A.                            A.X._______________ et B.Y.________ ont eu un enfant, C.Y.________ né en 2016.

Par convention du 16 mars 2018 passée devant l’Autorité de protection de l’enfant et de l’adulte (ci-après : APEA), à Neuchâtel, les parents ont convenu, d’une part, d’exercer l’autorité parentale conjointe sur leur fils, conformément à la déclaration qu’ils avaient signée devant le Service de l’état civil le 18 novembre 2015, la mère ayant toutefois précisé qu’elle entendait requérir l’attribution exclusive de l’autorité parentale, et, d’autre part, que cette dernière exerçait la garde de fait sur l’enfant. A.X._______________ et B.Y.________ ne se sont en revanche pas mis d’accord sur le droit aux relations personnelles du père, celui-ci demandant un droit de visite usuel, alors que la prénommée requérait un droit de visite exercé en présence d’un tiers. Dans l’attente du rapport de l’enquête sociale ordonnée par le président de l’APEA, le père s’est vu attribué un droit de visite provisoire sur C.Y.________. Il s’est en outre engagé au versement d’une contribution d’entretien en faveur de ce dernier de 150 francs par mois, allocation familiales en sus, payable mensuellement et d’avance en main de la mère. Par convention du 25 janvier 2019, modifiant la convention susdite passée le 16 mars 2018, A.X._______________ et B.Y.________ ont convenu, devant l’APEA, que l’autorité parentale sur leur fils leur était attribuée conjointement à tous les deux, la garde de l’enfant étant confiée à la mère. Ils se sont également accordés sur le droit aux relations personnelles du père, droit exercé un week-end par mois du samedi à 09h00 au dimanche 17h00 et une journée par mois selon ces mêmes horaires, en fonction des disponibilités professionnelles du père, respectivement, droit impliquant deux semaines de vacances par année, à déterminer d’entente entre les parents sous l’autorité du curateur. La précédente convention est pour le surplus demeurée inchangée, étant toutefois précisé qu’une procédure en modification de la contribution d’entretien de l’enfant était pendante. Par décision du 8 novembre 2019, l’APEA a arrêté l’entretien convenable de C.Y.________ a 1'200 francs par mois, allocation familiales déduites, et a condamné le père à verser une contribution d’entretien de 300 francs par mois, allocation familiales en sus, en faveur de son fils, payable mensuellement d’avance en main de la mère, dès le 1er décembre 2018.

Par requête du 14 février 2019, A.X._______________, déclarant agir pour son fils, a demandé au Département de la justice, de la santé et de la sécurité (ci-après : DJSC) par le Service de la justice, Surveillance de l’Etat civil (ci-après : Service de la justice), que C.Y.________ soit autorisé à adjoindre le patronyme X.________ à celui initial de Y.________ et, partant, que le registre de l’état civil soit modifié en ce sens. A l’appui de sa demande, elle a fait valoir que, lors de voyages et de déplacements avec son fils, elle rencontrait régulièrement, en raison de la non-concordance de leur nom, des difficultés lors des contrôles d’identité effectués par la police et la douane, devant démontrer et convaincre les agents qu’elle était bien la mère de l’enfant. Or, vivant seule avec son fils, dont elle détenait la garde de fait, elle se déplaçait fréquemment avec lui, de sorte que la situation actuelle créait un sentiment d’insécurité et une source de traumatisme tant pour elle que pour lui, puisqu’il existait un risque réel de rétention policière, douanière et administrative lors de chaque déplacement hors de Suisse. La prénommée était ainsi d’avis que le besoin de faire coïncider le nom de l’enfant avec le sien, en tant que détentrice conjointe de l’autorité parentale après la séparation d’avec le père, pouvait constituer un motif légitime au sens de la loi. Le 13 mars 2019, le Service de la justice a fait savoir à l’intéressée qu’il ne pouvait pas préaviser positivement sa demande visant le port d’un double nom. En effet, depuis le 1er janvier 2013, le droit suisse ne prévoyait plus une telle possibilité, de sorte qu’un changement de nom en ce sens n’était pas admissible. Le Service de la justice lui proposait donc qu’il fût examiné si C.Y.________ pouvait prendre exclusivement son nom à elle, soit C.X.________, et lui impartissait un délai pour se déterminer à ce sujet, ce qu’elle a fait en date du 19 mars 2019. Elle a indiqué qu’elle était d’avis que, si l’adjonction de nom n’était plus possible, il était alors dans l’intérêt de son fils de prendre exclusivement son nom C.X.________. Consulté par le Service de la justice, le père de C.Y.________ s’est opposé à ce changement de nom (cf. courriers des 12.04.2019 et 03.05.2019), si bien que ledit service s’est approché de l’APEA pour évaluer l’opportunité d’instituer une curatelle de représentation en faveur de l’enfant. Constatant qu’un conflit d’intérêts pouvait potentiellement exister quant au bien de l’enfant, l’APEA a institué, par décision du 26 juin 2019, une curatelle à l’égard de C.Y.________ et désigné Me D.________, en qualité de curateur de représentation du prénommé.

