A.                            X.________ a sollicité l’indemnité de chômage à partir du 26 février 2019, après que son contrat de travail avec Y.________, qui était entré en vigueur le 7 janvier 2019, a été résilié pour le 19 février 2019. Constatant que la prénommée était inscrite au registre du commerce en qualité de gérante de A.________, dont le but était notamment l’accompagnement, le coaching, la formation et le consulting privé et en entreprise, et qu’elle avait été employée de cette société jusqu’au 31 décembre 2018, la Caisse cantonale neuchâteloise d’assurance-chômage (ci-après : CCNAC) a requis de sa part différents documents, dont notamment sa radiation au registre du commerce. Se fondant sur la documentation reçue, la CCNAC a, par décision du 5 juin 2019, refusé d’ouvrir à X.________ le droit à l’indemnité de chômage durant la période du 26 février 2019 au 27 mai 2019, pour le motif que, jusqu’à cette dernière date, qui correspond à sa radiation de sa fonction de gérante de A.________, la prénommée avait une position assimilable à celle d’un employeur. Dans son opposition à ce prononcé, l’intéressée a indiqué qu’elle avait définitivement quitté cette société, où elle était salariée, le 31 décembre 2018 et qu’elle avait été engagée dès le 7 janvier 2019 pour une activité à plein temps par Y.________, ce qui excluait qu’elle ait pu maintenir une quelconque activité chez son précédent employeur. Le 9 juillet 2019, la CCNAC a rejeté cette opposition en maintenant que, indépendamment du fait qu’elle avait eu un autre emploi pendant un mois et demi (du 07.01 au 19.02.2019), jusqu’à sa radiation de sa fonction de gérante de A.________ avec signature individuelle (27.05.2019), l’intéressée pouvait diriger cette société, la représenter et avait le pouvoir de l’engager par différents actes, l’unique associée n’ayant qu’une procuration individuelle. Elle a ajouté que sa prise d’emploi auprès de Y.________ n’avait pas duré suffisamment longtemps pour lui ouvrir le droit à l’indemnité de chômage.

B.                            X.________ recourt devant la Cour de droit public du Tribunal cantonal contre cette décision sur opposition, concluant, sous suite de frais et de dépens de 2'500 francs, à son annulation et à l’octroi de l’indemnité de chômage principalement pour la période du 26 février au 27 mai 2019, subsidiairement pour celle du 23 avril au 27 mai 2019. Elle fait valoir que seuls les associés et les associés-gérants d’une société à responsabilité limitée disposent de par la loi d’une influence prépondérante, qu’elle-même n’a jamais eu la qualité d’associée au sein de A.________, si bien qu’on ne saurait considérer que sa fonction de gérante lui permettait d’avoir une influence considérable sur les décisions de l’employeur, que par ailleurs son activité de salariée à temps complet auprès de cet employeur, ainsi que son activité ultérieure de salariée à temps complet auprès de Y.________ excluaient qu’elle ait encore pu avoir le temps de prendre part activement au processus décisionnel de A.________, en particulier postérieurement au 31 décembre 2018. À supposer qu’un tel pouvoir lui soit opposé après cette date, il a quoi qu’il en soit été radié le 23 avril 2019, date à laquelle sa radiation a été communiquée au registre du commerce, même si elle n’a été réceptionnée qu’au mois de mai 2019. Elle ajoute que compte tenu de la situation économique de A.________, on doit lui reconnaître une aptitude au placement à compter du 26 février 2019.

C.                            La CCNAC conclut au rejet du recours.

C O N S I D E R A N T

en droit

1.                            Interjeté dans les formes et délai légaux, le recours est recevable.

2.                            a) Le droit à l’indemnité de chômage suppose notamment que l’assuré soit sans emploi ou partiellement sans emploi (art. 8 al. 1 let. a LACI). Est réputé sans emploi celui qui n’est pas partie à un rapport de travail et qui cherche à exercer une activité à plein temps (art. 10 al. 1 LACI), tandis qu’est réputé partiellement sans emploi celui qui n’est pas partie à un rapport de travail et cherche à n’exercer qu’une activité à temps partiel, ou celui qui occupe un emploi à temps partiel et cherche à le remplacer par une activité à plein temps ou à le compléter par une autre activité à temps partiel (art. 10 al. 2 LACI).

