A.                               X.________, né en 1968, a travaillé dès août 2010 pour Y.________ Sàrl, au sein de laquelle il occupait la fonction de directeur administration-marketing-vente. La faillite de la société a été prononcée le 7 juin 2019. Dans ce cadre, l’assuré a produit une créance de 104'592 francs découlant en particulier de salaires impayés pour les années 2018 et 2019, de commissions et d’un solde de vacances. Après avoir pris contact le 19 juin 2019 avec la Caisse cantonale neuchâteloise d’assurance-chômage (ci-après : CCNAC) en vue du dépôt d’une demande d’indemnité en cas d’insolvabilité (ci-après : ICI), l’assuré a déposé sa demande par courrier parvenu à la CCNAC le 24 juillet 2019, complétée ultérieurement à la demande de la caisse. Il ressort du dossier de la demande que l'assuré, par courrier du 9 mai 2019, avait mis en demeure son employeur de lui verser des salaires et des commissions restant dues et que, par courrier du 17 juin 2019, il avait résilié son contrat de travail avec effet immédiat faute pour l'employeur de lui avoir versé les salaires en retard. Dans son courrier du 29 août 2019 parvenu à la CCNAC le 30 août 2019, l'assuré a exposé que « ce n'est que récemment que j'ai pris connaissance qu'il me manquait des salaires. Je ne suis pas le genre de personne qui va contrôler son compte bancaire régulièrement. (…) Ce n'est que lorsqu'un créancier m'a interpelé pour m'indiquer qu'il n'avait pas reçu de paiement que je suis allé voir mon compte. Lorsque j'ai constaté qu'il était en négatif je me suis aperçu que la société ne m'avait pas versé certains salaires ». Il a ajouté qu'il avait alors interpelé la société, laquelle avait procédé à plusieurs versements pour couvrir des arriérés de commissions et de salaires; que n'ayant toujours pas obtenu le versement de la totalité des sommes dues, il avait mis la société en demeure (courrier du 09.05.2019), ensuite de quoi cette dernière avait procédé à deux versements pour des arriérés de commission. Il a mentionné qu'il avait dû avoir recours à l'aide de gens de son entourage, lesquels lui avaient prêté de l'argent pour le soutenir (versements des 04.06.2018 et 10.01.2019). L’assuré a déposé un tableau recensant le détail de ses créances de salaire et de commissions, qui indique en particulier la date à laquelle les versements ont été effectués et le nombre de jours de retard.

Par décision du 2 septembre 2019, la CCNAC a refusé l’ouverture du droit aux prestations en cas d’insolvabilité. Après avoir constaté que les salaires étaient effectivement versés avec des retards très importants, elle a retenu que tout au moins à partir du 4 juin 2018 (versement d'un prêt par son entourage), l'assuré devait s'être rendu compte de sa situation et des arriérés de salaire; que même à partir de ce moment-là, aucune démarche contraignante n'avait pourtant été faite auprès de son employeur pour revendiquer les salaires en retard, jusqu'à la mise en demeure du 9 mai 2019 ; que l'assuré s'était ainsi satisfait de la situation en se contentant du versement sporadique des salaires pendant plus de deux ans. La CCNAC en a conclu que l'assuré n'avait pas pris des mesures suffisantes à l'égard de son employeur pour réclamer le solde de ses salaires, de sorte qu'il ne remplissait pas les conditions légales permettant l'octroi d'une ICI.

