A.                    Par acte notarié du 24 septembre 2009, A.X. et B.X.________ (ci-après : aussi les époux X.________) ont vendu les biens-fonds [1111] et [2222] du cadastre de Z.________ (ci-après : biens-fonds de Z.________), dont ils étaient copropriétaires à raison d’une demie chacun et qui correspondaient à leur domicile principal. Consécutivement à cette vente, ils ont acquis, par acte notarié du 23 septembre 2010, l'unité d'étages [bbcc] (immeuble de base de la PPE, article [3333] du cadastre de Z.________) et la part de copropriété [4444], soit une part de copropriété de 1/58 au bien-fonds [5555] du cadastre de Z.________. Détenant chacun une demie-part desdits immeubles, sis à [aaaaa] (ci-après : biens-fonds [aaaaa]), les époux X.________ en ont fait leur nouveau domicile principal. Par deux décisions séparées du 29 octobre 2010, l’une à l’attention de A.X.________, l’autre adressée à B.X.________, le service des contributions leur a fait parvenir, pour la transaction du 24 septembre 2009 relative à la vente des biens-fonds de Z.________, la taxation rectificative de l’impôt sur les gains immobiliers. Il leur a indiqué que, dans la mesure où le montant réinvesti pour l’acquisition des biens-fonds [aaaaa] était supérieur au prix d’aliénation, l’impôt sur les gains immobiliers était différé, ce qui signifiait que la perception du gain, qui n’avait pas été soumise à l’impôt à cette occasion, serait reconsidérée lorsque les biens-fonds [aaaaa], dans lesquels le produit de la vente des biens-fonds de Z.________ avait été réinvesti, seraient vendus. Ces prononcés n’ont pas été contestés.

Par acte de vente immobilière du 12 juillet 2018, les époux X.________ ont vendu les bien-fonds [aaaaa] pour le prix de 1'336'000 francs; la part du prix qui leur est revenu à chacun a été de 668'000 francs. Ils ont déposé leur déclaration pour l’impôt sur les gains immobiliers en lien avec cette vente le 12 juillet 2018. Par deux taxations définitives séparées du 11 septembre 2018, l’une adressée à A.X.________, l’autre à l’attention de B.X.________, le service des contributions a arrêté le montant de l'impôt sur les gains immobiliers dû par chacun des prénommés à 62'151.30 francs. La vente des biens-fonds [aaaaa] n'ayant pas fait l'objet d'une nouvelle demande de remploi, le service des contributions a procédé à leur imposition, en effectuant un calcul du gain dit sur deux paliers afin de déterminer l'impôt sur les gains immobiliers, soit un palier sur l'imposition du remploi du gain réalisé sur les biens-fonds de Z.________ pour lequel les époux X.________ ont bénéficié d'une imposition différée en 2010 et un autre palier pour le gain réalisé sur l'aliénation des biens-fonds [aaaaa]. Saisi le 2 octobre 2018 d’une réclamation de A.X. et B.X.________, représentés par Me C.________, le service des contributions l’a rejeté par deux décisions sur réclamation séparées du 19 décembre 2019, l’une à l’égard de l’épouse et l’autre à l’encontre de l’époux. En substance, il a considéré que – dans la mesure où ni le droit cantonal ni le droit fédéral harmonisé ne donnaient de précisions sur le mode de calcul en cas de réinvestissement total ou partiel du gain immobilier dans l'acquisition ou la construction d'un nouveau bien, soit sur la détermination du gain immobilier lors de la vente de l'immeuble de remplacement sans que le contribuable procède à un nouveau report – l’autorité fiscale cantonale disposait d'une marge de manœuvre pour fixer les règles d'imposition à appliquer dans ce genre de cas et mettre en place sa pratique. Or, selon la pratique constante (publiée sur le site internet de l'Etat de Neuchâtel) en vigueur depuis le 1er janvier·2002 (selon communication officielle aux notaires datée du 10.12.2001) et qui était incontestée jusqu'au dépôt de la réclamation des époux X.________, la règle d'imposition appliquée par le service des contributions en cas d’imposition d'un gain différé pouvait se résumer de la manière suivante : « En l'absence d'un nouveau remploi, la vente de l'immeuble de remplacement déclenche une imposition du gain immobilier qui correspond à la différence entre le montant réinvesti et le prix de vente, auquel il convient d'ajouter le gain dont l'imposition a été différée. Le cas échéant, l'imposition est calculée sur deux paliers pour tenir compte des différentes durées de propriété sur les gains à imposer en fractionnant le calcul comme suit : 1. un palier pour le gain dont l'imposition a été différée où la durée de propriété correspond aux années écoulées entre les dates d'acquisition du premier immeuble et de vente du second. 2. un palier pour la part du gain réalisé sur la seconde transaction où la durée de propriété est égale au délai entre les dates d'achat et de vente de celle-ci. Le taux de l'impôt étant alors déterminé sur la base du gain total qui correspondra à l'addition du ou des gains différés et celui de l'ultime vente ». Estimant que cette pratique n'était contraire ni au droit cantonal ni au droit fédéral, le service des contributions a retenu que le calcul effectué sur deux paliers, en tenant compte du prix d'acquisition et de la durée de propriété du dernier bien immobilier dans le cadre de la taxation de chacun des deux époux X.________ était correcte. Sur ce dernier point, il a admis une durée de propriété de plus de 10 ans et donc une réduction de la base de l’impôt de 36 % s’agissant des biens-fonds [aaaaa], respectivement, une durée de propriété de plus de 14 ans et donc une réduction de la base de l’impôt de 60 % concernant les biens-fonds de Z.________. Le Service des contributions a en définitive maintenu ses deux taxations définitives pour un montant de 62'151.30 francs à l’encontre de chacun des deux contribuables, soit pour un montant total d’impôt sur les gains immobiliers de 124'302.60 francs.

B.                    A.X. et B.X.________ interjettent recours devant la Cour de droit public du Tribunal cantonal contre les deux décisions sur réclamation séparées du 19 décembre 2019 en concluant, avec suite de frais et dépens, principalement, à leur réforme en ce sens qu’il soit prononcé, pour chacun d’eux, un impôt de 45'754 francs, soit au total un montant d'impôt à payer de 91'508 francs, subsidiairement, à l’annulation des deux décisions sur réclamation précitées et au renvoi de la cause au service des contributions pour nouvelles décisions, en invitant ce dernier à ne pas fractionner le gain, ni sur les montants, ni sur la durée. En résumé, les recourants soutiennent que la pratique de l’intimé consistant en une scission du gain par paliers, selon plusieurs montants et plusieurs durées différentes, est illicite. Ils sont d’avis qu’aussi bien en ce qui concerne le montant du gain que la durée de propriété, seuls les opérations imposables doivent être considérées, à l'exclusion des opérations intermédiaires, tel que le remploi du gain réalisé sur les biens-fonds de Z.________, qui ne donnent pas lieu à l'imposition. Les recourants estiment dès lors qu’il convient de partir du prix de vente des biens-fonds [aaaaa] en 2018, d'en déduire le prix d'achat des biens-fonds de Z.________ en 1982, pour ensuite en déduire tous les frais d'acquisition (tant ceux en lien avec les biens-fonds de Z.________ que ceux liés aux biens-fonds [aaaaa]), les frais de courtage, les travaux à plus-value (impenses) et les frais d'aliénation. Ils précisent encore que la durée retenue pour ce gain immobilier, qui doit – selon eux – être considéré comme un gain unique en raison du remploi intervenu en 2010, correspond à la durée depuis l'acquisition des biens-fonds de Z.________ en 1982 (ou 1984, cela n’ayant pas d’incidence) jusqu'à la vente des biens-fonds [aaaaa] en 2018, soit une durée supérieure en tous les cas à 14 ans.

