A.                               X.________, ressortissant néerlandais né en 1956, est arrivé en Suisse le 1er janvier 2013 pour rejoindre sa compagne A.________ avec laquelle il vivait aux Pays-Bas. Vu qu'il n'exerçait pas d'activité lucrative, cette dernière a signé une déclaration de prise en charge le 21 janvier 2013, si bien que l'intéressé a pu bénéficier d'une autorisation de séjour UE/AELE (« Octroi Bsej auprès de sa compagne, sans activité ») valable jusqu'au 1er janvier 2018. A.________ ayant informé le Service des migrations (ci-après : SMIG) le 10 juin 2015 qu'une séparation allait intervenir, X.________ a déposé deux contrats de travail le liant à Z.________, le premier relatant un engagement en qualité de patrouilleur scolaire dès le 1er novembre 2015 pour une durée indéterminée, les heures de travail étant fixées en fonction des besoins du service et de ses disponibilités, et le second une activité en qualité de volontaire de la sécurité publique (auxiliaire) dès le 1er mai 2017 pour une durée indéterminée. Sur cette base, le SMIG a octroyé le 25 août 2017 une autorisation de séjour avec activité lucrative, valable jusqu'au 1er janvier 2018.

Suite à son changement de domicile le 6 septembre 2017 et au retrait de la garantie financière de A.________ le 13 septembre 2017, l'intéressé a indiqué travailler près de 16 heures par semaine, son activité étant en partie régulière (patrouilleur scolaire) et l'autre partie, en qualité d'auxiliaire, étant destinée à augmenter, alléguant que ses activités étaient réelles et effectives.

En novembre 2017, il a à nouveau déménagé et, le 20 novembre 2017, le SMIG lui a octroyé un droit d'être entendu en lui indiquant que, son activité devant être qualifiée de marginale et accessoire, il ne pouvait se prévaloir de la qualité de travailleur si bien qu'il était envisagé de révoquer son autorisation de séjour. L'intéressé a fait usage de son droit d'être entendu le 28 novembre 2017 et allégué que ses deux activités lui permettaient d'être reconnu en qualité de travailleur.

Par décision du 7 décembre 2017, le SMIG a refusé la prolongation de l'autorisation de séjour UE/AELE, prononcé un renvoi et imparti un délai au 28 février 2018 à l'intéressé pour quitter le territoire suisse. Constatant que la moyenne mensuelle des heures travaillées s'élevait en 2017 à 50.56 heures et rapportait à X.________ 1'062.40 francs de revenu, il a qualifié son activité de marginale et accessoire. L'intéressé ne disposant plus de déclaration de prise en charge d'un tiers ou d'autres revenus, il a estimé qu’il n’avait plus la qualité de travailleur au sens de l'accord du 21 juin 1999 entre, d'une part, la Confédération suisse, d'autre part, la Communauté européenne et ses Etats membres sur la libre circulation des personnes (ALCP) et ne pouvait se prévaloir de cet accord à un autre titre.

Saisi d'un recours contre ce prononcé, le Département de l'économie et de l'action sociale (ci-après : le département) l'a rejeté par décision du 13 février 2020 confirmant l'appréciation précitée du SMIG et considérant par ailleurs que les conditions mises à l'octroi d'une autorisation de séjour pour les personnes sans activité lucrative n'étaient pas remplies, l'intéressé ne disposant pas de moyens financiers suffisants. Enfin, il a mis ce dernier au bénéfice de l'assistance administrative.

B.                               X.________ recourt contre la décision du département auprès de la Cour de droit public du Tribunal cantonal en concluant à son annulation ainsi qu’à celle rendue par le SMIG et à la prolongation de son autorisation de séjour UE/AELE, sous suite de frais et dépens. Il fait valoir, se fondant principalement sur la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne et sur les revenus réalisés (CHF 13'854 bruts en 2017, CHF 12'771 bruts en 2018 et CHF 13'990 bruts en 2019) que son activité exercée depuis près de 5 ans auprès du même employeur ne peut être considérée comme marginale et accessoire. Il sollicite par ailleurs l’assistance judiciaire.

