A.                               X.________, ressortissant portugais né en 1981, assuré auprès de CSS Assurance-maladie SA (ci-après : CSS) pour l’assurance obligatoire des soins dans le cadre du modèle « assurance Cabinets de santé », a séjourné au Portugal du 22 décembre 2017 au 8 janvier 2018. Le 27 décembre 2017, il a effectué un contrôle de routine chez son médecin-dentiste, le Dr A.________, qui a découvert un kyste occupant la mandibule postérieure droite et le ramus, impliquant les racines de la troisième molaire et la racine distale de la deuxième des septa internes créant une apparence multiloculaire. Le 29 décembre 2017, l’assuré a subi une chirurgie à la Clinique [aaa], à Lisbonne, ayant consisté en l’extraction des dents 47 et 48, au retrait complet du kyste, à la préservation du nerf alvéolaire, à un curetage complet et une ostéotomie périphérique ainsi qu’à une fermeture par lambeau mucopériosté. Il y est resté hospitalisé ensuite jusqu’au 4 janvier 2018. Le coût de l’intervention s’est élevé à 6'309 euros. Dans son rapport clinique du 10 janvier 2018, le Dr D.________ a notamment indiqué que, d’après la présentation graphique et radiologique, la lésion était soupçonnée être une tumeur ondotogène kératokystique (ci-après : KOT), ce qui a été confirmé par le rapport d’examen histopathologique daté du 8 janvier 2018 du Centre [bbb].

De retour en Suisse, l’assuré a poursuivi son traitement auprès du Dr B.________, qui a complété, le 22 janvier 2018, un formulaire « Lésions dentaires selon la LAMal, Résultats d’examen/devis » adressé à CSS dans lequel il décrit une « perte 48 et 47 en raison d’un kératokyste avec surinfection aigüe ». L’assuré a fait parvenir à CSS un formulaire « Questionnaire pour l’étranger pour les traitements d’urgence » daté du 23 janvier 2018, dans lequel il décrit sa maladie comme suit : « Kyste (tumeur) – suite à une radiographie prise pour déterminer un ajustement pour une couronne pour une dente (sic) supérieure, j’ai découvert sur l’image, sur la partie inférieure, qu’il y avait un kyste. Mon médecin dentiste, Dr. A.________, m’a dit qu’il fallait le retirer immédiatement vu que cela pouvait être un cancer et que cela pouvait se casser à tout moment (sic) ».

Par recommandation du 18 février 2018, le Dr C.________, médecin-dentiste conseil de CSS, a indiqué que le cas de l’assuré ne représentait en aucun cas une urgence, qu’il était asymptomatique et que la découverte de la lésion était fortuite, qu’il aurait pu attendre, voire qu’il aurait été préférable, de rentrer en Suisse pour se faire opérer, que le kyste présumé (probable) n’était pas en relation avec la dent 47 et qu’il pensait qu’il appartenait à l’assureur d’apprécier la part du montant qu’il estimait être à sa charge. Par courrier du 5 avril 2018, faisant suite à cette recommandation et après avoir requis divers documents de l’assuré, CSS a informé ce dernier du fait qu’elle ne prendrait pas en charge les frais pour les prestations fournies dans le cadre du traitement dentaire du 27 décembre 2017 au 4 janvier 2018.

L’assuré a manifesté son désaccord avec cette solution, de sorte que CSS a demandé une nouvelle recommandation au Dr C.________. Le 9 juin 2018, ce dernier a notamment indiqué « [qu’]il n’y avait aucune notion d’urgence au sens de la loi, mais l’assuré a été induit à penser le contraire », que « [s]ur le plan médical, la kystectomie en question était indiquée » et que « [c]e qui est discutable, c’est le moment et la nécessité ou non d’extraire la dent 47, ainsi que le besoin d’une [anesthésie générale] ». Il a néanmoins revu en partie cette appréciation en relatant de la manière suivante un échange téléphonique avec le Dr B.________ : « [i]l partage mon avis en ce qui concerne l’intervention réalisée au Portugal. L’intervention n’était pas urgente et pouvait attendre le retour de l’assuré en Suisse. Toutefois l’assuré se devait de faire confiances aux infos fournies et d’accepter l’intervention au Portugal. Selon le Dr B.________, l’avulsion de la dent 47 était indiquée. Toujours selon lui, l’intervention aurait pu se faire sous [anesthésie locale]. Par conséquent, je recommande d’accepter la prise en charge de l’intervention réalisée au Portugal selon mon estimation figurant dans l’AVD précédent, en y ajoutant l’avulsion de la 47 ». Sur cette base, par courrier du 31 juillet 2018, CSS a informé l’assuré qu’elle maintenait son refus de fournir des prestations. Par courrier du 30 août 2018 l’assuré a sollicité de CSS qu’elle rende une décision formelle.