C.                    Dans ses observations du 16 avril 2020, le service des contributions conclut au rejet du recours et à la confirmation de ces deux décisions sur réclamation séparées du 19 décembre 2019, sous suite de frais.

D.                    Le 12 mai 2020, les recourants répliquent. Le 15 septembre suivant, leur mandataire dépose un mémoire d’honoraires.

C O N S I D E R A N T

en droit

1.                                Interjeté dans les formes et délais légaux le recours est recevable.

2.                                a/aa) L’impôt sur les gains immobiliers fait partie du droit harmonisé (art. 12 de la loi fédérale du 14.12.1990 sur l’harmonisation des impôts directs des cantons et des communes [RS 642.14; LHID]). Comme son nom l’indique le but de cette loi est d’harmoniser les législations cantonales. On vise par ce terme une coordination des systèmes fiscaux cantonaux, et non pas une uniformisation de ceux-ci (Verrey, L’imposition différée du gain immobilier : harmonisation fédérale et droit cantonal comparé, thèse, Lausanne 2011, no 216, p. 186; Oberson, Droit fiscal suisse, 4e éd. 2012, no 17, p. 22). A ce propos, le Tribunal fédéral a rappelé que l'harmonisation fiscale vise un ajustement des législations cantonales avec la législation fédérale en matière d'impôt fédéral direct (harmonisation verticale) et celui des législations cantonales entre elles (harmonisation horizontale), ainsi que, notamment, une simplification de la taxation (ATF 128 II 56 cons. 6a, 130 II 65 cons. 5.2). Le législateur fédéral a ainsi répondu au mandat constitutionnel de l’article 129 Cst. féd. Il s’agit d’une harmonisation formelle, dans ce sens que sont de la compétence du législateur fédéral l’assujettissement, l’objet et la période de calcul de l’impôt, la procédure et le droit pénal en matière fiscale (art. 129 al. 2, 1ère phrase Cst. féd.). En revanche, les cantons conservent leur indépendance notamment en ce qui concerne les barèmes, les taux et les montants exonérés de l’impôt (art. 129 al. 2, 2ème phrase Cst. féd.).

a/bb) D’une manière générale, la marge de manœuvre dont le législateur cantonal dispose pour mettre en œuvre la LHID se détermine sur la base des méthodes et critères d'interprétation généralement applicables (arrêt du TF du 26.10.2004 [2A.224/2004]). Selon la jurisprudence constante du Tribunal fédéral, la loi s'interprète en premier lieu selon sa lettre (interprétation littérale). Si le texte n'est pas absolument clair et si plusieurs interprétations de celui-ci sont possibles, il convient de rechercher quelle est la véritable portée de la norme, en la dégageant de tous les éléments à considérer, soit notamment des travaux préparatoires (interprétation historique), du but de la règle, de son esprit, ainsi que des valeurs sur lesquelles elle repose, singulièrement l'intérêt protégé (interprétation téléologique) ou encore de sa relation avec d'autres dispositions légales (interprétation systématique) (ATF 137 II 164 cons. 4.1, 137 III 217 cons. 2.4.1, cf. aussi arrêts du TF des 21.01.2008 [2A.372/2006] cons. 4.1 et 13.02.2004 [2P.170/2003, 2A.289/2003] cons. 6). S'agissant de l'interprétation téléologique de la LHID, il convient à ce stade déjà de renvoyer au but poursuivi par l'article 129 Cst. féd. Ainsi, au regard du but d'harmonisation verticale, la loi fédérale sur l'impôt fédéral direct constitue un élément d'interprétation de poids (arrêt du TF du 13.02.2004 [2P.170/2003, 2A.289/2003] cons. 6). Enfin, si plusieurs interprétations sont possibles, il convient de choisir celle qui est conforme à la Constitution fédérale, sauf s'il résulte clairement du texte ou de l'esprit de la loi que le législateur fédéral a voulu une solution contraire (ATF 131 II 562 cons. 3.5).

b) L’impôt sur les gains immobiliers a pour objet les gains réalisés lors de l’aliénation de tout ou partie d’un immeuble faisant partie de la fortune privée du contribuable ou d’un immeuble agricole ou sylvicole, à condition que le produit de l’aliénation soit supérieur aux dépenses d’investissement (prix d’acquisition ou autre valeur s’y substituant, impenses) (art. 12 al. 1 LHID). La LHID ne définit ainsi que dans les grandes lignes le bénéfice imposable. Cela étant, le législateur cantonal ne dispose que d’une marge d’appréciation restreinte dans sa détermination, compte tenu notamment de l’interaction de cette notion avec d’autres (notamment les notions de gain en capital privé et de donation; dans ce sens, cf. arrêts du TF des 17.10.2005 [2A.20/2005] et 21.02.2005 [2A.9/2004]). Il ne peut prévoir une assiette de l’impôt plus importante que le bénéfice réalisé par le cédant. L'article 12 LHID prescrit de manière exhaustive les cas qui fondent l'assujettissement, respectivement, ceux à l’origine du report (Message concernant les lois fédérales sur l'harmonisation des impôts directs des cantons et des communes ainsi que sur l'impôt fédéral [Message sur l'harmonisation fiscale] du 25.05.1983, FF 1983 III 1, p. 106 à 108). Dès lors les cantons doivent imposer toute aliénation au sens du droit civil ou résultant d'un transfert économique sauf si l'imposition est différée au sens de l'article 12 al. 3 LHID. Si l'article 12 al. 2 LHID indique que toute aliénation est imposable, l'impôt n'est perçu que si un gain est réalisé (al. 1). L'impôt sur les gains immobiliers ne frappe pas l'aliénation elle-même mais le bénéfice réalisé. La marge de manœuvre des cantons est ici également limitée, à savoir par l'objet même de l'impôt sur les gains immobiliers (Verrey, op. cit., no 15, p. 12 et les références citées; Chillà/Axelroud Buchmann, Identité de propriétaire en cas de report d’imposition du gain immobilier privé selon l’art. 12 al.3 let. e LHID, in : Revue fiscale 67/2012, p. 335 ss, spéc. p. 336).