Dans son opposition, l'assuré a reproché à l'intimée de n'avoir pas examiné les raisons pour lesquelles il n'avait pas pu constater les retards excessifs dans le versement de ses salaires. Il a exposé qu'il avait été en incapacité de travail depuis 2017 pour des troubles psychiques dus à une dépression, ayant un impact sur sa vie quotidienne et en particulier sur la gestion de ses affaires administratives ; qu'au vu de son incapacité de travail, il n'avait pas pu se rendre compte que la situation financière de son employeur se dégradait drastiquement au point de ne plus pouvoir payer les salaires ; que le solde négatif de son compte bancaire ne l'a jamais interpelé dans la mesure où sa situation auprès de sa banque lui autorisait cette situation ; que par ailleurs, il entretenait d'excellentes relations avec l'administratrice de la société, de sorte qu'il lui faisait entièrement confiance ; que ce n'est qu'au moment où il a pu reprendre son activité, le 3 mai 2019, et suite à l'interpellation de l'un de ses créanciers qu'il s'était rendu compte des difficultés financières de la société et de l'ampleur de la situation et qu'il a interpelé son employeur à plusieurs reprises avant de lui adresser une mise en demeure.

La CCNAC a confirmé sa position et rejeté l'opposition par décision sur opposition du 29 octobre 2019. Elle a relevé que l’assuré n’avait jamais auparavant indiqué avoir été dans l’incapacité de gérer ses tâches administratives en raison d’une dépression ; que s’il éprouvait des difficultés à gérer ses affaires administratives, il aurait dû avoir recours à une aide extérieure ; qu’aucun élément n’indique qu’un curateur aurait été désigné afin de le seconder parce qu’il ne parvenait pas à gérer ses affaires administratives. Elle a retenu que le motif médical invoqué ne permettait pas de justifier a posteriori le fait que l’assuré n’avait pas tout mis en œuvre pour recouvrer ses salaires et commissions impayés. Elle a souligné que depuis 2016, les salaires arrivaient avec un retard sans cesse plus important sur le compte de l’assuré, et a retenu qu’il n’est pas crédible qu’il ne se soit rendu compte d’aucun retard sur une aussi longue période.

B.                               X.________ recourt auprès de la Cour de droit public du Tribunal cantonal contre cette décision sur opposition en concluant à son annulation et à l’octroi d’une ICI d’au minimum 40'797.35 francs (montant comprenant 4 mois de salaire, des commissions et 134 jours de vacances), les frais judiciaires et les dépens étant mis à charge de l’autorité intimée. Il fait valoir qu’en raison d’un burn out et d’une dépression, il a été dans l’incapacité de travailler à temps plein de mai 2017 à mai 2019, seule une activité à 20 % étant possible à partir du 30 janvier 2018 ; que ces troubles s'inscrivent de plus dans un processus transgenre qui impacte sa vie et qui nécessite sa prise en charge par des psychiatres et psychologues ; que les troubles psychiatriques dont il souffre ont eu une lourde répercussion sur la gestion de ses affaires administratives ; que la mise en place d’une curatelle avait été discutée avec son psychiatre, mais qu’il y avait été renoncé compte tenu des conséquences non négligeables qu’une telle mesure impliquait sur la prise en charge de ses enfants et du fait qu’elle ne semblait pas opportune ; qu’en raison des difficultés financières rencontrées depuis plusieurs années et même avant le début de son activité pour son employeur, il n’était plus particulièrement attentif à l’état de ses comptes bancaires et qu'il avait l'habitude de constater un solde négatif à l'occasion de ses consultations sporadiques ; que compte tenu du contexte psychologique, de la relation de confiance avec son employeur et de ses difficultés financières récurrentes, il n’a pas réalisé que son salaire n’était pas correctement versé par son employeur, d’autant que ses salaires étaient versés irrégulièrement et de manière de plus en plus espacée sans que toutefois l’employeur ne cesse complètement leur versement avant mars 2019; que dans le cadre de son activité, il n'avait pas connaissance de la gestion financière de l'entreprise et qu'il ignorait la situation financière de celle-ci. Le recourant fait aussi valoir qu'à partir du moment – au plus tôt en mars 2019 – où il a pris conscience de la situation financière de son employeur et des salaire impayés, il a interpelé son employeur à plusieurs reprises, notamment par SMS, s'est renseigné sur les démarches à entreprendre auprès de la permanence des avocats et a adressé une mise en demeure le 9 mai 2019, de sorte qu'il ne peut pas lui être reproché de n'avoir pas entrepris les démarches utiles avec toute la diligence nécessaire.