b) D’après la jurisprudence (ATF 123 V 234; arrêt du TF du 19.08.2015 [8C_511/2014] cons. 3; RJN 2015, p. 467), le travailleur qui jouit d’une situation professionnelle comparable à celle d’un employeur n’a pas droit à l’indemnité de chômage lorsque, bien que licencié formellement par une entreprise, il continue de fixer les décisions de l’employeur ou à influencer celles-ci de manière déterminante. Dans le cas contraire, en effet, on détournerait par le biais d’une disposition sur l’indemnité de chômage la réglementation en matière d’indemnités en cas de réduction de l’horaire de travail, en particulier l’article 31 al. 3 let. c LACI. Selon cette disposition légale, n’ont pas droit à l’indemnité en cas de réduction de l’horaire de travail notamment les personnes qui fixent les décisions que prend l’employeur – ou peuvent les influencer considérablement – en qualité d’associé, de membre d’un organe dirigeant de l’entreprise ou encore de détenteur d’une participation financière à l’entreprise. Le Tribunal fédéral a identifié un risque de contournement de la clause d'exclusion de l'article 31 al. 3 let. c LACI lorsque dans un contexte économique difficile, ces personnes procèdent à leur propre licenciement et revendiquent l'indemnité de chômage tout en conservant leurs liens avec l'entreprise. Dans une telle configuration, en effet, il est toujours possible pour elles de se faire réengager dans l'entreprise ultérieurement et d'en reprendre les activités dans le cadre de son but social. La situation est en revanche différente quand le salarié, se trouvant dans une position assimilable à celle de l'employeur, quitte définitivement l'entreprise en raison de la fermeture de celle-ci. Dans ce cas, l'intéressé peut en principe prétendre à des indemnités de chômage (ATF 123 V 234 cons. 7b/bb; arrêt du TF du 30.09.2019 [8C_448/2018] cons. 3). Il en va de même lorsque l’entreprise continue d’exister mais que le salarié, par suite de la résiliation de son contrat, rompt définitivement tout lien avec la société. Dans un cas comme dans l’autre, l’intéressé peut en principe prétendre à des indemnités de chômage (arrêt du TF du 08.04.2008 [8C_515/2007] cons. 2.2).

Lorsqu'il s'agit de déterminer quelle est la possibilité effective d'un dirigeant d'influencer le processus de décision de l'entreprise, il convient de prendre en compte les rapports internes existant dans celle-ci. On établira l'étendue du pouvoir de décision en fonction des circonstances concrètes (DTA 1996/1997 no 41, p. 227 ss. cons. 1b et 2; SVR 1997 ALV no 101, p. 311 cons. 5c). Le Tribunal fédéral a toutefois reconnu une exception à ce principe s'agissant des membres des conseils d'administration car ils disposent ex lege (art. 716 ss CO) et de façon contraignante d'un pouvoir déterminant au sens de l'article 31 al. 3 let. c LACI. Dans ces cas-là, le droit aux prestations peut donc être exclu sans qu'il soit nécessaire de déterminer plus concrètement les responsabilités qu'ils exercent au sein de la société (ATF 122 V 270 cons. 3, p. 272 ss; DTA 2004 no 21, p. 196). Il en va de même, dans une société à responsabilité limitée, des associés, respectivement des associés-gérants lorsqu'il en a été désigné, lesquels occupent collectivement une position comparable à celle du conseil d'administration d'une société anonyme (arrêt du TF du 12.10.2010 [8C_140/2010] cons. 4.2). En d'autres termes, c'est sans examen des circonstances particulières que ces personnes sont d'emblée exclues du droit même si, dans les faits, la personne disposant de par la loi d'un pouvoir décisionnel déterminant ne s'occupe pas des affaires de la société (Rubin, Commentaire de la loi sur l'assurance-chômage, 2014, p. 99). Dans ce cas de figure, l'inscription au registre du commerce constitue en règle générale le critère de délimitation décisif (ATF 122 V 270 cons. 3). La radiation de l'inscription permet d'admettre sans équivoque que l'assuré a quitté la société (arrêts du TF du 01.03.2007 [C 17/06] cons. 3 et du 29.11.2005 [C 175/04] cons. 3.2). En résumé, il suffit qu'une continuité des activités soit possible pour que le droit doive être nié en raison d'un risque de contournement de la loi.

