A.                               X.________, né en 1969 et ressortissant somalien, est entré en Suisse en février 2001 pour y déposer une demande d’asile, laquelle a été refusée par décision du 27 août 2001 par l’Office fédéral des réfugiés (devenu entre-temps, Secrétariat d’Etat aux migrations [ci-après : SEM]). En raison de l’inexigibilité de son renvoi en Somalie, l’intéressé s’est toutefois vu délivrer un permis F avant d’obtenir, en janvier 2010, une autorisation de séjour pour cas de rigueur.

                        Alors qu’il travaillait, depuis le 1er juillet 2007, en tant que manutentionnaire en contrat de durée indéterminée, il a été en incapacité de travail, à partir du mois d’avril 2008 – suite à un accident, qui a coûté la vie à l’un de ses collègues sur son lieu de travail – avant d’être licencié en juin 2010. Dans ce contexte, l’intéressé a été condamné à 30 jours-amende à 30 francs l’unité avec sursis pendant deux ans pour homicide par négligence.

                        Après avoir eu recours aux prestations de l’assurance-invalidité et de l’assurance-chômage, l’intéressé s’est lancé, sans succès, dans une activité indépendante et émarge ainsi à l’aide sociale depuis le mois d’avril 2012. Il a depuis lors bénéficié de diverses mesures d’insertion sociale, notamment d’un contrat d’insertion auprès d’un commerce  à vocation sociale, une aide au placement et un stage d’observation financés par l’assurance-invalidité.

                        Entre 2015 et 2018, le SMIG a régulièrement examiné les conditions de séjour de l’intéressé et chaque fois accepté de prolonger son autorisation de séjour, non sans lui rappeler qu’il devait tout mettre en œuvre pour recouvrer une autonomie financière pour éviter une révocation de son autorisation de séjour. Par courrier du 22 janvier 2018, le SMIG a une nouvelle fois informé l’intéressé que sa situation était réévaluée notamment en lien avec sa dépendance à l’aide sociale. Celui-ci s’est déterminé par courriel du 25 février 2018 en indiquant toujours être en recherche d’emploi, mais suivre, pour une durée de trois mois, une formation auprès de A.________, entreprise d’insertion professionnelle. Par courriel du 16 mars 2018, il a informé le SMIG qu’il avait été licencié seulement quatre semaines après avoir débuté cette formation, pour harcèlement, non-respect des consignes et des sommations fixées. L’intéressé ayant par la suite envoyé plusieurs fois par semaine des mails jugés non adéquats à une de ses collaboratrices, le SMIG a contacté son assistante sociale pour déterminer la situation professionnelle de ce dernier. L’office communal d’aide sociale a informé le SMIG que l’intéressé faisait des recherches d’emploi par ses propres moyens.

                        Par décision du 19 mars 2019, le SMIG a refusé à X.________ la prolongation de son autorisation de séjour. Il a retenu qu’il dépendait toujours de l’aide sociale depuis 2012, pour un montant de 125'454 francs au 3 août 2018. Il a également considéré qu’il ne faisait pas les efforts nécessaires et durables en vue de retrouver un emploi stable. Considérant toutefois ne pas pouvoir se déterminer au sujet du caractère raisonnable d’un renvoi en Somalie, le SMIG a décidé que, à l’entrée en force de la décision, une proposition d’admission provisoire serait soumise au SEM.

                        Saisi d’un recours, le Département de l’économie et de l’action sociale (DEAS) l’a rejeté par prononcé du 6 avril 2020. Reprenant l’argumentation dudit service, le département a encore ajouté que l’intéressé, âgé de 50 ans, n’avait plus exercé d’activité lucrative depuis 2008 et que les nombreuses mesures d’insertion professionnelle ne lui avaient pas permis de retrouver un emploi. Il a même relevé que certaines mesures avaient échoué par son comportement fautif et que ses recherches d’emploi avaient été menées de manière très irrégulière. Il a estimé que X.________ ne pouvait se prévaloir d’aucune raison personnelle majeure. Il a enfin considéré ne pas devoir se prononcer sur l’exécution du renvoi en Somalie, dans la mesure où le SMIG avait décidé de proposer au SEM l’admission provisoire de l’intéressé.

B.                               X.________ interjette recours devant la Cour de droit public du Tribunal cantonal contre la décision du DEAS précitée, en concluant, sous suite de frais et dépens, à son annulation. Il requiert la prolongation de son autorisation de séjour et sollicite l’assistance judiciaire partielle. Il fait valoir que le montant de 125'454 francs touché par l’aide sociale est faible puisque cela ne représente que 1'493 francs par mois. Il conteste l’argument selon lequel il ne ferait pas suffisamment d’efforts en vue de retrouver un emploi et relève qu’avant l’accident mortel de son collègue, il était indépendant financièrement. Il considère qu’il remplit les conditions de l’autorisation de séjour pour cas de rigueur. Il allègue enfin qu’il est bien intégré, qu’il entreprend des démarches pour démarrer une activité indépendante et qu’il n’entretient plus aucun lien avec son pays d’origine.

