 2013 5373).
8 Introduit par le ch. I de la LF du 16 déc. 2016 (Intégration), en vigueur depuis le 1er janv. 2019 (RO 2017 6521, 2018 3171; FF 2013 2131, 2016 2665).

 

  
Art. 96 LEI
Pouvoir d’appréciation
 

1 Les autorités compétentes tiennent compte, en exerçant leur pouvoir d’appréciation, des intérêts publics, de la situation personnelle de l’étranger, ainsi que de son intégration.1

2 Lorsqu’une mesure serait justifiée, mais qu’elle n’est pas adéquate, l’autorité compétente peut donner un simple avertissement à la personne concernée en lui adressant un avis comminatoire.


1 Nouvelle teneur selon le ch. I de la LF du 16 déc. 2016 (Intégration), en vigueur depuis le 1er janv. 2019 (RO 2017 6521, 2018 3171; FF 2013 2131, 2016 2665).