C.                               Le SMIG et le département concluent au rejet du recours, sans formuler d'observations.

C O N S I D E R A N T

en droit

1.                                Interjeté dans les formes et délai légaux, le recours est recevable.

2.                                a) Le recourant est ressortissant des Pays-Bas et son séjour en Suisse est ainsi régi par l'échange de notes du 16 février 1935 entre la Suisse et les Pays-Bas relatif à l'autorisation d'établissement accordée aux ressortissants des deux Etats ayant 5 années de résidence régulière et ininterrompue sur le territoire de l'autre Etat (RS 0.142.116.364). Selon cet échange, les ressortissants néerlandais qui ont ou qui auront séjourné régulièrement en Suisse sans interruption depuis 5 ans se verront accorder l'autorisation d'établissement. Dès lors que le recourant a annoncé son arrivée en Suisse en janvier 2013, la question se pose de savoir s'il pourrait se prévaloir de cet échange de notes pour obtenir une autorisation d'établissement. L'échange prévoit toutefois qu'il n'est pas applicable aux ressortissants néerlandais qui sont considérés comme indésirables, soit au point de vue du maintien de l'ordre et de la sécurité publique, de la moralité et de la santé publique, soit parce qu'ils risquent de tomber à la charge de l'assistance publique.

b) Or le salaire net 2019 du recourant (CHF 10'805 + CHF 2'205) s'élève à 1'083 francs par mois, soit est inférieur au minimum vital pour un débiteur vivant seul (CHF 1'200 selon les normes d'insaisissabilité en vigueur dès le 1er janvier 2020). Il en est de même de la moyenne des salaires réalisés de janvier à juin 2020, soit 964.25 francs par mois. Ces revenus sont également inférieurs au montant obtenu en additionnant le forfait d'entretien selon les normes CSIAS et le loyer (CHF 986 + CHF 620, soit CHF 1'606). Il ressort de ce qui précède que l'intéressé risque de tomber à la charge de l'assistance publique étant donné qu'il ne dispose d'aucun autre moyen de subsistance si bien qu'il ne peut se prévaloir de cet échange de notes.

3.                                a) De même, en sa qualité de ressortissant néerlandais, le recourant peut, en principe, prétendre à l’octroi d’une autorisation de séjour en Suisse en vertu du droit à la libre circulation que lui confère l’ALCP (ATF 131 II 339 cons. 1.2; arrêt du TF du 31.03.2016 [2C_835/2015] cons. 1.1).

Selon l'article 4 ALCP, le droit de séjour et d’accès à une activité économique est garanti sous réserve des dispositions de l’article 10 et conformément aux dispositions de l’annexe I. Les ressortissants d’une partie contractante ont le droit de séjourner et d'exercer une activité économique sur le territoire de l'autre partie contractante selon les modalités prévues au chapitre II à IV de l'annexe I ALCP (art. 2 al. 1 Annexe I ALCP). L'article 6 al. 1 Annexe I prévoit que le travailleur salarié ressortissant d'une partie contractante qui occupe un emploi d'une durée égale ou supérieure à un an au service d'un employeur de l'Etat d'accueil reçoit un titre de séjour d'une durée de 5 ans au moins à dater de sa délivrance. Celui-ci est automatiquement prolongé, pour une durée de 5 ans au moins.

b) En vertu de l'article 23 al. 1 OLCP, les autorisations de séjour UE/AELE peuvent être révoquées ou ne pas être prolongées si les conditions requises pour leur délivrance ne sont plus remplies. En procédant à une interprétation de ces principes, le Tribunal fédéral a jugé qu'un étranger au bénéfice d'une autorisation de séjour UE/AELE peut perdre le statut de travailleur au sens de l'ALCP et par conséquent se voir refuser la prolongation, respectivement se voir révoquer l'autorisation de séjour dont il est titulaire si a) il se trouve dans un cas de chômage volontaire; b) on peut déduire de son comportement qu'il n'existe (plus) aucune perspective réelle qu'il soit engagé à nouveau dans un laps de temps raisonnable ou c) il adopte un comportement abusif par exemple en se rendant dans un autre Etat membre pour y exercer un travail fictif ou d'une durée extrêmement limitée dans le seul but de bénéficier de prestations sociales meilleures que dans son Etat d'origine ou dans un autre Etat membre (ATF 141 II 1 cons. 2.2.1). Les prolongations ultérieures du titre de séjour sont soumises à la condition que l'intéressé conserve la qualité de travailleur. Par ailleurs, une telle autorisation de séjour ne peut être révoquée pour la seule raison qu'un ancien travailleur fait appel à l'aide sociale (arrêt du TF du 08.12.2015 [2C_1162/2014] cons. 3.3 et 4.1, et les références citées).