c/aa) Selon le Message sur l'harmonisation, repris par les Chambres fédérales, le troisième alinéa de l'article 12 LHID – 15 dans le projet de loi – énumère de manière exhaustive les hypothèses où l'imposition est différée (FF 1983 III 1, p. 108; BO CE 1986, p. 141, cf. aussi ATF 130 II 202 cons. 3.2). Dès lors, le report doit être accordé au contribuable dans tous les cas énumérés à l'article 12 al. 3 LHID dans la mesure où le législateur fédéral a dressé une liste exhaustive de ces cas (arrêt du TF du 14.10.2009 [2C_308/2009] cons. 1.3). Cela signifie également que les cantons ne peuvent prévoir d'autres hypothèses déclenchant le report ou des cas d'exonération, ni maintenir des hypothèses divergentes après l'entrée en force de la LHID, puisqu’il s’agit ici d’une question d'assujettissement à l'impôt, visé par l'harmonisation fiscale (art. 129 al. 2 Cst. féd.) (Verrey, op. cit., no 27, p. 22 et les références citées). En d’autres termes, quand bien même l’article 12 LHID, qui contraint les cantons à percevoir l’impôt sur les gains immobiliers, demeure vague sur l'aménagement de cet impôt, en particulier sur la durée de la possession (ATF 134 II 124 cons. 3.2), il ne leur laisse aucune liberté pour décider des cas dans lesquels l'imposition doit être différée (arrêt du TF du 20.07.2010 [2C_797/2009] cons. 2.1 et les références citées). Les cantons sont en revanche libres d’adopter le barème de l’impôt sur les gains immobiliers (art. 1 al. 3 LHID), sous réserve d’imposer plus lourdement les bénéfices réalisés à court terme (art. 12 al. 5 LHID).

c/bb) Selon l’article 12 al. 3 let. e LHID, l’imposition est différée en cas d’aliénation de l’habitation (maison ou appartement) ayant durablement et exclusivement servi au propre usage de l’aliénateur, dans la mesure où le produit ainsi obtenu est affecté, dans un délai approprié, à l’acquisition ou à la construction en Suisse d’une habitation servant au même usage. L'augmentation de valeur qui s'est produite entre la dernière aliénation imposable et l'acte prorogeant l'imposition n'est provisoirement pas taxée (arrêt du TF du 13.08.2009 [2C_164/2009] cons. 6.3). Elle le sera au moment de l’aliénation du bien acheté en remplacement. Il s’agit d’un report d'imposition « Steueraufschub » et non d’une exemption définitive « Befreiung » de celle-ci (Chillà/Axelroud Buchmann, op. cit., p. 338 et 344 et les références citées); une telle exonération définitive serait d’ailleurs contraire à l’article 12 LHID (arrêt du TF du 20.07.2010 [2C_797/2009] cons. 2.3 et les références citées; RJN 2015, p. 358 cons. 3a, RJN 2017, p. 558 cons. 2a). De même, il ne s'agit pas de différer le paiement de l'impôt mais l'imposition jusqu'au moment où le contribuable aliène un immeuble sans que cette aliénation soit visée par l'article 12 al. 3 LHID. Le report d'imposition revient donc à mettre entre parenthèses les opérations qui ne donnent pas lieu à imposition, pour ne considérer que les transferts imposables (Verrey, op. cit., no 274, p. 234). Selon la jurisprudence, la prorogation de l'imposition signifie qu'un transfert constituant en soi un acte d'aliénation n'est cependant pas soumis à imposition. Tout se passe, sous l'angle de l'impôt sur les gains immobiliers, comme si le transfert n'avait pas eu lieu ou, en d'autres termes, comme s'il n'y avait pas eu réalisation d'un gain (ATF 100 Ia 209 cons. 2c). L’augmentation de valeur qui s’est produite entre la dernière aliénation imposable et l’acte prorogeant l’imposition n’est provisoirement pas taxée; l’imposition est simplement différée jusqu’à la nouvelle aliénation imposable (arrêts du TF des 20.07.2010 [2C_797/2009] cons. 2.3 et 13.08.2009 [2C_164/2009, 2C_165/2009] cons. 6.3; RJN 2015, p. 358 cons. 3a, RJN 2017, p. 558 cons. 2a). La valeur d’acquisition qui sera ainsi retenue pour calculer le gain au moment de l’aliénation du bien de remplacement est celle de la dernière aliénation imposable augmentée des impenses, soit la valeur d’acquisition du premier immeuble aliéné. En revanche, le contribuable bénéficiera en général d’un taux d’impôt plus favorable, du fait de la durée de possession cumulée (arrêt du TF du 20.07.2010 [2C_797/2009] cons. 4.2; Chillà/Axelroud Buchmann, op. cit., p. 338 et 344 et les références citées; RJN 2015, p. 358 cons. 3a). Sur la base de l’article 12 al. 3 let. e LHID, pour qu’il y ait report d’imposition quatre conditions cumulatives doivent être remplies : 1. L’immeuble aliéné a servi au propre usage de l’aliénateur (résidence principale); 2. Cet usage a été durable et exclusif; 3. Le produit de l’aliénation est utilisé pour financer l’achat de l’immeuble de remplacement (réinvestissement); 4. L’achat de l’immeuble de remplacement intervient en Suisse et dans un délai approprié.

c/cc) Le droit cantonal neuchâtelois a été adapté à la LHID au 1er janvier 2001 (cette loi déployant un effet obligatoire à cette date; art. 72 al. 1 et 79 LHID). Ainsi, conformément à l'article 12 LHID, le droit neuchâtelois prévoit que l’impôt sur les gains immobiliers a pour objet les gains réalisés lors de l’aliénation de tout ou partie d’un immeuble faisant partie de la fortune privée du contribuable (art. 56 de la loi cantonale sur les contributions directes 21.03.2000 [RSN 631.0; LCdir]) et qu’il est perçu lors de toute aliénation qui opère le transfert de la propriété juridique ou économique d’un immeuble (art. 57 al. 1 LCdir]). Il est différé en cas d'aliénation de l'habitation (maison ou appartement) ayant durablement et exclusivement servi au propre usage de l'aliénateur, dans la mesure où le produit ainsi obtenu est affecté, dans un délai approprié, à l'acquisition ou à la construction en Suisse d'une habitation servant au même usage (art. 58 al. 1 let. e LCdir]). L'article 65 al. 1 LCdir] précise qu'en cas d'aliénation d'immeubles précédemment acquis par des transferts justifiant une imposition différée, le prix d'acquisition est celui du dernier transfert imposable. A noter que l’alinéa 2 de cette disposition stipule que, lors de l'aliénation sans réinvestissement entraînant un différé d'impôt d'un immeuble sis dans un autre canton et acquis avec une imposition différée selon l'article 58 al. 1 let. e LCdir], seul le gain immobilier qui a auparavant fait l'objet d'un sursis à l'imposition dans le canton, est imposable.