Ledit curateur a estimé qu’une suite favorable devait être donnée à la demande en changement de nom en cause. Relevant avoir entendu à une reprise le père et à deux occasions la mère, ainsi qu’avoir eu un entretien téléphonique tant avec un collaborateur de l’Office de protection de l’enfant qu’avec une collaboratrice du Centre d’accueil et de consultation précoce en Autisme (ci-après : Centre ACPA), Me D.________ a signalé que les parents avaient des versions opposées sur différents éléments importants, mais qu’il était toutefois possible, au vu du dossier et des informations recueillies, d’apporter plus de crédit aux explications fournies par la mère qu’à celles du père. Il a ainsi expliqué que, si on pouvait comprendre qu’à la naissance de C.Y.________, ses parents aient opté pour le nom de famille du père, le couple ayant un projet de vie commune à l’époque, il apparaissait que A.X._______________ avait par la suite renoncé à ce projet, ayant découvert que Y.________ avait une double vie, comme le démontrait la naissance d’un enfant d’une autre femme, également, en 2016. Signalant que cette situation avait pu ébranler la confiance portée par la première au second, Me D.________ a estimé que les explications données par ce dernier – selon lesquelles, à l’époque de la conception de cet autre enfant, le couple qu’il formait avec A.X._______________ rencontrait déjà des difficultés – étaient peu crédibles. De même, il a considéré qu’on ne pouvait suivre B.Y.________ lorsqu’il prétendait que la prénommée l’entravait dans l’exercice de son droit de visite. Au contraire, il apparaissait – sur le vu des dires du collaborateur de l’Office de protection de l’enfant, respectivement, de la collaboratrice du Centre ACPA, qui décrivait la mère comme investie, adéquate et fiable – que cette dernière faisait ce qu’il fallait pour que le père se sentît aussi impliqué que possible dans la vie de son enfant et que, dans tous les cas, elle ne faisait rien pour l’en éloigner. Indiquant qu’à son avis le maintien, souhaité par le père, du nom de famille Y.________ pour son fils, C.Y.________, pouvait s’expliquer par des motifs d’ego, le curateur a admis qu’il paraissait évident que l’enfant allait rester sous la garde de sa mère, qui en assurera donc l’essentiel de l’éducation, et qu’il partagera son existence avec son demi-frère, qui portait le nom de famille X.________. Ces considérations étaient, de l’opinion de Me D.________, de nature à justifier de faire coïncider le nom de C.Y.________ avec celui de la détentrice de la garde, celle-ci pouvant se prévaloir de motifs légitimes pour demander le changement de nom de son fils. Selon le curateur, il n’y avait par ailleurs aucune raison de penser que ce changement de nom pourrait avoir des effets négatifs sur la relation actuelle entre père et fils (courrier du 03.10.2019). Après avoir pris connaissance des observations de chacun des deux parents sur son appréciation, Me D.________ a maintenu ses conclusions, en signalant que, si celles-ci étaient suivies, une discordance entre le nom de l’enfant et celui de la famille dominant son milieu éducatif serait évitée (courrier du 06.03.2020).

Par décision du 27 avril 2020, le DJSC a autorisé l’enfant, C.Y.________, à changer de nom et à porter désormais celui de C.X.________.