Par décision du 1er avril 2019, CSS a refusé de prendre en charge le traitement dentaire auquel a été soumis l’assuré du 27 décembre 2017 au 4 janvier 2018 en retenant notamment qu’il ne s’agissait pas d’un cas d’urgence et que l’assuré aurait dû contacter son médecin coordinateur conformément à ce que prévoyait son modèle d’assurance. En outre, l’entraide en matière de prestations découlant du droit européen n’était pas applicable étant donné qu’elle ne s’appliquait pas aux prestataires privés qui ne travaillent pas pour le compte de l’assurance-maladie sociale. Le 17 avril 2019, l’assuré a formé opposition à cette décision. Dans sa motivation fournie le 10 juillet 2019, il a notamment fait valoir que le caractère urgent de l’intervention était donné en se basant sur rapport du Dr D.________ du 15 mai 2019 indiquant que la chirurgie immédiate était justifiée par la suspicion d’une KOT vu que : (1) il s’agit d’une tumeur bénigne ayant un comportement potentiellement agressif et infiltrant, un taux de récurrence élevé et un potentiel de destruction des os et des tissus mous voisins, (2) que sa présence affaiblit la mâchoire qui peut se fracturer, (3) qu’il existe des cas de KOT ayant envahi et pénétré la base du crâne entraînant ainsi la mort du patient et (4) qu’elle nécessite l’intervention d’un chirurgien expérimenté. La présence d’une KOT a ensuite été confirmée par l’examen histopathologique.

A nouveau sollicité par CSS, le Dr C.________ a notamment relevé, dans un courrier du 29 octobre 2019, que les rapports du Dr D.________ des 10 janvier 2018 et 15 mai 2019 comportaient quelques contradictions, qu’il ne s’agissait pas d’une urgence et qu’après examen du dossier, l’intervention aurait pu se faire en Suisse après le retour de l’assuré le 8 janvier 2018 et qu’il aurait même été préférable de procéder ainsi afin qu’il soit préalablement procédé à une biopsie et un bilan d’extension.

Par décision sur opposition du 4 novembre 2019, CSS a rejeté l’opposition de l’assuré et confirmé sa décision du 1er avril 2019. En substance, elle a retenu que la réglementation européenne portant sur la coordination des systèmes de santé ne s’appliquait pas étant donné qu’elle ne concernait pas les fournisseurs privés, comme en l’espèce; que le droit suisse permet de prendre en charge les frais de traitement effectués à l’étranger uniquement en cas d’urgence, circonstance qui n’était pas donnée en l’espèce; que l’assuré n’était pas non plus protégé dans sa bonne foi vu que CSS ne lui avait promis aucun prise en charge et que, par surabondance, il n’avait de toute façon pas respecté les obligations découlant de son modèle d’assurance afin de pouvoir prétendre au remboursement des frais de traitement.