4.                                L'autorisation de séjour du 1er février 2013 porte la mention « octroi Bsej auprès de sa compagne, sans activité » et constitue dès lors une autorisation pour personne sans activité lucrative. L'autorisation de séjour du 22 août 2017 mentionne quant à elle un changement de statut et d'adresse.

Il s'ensuit qu'en août 2017, le SMIG a, suite au dépôt par le recourant de ses deux contrats de travail, considéré ce dernier comme un travailleur salarié au sens de l'article 6 § 1 annexe I ALCP. Le SMIG mentionne dans sa décision qu'une telle autorisation lui a été octroyée bien que ses deux activités soient marginales et accessoires parce qu'il bénéficiait de la déclaration de prise en charge de son amie qui l'hébergeait. Or, une telle configuration n'est pas prévue par l'ALCP et le SMIG n'a pas indiqué conditionner l'octroi de l'autorisation à une déclaration de prise en charge. Une non-prolongation de l'autorisation de séjour ne pouvait dès lors intervenir que si l'intéressé avait perdu sa qualité de travailleur au sens précité. Or, à l'instar de la jurisprudence du Tribunal fédéral qui estime que le recours à l'aide sociale ne permet pas de considérer que l'étranger a perdu cette qualité, le retrait de la déclaration de prise en charge de A.________ ne constitue pas non plus un motif permettant de refuser dite prolongation, la situation professionnelle du recourant n'ayant par ailleurs pas changé. L'autorisation qui arrivait à échéance le 1er janvier 2018 devait dès lors être prolongée pour une durée de 5 ans.

5.                                Les considérants qui précèdent conduisent à l'admission du recours et à l'annulation des décisions du département et du SMIG. La cause doit être renvoyée à ce dernier pour nouvelle décision au sens des considérants. Vu l'issue de la cause, il est statué sans frais (art. 47 al. 2 LPJA). Le recourant qui obtient gain de cause a droit à des dépens (art. 48 LPJA). Me B.________ a déposé un mémoire d'honoraires par lequel elle fait état d'une activité de 6.5 heures qui se révèle adéquate à la défense des intérêts de son client. Vu le tarif horaire de 280 francs généralement appliqué par la Cour de céans, les dépens se montent à 1'840 francs auxquels il y a lieu d'ajouter les débours par 10 % (CHF 184) et la TVA au taux de 7.7 % (CHF 155.85) d'où un total de 2'179.85 francs.

La requête d'assistance judiciaire devient dès lors sans objet.

Par ces motifs,
la Cour de droit public

1.    Admet le recours.

2.    Annule la décision du département du 13 février 2020 et celle du SMIG du 7 décembre 2017.

3.    Renvoie la cause au SMIG pour nouvelle décision au sens des considérants.

4.    Statue sans frais.

5.    Alloue au recourant une indemnité de dépens de 2'179.85 francs à charge de l'Etat.

6.    Dit que la requête d'assistance judiciaire est sans objet.

Neuchâtel, le 6 novembre 2020

 

Art. 4 ALCP
Droit de séjour et d’accès à une activité économique
 

Le droit de séjour et d’accès à une activité économique est garanti sous réserve des dispositions de l’art. 10 et conformément aux dispositions de l’annexe I.

 


Art. 2 ALCP-AN1
Séjour et activité économique
 

(1) Sans préjudice des dispositions de la période transitoire arrêtée à l’art. 10 du présent accord et au chap. VII de la présente annexe, les ressortissants d’une partie contractante ont le droit de séjourner et d’exercer une activité économique sur le territoire de l’autre partie contractante selon les modalités prévues aux chap. II à IV. Ce droit est constaté par la délivrance d’un titre de séjour ou spécifique pour les frontaliers.

Les ressortissants des parties contractantes ont aussi le droit de se rendre dans une autre partie contractante ou d’y rester après la fin d’un emploi d’une durée inférieure à un an pour y chercher un emploi et y séjourner pendant un délai raisonnable, qui peut être de six mois qui leur permette de prendre connaissance des offres d’emplois correspondant à leurs qualifications professionnelles et de prendre, le cas échéant, les mesures nécessaires aux fins d’être engagés. Les chercheurs d’emploi ont le droit, sur le territoire de la partie contractante concernée, de recevoir la même assistance que celle que les bureaux d’emploi de cet Etat accordent à ses propres ressortissants. Ils peuvent être exclus de l’aide sociale pendant la durée de ce séjour.