C.                               Dans ses observations, la CCNAC conclut au rejet du recours.

C O N S I D E R A N T

en droit

1.                                Interjeté dans les formes et délai légaux, le recours est recevable.

2.                                a) Aux termes de l'article 51 al. 1 let. a LACI, les travailleurs assujettis au paiement des cotisations, qui sont au service d'un employeur insolvable sujet à une procédure d'exécution forcée en Suisse ou employant des travailleurs en Suisse, ont droit à une ICI lorsqu'une procédure de faillite est engagée contre leur employeur et qu'ils ont, à ce moment-là, des créances de salaire envers lui. Les créances de salaire au sens de l'article 51 LACI sont celles qui résultent d'un temps de travail effectif, pendant lequel l'assuré n'était pas apte au placement car il devait se tenir à disposition de l'employeur (arrêt du TF du 11.06.2012 [8C_801/2011] cons. 5.1 et les références citées). Selon l'article 52 al. 1 LACI, l'indemnité couvre les créances de salaire portant sur les quatre derniers mois au plus d'un même rapport de travail, jusqu'à concurrence, pour chaque mois, du montant maximal visé à l'article 3 al. 2 LACI. Les allocations dues aux travailleurs font partie intégrante du salaire.

b) Aux termes de l'article 55 al. 1 LACI, dans la procédure de faillite ou de saisie, le travailleur est tenu de prendre toutes les mesures propres à sauvegarder son droit envers l'employeur, jusqu'à ce que la caisse l'informe de la subrogation dans ladite procédure. Une fois que la caisse est devenue partie à la procédure, le travailleur est tenu de l'assister utilement dans la défense de ses droits.

L'obligation de diminuer le dommage qu'exprime l'article 55 al. 1 LACI exige du travailleur qui n'a pas reçu son salaire, en raison de difficultés économiques rencontrées par l'employeur, qu'il entreprenne à l'encontre de ce dernier les démarches utiles en vue de récupérer sa créance, sous peine de perdre son droit à l'ICI. Il s'agit d'éviter que l'assuré ne reste inactif en attendant le prononcé de la faillite de son ex-employeur. Des interventions orales ne suffisent pas à satisfaire à l'obligation de réduire le dommage (arrêts du TF des 19.08.2013 [8C_956/2012] cons. 3 et 6, et 25.01.2007 [C 27/06] cons. 3.2.1 ainsi que les références citées).

La violation de l'obligation de diminuer le dommage implique que l'on puisse reprocher à l'assuré d'avoir commis une faute intentionnelle ou une négligence grave. Une telle violation conduit à la négation du droit à l'ICI. En ce qui concerne leurs revendications salariales, les assurés doivent se comporter comme si l'ICI n'existait pas. L'obligation de diminuer le dommage s'examine en fonction de l'ensemble des circonstances. La caisse doit ainsi prendre en compte la rapidité de la réaction de l'employé (critère important examiné ci-après), les usages dans la branche, la langue dans laquelle l'employé peut s'exprimer, ses connaissances juridiques, son éventuel domicile à l'étranger, le rapport entre les frais que l'assuré aurait dû assumer pour faire valoir sa créance et sa situation financière, un éventuel rapport de confiance, un conflit de loyauté, l'intégration au sein de l'entreprise, les responsabilités assumées, la possibilité de comparer sa propre situation avec celle de collègues (Rubin, Commentaire de la loi sur l’assurance-chômage, 2014, ad art. 55 nos 7-8 et les références citées).