B.                               X.________ recourt à l’encontre de cette décision sur opposition devant la Cour de droit public du Tribunal cantonal. Il conclut, sous suite de frais et dépens, principalement à ce que ladite décision soit réformée en ce sens que les coûts de traitement sont pris en charge par CSS et à ce que celle-ci soit condamnée à lui rembourser la somme de 6'309 euros, ou de 7'498.25 francs, avec intérêts à 5 % l’an dès le 1er janvier 2018, subsidiairement à ce que la cause soit renvoyée à CSS pour qu’elle calcule le montant devant lui être remboursé et, plus subsidiairement, à l’annulation de la décision et au renvoi de la cause à CSS pour qu’elle instruise correctement le dossier par une expertise médicale indépendante et qu’elle rende une nouvelle décision sur cette base. Tout d’abord, il fait valoir qu’il y a lieu d’appliquer la règlementation européenne en matière de coordination des systèmes de santé, selon laquelle le remboursement intégral des prestations doit intervenir de la part de l’assureur. En outre, il remet en cause la valeur probante des appréciations du Dr C.________, notamment en raison du fait que celles-ci sont en contradiction avec les rapports du Dr D.________ et du Dr A.________, de sorte qu’il y a lieu de reconnaître le caractère urgent de la prestation. Enfin, il se prévaut également de l’application du principe de la bonne foi.

C.                               Dans ses observations, CSS conclut au rejet du recours en toutes ses conclusions et à la confirmation de la décision entreprise, sans frais ni dépens.

C O N S I D E R A N T

en droit

1.                                Interjeté dans les formes et délai légaux, le recours est recevable.

2.                                A titre liminaire se pose la question du droit applicable au cas d’espèce. En effet, l’intimée soutient que seul le droit suisse est applicable, alors que le recourant estime qu’il doit être fait application du Règlement (CE) n° 883/2004 du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 portant sur la coordination des systèmes de sécurité sociale, modifié par le Règlement (CE) n° 988/2009 du Parlement européen et du Conseil du 16 septembre 2009 (RS 0.831.109.268.1; ci-après : Règlement n° 883/2004).

a) En Suisse, l’assurance-maladie obligatoire repose sur le principe de la territorialité. Celui-ci souffre toutefois d’exceptions, notamment celles consacrées à l’article 36 OAMal, ainsi que celles découlant de la coordination sociale européenne. En matière d’assurance-maladie, la primauté des règles de la coordination sociale européenne, découlant de l’Accord du 21 juin 1999 entre, d'une part, la Confédération suisse, d'autre part, la Communauté européenne et ses Etats membres sur la libre circulation des personnes (ci-après : ALCP), est consacrée à l’article 95a LAMal.

b) En vertu de l’ALCP, la Suisse s’est engagée à participer à la coordination des systèmes de sécurité sociale en vigueur dans les Etats membres de l’Union européenne (dont le Portugal fait partie), et à appliquer notamment, dans le domaine de l’assurance-maladie, le Règlement n° 883/2004, complété par le Règlement (CE) n° 987/2009 du Parlement européen et du Conseil du 16 septembre 2009 fixant les modalités d'application du règlement (CE) n° 883/2004 portant sur la coordination des systèmes de sécurité sociale (RS 0.831.109.268.11; ci-après : Règlement n° 987/2009). Ces règles d’entraide permettent de déroger aux règles du droit interne suisse. Elles améliorent la prise en charge des soins octroyés à l’étranger; elles donnent accès aux soins, obtenus lors d’un séjour dans un Etat membre ou de façon planifiée, avec un remboursement intégral des frais engagés. Elles recouvrent deux hypothèses principales, à savoir le cas dans lequel l’assuré a besoin de prestations en nature (soins de santé) au cours d’un séjour dans l’autre Etat partie à l’ALCP (art. 19 du Règlement n° 883/2004), et le cas dans lequel l’assuré se déplace dans un autre Etat membre pour bénéficier de tels soins (art. 20 du Règlement n° 883/2004) (arrêt de la Chambre des assurances sociales de la Cour de justice de Genève du 26.11.2019 [ATAS/1088/2019] cons. 3d et les références citées).

c) Les Règlements n° 883/2004 et n° 987/2009 supposent l’existence d’une situation transfrontalière. Ceux-ci s’appliquent notamment aux ressortissants d’Etats membres qui sont soumis à la législation d’un Etat membre et aux ressortissants d’Etats tiers qui sont membres de la famille ou survivants d’un bénéficiaire des Règlements. Sur le plan matériel, ils s’appliquent notamment aux prestations de maladie, de maternité et de paternité assimilées. De plus, le fait qu’un élément transfrontalier soit nécessaire ne signifie pas que l’intéressé doive littéralement migrer d’un Etat membre à un autre; il peut notamment se déplacer en tant que touriste (Kahil-Wolff, Partie XI : La coordination européenne des systèmes de sécurité sociale, in : Frésard-Fellay/Kahil-Wolff/Perrenoud (édit.), Droit suisse de la sécurité sociale, vol. II, n. 21ss, pp. 591ss).