C.                               Sans formuler d’observations, le département conclut au rejet du recours. Le SMIG n’a pas procédé.

D.                               Par courrier du 26 août 2020, le recourant fait valoir que son dossier est incomplet puisqu’il ne contient aucun élément relatif à son état de santé depuis l’accident mortel de son collègue en 2008. Il produit en outre des témoignages écrits faisant en substance état de ses qualités personnelles, de ses efforts pour trouver un emploi et de son intégration en particulier dans les milieux culturels.

E.                               Par courrier du 20 décembre 2020, le recourant a produit une liasse de documents médicaux.

C O N S I D E R A N T

en droit

1.                                Interjeté dans les formes et délai légaux, le recours est recevable.

2.                                a) Depuis le 1er janvier 2019, la loi fédérale sur les étrangers du 16 décembre 2005 (LEtr), selon sa dénomination jusqu’au 31 décembre 2018, est intitulée loi fédérale sur les étrangers et l’intégration (LEI). Selon l’article 126 al. 1 LEI, les demandes déposées avant l’entrée en vigueur de la présente loi sont régies par l’ancien droit (cf. arrêt du TF du 14.04.2020 [2C_1017/2019]). L’intéressé ayant déposé la demande de prolongation de son autorisation de séjour avant le 1er janvier 2019, il convient d’appliquer la loi dans sa teneur jusqu’au 31 décembre 2018, mais sous la nouvelle dénomination LEI.

3.                                Dès l’instant où le recourant ne peut faire valoir aucun droit à l’obtention d’un titre de séjour découlant de la législation fédérale ou d’un traité international, les autorités cantonales compétentes en matière d’étrangers statuent sur le renouvellement de l’autorisation de séjour en application de l’article 33 al. 3 LEI qui prévoit que la durée de validité de l’autorisation est limitée, mais peut être prolongée s’il n’existe aucun motif de révocation au sens de l’article 62 LEI. Les conditions de cette dernière disposition sont alternatives et la réalisation de l’une d’elles suffit à justifier la révocation de l’autorisation. Selon, sa lettre e), l'autorité compétente peut révoquer une autorisation, à l'exception de l'autorisation d'établissement, ou une autre décision fondée sur la présente loi, notamment si l'étranger lui-même ou une personne dont il a la charge dépend de l'aide sociale. L'article 62 al. 1 let. e LEI n'exige pas que la dépendance à l'aide sociale soit durable et significative comme le requiert la révocation d'une autorisation d'établissement (arrêt du TF du 27.09.2019 [2C_752/2019]). Selon la jurisprudence, il est nécessaire qu'il existe un risque concret d'une dépendance à l'aide sociale. Pour le déterminer, il faut tenir compte de l'évolution probable de la situation financière (arrêt du TF du 31.10.2014 [2D_12/2014] cons. 3.4). Toutefois, le critère de la proportionnalité doit, là aussi, être pris en compte. La pesée des intérêts à effectuer prend en considération les intérêts publics et privés en présence, la gravité des éventuelles fautes commises par l'étranger, son degré d'intégration respectivement la durée de son séjour en Suisse et le préjudice que l'intéressé et sa famille auraient à subir en raison d'un refus du titre de séjour (ATF 135 II 377 cons. 4.3). En particulier, il y a lieu de tenir compte des raisons qui font qu'une personne est devenue dépendante à l'aide sociale dans la décision de révocation fondée sur ce motif (arrêt du TF du 20.06.2013 [2C_1228/2012] cons. 2.2 et références citées). La question de savoir si et dans quelle mesure l'intéressé a commis une faute qui l'a conduit à la dépendance à l'aide sociale ne participe toutefois pas au motif de révocation en soi mais à la proportionnalité de la mesure (arrêt du TF du 14.12.2016 [2C_562/2016] cons. 2.2 et les références citées).