On ne peut exiger du salarié qu'il introduise sans délai une poursuite contre son ancien employeur car cette démarche implique la notification d'un commandement de payer aux frais de l'assuré. Or, l'ICI a pour but d'épargner aux assurés l'obligation de recourir aux procédures parfois longues et coûteuses de l'exécution forcée. En imposant une obligation de diminuer le dommage, le législateur a seulement voulu éviter que l'assuré n'entreprenne rien pour récupérer son salaire impayé, en attendant le prononcé de la faillite de son employeur. Toutes les possibilités qui permettent à l'assuré de conserver son droit doivent néanmoins être prises en considération, y compris les solutions de compromis entre parties. Contrairement à ce que l'article 55 al. 1 LACI indique, ce n'est pas seulement à partir du moment où une procédure de « faillite » ou de « saisie » est en cours que le travailleur a l'obligation d'effectuer des démarches pour récupérer ses créances salariales. Ses obligations débutent avant. S’agissant des obligations avant ou après la résiliation des rapports de travail, en particulier lorsque l'employeur ne verse plus ou plus entièrement le salaire, ou après la résiliation, l'assuré doit manifester de manière non équivoque et reconnaissable pour l'employeur qu'il souhaite encaisser sa créance de salaire. Il devra par exemple le mettre en demeure de verser le salaire ou des sûretés, avec menace de donner son congé. L'obligation de diminuer le dommage est moins étendue avant la résiliation du rapport de travail qu'après. Dans la première éventualité, l'absence de réaction de l'employé peut en effet se comprendre, du moins lorsqu'il est confronté à un premier retard dans le versement de son salaire. Cela étant, quel que soit son intérêt à rester au service de son employeur, un employé ne saurait s'accommoder de ne pas percevoir sa rémunération. Après la résiliation, l'assuré ne peut attendre plusieurs mois avant d'intenter une action judiciaire contre son employeur. Il doit en effet compter avec une éventuelle péjoration de la situation financière de l'employeur et donc avec une augmentation des difficultés pour l'assurance-chômage de récupérer les créances issues de la subrogation. Il n'est pas possible de fixer une période maximale durant laquelle l'assuré peut ne procéder à aucun acte en vue de recouvrer sa créance salariale, sans risquer de se voir reprocher une violation de son obligation de diminuer le dommage. Les circonstances concrètes sont déterminantes. Toutefois, la période maximale couverte par l'ICI étant de quatre mois (art. 52 al. 1 LACI), l'assuré qui omettra de mettre son employeur en demeure de lui verser les arriérés de salaire, voire de lui demander des sûretés, après le troisième mois sans salaire complet, prendra le risque de devoir rester auprès de son employeur, sans être payé, durant une période plus longue que celle couverte par l'ICI. Dès lors, il prendra par la même occasion le risque de ne jamais être désintéressé totalement. Cette durée de trois à quatre mois représente donc probablement une limite générale au-delà de laquelle le travailleur, qui n'est pas rémunéré normalement, et qui omet de réagir auprès de son employeur pour récupérer ses créances salariales, viole son obligation de diminuer le dommage au sens de l’article 55 LACI. Mais, chaque cas nécessite un examen des circonstances concrètes et il arrive que le droit à l'ICI doive être reconnu malgré une inaction de plus de quatre mois (Rubin, op. cit., ad art. 55 nos 7-8 et les références citées).

3.                                Dans le domaine des assurances sociales, le juge fonde généralement sa décision sur les faits qui, faute d'être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c'est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit pas qu'un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible; la vraisemblance prépondérante suppose que, d'un point de vue objectif, des motifs importants plaident pour l'exactitude d'une allégation, sans que d'autres possibilités ne revêtent une importance significative ou n'entrent raisonnablement en considération (ATF 144 V 427 cons. 3.2; 139 V 176 cons. 5.3). En droit des assurances sociales, il n'existe par conséquent pas de principe selon lequel l'administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l'assuré (ATF 135 V 39 cons. 6.1 et les références).