d) En l’espèce, le recourant était assuré en Suisse pour l’assurance obligatoire des soins et a bénéficié de prestations en nature au Portugal, de sorte que l’existence d’une situation transfrontalière ne fait aucun doute. Il en va de même concernant le champ d’application matériel du Règlement n° 883/2004, étant donné qu’il n’est pas remis en cause, qu'il est question de prestation de maladie (art. 3 § 1 let. a du Règlement n° 883/2004) et que le recourant entre dans le champ d’application personnel (art. 2 § 1 du Règlement no 883/2004).

e) Contrairement à ce que soutient l’intimée, il est erroné de considérer que « le [R]èglement [n° 883/2004] ne s’applique pas au cas présent dans la mesure où le recourant s’est adressé à une clinique privée ». En effet, l'application des règles de conflit du Règlement n° 883/2004, qui déterminent la législation applicable, est obligatoire pour les Etats membres; elles forment un système de règles de conflit dont le caractère complet a pour effet de soustraire aux législateurs nationaux le pouvoir de déterminer l'étendue et les conditions d'application de leur législation nationale en la matière, quant aux personnes qui y sont soumises et quant au territoire à l'intérieur duquel les dispositions nationales produisent leurs effets (ATF 146 V 290 cons. 3.2 et les références citées). Ainsi, même si, comme le relève à raison l’intimée, les questions relatives aux prestations assurées, au remboursement et à la participation aux coûts doivent effectivement s’examiner à la lueur du droit portugais, il n’en demeure pas moins que la situation du recourant doit être traitée en application du Règlement n° 883/2004 et non des dispositions de la LAMal et de l’OAMal. La détermination de l’éventuelle prise en charge des prestations en application du droit portugais découlant justement de l’application des règles de la coordination sociale européenne, elle devra donc être examinée dans un deuxième temps, si l’application des normes du Règlement n° 883/2004 conduit à admettre la nécessité des prestations en cause.

3.                                Les parties s’accordent sur le fait que le recourant ne s’est pas rendu au Portugal dans le but de bénéficier de prestations en nature. Dans ces circonstances, c’est sur la base de l’article 19 du Règlement n° 883/2004, soit d’un séjour à l’étranger non motivé par des raisons médicales, que la situation doit être examinée.

a) L’article 19 § 1 du Règlement n° 883/2004 dispose qu’une personne assurée et les membres de sa famille qui séjournent dans un Etat membre autre que l'Etat membre compétent peuvent bénéficier des prestations en nature qui s'avèrent nécessaires du point de vue médical au cours du séjour, compte tenu de la nature des prestations et de la durée prévue du séjour. Ces prestations sont servies pour le compte de l'institution compétente, par l'institution du lieu de séjour, selon les dispositions de la législation qu'elle applique, comme si les personnes concernées étaient assurées en vertu de cette législation. Aux fins de l’application de cette disposition, l’article 25 § 1 du Règlement n° 987/2009 dispose que la personne assurée présente au prestataire de soins de l’Etat membre de séjour un document délivré par l’institution compétente (en Suisse : l’assureur-maladie LAMal délivre ce document, soit la Carte européenne d’assurance maladie), attestant ses droits aux prestations en nature. Ledit document indique que la personne assurée a droit aux prestations en nature selon les modalités prévues par l’article 19 § 1 du Règlement n° 883/2004, aux même conditions que celles applicables aux personnes assurées au titre de la législation de l’Etat membre de séjour (art. 25 § 2 du Règlement n° 987/2009).