L'impôt sur le gain imposable est progressif avec un supplément ou une réduction selon la durée de propriété (art. 70 LCdir]). A teneur de l’article 73 LCdir], l'impôt calculé d'après le système progressif par catégories, selon le barème de l'article 71 LCdir] est réduit pour une durée de propriété de : plus de 5 ans de 6 %; plus de 6 ans de 12 %; plus de 7 ans de 18 %; plus de 8 ans de 24 %; plus de 9 ans de 30 %; plus de 10 ans de 36 %; plus de 11 ans de 42 %; plus de 12 ans de 48 %; plus de 13 ans de 54 %; plus de 14 ans de 60 % (al. 1). Le taux maximum de réduction ne peut dépasser 60 % (al. 2). Pour le calcul de la durée de propriété, est déterminante, si, lors de l'acquisition de l'immeuble, l'imposition a été différée, la date de la précédente aliénation imposable (art. 74 al. 1 let. c LCdir]). A noter que le remplacement en franchise d'impôt d'un actif immobilisé nécessaire à l'exploitation, de l'habitation principale du contribuable ou d'un immeuble agricole ou sylvicole doit intervenir au plus tard dans un délai de 2 ans à compter de la réalisation de l'ancien actif. Exceptionnellement l'acquisition du nouvel actif peut précéder la réalisation de l'ancien actif. Le remploi partiel est accordé lorsque le produit de l'aliénation est affecté partiellement à l'acquisition du nouvel actif (art. 33 du règlement général d'application de la loi cantonale sur les contributions directes du 01.11.2000 [RSN 631.01; RELCdir).

3.                                a) En l’espère, les recourants ne contestent pas que la vente immobilière du 12 juillet 2018 constitue une aliénation imposable et ils ne remettent pas non plus en question la fixation, pour chacun d’eux, du gain imposable y relatif à 141'700 francs, compte tenu, pour chacun d’eux, d’un gain total pour cette vente de 400'700 francs et d’une déduction de 259'000 francs à titre de gain imposable lié à la vente intervenue par acte notarié du 24 septembre 2009 et dont l’imposition a été différée en raison précisément de l’acquisition en remploi de l’habitation privée vendue en 2018. De même, il est établi que les contribuables ont acquis les biens-fonds de remplacement, sis à  [aaaaa], à un prix supérieur au prix de vente de leur ancien logement de Z.________, de sorte qu’ils ont réinvesti l’entier du montant issu de la vente des biens-fonds de Z._______  ̶  montant qui n’est d’ailleurs pas remis en cause  ̶  dans les biens-fonds de remplacement [aaaaa]. Plus spécifiquement, les recourants ne contestent, s’agissant des montants retenus pour chacun d’eux, ni le prix de vente des biens-fonds [aaaaa] (CHF 668'000), respectivement, les frais d’acquisition (CHF 18'996), de courtage (CHF 14'388.50), d’aliénation (CHF 23'045) et la contribution de plus-values (CHF 29'288) de ceux-ci, ni le prix d’acquisition des biens-fonds de Z.________ (CHF 183'150), respectivement, les frais d’acquisition (CHF 7'965) et les dépenses pour constructions nouvelles (CHF 44'539). De même, ils ne remettent pas non plus en cause que, conformément à l’article 65 al. 1 LCdir], la précédente opération imposée détermine le prix d'acquisition fixant le gain immobilier imposable.

Est ainsi uniquement litigieux le mode d’imposition qui a été appliqué par l’autorité fiscale cantonale pour déterminer l’impôt sur les gains immobiliers, à savoir l’application de sa pratique, valant depuis le 1er janvier 2002, qui veut que seul le gain dont l'imposition a été différée bénéficie de la durée totale et cumulée de possession des deux immeubles, la part du gain réalisée sur le second immeuble étant imposée plus lourdement. En d’autres termes, ils s’en prennent au fait de scinder en deux parties le gain immobilier, soutenant que celui-ci n'est pas à fractionner en deux parties, mais qu’ils doivent, en tant que contribuables, bénéficier de la durée de possession des deux immeubles pour l'entier du gain immobilier réalisé lors de la vente de l'immeuble acquis en remploi. Estimant que la pratique de l’autorité fiscale cantonale va à l'encontre de l'esprit du mécanisme de réinvestissement, tel qu'il a été tout particulièrement élaboré par le législateur fédéral, les recourants sont d’avis que, pour calculer et imposer le gain effectivement réalisé, d’une part, il convient (i) de partir du prix de vente des biens-fonds [aaaaa] en 2018, (ii) d'en déduire le prix d'achat des biens-fonds de Z.________ en 1982, pour ensuite (iii) d’en déduire tous les frais d'acquisition (tant ceux en lien avec les biens-fonds de Z.________ que ceux liés aux biens-fonds [aaaaa]), les frais de courtage, les travaux à plus-value (impenses) et les frais d'aliénation, et, d’autre part, de retenir comme durée pour ce gain immobilier celle courant depuis l'acquisition des biens-fonds de Z.________ en 1982 (ou 1984, sans que cela ait une quelconque conséquence) jusqu'à la vente des biens-fonds [aaaaa] en 2018, soit une durée en tous les cas supérieure aux 14 ans de l’article 73 al. 1 LCdir].