B.                            B.Y.________ saisit la Cour de droit public du Tribunal cantonal d’un recours contre ce prononcé dont il demande l’annulation, sous suite de frais et dépens. Il conclut à ce que A.X._______________ soit déboutée des fins de sa demande en changement de nom et qu’il soit, partant, dit que l’enfant mineur C.Y.________ conserve le nom de famille Y.________. Rappelant qu’ils avaient, avec la prénommée, décidé d’un commun accord de donner à leur fils pour nom de famille Y.________, le recourant relève qu’ils détiennent l’autorité parentale conjointe, que la mère exerce la garde de fait, à mesure que lui-même professionnellement a des horaires de travail irréguliers, y compris de nuit, et qu’il s’acquitte d’une contribution d’entretien en faveur de son fils. Il soutient également que A.X._______________ entrave son droit aux relations personnelles avec son fils, la prénommée semblant l’éloigner de lui. Tout en relevant que la décision entreprise, qui n’est d’ailleurs pas motivée, se fonde uniquement sur l’appréciation de Me D.________, le recourant estime que ce dernier a fait une appréciation totalement arbitraire des faits, appréciation qui semble découler d’un parti pris du curateur, qui a choisi d’adhérer aux explications de son ex-compagne plutôt qu’aux siennes. Ceci étant, le recourant est d’avis que le changement de nom en cause ne sert pas les intérêts de l’enfant, mais qu’il s’agit tout au plus d’une question de convenance de la part de la mère, qui avait initialement souhaité que son patronyme fût ajouté à celui de Y.________, simplement, pour éviter de rencontrer des difficultés lors des voyages à l’étranger, difficultés résultant de la différence de nom entre mère et fils. A cet égard, le recourant allègue encore que la mère fait peser sur leur enfant leurs mésententes et qu’elle exerce sur lui une emprise. Il invoque enfin l’attache sentimentale qui existe entre lui et son fils.

C.                            Le 15 juillet 2020, A.X._______________ conclut au rejet du recours et à la confirmation de la décision querellée. En substance, rappelant les difficultés rencontrées lors de contrôles d’identité, en raison de la non-concordance de son nom de famille et de celui de son fils, la prénommée estime qu’il est impérieux de faire coïncider leur nom, car, dans la mesure où elle en a la garde, c’est avec elle qu’il passe la quasi-totalité de son temps.

D.                            Dans ses observations du 27 juillet 2020, le DJSC propose le rejet du recours. Il estime que dans la mesure où le curateur s’est positionné en faveur du changement de nom après avoir examiné les circonstances concrètes et s’être entretenu avec les parents, respectivement, avec l’Office de protection de l’enfant et le Centre ACPA, il n’avait pas de raisons de s’écarter de son opinion.

E.                            Pour sa part, le curateur dit rester convaincu qu’il est dans l’intérêt de l’enfant de porter le même nom que sa mère et son demi-frère, avec lesquels il va partager son existence.

F.                            Le recourant réplique en date du 3 septembre 2020, soulevant notamment que Me D.________ aurait mal établi les faits, soit de manière trop sommaire.

C O N S I D E R A N T

en droit

1.                            Interjeté dans les formes et délai légaux, le recours est recevable.

2.                            Le recourant faisant en particulier valoir que la décision du 27 avril 2020 ne serait pas motivée, il se plaint indirectement d’une violation de son droit d’être entendu. Compte tenu de son caractère formel, ce grief doit être examiné en premier lieu, car il est de nature à entraîner, en cas de violation avérée, l'annulation de la décision attaquée indépendamment des chances de succès du recours au fond (ATF 142 II 218 cons. 2.8.1, 139 I 189 cons. 3).

a) La jurisprudence a déduit du droit d'être entendu garanti par l'article 29 al. 2 Cst. féd., l'obligation pour l'autorité de motiver sa décision afin que le justiciable puisse la comprendre, la contester utilement s'il y a lieu et exercer son droit de recours à bon escient. Pour répondre à ces exigences, il suffit que l'autorité mentionne, au moins brièvement, les motifs qui l'ont guidée et sur lesquels elle a fondé sa décision, de manière à ce que l'intéressé puisse se rendre compte de la portée de celle-ci et l'attaquer en toute connaissance de cause. Elle n'a pas l'obligation d'exposer et de discuter tous les faits, moyens de preuve et griefs invoqués par les parties, mais peut au contraire se limiter à l'examen des questions décisives pour l'issue du litige (ATF 141 V 557 cons. 3.2.1, 138 IV 81 cons. 2.2). Dès lors que l'on peut discerner les motifs qui ont guidé la décision de l'autorité, le droit à une décision motivée est respecté même si la motivation présentée est erronée. En outre, la motivation peut être implicite et résulter des différents considérants de la décision (ATF 141 V 557 cons. 3.2.1). Il faut encore rappeler que, lorsque la violation du droit d'être entendu consiste en un défaut de motivation de la décision attaquée, le vice peut être réparé si l'autorité intimée présente dans ses observations sur le recours un complément de motivation de sa décision lacunaire et si le recourant a eu la faculté de se déterminer à ce sujet (ATF 126 V 132 cons. 2b et les références citées, 116 V 28; Schaer, Juridiction administrative neuchâteloise, 1995, p. 45-46).