Les prestations en nature visées à l’article 19 § 1 du Règlement n° 883/2004 visent les prestations en nature servies dans l’Etat membre de séjour, selon la législation de ce dernier et qui s’avèrent nécessaires du point de vue médical afin que la personne assurée ne soit pas contrainte de rejoindre, avant la fin de la durée prévue de son séjour, l’Etat membre compétent pour y recevoir un traitement nécessaire (art. 25 § 3 du Règlement n° 987/2009). La notion de « prestations en nature […] qui s’avèrent nécessaires du point de vue médical » requiert une évaluation des moyens mis en œuvre par rapport au but poursuivi, comme en matière de proportionnalité. En revanche, le but recherché ici n’est pas de réduire le plus possible une atteinte à un droit fondamental, mais de déterminer les moyens médicalement nécessaires au regard de l’état de santé d’un assuré. Bien que cette détermination se fasse d’un point de vue exclusivement médical, il convient cependant de prendre également en considération le type de soins et la durée planifiée du séjour. En d’autres termes, une personne assurée en Suisse n’est pas tenue d’interrompre prématurément son séjour à l’étranger pour ne pas perdre son droit au remboursement des soins vis-à-vis de l’assureur-maladie suisse. Admettre le contraire contreviendrait à l’esprit de l’article 19 du Règlement n° 883/2004, lequel a pour but de favoriser la libre circulation des personnes. En conséquence, le critère de l’aptitude au rapatriement s’avère trop restrictif et l’assureur-maladie suisse ne saurait limiter la prise en charge des soins aux seules urgences médicales survenues dans un Etat partie à l’ALCP (arrêt de la Chambre des assurances sociales de la Cour de justice de Genève du 19.01.2015 [ATAS/28/2015] cons. 4c/bb et les références citées, auquel renvoie l’arrêt du TF du 17.07.2015 [9C_144/2015] cons. 2.2). Au contraire, plus la durée planifiée du séjour à l’étranger est longue, plus la notion de « prestations en nature médicalement nécessaires » doit être interprétée avec mansuétude. Le principe de la proportionnalité exige, toutefois, que « seul un traitement symptomatique léger » soit dispensé « en cas de maladie bénigne »; autrement dit, ce n’est que « s’il est absolument nécessaire, d’un point de vue médical, d’éviter une aggravation ou de traiter sans tarder en profondeur les causes d’une pathologie qu’il y a lieu d’envisager des soins allant au-delà d’un traitement symptomatique » (Perrenoud, Les prestations de soins en cas de maternité – analyse des prestations dispensées en Suisse et à l’étranger, in : Dupont/Guillod (édit.), Réflexions romandes en droit de la santé, 2016, p. 154-155 et les références citées). Cette notion est ainsi plus large que celle de l’aptitude au rapatriement consacrée en droit interne. Elle déroge ainsi à l’article 34 al. 2 LAMal, respectivement à l’article 36 OAMal, en ouvrant la possibilité d’une prise en charge, même en l’absence d’urgence, dans un pays de l’Union européenne, respectivement de l’AELE (Kahil-Wolff Hummer, in : Blechta et al. (édit.), Basler Kommentar, Krankenversicherungsgesetz – Krankenversicherungs-aufsichts-gesetz, 2020, n. 20 ad art. 95a KVG).