4.                                Le litige a trait à l'obligation de l'assuré de diminuer le dommage dans un contexte d'ICI.

a) Il ressort du tableau « Détail créance salaires et commissions » fourni par l’assuré et qui couvre la période de janvier 2015 à juin 2019 qu’initialement, le salaire était versé entre le 30 du mois concerné et le 6 du mois suivant. A partir du mois de juin 2016, le versement des salaires a été effectué avec un retard croissant, que le recourant indique en jours en effectuant son calcul à partir du 25 du mois concerné. Pour les mois de juin à décembre 2016, ce retard a été de 17, respectivement 43, 54, 62, 77, 84 et 96 jours. Le salaire de janvier 2017 a été versé avec 696 jours de retard, les salaires des autres mois de 2017 étant versés avec un retard variant entre 107 et 263 jours. Pour 2018, les salaires d’avril, mai et juin ont été partiellement versés les 9 mai, 18 juin et 5 juillet 2018; les salaires de janvier à mars ainsi que le solde des salaires d’avril à juin étant versés avec un retard variant entre 178 et 288 jours. Les salaires à partir de juillet 2018 n’ont pas été versés. Il convient de relever que le retard croissant a entraîné un espacement de plus en plus long entre le versement de deux salaires, ce qui à son tour a eu pour conséquence qu’aucun salaire n’a été versé sur le compte du recourant pendant les mois d’août et décembre 2016, avril, mai et octobre 2017, avril et octobre 2018 ainsi qu’à partir de mars 2019. Il n’est pas contesté que le recourant n’est pas intervenu auprès de son employeur concernant ces retards et absences de paiement avant mars 2019. Cette absence de réaction représente a priori une violation de l’obligation de diminuer le dommage au sens de l’article 55 LACI, si l’assuré n’est pas en mesure de rendre vraisemblable des motifs justificatifs pour expliquer son inaction.

A ce propos, le recourant fait valoir qu’en raison des difficultés financières rencontrées depuis plusieurs années et même avant le début de son activité pour son employeur, il n’était plus particulièrement attentif à l’état de ses comptes bancaires et qu'il avait l'habitude de constater un solde négatif à l'occasion de ses consultations sporadiques. La Cour de céans observe tout d’abord que la consultation régulière d'un compte bancaire pour vérifier le versement du salaire par l'employeur apparaît comme un comportement et un réflexe élémentaire et nécessaire pour tout employé. En effet, le versement du salaire représente en règle générale un élément de première importance pour les salariés, puisque ceux-ci en dépendent en particulier pour assumer les dépenses de la vie courante et leur survie économique. S’il faut reconnaître que l’option prise par le recourant de ne pas consulter régulièrement ses comptes et de ne pas vérifier le versement de son salaire relève de son libre arbitre et d’un choix qui n’est en soi pas répréhensible, il en va autrement d’un point de vue de l’assurance-chômage et en particulier dans un contexte de demande d’ICI, où un tel comportement doit être considéré comme relevant à tout le moins de la négligence grave en relation avec l'obligation de diminuer le dommage au sens de l’article 55 LACI, à moins que l'employé puisse invoquer des motifs justificatifs, comme par exemple une atteinte à la santé psychique suffisamment grave qui l'empêchait de procéder à cette opération simple et courante ou une altération de sa capacité de discernement pour d’autres motifs, ce qui sera examiné ci-après. Ceci étant, on peine à concevoir comment le recourant, en présence de comptes présentant « de lourdes pertes » pouvait solliciter des prêts de son entourage sans toutefois réaliser que ses salaires n'étaient pas régulièrement versés. Il paraît qu’une situation suffisamment inquiétante pour amener une personne à solliciter des prêts de personnes proches doit forcément l'inciter à vérifier si les rentrées financières attendues – en particulier des rentrées à échéance régulière et non litigieuses comme des salaires – ont été versées sur le compte. Il est relevé par ailleurs que le recourant n'est pas crédible lorsqu'il prétend avoir sollicité des prêts en raison de l'état de ses comptes sans toutefois réaliser que ses salaires n'étaient pas versés.