3.                            En l’occurrence, le litige porte sur le refus opposé à X.________ d’un droit à l’indemnité de chômage pour la période du 26 février 2019 au 27 mai 2019. Le 26 février 2019, au moment du dépôt de sa demande d’indemnité de chômage, la prénommée était inscrite au registre du commerce, depuis le 23 novembre 2017, en qualité de gérante avec signature individuelle de A.________, dont elle avait été licenciée avec effet au 31 décembre 2018. Si elle n’était pas associée de cette société, elle disposait néanmoins ex lege d’un pouvoir de gestion et de représentation (art. 810 et 814 CO), soit d’un pouvoir déterminant sur les décisions de l’employeur au sens de l’article 31 al. 3 let. c LACI. Sa fonction était d’autant plus importante que si l’article 809 al. 1 CO dispose que les associés exercent collectivement la gestion de la société, sous réserve d’une autre réglementation statutaire, les statuts de A.________ prévoyaient en revanche que "l’assemblée des associés peut nommer un ou plusieurs gérants, qui ne sont pas nécessairement des associés, chargés de toutes les affaires qui ne sont pas attribuées à l’assemblée des associés par la loi ou les statuts" (art. 19 al. 1). Or, durant la période litigieuse (26.02 au 27.05.2019), l’unique associée de A.________ (B.________) n’assumait pas de fonctions dirigeantes selon le registre du commerce, où seul un pouvoir de représentation était inscrit (associée avec procuration individuelle) jusqu’au 27 mai 2019. Dans ces circonstances, on doit retenir que la recourante occupait une position comparable à celle du conseil d'administration d'une société anonyme jusqu’au 27 mai 2019 – et non pas jusqu’au 31 décembre 2018 (date de son licenciement) ou jusqu’au 23 avril 2019 (date du courrier révoquant ses pouvoirs) – ce qui correspond à la date de sa radiation au registre du commerce et de l’inscription de l’associée unique avec procuration individuelle en qualité d’associée-gérante avec signature individuelle. Un droit aux prestations de chômage peut donc être exclu sans qu'il soit nécessaire de déterminer plus concrètement les responsabilités que l’intéressée exerçaient au sein de la société durant la période en cause.

Celle-ci ne saurait pas davantage tirer un droit à l’indemnité de chômage, pour cette période, de son licenciement de responsable d’agence auprès de Y.________ au 19 février 2019. Car cette activité, qu’elle exerçait depuis le 7 janvier 2019 alors qu’elle occupait une position assimilable à celle d’un employeur auprès de A.________, n’a pas duré au moins six mois, délai institué par la jurisprudence (arrêts du TF du 27.08.2009 [8C_81/2009] cons. 4, du 20.02.2007 [C 151/06] cons. 3 et du 31.03.2004 [C 171/03] cons. 2.3), dont le Tribunal fédéral a confirmé qu’il s'inscrivait parfaitement dans le système de l'assurance-chômage (arrêt du TF du 29.06.2011 [8C_1004/2010] cons. 8).

4.                            Mal fondé, le recours doit être rejeté. La procédure étant gratuite pour les parties (art. 61 let. a LPGA), il est statué sans frais. Vu l'issue de celle-ci, il n'y a pas lieu d'allouer des dépens (art. 61 let. g LPGA a contrario).

Par ces motifs,
la Cour de droit public

1.    Rejette le recours.

2.    Statue sans frais et sans dépens.

Neuchâtel, le 29 avril 2020

 

Art. 8 LACI
Droit à l’indemnité
 

1 L’assuré a droit à l’indemnité de chômage:

a. s’il est sans emploi ou partiellement sans emploi (art. 10);

b. s’il a subi une perte de travail à prendre en considération (art. 11);

c. s’il est domicilié en Suisse (art. 12);

d.1 s’il a achevé sa scolarité obligatoire, qu’il n’a pas encore atteint l’âge donnant droit à une rente AVS et ne touche pas de rente de vieillesse de l’AVS;

e. s’il remplit les conditions relatives à la période de cotisation ou en est libéré (art. 13 et 14);

f. s’il est apte au placement (art. 15), et

g. s’il satisfait aux exigences du contrôle (art. 17).