b) Initialement, le projet de loi du Conseil fédéral ne prévoyait pas de remploi en cas d'aliénation de l'habitation du contribuable (FF 1983 III 1, p. 109). Le Conseil des Etats a souhaité dans un premier temps laisser aux cantons la liberté de prévoir un report de l'imposition en cas d'acquisition en remploi d'une habitation privée (BO CE 1986, p. 141). Puis, le Conseil national a souhaité une généralisation du remploi, mais limitée à des cas de nécessité (BO CN 1989, p. 49). Selon cette proposition, le report d’imposition n’était possible que dans les cas où l’aliénation de l’habitation familiale était rendue nécessaire pour des raisons impératives (« zwingender Grund »). La loi ne précisant pas la notion de raison impérative, il aurait alors appartenu aux autorités fiscales cantonales de déterminer dans quels cas appliquer le report. Une telle solution est apparue insatisfaisante pour trois raisons. En premier lieu, elle ne répondait pas au but d’harmonisation fondant la LHID. Deuxièmement, elle limitait la mobilité professionnelle de la population suisse. Enfin, elle laissait la place à des interprétations cantonales différentes et indirectement à des injustices évidentes (BO CN 1989, p. 49 à 51). C’est pourquoi cette notion ne figure pas dans le texte finalement adopté par le parlement, qui prévoit donc la solution d'un remploi obligatoire large (BO CN 1990, p. 442 ET BO CE, p. 726). A noter qu’au cours des débats devant les Chambres fédérales, le rapporteur de la commission concernée du Conseil national a en particulier signalé ce qui suit : « Si l'on oblige les propriétaires à faire imposer les plus-values dérivant de l'aménagement du territoire avant qu'ils les utilisent, soit en vendant soit en construisant eux-mêmes, on les pousse à vendre ou à s'endetter. C'est donc exactement le contraire de ce que l'on veut obtenir. Il me paraît juste par contre d'imposer cette plus-value au moment où le propriétaire la réalise réellement car, à ce moment-là, il aura l'argent disponible pour payer les impôts sur cette plus-value » (BO CN 1989, p. 49); « La commission était unanime sur le principe de ne pas imposer l'aliénation de l'habitation, maison familiale ou appartement, quand son produit est employé et affecté à l'achat d'une autre habitation. La commission a essayé de limiter cette exception qui, par ailleurs, part de l'idée qu'il faut imposer la spéculation, les gains immobiliers, en précisant avant tout qu'il doit s'agir de l'habitation ayant durablement et exclusivement servi au propre usage de l'aliénateur. […] Dans la mesure où le produit ainsi obtenu est affecté, dans un délai approprié, à l'acquisition ou à la construction, ce n'est pas tout le prix qui est exempt d'imposition mais seulement la part employée à l'achat d'une autre habitation. […] la commission a préféré ne pas reprendre cette limitation ultérieure [raisons impératives] mais a choisi de laisser le texte initial, dans l'idée que seul le produit de l'aliénation de l'habitation qui a durablement et exclusivement servi au propre usage de l'aliénateur et qui est réinvesti dans une autre maison utilisée personnellement est déclaré exempt d'impôt » (BO CN 1989, p. 51).

Il résulte ainsi de l’analyse des travaux préparatoires de l’article 12 al. 3 let. e LHID une volonté du législateur fédéral, premièrement, de différer non pas le paiement de l'impôt mais bien l'imposition en tant que telle jusqu'au moment où le contribuable, qui a fait usage du remploi, aliène un immeuble sans que cette nouvelle aliénation soit visée par l'article 12 al. 3 LHID, deuxièmement, de reporter l’imposition du gain immobilier issue de l’aliénation de l’habitation privée dans les cas de réinvestissement de manière large, et, troisièmement, de limiter la liberté de légiférer des cantons dans ce domaine. De même, l’examen desdits travaux montre que les buts poursuivis par le législateur fédéral ont été de soutenir la mobilité professionnelle de la population, de protéger l’accession et le maintien de la propriété privée, tout en prévenant la spéculation foncière. Par l’introduction du report d’imposition du gain immobilier, le législateur fédéral a exprimé sa volonté ferme de ne pas handicaper l’acquisition ou le maintien de la propriété servant de logement principal par une imposition. En effet, si le contribuable souhaite utiliser tout ou partie du gain réalisé lors de la vente d’un immeuble d’habitation pour financer l’achat d’un immeuble de remplacement, et que ce gain est immédiatement imposable, le pouvoir d’achat du contribuable s’en trouve notablement réduit. Ceci constitue en plus un obstacle à la mobilité de la population, de sorte que le législateur fédéral a considéré qu’un tel mécanisme était à éviter. Il en va de même pour ce qui concerne l’accession et le maintien de la propriété, puisqu’une telle imposition ne permettrait pas au contribuable d’acheter un immeuble d’égale valeur, car ses liquidités découlant de la vente seraient réduites du montant de l’impôt. Néanmoins, il a été jugé qu’il convenait de prévenir et combattre les comportements abusifs. D’où la nécessité d’une occupation propre exclusive et durable de l’immeuble aliéné. Suivant cet esprit de lutte contre la spéculation foncière, c’est l’usage qui est fait du gain qui justifie le report d’imposition. De plus, afin d’éviter que des contribuables puissent se prévaloir du report d’imposition pour faire de la spéculation foncière, le parlement a ajouté à l’article 12 l’alinéa 5 LHID. Selon son texte, les cantons veillent à ce que les bénéfices réalisés à court terme soient imposés plus lourdement. L’interdiction d’utiliser le report d’imposition à des fins de spéculation foncière est donc la seule et unique limite au différé d’impôt, pour autant que les autres conditions soient remplies. Dans cette optique, le législateur fédéral n’a laissé aux cantons aucune liberté de décider dans quels cas admettre le report d’impôt. Il n’a pas accepté non plus de le soumettre à la condition que l’aliénation soit justifiée par une raison impérative (telle des cas liés à la profession, éventuellement à la famille, mais également à l’état de santé, etc.). En effet, les difficultés découlant de l’interprétation de cette notion auraient constitué une limite à la mobilité professionnelle. Par conséquent, force est de convenir que le but visé par la loi est de ne pas entraver l’accession à la propriété du logement et de protéger la libre circulation de la population suisse ou à tout le moins de ne pas la restreindre par le biais d’une imposition, sous la seule réserve de cas de spéculation foncière (cf. Chillà/Axelroud Buchmann, op. cit., p. 339 s. et les références citées).

En définitive, le législateur fédéral a voulu l’introduction du report d’imposition dans le cas d’aliénation de l’habitation propre; toutes les restrictions proposées au cours des débats parlementaires ont été abandonnées pour aboutir à une solution plus large. Il a manifesté sa volonté de limiter la liberté des cantons de légiférer en la matière. En particulier, il n’a pas laissé aux cantons la liberté de prévoir dans quels cas admettre le report. La lutte contre la spéculation foncière, qui constitue un point fondamental, représente la seule limite au report d’imposition. Par ailleurs, l’impôt sur le gain immobilier intègre une appréciation économique de la réalité, tout comme la notion de réinvestissement. Il s’ensuit que les cantons ne sauraient introduire par leur lois et pratiques cantonales des restrictions qui auraient comme seule conséquence d’entraver l’achat d’un immeuble de remplacement.