(2) Les ressortissants des parties contractantes n’exerçant pas d’activité économique dans l’Etat d’accueil et qui ne bénéficient pas d’un droit de séjour en vertu d’autres dispositions du présent accord ont, pour autant qu’ils remplissent les conditions préalables requises dans le chap. V, un droit de séjour. Ce droit est constaté par la délivrance d’un titre de séjour.

(3) Le titre de séjour ou spécifique accordé aux ressortissants des parties contractantes est délivré et renouvelé à titre gratuit ou contre le versement d’une somme ne dépassant pas les droits et taxes exigés pour la délivrance des cartes d’identité aux nationaux. Les parties contractantes prennent les mesures nécessaires pour simplifier au maximum les formalités et les procédures d’obtention de ces documents.

(4) Les parties contractantes peuvent imposer aux ressortissants des autres parties contractantes de signaler leur présence sur le territoire.

 
Art. 6 ALCP-AN1
Réglementation du séjour
 

(1) Le travailleur salarié ressortissant d’une partie contractante (ci-après nommé travailleur salarié) qui occupe un emploi d’une durée égale ou supérieure à un an au service d’un employeur de l’Etat d’accueil reçoit un titre de séjour d’une durée de cinq ans au moins à dater de sa délivrance. Il est automatiquement prolongé pour une durée de cinq ans au moins. Lors du premier renouvellement, sa durée de validité peut être limitée, sans pouvoir être inférieure à un an, lorsque son détenteur se trouve dans une situation de chômage involontaire depuis plus de douze mois consécutifs.

(2) Le travailleur salarié qui occupe un emploi d’une durée supérieure à trois mois et inférieure à un an au service d’un employeur de l’Etat d’accueil reçoit un titre de séjour d’une durée égale à celle prévue dans le contrat.

Le travailleur salarié qui occupe un emploi d’une durée ne dépassant pas trois mois n’a pas besoin d’un titre de séjour.

(3) Pour la délivrance des titres de séjour, les parties contractantes ne peuvent demander au travailleur que la présentation des documents ci-après énumérés:

a) le document sous le couvert duquel il a pénétré sur le territoire;

b) une déclaration d’engagement de l’employeur ou une attestation de travail.

(4) Le titre de séjour est valable pour l’ensemble du territoire de l’Etat qui l’a délivré.

(5) Les interruptions de séjour ne dépassant pas six mois consécutifs ainsi que les absences motivées par l’accomplissement d’obligations militaires n’affectent pas la validité du titre de séjour.

(6) Le titre de séjour en cours de validité ne peut être retiré au travailleur salarié du seul fait qu’il n’occupe plus d’emploi, soit que l’intéressé ait été frappé d’une incapacité temporaire de travail résultant d’une maladie ou d’un accident, soit qu’il se trouve en situation de chômage involontaire dûment constatée par le bureau de main-d’oeuvre compétent.

(7) L’accomplissement des formalités relatives à l’obtention du titre de séjour ne peut faire obstacle à la mise en exécution immédiate des contrats de travail conclus par les requérants.

 


Art. 23 OLCP
Disparition des conditions nécessaires à l’octroi du droit au séjour
 

(art. 6, par. 6, de l’annexe I de l’Ac. sur la libre circulation des personnes et art. 6, par. 6, de l’app. 1 de l’annexe K de la Conv. instituant l’AELE)1

1 Les autorisations de séjour de courte durée, de séjour et frontalières UE/AELE peuvent être révoquées ou ne pas être prolongées, si les conditions requises pour leur délivrance ne sont plus remplies.

2 L’art. 63 LEI est applicable lors de la délivrance d’une autorisation d’établissement UE/AELE.2


1 Nouvelle teneur selon le ch. I de l’O du 30 mars 2011, en vigueur depuis le 1er mai 2011 (RO 2011 1371).
2 Nouvelle teneur selon le ch. I de l’O du 24 oct. 2007, en vigueur depuis le 1er janv. 2008 (RO 2007 5533).