b) Cela étant, il faut examiner si le recourant a rendu vraisemblable l’existence de motifs qui justifieraient, d’un point de vue de la législation en matière d’assurance-chômage, son absence d’intérêt à vérifier le versement régulier de son salaire et, partant, l’absence de toute démarche à l’encontre de son employeur en vue de minimiser le dommage. De ce point de vue, le recourant fait valoir qu’il a souffert de troubles psychiatriques qui l’ont empêché de travailler à plein temps de mai 2017 à mai 2019, seule une activité à 20 % étant possible à partir du 30 janvier 2018. Il invoque aussi que ces troubles ont eu une lourde répercussion sur la gestion de ses affaires administratives. Il explique que si la mise en place d’une curatelle a été évoquée avec son psychiatre, il y avait renoncé compte tenu des conséquences qu’une telle mesure impliquait sur la prise en charge de ses enfants et aussi parce qu’elle ne semblait pas opportune compte tenu de toutes les circonstances.

La Cour de céans constate qu'au moment le plus tôt à partir duquel une incapacité de travail du recourant a été attestée (03.05.2017), cela faisait déjà onze mois que ses salaires étaient versés avec des retards croissants allant jusqu’à quatre mois, et qu’aucun salaire n’avait été versé au cours de trois mois différents (octobre et décembre 2016, avril 2017). Cette absence de réaction pendant cette période suffit à elle seule à justifier un refus d’ICI au motif d’une violation de l’obligation de diminuer le dommage.

c) La Cour de céans observe par ailleurs que le recourant évoque avoir souffert d’une « grave dépression » qui a entraîné – selon les certificats au dossier – une incapacité de travail totale du 3 mai 2017 au 14 février 2018 puis de 80 % dès le 15 février 2018. Or, aucun des documents médicaux déposés ne fait état d'une « grave dépression ». A côté des nombreux certificats d’incapacité de travail – qui se limitent à circonscrire les périodes et le taux d’incapacité de travail sans fournir de justificatif médical et qui ne sont donc pas aptes à établir au degré de vraisemblance requis que le recourant aurait été dans l’incapacité de s’occuper de ses affaires administratives –, les certificats médicaux psychiatriques déposés au cours de la procédure mentionnent une incapacité de travail « pour des raisons psychiatriques » (certificat du Dr A.________, psychiatre, du 26.03.2019), « pour une affection dépressive interférant avec ses capacités cognitives et donc ses aptitudes à gérer ses affaires administratives » (certificat du Dr B.________, psychiatre, du 27.09.2019), ou « pour un trouble anxiodépressif et un processus transgenre. Un suivi psychothérapeutique a été engagé en ce sens pour améliorer la gestion des émotions » (attestation du Dr C.________, médecin assistant, du 28.11.2019). Ces écrits, qui ne contiennent aucun diagnostic et se limitent à décrire en termes vagues l'atteinte à la santé du patient, ne permettent pas de retenir avec le degré de vraisemblance requis que le recourant – même pendant la période couverte par une incapacité de travail à 100 % – se serait trouvé dans l'incapacité de s'occuper de ses affaires administratives les plus élémentaires et les plus simples et donc de vérifier le versement de son salaire sur son compte. Le fait que le recourant ait renoncé à l'éventualité d'une curatelle parce qu'une telle mesure « ne semblait pas opportune (…) en tenant compte de toutes les circonstances » ne permet en tout cas pas d'affirmer qu'il n'était pas capable de s'occuper de ses affaires administratives et notamment la vérification du versement de son salaire.

d) Le recourant évoque qu'une relation de confiance particulière s'était tissée au fil du temps entre lui et son employeur et que ce rapport de confiance doit être pris en considération. La Cour de céans relève que selon la jurisprudence, des liens familiaux entre l'employé et l'employeur ne sont pas en soi suffisants pour atténuer l'obligation d'entreprendre les démarches utiles en vue de récupérer la créance de salaire, ne serait-ce que d'un point de vue de l'égalité de traitement (arrêts du TF du 17.06.2020 [8C_327/2020] cons. 6, du 23.10.2009 [8C_682/2009] cons. 4.2, du 14.02.2006 [C 240/05] cons.2.3). Ce raisonnement valable pour les liens familiaux trouve sans autre à s'appliquer aux relations fondées sur la confiance : le recourant ne peut ainsi rien exciper du lien de confiance particulier entre lui et son employeur pour justifier l'absence de mesures en vue d'obtenir le versement de ses créances salariales ou l'absence de mesures administratives élémentaires comme la vérification du versement du salaire sur son compte.