b) En l'occurrence, la décision attaquée expose sommairement l’état de fait sur la base duquel elle a été rendue, ainsi que fait état de la disposition légale dont il a été fait application, à savoir l’article 30 CC. Quand bien même cette motivation puisse paraître succincte, elle a permis au recourant de se rendre compte de la port. du prononcé du 27 avril 2020 et de l'attaquer en connaissance de cause. A noter que le recourant reproche en particulier à l’intimé de ne s’être fondé, pour rendre sa décision, que sur l’appréciation de Me D.________, qu’il juge arbitraire. Or, dans ses observations du 27 juillet 2020, le DJSC a confirmé avoir précisément suivi l’opinion dudit curateur, à mesure qu’il lui appartenait d’examiner les circonstances concrètes afin d’établir si un changement de nom était effectivement dans l’intérêt de l’enfant, examen auquel avait procédé Me D.________ après avoir entrepris les démarches nécessaires à l’appréciation du bien de l’enfant. Ceci, comme d’ailleurs l’ensemble de son argumentation développée à bon escient dans le recours interjeté auprès de la Cour de céans, démontre que le recourant a pleinement compris le raisonnement du prononcé qu’il entreprend ici. De même, la motivation de la décision du 27 avril 2020 permet à la présente autorité d'exercer son contrôle. Le droit d'être entendu de l’intéressé n'apparaît ainsi pas avoir été violé, son argumentation sur ce point se confondant d’ailleurs largement avec les griefs au fond, traités ci-après.

3.                            En principe, le nom d'une personne est immuable (ATF 136 III 161 cons. 3.1; Steinauer/Fountoulakis, Droit des personnes physiques et de la personnalité, 2014, p. 140 no 409). Le gouvernement du canton de domicile peut, s'il existe des motifs légitimes (achtenswerte Gründe, motivi degni di rispetto), autoriser une personne à changer de nom (art. 30 al. 1 CC, dans sa teneur en vigueur depuis le 01.01.2013).

Les avis de doctrine divergent quant à savoir comment il faut apprécier les « motifs légitimes ». Une approche consiste à nier, par un raisonnement a fortiori, l'existence d'un désavantage pour l'enfant qui grandit auprès du parent titulaire de l'autorité parentale portant un autre nom que lui-même; en effet, la réforme du droit du nom des conjoints a eu pour conséquence que même les enfants de parents mariés peuvent désormais posséder un nom qui se distingue de celui du père ou de la mère. Le changement de nom devrait ainsi continuer à être autorisé avec retenue, en tenant compte de l'intérêt de l'enfant (Steinauer/Fountoulakis, op. cit., p. 142 no 414 in fine, Geiser, Das neue Namensrecht und die Kindes- und Erwachsenenschutzbehörde, in : RAMA 2012, p. 372 no 3.36). Un autre courant doctrinal soutient que l'article 30 al. 1 CC doit être interprété largement aussi dans ce contexte, en ce sens que doivent être considérés comme « légitimes » les motifs qui n'apparaissent pas comme « dénués d'intérêt » (Aebi-Müller, Das neue Familiennamenrecht – eine erste Übersicht, in : PJA 2012, p. 456 s.; De Luze/De Luigi, Le nouveau droit du nom, in : PJA 2013, p. 524 n. 80), à savoir lorsqu'ils atteignent « une certaine gravité » (Aebi-Müller, in : Handbuch zum Schweizerischen Privatrecht, 2012, ad art. 30-30a CC no 4). Le Tribunal fédéral a admis récemment qu'il résultait de l'historique de l'article 30 al. 1 CC que, à l'opposé de la condition des « motifs importants » (conditions mise au changement de nom jusqu’au 31.12.2012), celle des "motifs légitimes" n'exige plus, pour admettre le changement de nom de l'enfant, que son patronyme lui cause des désavantages sociaux concrets et sérieux. Il est en principe acceptable de considérer comme « motifs légitimes », au sens de l'article 30 al.1 CC, le besoin avéré de faire coïncider le nom de l'enfant avec celui du titulaire de l'autorité; ceci ne modifie en rien la nécessité de procéder à un examen attentif des circonstances du cas d'espèce, car le changement de nom peut occasionner une séparation additionnelle d'avec l'autre parent et affecter l'intérêt de l'enfant (ATF 145 III 49 cons. 3.2, 140 III 577 cons. 3.3.4; cf. aussi, dans ce sens, Meier/Stettler, Droit de la filiation, 2014, no 686, p. 452).