c/aa) De manière générale, le Tribunal fédéral a également considéré que le législateur cantonal ne dispose que d'une marge de manœuvre limitée dans la détermination du gain imposable. Ainsi en va-t-il notamment lorsque l'impôt sur les gains immobiliers et l'impôt sur le revenu sont étroitement liés l'un à l'autre, soit en particulier dans le système moniste (ATF 131 II 722 cons. 2.1; arrêts du TF des 29.05.2009 [2C_119/2009] cons. 2.1, 20.05.2009 [2C_652/2008] cons. 2.1, 28.03.2008 [2C_479/2007] et 21.02.2005 [2A.9/2004] cons. 3.1), dans le système dualiste, où la jurisprudence rendue en matière de commerce d'immeubles et d'activité lucrative indépendante restreint également la marge de manœuvre du législateur cantonal (cf. Verrey, op. cit., no 9, p. 7 s. et les références citées), ou encore lorsque l’article 12 LHID, tout particulièrement à son alinéa 3, renvoie à des notions définies par le droit civil ou par la jurisprudence du Tribunal fédéral, de même que lorsque ce dernier estime que le législateur fédéral a souhaité, dans certains cas, une harmonisation matérielle des législations cantonales. Ainsi, par exemple aux lettres a et b de l’article 12 al. 3, il est fait référence à des notions issues du droit civil (succession, legs, avancement d'hoirie, régime matrimonial ou encore divorce) ou à des notions pour lesquelles le droit fiscal a sa propre définition (donation), limitant la marge de manœuvre des cantons par la définition même de ces notions (cf. Verrey, op. cit., no 40 s., p. 30 s.). Aussi, le législateur cantonal dispose, s’agissant de l'objet même de l'impôt spécial sur les gains immobiliers, d'une marge de manœuvre limitée essentiellement à l'aménagement de cet impôt, la LHID lui laissant le soin de définir certaines notions pour la détermination du gain imposable, tels les frais qui sont déductibles au titre d'impenses ou encore la possibilité de fixer une éventuelle valeur de substitution au prix d'acquisition de l'immeuble (estimation fiscale ou autre) (cf. Verrey, op. cit., no 11, p. 9 et les références citées).

c/bb) S’agissant plus spécifiquement du remploi au sens des lettres d et e de l’article 12 al. 3 LHID, le Tribunal fédéral a considéré que le législateur fédéral laisse peu de marge de manœuvre aux cantons en la matière, sous réserve peut-être de l'emploi par le législateur fédéral de notions indéterminées. A titre d’exemple on relèvera que notre Haute Cour a imposé aux cantons la méthode absolue en cas de réinvestissement partiel du produit de l'aliénation : seule la part du montant issu de la vente qui est effectivement réinvestie dans le bien de remplacement bénéficie du report d'imposition. Il s'agit de la différence entre le montant déboursé pour acquérir le nouvel immeuble et le prix de revient de l'immeuble remplacé (prix d'acquisition et impenses). Le Tribunal fédéral a d’ailleurs souligné qu'une solution uniforme dans toute la Suisse s'impose dans la mesure où le remploi n'est plus limité aux frontières cantonales (ATF 130 II 202 cons. 3.2; arrêt du TF du 14.10.2009 [2C_308/2009] cons. 1.3).

De même, le Tribunal fédéral a retenu que l’expression ʺayant durablement et exclusivement servi au propre usage de l'aliénateurʺ de l’article 12 al. 3 let. e LHID ressortit au droit fédéral et ne concerne que la résidence principale, de sorte que, conformément à la jurisprudence rendue en matière de domicile fiscal, il n’est pas nécessaire, pour que l’on puisse admettre le caractère durable de l’usage propre du bien de remplacement, que le propriétaire l’ait habité durant toute la durée de possession. En d’autres termes, la Haute Cour a admis que la disposition susdite règle le propre usage durable et exclusif d’habitations en lien avec le report d’imposition en cas d’achat de remplacement, sans laisser de marge de manœuvre aux cantons. Plus précisément, elle a jugé que, dans la mesure où il existe un silence qualifié du législateur fédéral s’agissant de durée minimale de détention, on ne peut déduire aucune période fixe de 5 ans comme condition pour pouvoir retenir un propre usage durable et exclusif ni de l’article 12 al. 3 let. e LHID, ni du rapport de la Commission de l’économie et des redevances du Conseil national du 19 janvier 2010 établi il y a quelques années, au sujet de l’initiative parlementaire « Acquisition d’un nouveau logement. Encourager la mobilité professionnelle » (FF 2010 2357). A cet égard, le Tribunal fédéral a précisé qu’il ressort du but du projet de loi que, lorsque le nouvel article 12 al. 3bis let. b LHID a été proposé (FF 2010 2388), il s’agissait uniquement de délimiter les compétences fiscales dans des situations intercantonales, en ce sens que le canton de départ devait pouvoir avoir la possibilité de procéder après-coup, selon les circonstances, à l’imposition du gain relevant de sa souveraineté fiscale qui avait fait l’objet d’un report (FF 2010 2369 ch. 2.3.5.1). Il ne s’agissait toutefois pas là d’éviter que des gains réalisés à court terme puissent être accumulés sans imposition. La Haute Cour a encore indiqué qu’il n’avait finalement pas été entré en matière sur ladite initiative parlementaire (BO 2011 CE 520). Elle a ainsi considéré qu’il n’est pas possible de considérer que le contribuable n’aurait jamais l’intention de procéder à un achat de remplacement s’il abandonne dans les 5 ans l’occupation de l’immeuble nouvellement acquis. Par la prise de domicile, l’exigence de propre usage durable et exclusif est remplie s’agissant de l’objet de remplacement. La notion de caractère durable serait de plus par-là traitée de manière différente pour l’objet originel que pour l’achat de remplacement. Ceci serait en contradiction avec l’exigence de droit fédéral, selon laquelle les notions de propre usage, de caractère durable et d’exclusivité doivent être interprétées de la même manière en lien avec l’objet aliéné qu’en lien avec le bien de remplacement. Le Tribunal fédéral a encore retenu qu’également selon le principe de primauté du droit fédéral de l'article 49 Cst. féd., les cantons ne seraient pas compétents pour poser des conditions supplémentaires au report de l'imposition en cas d'acquisition de remplacement. (ATF 143 II 233 cons. 2.3 à 2.5 et 3 et les références citées).