4.                                En l’espèce, le critère d’une dépendance à l’aide sociale prévue par l’article 62 al. 1 let. e LEI est rempli puisque le recourant perçoit l’aide sociale de façon continue depuis le mois d’avril 2012 pour un montant de 125'454 francs (état au 3 août 2018). Il convient d’y ajouter l’aide fournie au moins jusqu’au mois d’avril 2020, l’intéressé ayant indiqué, dans son mémoire de recours, toujours émarger à l’aide sociale. C’est à tort que le recourant fait valoir que ce montant est moindre ne représentant « que » 1'493 francs par mois. En effet, comme déjà mentionné (cf. cons. 3) l'article 62 al. 1 let. e LEI ne prévoit pas que la personne dépende "durablement et dans une large mesure" de l'aide sociale. Il n'empêche que la révocation de l'autorisation de séjour en raison de la dépendance à l'aide sociale n'entre en considération que lorsqu'une personne a reçu des aides financières élevées et qu'on ne peut s'attendre à ce qu'elle puisse pourvoir à son entretien dans le futur (arrêt du TF du 21.03.2019 [2C_1041/2018] cons. 4.2 et 4.3). A cet égard, le Tribunal fédéral a jugé que les critères de l'importance et du caractère durable de la dépendance à l'aide sociale étaient déjà réunis dans les cas de personnes ayant perçu plus de 50'000 francs d'aide sociale (arrêts du TF du 09.04.2009 [2C_672/2008] cons. 3.3 et du 02.05.2014 [2C_780/2013] cons. 3.3.3). Il ressort en outre du dossier qu’il est hautement vraisemblable que le recourant demeure à l’assistance publique, puisqu’il n’exerce plus d’activité lucrative depuis avril 2008, qu’il ne subvient plus à ses besoins financiers depuis 2012 et que, malgré de nombreuses mesures de réinsertion professionnelle, il n’a jamais retrouvé un emploi non subventionné. Un motif de révocation venant s’opposer au renouvellement de son autorisation de séjour est ainsi donné.

5.                                a) Il reste dès lors à examiner si un tel refus répond aux exigences du principe de la proportionnalité.

                        b) Dans sa décision, le département a relevé que le recourant était arrivé en Suisse alors qu’il était âgé de 32 ans et qu’il en avait aujourd’hui 50, mais que la durée de ce séjour devait être relativisée dès lors que, jusqu’à l’obtention d’un permis de séjour en janvier 2010, il n’était au bénéfice que d’une admission provisoire. Il a souligné que même s’il avait presque toujours travaillé dès son arrivée en Suisse et jusqu’à l’accident qui a coûté la vie à son collègue de travail, il n’exerçait plus d’activité lui permettant de subvenir à ses besoins depuis lors et ne possédait aucune formation. Il n’avait en outre pas toujours fourni les efforts nécessaires que l’on pouvait attendre de lui, ayant fait preuve d’attitude négative à plusieurs reprises. Le département a ainsi considéré que l’intérêt public à éviter que des prestations sociales encore plus importantes ne soient versées par la collectivité l’emportait sur l’intérêt privé du recourant à demeurer en Suisse. Le département a enfin précisé, tout comme l’avait d’ailleurs fait le SMIG avant lui, qu’il n’y avait pas lieu de se prononcer sur l’exécution du renvoi du recourant en Somalie, dans la mesure où une proposition d’admission provisoire allait être soumise au SEM. Or, dans le cadre de la pesée des intérêts d'une mesure de non-renouvellement de l’autorisation de séjour, le préjudice qu'aurait à subir la personne étrangère (et sa famille) du fait d'un retour dans le pays d'origine doit être pris en compte. Sur le principe, un retour dans le pays d'origine ne cause pas de préjudice à l'intéressé et à sa famille (cf. arrêt du TF du 08.01.2018 [2C_396/2017] cons. 7.6 et les références). L'Etat d'origine peut cependant être confronté, à court ou à long terme, à des problèmes notamment économiques et sociaux-politiques qui, selon leur intensité, peuvent affecter, plus ou moins fortement, les conditions de vie des personnes concernées. Lorsqu'il existe des signes que la personne concernée serait exposée à un danger concret en cas de retour dans le pays d'origine en raison d'une guerre, de violence généralisée ou de nécessité médicale, il appartient à l'autorité d'en tenir compte déjà au stade de l'examen de la proportionnalité de la mesure litigieuse, même si ces éléments peuvent aussi constituer des obstacles à l'exécution du renvoi au sens de l'article 83 al. 4 LEI (cf. arrêt du TF du 08.01.2018 [2C_396/2017] et les références citées). La question de savoir si le retour dans le pays d'origine peut être considéré comme une contrainte acceptable doit ainsi pleinement être prise en compte dans la pesée des intérêts à effectuer et il n'est pas admissible de renvoyer à cet égard à une éventuelle procédure d'exécution du renvoi (cf. ATF 135 II 110 cons. 4.2 ; arrêt du TF du 08.01.2018 [2C_396/2017]. En définitive les autorités inférieures ne pouvaient pas se contenter de transmettre le dossier au SEM, mais elles auraient dû envisager les conséquences d’un retour en Somalie pour l’intéressé dans le cadre de l’examen de la proportionnalité de la mesure litigieuse, tant du point de vue du préjudice qu’il aurait à subir du fait d’un retour au pays que de ses perspectives de réintégration. En effet, la situation socio-politique prévalant en Somalie est toujours dangereuse, que ce soit pour les étrangers ou pour les Somaliens eux-mêmes. Quand bien même certaines régions ne présentent assurément pas toutes le même degré de précarité, les autorités inférieures n'ont ni déterminé ni examiné le lieu où pourrait s'établir le recourant ni a fortiori vérifié si un renvoi est exigible. Dans ces circonstances, il n'est pas possible de dire si le retour en Somalie peut être considéré comme une contrainte acceptable de sa part ou non. La cause sera dès lors renvoyée au SMIG, charge à lui d'instruire les conséquences d'un éventuel renvoi du recourant dans son pays d'origine, en faisant appel, cas échéant, au SEM, et de ses possibilités de réintégration au sens des considérants qui précèdent, avant de rendre une nouvelle décision.