Le point de savoir s'il existe, dans un cas individuel, des « motifs légitimes » en vue du changement de nom relève du pouvoir d'appréciation, que l'autorité compétente doit exercer selon les règles du droit et de l'équité (art. 4 CC; ATF 140 III 577 cons. 3.2).

4.                            a) Au préalable, il y a lieu de relever que la situation du cas d’espèce se distingue de celle de l’ATF 140 III 577. Dans cette affaire, le Tribunal fédéral avait à juger du cas d’un enfant né peu avant le divorce de ses parents, dont l’autorité parentale avait été attribuée à la mère, laquelle avait repris son nom de célibataire après le divorce, enfant qui vivait depuis sa naissance avec sa mère et les parents de celle-ci et qui portait depuis toujours à l’école et dans la vie de tous les jours le nom de famille de sa mère, la maîtresse d’école de l’enfant ayant confirmé que celui-ci inscrivait ce nom sur ses cahiers scolaires et se présentait sous ce nom. Il s’agissait donc de faire correspondre le nom effectif avec le nom juridique, soit de tenir compte du fait que le retour du nom effectif au nom juridique touchait considérablement les droits de la personnalité de l’enfant, tout particulièrement, au vu de son âge, à savoir plus de douze ans (cf. sur ce point, arrêt du TF du 17.03.2011 [5A_624/2010] cons. 3.3.2). L’enfant, âgé de onze ans et huit mois, lors de la requête en changement de nom déposée par sa mère en qualité de représentante légale, avait presque treize ans lors de la procédure de recours devant le Tribunal cantonal thurgovien. Il était de plus apparu, dans le cadre de cette procédure, que l’enfant agissait clairement selon ses vœux et sans subir une pression de sa mère. Or, en principe, un enfant de douze ans devait être considéré comme capable d’agir dans une procédure en changement de nom selon l’article 30 al. 1 CC; cela résultait de l’analogie avec l’article 270b CC concernant le consentement de l’enfant de parents non mariés à un changement de nom. La haute Cour a ainsi retenu qu’il n’y avait aucune raison d’intervenir dans l’appréciation du Tribunal cantonal thurgovien, qui avait jugé que le besoin d’une concordance du nom de l’enfant avec celui de sa mère, détentrice de l’autorité parentale, était établi et « légitime », au sens de l’article 30 al. 1 CC.

Force est de constater que C.Y.________, né en début de 2016, n’avait, lors du dépôt par sa mère de la requête en changement de nom, le 14 février 2019, pas plus qu’aujourd’hui d’ailleurs, puisqu’il n’est âgé que d’un peu plus de 4 ans, pas un âge permettant de le considérer comme capable d’agir dans une procédure en changement de nom et, partant, comme pouvant former et exprimer, sans subir une pression parentale, son souhait de changer de nom. Alors que tel était le cas dans l’ATF 140 III 577, il n’est ici pas prétendu et a fortiori pas démontré que le prénommé porte dans les faits, dans la vie de tous les jours, le nom de famille de sa mère et/ou qu’il se présenterait sous ce nom. D’ailleurs, même à admettre que tel pourrait être le cas, la pertinence de tels éléments dans l’appréciation concrète de la situation se poserait, au vu du très jeune âge de C.Y.________. Il convient également de relever que, contrairement à l’affaire précitée, les parents du prénommé détiennent l’autorité parentale conjointe.