Encore récemment, le Tribunal fédéral a jugé que le gain immobilier dont l'imposition a été différée dans un canton et qui est réalisé dans un autre canton est entièrement imposable dans cet autre canton (application de la méthode unitaire). Le canton de départ perd toute compétence d'imposer le gain différé, même lorsque l'objet de remplacement acquis avec le produit de la vente de l'immeuble est à nouveau aliéné dans un délai de 5 ans (transfert similaire à un réinvestissement), sous réserve de situations constitutives d'abus de droit. La Haute Cour a ainsi écarté la méthode dite du partage, qui veut que le canton de départ reste compétent pour imposer le gain immobilier réalisé sur son territoire malgré le report intervenu à l'époque. Plus précisément, relevant que le cas à trancher concernait la question de la résurgence de la compétence de taxer du canton de départ en cas de transfert de l'objet de remplacement similaire à un réinvestissement dans le canton d'arrivée, lorsqu'il n'y a pas d'autre report de l'imposition, en raison de la rupture de la chaîne des acquisitions de remplacement, le Tribunal fédéral a admis qu’il devait, comme un législateur, poser une règle de double imposition. A cet effet, il a considéré les développements contenus dans l'ATF 143 II 233 au sujet de l'art. 12 al. 3 let. e LHID comme déterminants, dans la mesure où il en ressort – comme indiqué ci-avant – qu'une acquisition de remplacement ne suppose aucune durée minimale et en particulier qu'aucun délai de 5 ans n'est applicable à cet égard. Sur la base de cette jurisprudence, d'une part, et de la décision de principe qui avait déjà été rendue au sujet de la méthode unitaire d'autre part (arrêt du TF du 19.12.2012 [2C_337/2012] cons. 3 et 4.1), la Haute Cour a retenu qu’il ne restait pas vraiment de motifs évidents qui parleraient en faveur d'une application partielle de la méthode du partage en cas de transferts similaires à des réinvestissements. Dans l'intérêt d'une situation juridique uniforme et praticable, renoncer à fixer une durée minimale (de 5 ans) également dans le contexte de la répartition intercantonale de la compétence de taxer, s'impose aussi. La méthode unitaire a ainsi été considérée comme applicable en cas de transferts similaires à des réinvestissements, ce qui signifie que le droit d'imposer le substrat fiscal latent revient aussi dans ces situations entièrement et exclusivement au canton d'arrivée, respectivement au dernier canton d'arrivée, dans les cas de l'article 12 al. 3 let. e LHID (habitation ayant durablement et exclusivement servi au propre usage). Le Tribunal fédéral a encore précisé que seule la question de l'abus de droit reste réservée, par exemple si l'aliénateur avait déjà l'intention, lors de son installation dans le canton d'arrivée, d'utiliser le bien de remplacement comme logement de vacances ou s'il a procédé à une acquisition de remplacement pour des motifs purement spéculatifs, avec l'intention d'acheter un deuxième objet de remplacement après une courte durée de possession et de liquider ainsi le gain intermédiaire; en cas d'abus de droit, le report d'imposition devrait être refusé et la compétence d'imposer demeurerait au canton de départ (ATF 143 II 694 cons. 4 et les références citées).

En définitive, même lorsqu'il s'agit de préciser certaines notions juridiques indéterminées comme le délai « raisonnable » ou « approprié » pour effectuer le remploi ou la définition de l'usage « durable » et « exclusif » de l'immeuble d'habitation, les cantons bénéficient d'une marge de manœuvre limitée, pour ne pas dire d’aucune marge de manœuvre. A rappeler encore que, conformément à la volonté du législateur fédéral quant à la portée de l’article 12 al. 3 let. e LHID, le Tribunal fédéral a depuis longtemps admis que  ̶  et ATF 143 II 694 ne fait que le confirmer  ̶  le report prévu par cette disposition n’implique pas de différer le paiement de l'impôt mais bien l'imposition elle-même, et ce jusqu'au moment où le contribuable, qui a fait usage du remploi, aliène un immeuble sans que cette nouvelle aliénation soit visée par l'article 12 al. 3 LHID (cf. cons. 2c/bb ci-avant).

d) Quant à la doctrine, il convient de convenir avec les recourants que très peu d’auteurs se sont intéressés à la problématique ici en cause. Verrey, qui a précisément consacré sa thèse de doctorat à l’imposition différée du gain immobilier et en particulier à l’harmonisation fédérale et au droit cantonal comparé, considère que le gain global ne doit pas être fractionné pour appliquer une durée de possession différente, allant de pair avec un taux différent, au gain réalisé sur la vente du premier immeuble et à celui réalisé sur la vente du second immeuble. Le report n'interrompt pas la durée de possession. Ainsi, les dispositions cantonales fractionnant le gain (cf. par ex. cantons de Zurich, Berne, Schwyz, Vaud et Argovie) sont, de l’avis de l’auteur, contraires à l'idée même du remploi qui consiste à ignorer l'opération qui a suscité un report d'imposition. A noter que, par exemple, le canton du Tessin impose le gain immobilier à un seul taux. Plus spécifiquement, Verrey estime que seules devraient être déterminantes les opérations imposables, ce qui implique, en cas de revente de l'immeuble acquis en remploi, que le précédent transfert taxé est pertinent pour fixer la durée de possession de l'entier du gain effectivement réalisé lorsque le contribuable n'est plus en mesure d'invoquer un report d'imposition. Selon l’auteur, cette interprétation est la plus conforme au texte de l'article 12 al. 3 LHID qui énonce que « l'imposition » est différée, notamment en cas de remploi d'immeuble servant durablement et exclusivement au propre usage du contribuable. Comme admis par le législateur fédéral, de même que par le Tribunal fédéral, il ne s'agit donc pas de différer le paiement de l'impôt mais l'imposition jusqu'au moment où le contribuable aliène un immeuble sans que cette aliénation soit visée par l'article 12 al. 3 LHID; le report d'imposition revient à mettre entre parenthèses les opérations qui ne donnent pas lieu à imposition, pour ne considérer que les transferts imposables. Verrey souligne de plus que le législateur fédéral ne distingue pas les aliénations consécutives à une succession, donation ou à une liquidation de régime matrimonial d’une part et les remplois d’autre part. Dans les premières hypothèses, un seul immeuble entre en considération, alors qu'en cas de réinvestissement, le contribuable reporte le gain réalisé lors de la vente d'un immeuble sur un autre bien. Faisant état de l'article 12 al. 5 LHID, qui prévoit que les cantons doivent veiller à imposer plus lourdement les gains réalisés à court terme, l’auteur a encore indiqué que cette disposition ne serait à son sens pas respectée lorsque la loi cantonale ne tient pas compte de la durée de possession des deux immeubles pour calculer l'impôt dû. Pour juger si le gain est réalisé à « court terme », il faudrait tenir compte de la durée qui s'est écoulée entre l'acquisition du premier immeuble et la vente du deuxième, sous réserve d'un cas d'évasion fiscale (opération immobilière planifiée sur le second immeuble sans avoir eu l'intention d'en faire son domicile). Le contribuable remplace ici son domicile et ne vise pas un commerce d'immeubles. Verrey a enfin signalé que le mécanisme devrait être le même qu'en matière de remploi commercial où la valeur comptable du bien acquis en remplacement est diminuée du montant des réserves latentes réalisées lors de la vente du précédent actif. Le contribuable lie à son nouvel immeuble une charge fiscale latente, imposable avec le gain d'aliénation de cet immeuble (Verrey, op. cit., no 273 ss, p. 233 ss et les références citées).

En définitive, selon l’auteur le seul fractionnement du gain immobilier qui pourrait intervenir est celui prévu en cas d'acquisition par étapes. Cela couvre, selon lui, uniquement l'hypothèse où le terrain de remplacement a été acquis (par acte onéreux ou à titre gratuit) quelques années avant la vente de la première habitation et a été construit, dans le délai approprié, au moyen du gain réalisé sur la vente de cette première habitation. Dans cette hypothèse, le gain différé doit bénéficier de la durée de possession de la première habitation et de celle de l'immeuble construit à partir du moment où le remploi a été effectué. Le gain réalisé sur l'immeuble de remplacement doit être décomposé en deux parties : la part du gain réalisée sur le terrain doit être imposée selon la durée de possession courant dès l'acquisition de cet immeuble, celle réalisée sur la construction dès son achèvement. Toutefois, cette dernière partie du gain devrait, de l’avis de Verrey, également bénéficier de la durée de possession de la première habitation dans la mesure où cette construction a été financée au moyen du gain dont l'imposition a été différée. Ce qui a été acquis au moyen du gain différé doit bénéficier de la durée de possession du premier immeuble (Verrey, op. cit., no 275, p. 235 et les références citées).