b) Dans ces circonstances, l’interprétation purement littérale faite par le recourant en s’appuyant sur la définition du mot « nécessaire » pour conclure à la prise en charge du traitement par l'intimée ne saurait être retenue. En effet, la détermination du caractère nécessaire doit se faire d’un point de vue médical. A cet égard, il doit être relevé qu’il est inhérent au système de coordination sociale européenne en matière de prestations médicales, et notamment de l’article 19 du Règlement n° 883/2004, qu’en l’absence d’éléments en démontrant le caractère abusif, l’appréciation de la situation médicale faite par les médecins de l’Etat de séjour bénéficie d’une présomption de confiance pour l’institution d’assurance (arrêt de la Cour des assurances sociales de la Cour de justice de Genève du 26.11.2019 [ATAS/1088/2019] cons. 8a et la référence à l’arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne du 12.04.05 [C-145/03] § 43 ss). D’après la jurisprudence européenne, dès lors que l’institution compétente a consenti à ce que son assuré social reçoive des soins médicaux en dehors de l’Etat membre – ce qu’elle fait par le délivrance d’un formulaire E111 ou E112 (depuis remplacés par la Carte européenne d’assurance-maladie) – elle s’en remet aux médecins agréés par l’institution de l’Etat membre de séjour, opérant dans le cadre de leur mission, appelés à prendre en charge l’intéressé et est tenue d’accepter et de reconnaître les constatations effectuées et les options thérapeutiques arrêtées par ces médecins comme si elles émanaient de médecins agréés qui auraient eu à prodiguer des soins à l'assuré dans l'Etat membre compétent, sous réserve de l'existence éventuelle d'un comportement abusif; en effet, les médecins établis dans l’Etat membre de séjours sont à l’évidence les mieux placés pour apprécier l’état de santé de l’intéressé et les soins immédiats requis par cet état (arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne du 12.04.05 [C-145/03] § 50-51).

c) En l’espèce, force est de constater que d’après le rapport du 15 mai 2019 du Dr D.________, une opération immédiate était justifiée. Cette appréciation semble confirmée par la déclaration du Dr A.________ du 28 novembre 2019, dont la traduction libre figurant dans le recours n’a pas été remise en cause par l’intimée dans sa réponse. Par ailleurs, le seul fait que le Dr C.________ ait une appréciation différente du caractère urgent de l’opération, appréciation qu’il indique d’ailleurs basée sur la notion légale découlant de l’article 36 OAMal, qui n’est pas applicable en l’espèce et dont la portée est plus restreinte que celle de l’article 19 du Règlement n° 883/2004 – ne suffit pas à faire apparaître celle du Dr D.________ comme étant abusive. Partant, l’avis médical du Dr D.________ doit se voir reconnaître force probante, de sorte que les prestations en nature dont a bénéficié le recourant doivent être considérées comme étant nécessaires au sens de l’article 19 § 1 du Règlement n° 883/2004.

d) Cela étant, il y a lieu de se pencher sur la question du remboursement des prestations en application du Règlement n° 883/2004. Comme le relève justement l’intim. dans ses observations (ch. 3.2), les prestations assurées sont celles prévues par la législation du pays de séjour, de sorte que cette question doit s’examiner sous l’angle du droit portugais. En l’état, le dossier ne renseigne pas à satisfaction sur ce point. Se référant à une feuille d’information éditée par l’Institution commune LAMal, l’intimée indique qu’au Portugal, l’étendue du droit aux prestations correspond à celle d’une personne assurée légalement pour les soins au Portugal; que la personne assurée peut s’adresser au fournisseur de soins reconnus, soit à chaque centre de soins, à chaque centre de soins familial ou à un médecin conventionné du Service sanitaire national; que pour les cas d’urgence, la personne assurée peut s’adresser à un hôpital public. Il est aussi écrit dans cette feuille d’information que si une personne s’adresse au Portugal à un médecin non autorisé à exercer en tant que tel, les frais de traitement lui seront directement facturés et que dans un tel cas, l’assurance-maladie portugaise est dans l’impossibilité de procéder à un remboursement.

Cela étant, l’intimée affirme que la Clinique [aaa] n’est pas un hôpital public (observations ch. 3.2) et que l’assuré s’est fait traiter auprès d’un prestataire privé ne travaillant pas pour le compte de l’assurance-maladie sociale portugaise (décision sur opposition du 04.11.2019, ch. 3.31). Or, ces affirmations ne sont nullement étayées. En effet, le dossier ne contient aucun élément qui permettrait de déterminer le statut, vis-à-vis de l’assurance-maladie sociale portugaise, des professionnels de la santé qui ont traité l’assuré. Le dossier ne contient pas non plus d’éléments qui permettraient de déterminer si les soins prodigués à l’assuré entrent dans le cercle des prestations en nature auxquelles peuvent prétendre les personnes assurées légalement pour les soins au Portugal selon la législation de cet Etat. L’intimée laisse d’ailleurs expressément ouverte la question de savoir si les traitements dentaires dont a bénéficié l’assuré sont couverts par le système de santé du Portugal. Ainsi, force est de constater que le dossier ne permet pas, en l’état, de savoir si et, le cas échéant, dans quelle mesure les prestations en nature dont a bénéficié le recourant sont prise en charge en vertu de la législation portugaise.