b) Quoi qu’il en soit, s’il est admissible de considérer déjà le besoin prouvé d’une concordance du nom de l’enfant avec celui du détenteur de l’autorité parentale, comme un « motif légitime » au sens de l’article 30 al. 1 CC – étant rappelé que l’autorité parentale est ici conjointe – cela ne change rien au fait qu’il faut examiner soigneusement les circonstances du cas particulier, puisque le changement de nom peut avoir pour effet une séparation plus marquée de l’autre parent et porter préjudice à l’intérêt de l’enfant (cf. dans ce sens, Meier/Stettler, op. cit., no 686, p. 452; ATF 140 III 577 cons. 3.3.4). En effet, le changement de nom peut déraciner l’enfant de l’autre parent, respectivement l’aliéner de lui.

Ceci étant précisé, il y a tout d’abord lieu de constater, dans le cas d’espèce, que ni l’Office de protection de l’enfant ni le Centre ACPA ne semblent s’être prononcés sur la question du changement de nom ici en cause. Non seulement il n’y a pas de rapports de ces entités au dossier, mais de plus Me D.________ s’est limité, suite à l’échange qu’il a eu avec eux, à rapporter les propos suivants : « Y.________ prétend par ailleurs que son ex-compagne fait tout pour l’entraver dans l’exercice de son droit de visite. E.________ [de l’Office de protection de l’enfant], qui considère que A.X._______________ s’implique énormément dans la prise en charge particulièrement lourde de C.Y.________, n’est toutefois pas de cet avis. Pour ce qui est de F.________, du Centre ACPA, elle relève elle aussi beaucoup de mérite chez A.X._______________ et la décrit comme une mère particulièrement adéquate et fiable. Selon elle, c’est grâce pour beaucoup à A.X._______________ que C.Y.________ a évolué positivement ces derniers mois. F.________ a indiqué par ailleurs qu’à la demande expresse de A.X._______________, elle invitera prochainement le père de C.Y.________ à un entretien, de manière à ce qu’il soit bien conscient de la situation de fragilité de son fils. Cela démontre une fois encore que contrairement à ce que prétend B.Y.________, A.X._______________ fait ce qu’il faut pour qu’il se sente aussi impliqué que possible dans la vie de son enfant et qu’elle ne fait en tout cas rien pour l’en éloigner ». Comme déjà dit, si la condition des « motifs légitimes » n'exige plus, pour admettre le changement de nom de l'enfant, que son patronyme lui cause des désavantages sociaux concrets et sérieux, il n’en demeure pas moins que pour être jugé comme « légitimes » les motifs doivent apparaître comme n’étant pas « dénués d'intérêt », soit revêtir « une certaine gravité ». Or, force est d’admettre que les propos de l’Office de protection de l’enfant, respectivement, du Centre ACPA, tels que rapportés par le curateur, ne font état d’aucun élément susceptible d’être considéré comme des « motifs légitimes » au sens de l'article 30 al. 1 CC. A noter qu’ils ne font pas non plus apparaître un besoin avéré de faire coïncider le nom de C.Y.________ avec celui de sa mère, pas plus qu’ils ne permettent de se déterminer sur l’intérêt de l’enfant. En effet, le fait que la mère soit décrite comme impliquée, adéquate et fiable et qu’elle ait souhaité associer le père à un entretien avec le Centre ACPA, comme d’ailleurs le fait que c’est peut-être à tort que le père a le sentiment que celle-ci tente d’éloigner son fils de lui, n’est pas suffisant pour justifier un changement de nom, conformément à la disposition susdite. Même si cet élément n’est pas déterminant pour l’issue du litige, on relèvera toutefois, ici, qu’il résulte des pièces au dossier que la mère avait requis un droit de visite exercé par le père en présence d’un tiers et que ce n’est que suite au rapport de l’enquête sociale ordonnée par le président de l’APEA que le père a pu se voir attribué un droit de visite selon des modalités pouvant être qualifiées d’usuelles; son droit de visite était jusqu’alors provisoire.