                        c) S’agissant de la situation médicale que le recourant avait déjà invoquée dans le cadre de son recours au département, elle devra également être examinée plus précisément dans le cadre du renvoi.

6.                                Le recours doit être admis et la décision entreprise annulée et la cause renvoyée au SMIG pour instruction complémentaire et nouvelle décision. Vu le sort du recours, il est statué sans frais, les autorités cantonales n’en payant pas lorsqu’elles succombent (art. 47 al. 1 et 2 LPJA). Le recourant, qui n’a pas procédé par l’intermédiaire d’un mandataire professionnel et n’allègue pas de frais particuliers, ne peut pas prétendre à l’allocation de dépens (art. 48 al. 1 LPJA) pour la défense de ses droits. Compte tenu de l’issue du litige, la requête d’assistance judiciaire devient sans objet.

Par ces motifs,
la Cour de droit public

1.    Admet le recours, annule la décision attaquée et renvoie la cause au SMIG pour instruction complémentaire au sens des considérants et nouvelle décision.

2.    Statue sans frais.

3.    Dit que la demande d’assistance judiciaire limitée au frais est sans objet.

4.    N’alloue pas de dépens.

Neuchâtel, le 26 janvier 2021

 

Art. 62115 LEI
Révocation des autorisations et d’autres décisions
 

1 L’autorité compétente peut révoquer une autorisation, à l’exception de l’autorisa­tion d’établissement, ou une autre décision fondée sur la présente loi, dans les cas suivants:

a. l’étranger ou son représentant légal a fait de fausses déclarations ou a dissimulé des faits essentiels durant la procédure d’autorisation;

b. l’étranger a été condamné à une peine privative de liberté de longue durée ou a fait l’objet d’une mesure pénale prévue aux art. 59 à 61 ou 64 CP116;

c. l’étranger attente de manière grave ou répétée à la sécurité et l’ordre publics en Suisse ou à l’étranger, les met en danger ou représente une menace pour la sécurité intérieure ou extérieure de la Suisse;

d. l’étranger ne respecte pas les conditions dont la décision est assortie;

e. l’étranger lui-même ou une personne dont il a la charge dépend de l’aide sociale;

f.117 l’étranger a tenté d’obtenir abusivement la nationalité suisse ou cette dernière lui a été retirée suite à une décision ayant force de chose jugée dans le cadre d’une annulation de la naturalisation au sens de l’art. 36 de la loi du 20 juin 2014 sur la nationalité suisse118;

g.119 sans motif valable, il ne respecte pas la convention d’intégration.

2 Est illicite toute révocation fondée uniquement sur des infractions pour lesquelles un juge pénal a déjà prononcé une peine ou une mesure mais a renoncé à prononcer une expulsion.


115 Nouvelle teneur selon le ch. IV 3 de la LF du 19 juin 2015 (Réforme du droit des sanctions), en vigueur depuis le 1er janv. 2018 (RO 2016 1249FF 2012 4385).

116 RS 311.0

117 Introduite par l’annexe ch. II 1 de la L du 20 juin 2014 sur la nationalité suisse, en vigueur depuis le 1er janv. 2018 (RO 2016 2561FF 2011 2639).

118 RS 141.0

119 Introduite par le ch. I de la LF du 16 déc. 2016 (Intégration), en vigueur depuis le 1er janv. 2019 (RO 2017 65212018 3171FF 2013 21312016 2665). Erratum de la Commission de rédaction de l’Ass. féd. du 10 août 2018, publié le 18 sept. 2018 (RO 2018 3213).