4.                                a) Au vu de ce qui précède, le recours doit être admis et la décision entreprise annulée. Le dossier doit ainsi être renvoyé à l’intimée afin qu’elle complète l’instruction sur la question de la prise en charge des prestations en nature dont a bénéficié le recourant sous l’angle du droit portugais avant de rendre une nouvelle décision en application des dispositions du Règlement n° 883/2004.

b) Il est statué sans frais, la procédure étant gratuite (art. 61 let. a LPGA en lien avec l'art. 83 LPGA). Le recourant, qui obtient gain de cause, a droit à des dépens dont le montant est déterminé sans égard à la valeur litigieuse d’après l’importance et la complexité du litige (art. 61 let. g LPGA). Le montant des dépens doit être défini dans les limites prévues par la loi du 6 novembre 2019 fixant le tarif des frais, des émoluments de chancellerie et des dépens en matière civile, pénale et administrative (LTFrais; RSN 164.1), entrée en vigueur le 1er janvier 2020 et applicable à la présente cause (art. 69 LTFrais). Le mandataire du recourant allègue une activité de 12 heures 54 minutes au tarif horaire de 280 francs. Il ressort du décompte d’activité livré par le mandataire que certaines des activités prises en compte (réception et scannage de documents, envoi du recours) relèvent d’une activité de secrétariat qui fait partie des frais généraux et qui est ainsi comprise dans le tarif horaire, de sorte qu’il n’y a pas lieu d’en tenir compte séparément. Par ailleurs, la durée globale (12h30) consacrée à l’étude du dossier (lecture et analyse) et à la rédaction puis à la finalisation du recours (2h30 + 9h00 + 1h00) paraît dépasser ce qui était nécessaire au vu du litige, ce d'autant plus que Me E.________ représentait déjà l'assuré dans le cadre de la procédure d'opposition devant l'assureur-maladie. Tout bien considéré, l’activité nécessaire déployée par le mandataire devant la Cour de céans peut être évaluée à 10 heures. Eu égard au tarif usuellement appliqué par la Cour de céans, de l'ordre de 280 francs de l'heure (soit en l'espèce CHF 2’800), des frais forfaitaires à raison de 10 % des honoraires (art. 63 LTFrais, par renvoi de l’art. 67 LTFrais, soit CHF 280) et de la TVA (au taux de 7,7 %, soit CHF 237.15), l'indemnité de dépens est fixée à 3'317.15 francs tout compris. Ils sont mis à charge de l’intimée.

Par ces motifs,
la Cour de droit public

1.    Admet le recours.

2.    Annule la décision sur opposition du 4 novembre 2019 et renvoie la cause à l’intimée pour complément d’instruction et nouvelle décision au sens des considérants.

3.    Statue sans frais.

4.    Alloue au recourant une indemnité de dépens de 3'317.15 francs tout compris, à charge de l’intimée.

Neuchâtel, le 26 janvier 2021

Art. 19 R(CE) n°883/2004
Séjour hors de l’Etat membre compétent
 

1.  A moins que le par. 2 n’en dispose autrement, une personne assurée et les membres de sa famille qui séjournent dans un Etat membre autre que l’Etat membre compétent peuvent bénéficier des prestations en nature qui s’avèrent nécessaires du point de vue médical au cours du séjour, compte tenu de la nature des prestations et de la durée prévue du séjour. Ces prestations sont servies pour le compte de l’insti­tution compétente, par l’institution du lieu de séjour, selon les dispositions de la législation qu’elle applique, comme si les personnes concernées étaient assurées en vertu de cette législation.

2.  La commission administrative établit une liste des prestations en nature qui, pour être servies pendant un séjour dans un autre Etat membre, nécessitent pour des raisons pratiques un accord préalable entre la personne concernée et l’institution dispensant les soins.