De même, l’élément avancé par le curateur, selon lequel il paraît évident que C.Y.________ va rester sous la garde de sa mère, qui en assurera l’essentiel de l’éducation, et qu’il partagera son existence avec son demi-frère, qui porte le nom de famille de X.________, ne constitue pas non plus un « motif légitime » au sens de l'article 30 al. 1 CC. Considérer une telle situation comme motif légitime aurait pour incidence que la simple circonstance consistant pour un parent à exercer la garde de fait sur son enfant – y compris lorsque l’autorité parentale est détenue conjointement, comme ici – lui permettrait d’obtenir le changement de nom de son enfant. Sur le vu de la genèse de l’article 30 al. 1 CC, on ne saurait considérer que le législateur ait voulu donner une telle possibilité à l’un des deux parents, soit la possibilité pour le parent avec qui l’enfant vit de décider du nom de celui-ci, selon son propre vœu, indépendamment d’une prise en considération concrète des différents intérêts de l’enfant (cf. BO 2011 E 477 ss, BO 2011 N 1756 ss, FF 2009 389 ss). Or, force est de constater que le curateur se contente de dire être convaincu qu’il est dans l’intérêt de l’enfant de porter le même nom que sa mère et son demi-frère, avec lesquels il va partager son existence, sans autres réelles explications. A cet égard, le fait que le père de C.Y.________ ait pu mener une « double vie » lorsqu’il était en couple avec la mère du prénommé et que celle-ci ait pu de ce fait voir la confiance qu’elle lui portait ébranlée, ne permet pas de retenir qu’il serait dans l’intérêt de l’enfant de porter le nom de sa mère, pas plus qu’il ne constitue un « motif légitime » au sens de l'article 30 al. 1 CC. Il en va de même du fait que, de l’avis du curateur, le maintien, souhaité par le père, du nom de famille Y.________ pour son fils, C.Y.________, pourrait s’expliquer par des considérations d’égo.

Ceci étant, il convient encore de souligner que, dans sa requête en changement du nom du 14 février 2019, la mère, qui souhaitait à l’époque simplement l’adjonction de son patronyme X.________ à celui de Y.________, s’est uniquement prévalue du besoin de faire coïncider le nom de son fils avec le sien, en tant que détentrice conjointe de l’autorité parentale après la séparation d’avec le père, afin d’éviter des difficultés lors des contrôles d’identité. A cet égard, elle invoquait une source de traumatisme tant pour elle que pour son fils, puisqu’il existerait un risque de rétention policière, douanière et administrative lors de chaque déplacement hors de Suisse, sans toutefois l’étayer et la démontrer. Or, les éléments au dossier ne permettent de retenir ni un tel risque ni, partant, une telle source de traumatisme comme établis. A.X._______________ n’a pas fait état d’autres motifs au changement de nom de son fils, lorsqu’après avoir été informée par le Service de la justice que le port du double nom ou nom composé n’était plus possible en droit suisse depuis le 1er janvier 2013, elle lui a signifié en date du 19 mars 2019 que, si l’adjonction de nom n’était plus possible, elle était alors d’avis qu’il était dans l’intérêt de son fils de prendre exclusivement son nom de famille - X.________. A noter que, dans les écrits qui ont suivi, la mère n’a pas expressément invoqué d’autres éléments à l’appui de sa requête du 14 février 2019, tout au plus a-t-elle soutenu pour la première fois devant la Cour de céans que le père ne s’acquitterait pas régulièrement et correctement de la contribution d’entretien en faveur de C.Y.________, de telle sorte qu’elle s’interrogeait sur les efforts effectivement consentis par le recourant pour la prise en charge adéquate de leur enfant. Or, force est de constater que cette allégation non étayée et a fortiori non documentée ne saurait pas non plus constituer, à tout le moins à ce stade, un motif légitime au sens de l’article 30 al. 1 CC. A cet égard, on relèvera, à titre exemplatif, que dans une affaire en changement de nom de deux enfants, dont les parents avaient divorcé et dont le père avait été condamné à une peine privative de liberté de douze mois avec sursis partiel pour dommages à la propriété, injures, menaces et contraintes envers son épouse, la Cour de céans a admis, s’appuyant notamment sur les rapports des spécialistes suivant les enfants, que, nonobstant les violences conjugales et le harcèlement allégués par la mère de la part du père des enfants, un changement de nom apparaissait comme prématuré. Il a été retenu, d’une part, que les enfants, se trouvant dans une situation de conflit de loyauté, il était important qu'ils puissent faire un choix éclairé en toute connaissance de cause, ce qui n'était pas possible en l’état, et, d’autre part, que la tentative de rapprochement des enfants et de leur père était dans leur intérêt et primait l'intérêt éventuel à changer de nom, ce malgré le fait que les contacts avec le père étaient encore difficiles (arrêt de la Cour de droit public du 05.12.2019 [CDP.2019.100]).