e) Compte tenu de ce qui précède, il importe peu de savoir si les démarches entreprises par le recourant depuis mars 2019 peuvent être en soi considérées comme suffisantes au sens de l'article 55 LACI ou non. Il suffit de constater que dans le cadre d'une appréciation d'ensemble du dossier, le recourant n'a pas entrepris les démarches qui pouvaient légitimement être attendues de lui pour diminuer le dommage à partir du moment où son employeur a commencé à payer les salaires en retard.

f) Les considérations qui précèdent amènent au rejet du recours.

5.                                Il est statué sans frais, la procédure étant en principe gratuite (art. 61 let. a LPGA en lien avec l’art. 83 LPGA), et sans dépens (art. 61 let. g LPGA a contrario).

Par ces motifs,
la Cour de droit public

1.    Rejette le recours.

2.    Statue sans frais.


 

3.    N'alloue pas de dépens.

Neuchâtel, le 22 janvier 2021

Art. 51 LACI
Droit à l’indemnité
 

1 Les travailleurs assujettis au paiement des cotisations, qui sont au service d’un employeur insolvable sujet à une procédure d’exécution forcée en Suisse ou em­ployant des travailleurs en Suisse, ont droit à une indemnité pour insolvabilité (ci-après in­demnité) lorsque:171

a. une procédure de faillite est engagée contre leur employeur et qu’ils ont, à ce moment-là, des créances de salaire envers lui ou que

b.172 la procédure de faillite n’est pas engagée pour la seule raison qu’aucun créan­cier n’est prêt, à cause de l’endettement notoire de l’employeur, à faire l’avance des frais ou

c.173 ils ont présenté une demande de saisie pour créance de salaire envers leur em­ployeur.

2 N’ont pas droit à l’indemnité les personnes qui fixent les décisions que prend l’em­ployeur – ou peuvent les influencer considérablement – en qualité d’associé, de membre d’un organe dirigeant de l’entreprise ou encore de détenteur d’une partici­pa­tion financière à l’entreprise; il en va de même des conjoints de ces personnes, lors­qu’ils sont occupés dans la même entreprise.174


171 Nouvelle teneur selon le ch. I de la LF du 5 oct. 1990, en vigueur depuis le 1er janv. 1992 (RO 1991 2125FF 1989 III 369).

172 Introduite par le ch. I de la LF du 5 oct. 1990, en vigueur depuis le 1er janv. 1992 (RO 1991 2125FF 1989 III 369).

173 Anciennement let. b.

174 Introduit par le ch. I de la LF du 23 juin 1995, en vigueur depuis le 1er janv. 1996 (RO 1996 273FF 1994 I 340).

Art. 55 LACI
Obligations de l’assuré
 

1 Dans la procédure de faillite ou de saisie, le travailleur est tenu de prendre toutes les mesures propres à sauvegarder son droit envers l’employeur, jusqu’à ce que la caisse l’informe de la subrogation dans ladite procédure. Une fois que la caisse est devenue partie à la procédure, le travailleur est tenu de l’assister utilement dans la défense de ses droits.

2 Le travailleur est tenu de rembourser l’indemnité, en dérogation à l’art. 25, al. 1, LPGA178, lorsque sa créance de salaire n’est pas admise lors de la faillite ou de la saisie ou n’est pas couverte à la suite d’une faute intentionnelle ou d’une négligence grave de sa part ou encore que l’employeur a honoré la créance ultérieurement.179


178 RS 830.1

179 Nouvelle teneur selon l’annexe ch. 16 de la LF du 6 oct. 2000 sur la partie générale du droit des assurances sociales, en vigueur depuis le 1er janv. 2003 (RO 2002 3371FF 1991 II 181 8881994 V 8971999 4168).