2 Le Conseil fédéral règle les conditions dont dépend le droit à l’indemnité des personnes qui, avant d’être au chômage, exerçaient une activité salariée à domicile. Il ne peut s’écarter de la réglementation générale prévue dans le présent chapitre que dans la mesure où les particularités du travail à domicile l’exigent.


1 Nouvelle teneur selon le ch. I de la LF du 23 juin 1995, en vigueur depuis le 1er janv. 1996 (RO 1996 273; FF 1994 I 340).

Art. 10 LACI
Chômage
 

1 Est réputé sans emploi celui qui n’est pas partie à un rapport de travail et qui cherche à exercer une activité à plein temps.

2 Est réputé partiellement sans emploi celui qui:

a. n’est pas partie à un rapport de travail et cherche à n’exercer qu’une activité à temps partiel, ou

b. occupe un emploi à temps partiel et cherche à le remplacer par une activité à plein temps ou à le compléter par une autre activité à temps partiel.

2bis N’est pas réputé partiellement sans emploi celui qui, en raison d’une réduction passagère de l’horaire de travail, n’est pas occupé normalement.1

3 Celui qui cherche du travail n’est réputé sans emploi ou partiellement sans emploi que s’il s’est annoncé à l’office du travail de son lieu de domicile aux fins d’être placé.

4 La suspension provisoire d’un rapport de service fondé sur le droit public est assimilée à du chômage, lorsqu’un recours avec effet suspensif contre la résiliation signifiée par l’employeur est pendant.


1 Introduit par le ch. I de la LF du 5 oct. 1990, en vigueur depuis le 1er janv. 1992 (RO 1991 2125; FF 1989 III 369).

Art. 31 LACI
Droit à l’indemnité
 

1 Les travailleurs dont la durée normale du travail est réduite ou l’activité suspendue ont droit à l’indemnité en cas de réduction de l’horaire de travail (ci-après l’indemnité) lorsque:1

a.2 ils sont tenus de cotiser à l’assurance ou qu’ils n’ont pas encore atteint l’âge minimum de l’assujettissement aux cotisations AVS;

b. la perte de travail doit être prise en considération (art. 32);

c. le congé n’a pas été donné;

d. la réduction de l’horaire de travail est vraisemblablement temporaire, et si l’on peut admettre qu’elle permettra de maintenir les emplois en question.

1bis Une analyse de l’entreprise peut être effectuée aux frais du fonds de compensation, dans des cas exceptionnels, pour examiner dans quelle mesure les conditions fixées à l’al. 1, let. d, sont remplies.3

2 Le Conseil fédéral peut édicter des dispositions dérogatoires concernant l’indemnité en cas de réduction de l’horaire de travail:

a. pour les travailleurs à domicile;

b. pour les travailleurs dont l’horaire de travail est variable dans des limites stipulées par contrat.4

3 N’ont pas droit à l’indemnité:

a. les travailleurs dont la réduction de l’horaire de travail ne peut être déterminée ou dont l’horaire de travail n’est pas suffisamment contrôlable;

b. le conjoint de l’employeur, occupé dans l’entreprise de celui-ci;

c. les personnes qui fixent les décisions que prend l’employeur – ou peuvent les influencer considérablement – en qualité d’associé, de membre d’un organe dirigeant de l’entreprise ou encore de détenteur d’une participation financière à l’entreprise; il en va de même des conjoints de ces personnes, qui sont occupés dans l’entreprise.


1 Nouvelle teneur selon le ch. I de la LF du 5 oct. 1990, en vigueur depuis le 1er janv. 1992 (RO 1991 2125; FF 1989 III 369).
2 Nouvelle teneur selon le ch. I de la LF du 5 oct. 1990, en vigueur depuis le 1er janv. 1992 (RO 1991 2125; FF 1989 III 369).
3 Introduit par le ch. I de la LF du 22 mars 2002, en vigueur depuis le 1er juil. 2003 (RO 2003 1728; FF 2001 2123).
4 Nouvelle teneur selon le ch. I de la LF du 5 oct. 1990, en vigueur depuis le 1er janv. 1992 (RO 1991 2125; FF 1989 III 369).