c) En définitive, il convient de constater qu’aucun élément pouvant, à ce stade, être qualifié de « motif légitime » au sens de l’article 30 al. 1 CC ne ressort du dossier. Comme exposé ci-avant, les circonstances et considérations avancées par Me D.________ ne correspondent pas à de tels motifs. Ledit curateur semble davantage avoir fondé ses conclusions sur l’interprétation qu’il fait de la jurisprudence et en particulier de l’ATF 140 III 577 que sur la présence effective et avérée de motifs concrets pouvant être considérés comme « légitimes », soit n'apparaissant pas comme « dénués d'intérêt » et donc atteignant « une certaine gravité ». Dans ces conditions, le changement de C.Y.________ ne saurait, au jour d’aujourd’hui et en l’état du dossier, être admis.

5.                            Il résulte de ce qui précède que, bien fondé, le recours doit être admis et la décision du DJSC du 27 avril 2020 être annulée.

Vu l'issue de la procédure, il y a lieu de mettre les frais de la présente procédure à la charge de A.X._______________ (art. 47 al. 1 LPJA). Une indemnité de dépens sera en outre allouée au recourant qui procède avec l'aide d'un mandataire professionnelle (art. 48 LPJA). Ce dernier n'ayant pas déposé un état des honoraires et des frais permettant de se rendre compte de l'activité déployée effectivement (art. 64 al. 1 LTFrais par renvoi de l’art. 67 LTFrais), il convient de statuer sur la base du dossier pour déterminer le montant allouable (art. 64 al. 2 LTFrais par renvoi de l’art. 67 LTFrais). Tout bien considéré, et singulièrement le fait que le mandataire ne représentait pas encore le recourant dans le cadre de la procédure ayant conduit au prononcé litigieux de l’intimé, l'activité essentielle déployée peut être estimée à quelque 6 heures (rédaction du mémoire de recours, recherches juridiques, entretiens avec le client). Eu égard au tarif appliqué par la Cour de céans de l'ordre de 280 francs de l'heure (CHF 1’680), des débours à raison de 10 % des honoraires (CHF 168; art. 63 LTFrais par renvoi de l’art. 67 LTFrais), ainsi que la TVA au taux de 7,7 % (CHF 142.30), c’est un montant global de 1'990.30 francs qui sera alloué au recourant à titre de dépens à charge de A.X._______________. Une indemnité de dépens n’est en revanche pas allouée aux tiers intéressés qui succombent (art. 48 al. 1 a contrario LPJA).

Par ces motifs,
la Cour de droit public

1.    Admet le recours.

2.    Annule la décision du DJSC du 27 avril 2020, autorisant l’enfant C.Y.________ à changer de nom et à porter celui de « C.X.________ ».

3.    Met à la charge de A.X._______________ un émolument de décision de 800 francs et les débours par 80 francs.

4.    Ordonne la restitution au recourant de son avance de frais.

5.    Alloue au recourant une indemnité de dépens de 1'990.30 francs, tout compris, à charge de A.X._______________

6.    N'alloue pas de dépens aux tiers intéressés.

Neuchâtel, le 26 octobre 2020

 

 
Art. 30 CC
Changement de nom
En général1
 

1 Le gouvernement du canton de domicile peut, s’il existe des motifs légitimes, autoriser une personne à changer de nom.2

2 …3

3 Toute personne lésée par un changement de nom peut l’attaquer en justice dans l’année à compter du jour où elle en a eu connaissance.


1 Nouvelle teneur selon le ch. I de la LF du 30 sept. 2011 (Nom et droit de cité), en vigueur depuis le 1er janv. 2013 (RO 2012 2569; FF 2009 6843 6851).
2 Nouvelle teneur selon le ch. I de la LF du 30 sept. 2011 (Nom et droit de cité), en vigueur depuis le 1er janv. 2013 (RO 2012 2569; FF 2009 6843 6851).
3 Abrogé par le ch. I de la LF du 30 sept. 2011 (Nom et droit de cité), avec effet au 1er janv. 2013 (RO 2012 2569; FF 2009 6843 6851).