A noter que cet auteur s’est expressément déterminé sur l’article 68 al. 2 de la loi cantonale vaudoise sur les impôts directs cantonaux du 4 juillet 2000 (RS VD 642.11; LI VD), qui prévoit qu’en cas d'aliénation d'un immeuble acquis lors d'une opération dont l'imposition a été différée en raison d’un cas de remploi, le prix d'acquisition de l'immeuble cédé lors de l'opération est déterminant pour fixer le prix d'acquisition de l'immeuble aliéné, étant précisé que, pour le gain dont l'imposition a été différée, la durée de possession se calcule à partir de la dernière aliénation imposée, alors que le gain réalisé sur l'immeuble acquis en remplacement est imposé selon la durée de possession de cet immeuble. Il a considéré ce fractionnement du gain non conforme à l'article 12 al. 3 LHID, qui énonce que c'est « l'imposition » qui est différée et non « le paiement de l'impôt ». Ainsi estime-il qu’en droit vaudois, le prix d'acquisition de l'immeuble remplacé lors d'un réinvestissement ou d'un remembrement devrait être seul déterminant lors de la revente de l'immeuble de remplacement, sans que le gain imposable ne soit scindé en deux parties. Le mécanisme serait ainsi le même qu'en cas de remploi commercial visé par les articles 30 et 64 de la loi fédérale sur l'impôt fédéral direct du 14 décembre 1990 (RS 642.11; LIFD) et 8 al. 4 LHID, par lequel la valeur comptable du bien aliéné est reportée sur le nouveau bien. Verrey a également souligné que le fractionnement du gain est contraire à la systématique de la LI VD qui prévoit, d'une part, que le précédent transfert imposé est déterminant pour fixer le prix d'acquisition de l'immeuble acquis lors d'un réinvestissement ou d'un remembrement et, d'autre part, que l'investissement supplémentaire consenti pour acquérir le nouvel immeuble est déduit du gain immobilier imposable (Verrey, Nouveautés vaudoises en matière d’imposition des gains immobiliers, de droits de mutation et d’impôt sur les successions et donations, in : RDAF 2008 II, p. 293, spéc., p. 304 et les références citées).

S’agissant de la doctrine, on relèvera encore que Chillà et Axelroud Buchmann ont, se référant à d’autres auteurs de doctrine ainsi qu’à la jurisprudence du Tribunal fédéral, relevé ce qui suit : « L'augmentation de valeur qui s'est produite entre la dernière aliénation imposable et l'acte prorogeant l'imposition n'est provisoirement pas taxée. Elle le sera au moment de l’aliénation du bien acheté en remplacement. Il s’agit d’un report d'imposition « Steueraufschub » et non d’une exemption définitive « Befreiung » de celle-ci. La valeur d’acquisition qui sera retenue pour calculer le gain au moment de l’aliénation du bien de remplacement est celle de la dernière aliénation imposable augmentée des impenses, soit la valeur d’acquisition du premier immeuble aliéné. En revanche, le contribuable bénéficiera en général d’un taux d’impôt plus favorable, du fait de la durée de possession cumulée » (Chillà/Axelroud Buchmann, op. cit., p. 337 s. et les références citées).

e) Force est de constater au vu de ce qui précède que la pratique du service des contributions – qui veut que seul le gain dont l'imposition a été différée bénéficie de la durée de possession des deux immeubles, la part du gain réalisée sur le second immeuble étant imposé plus lourdement, puisque pour ce gain seul entre en ligne de compte sa propre durée de possession  ̶  doit être rejetée, car non conforme à l'article 12 al. 3 LHID.

Cette pratique, qui scinde donc le gain immobilier en deux parties, n’est pas inscrite dans la loi, l’article 65 LCdir] prévoyant uniquement que, lors de l'aliénation sans réinvestissement entraînant un différé d'impôt d'un immeuble sis dans un autre canton et acquis avec une imposition différée en raison d’un cas de remploi, seul le gain immobilier qui a auparavant fait l'objet d'un sursis à l'imposition dans le canton, est imposable (al. 2). A noter que cette disposition, qui instaure la méthode dite du partage, est contraire à l’interprétation de l'article 12 al. 3 let. e LHID faite récemment par le Tribunal fédéral (ATF 143 II 694) et ne peut plus être appliquée. Or, il y a lieu de convenir que la pratique de l’intimé, décrite ci-avant, ne fait en quelque sorte que transposer à des situations non extra-cantonales la méthode dite du partage. Pour des considérations similaires à celles exposées par notre Haute Cour dans l’arrêt susdit, on ne voit aucun motif permettant l’application d’une pratique fractionnant en deux parties le gain immobilier en cas de transferts imposables et ce non seulement indépendamment du délai dans lequel le transfert intervient après l’octroi du report d’imposition, mais également sans qu’il importe que les aliénations en cause ait un caractère intra- ou extra-cantonal. A noter que si un mode d’imposition, prohibant la scission du gain immobilier, s’impose au niveau extra-cantonal, avec pour conséquence de priver un canton du droit d'imposer le substrat fiscal latent, un tel mode semble d’autant plus s’imposer dans des situations de remploi intra-cantonales, le substrat fiscal n’étant quoi qu’il en soit pas perdu.

Selon le texte même de l'article 12 al. 3 LHID, c’est « l'imposition » qui est différée, notamment en cas de remploi d'immeuble servant durablement et exclusivement au propre usage du contribuable, et non le paiement de l'impôt. Le législateur fédéral, tout comme par la suite le Tribunal fédéral, ont expressément admis que la prorogation de l'imposition signifie qu'un transfert constituant en soi un acte d'aliénation n'est pas soumis à imposition, tout se passant, sous l'angle de l'impôt sur les gains immobiliers, comme si le transfert n'avait pas eu lieu ou, en d'autres termes, comme s'il n'y avait pas eu réalisation d'un gain. L’augmentation de valeur qui s’est produite entre la dernière aliénation imposable et l’acte prorogeant l’imposition n’est provisoirement pas « taxée »; « l’imposition » est simplement différée jusqu’à la nouvelle aliénation imposable. Or, la pratique du service des contributions, qui – scindant donc la durée de possession, puisque le gain dont l'imposition a été différée bénéficie de la durée de possession des deux immeubles (premier immeuble aliéné et second immeuble dit de remplacement), alors que le gain réalisé sur l'immeuble acquis en remplacement est imposé selon la durée de possession de ce seul immeuble – fractionne, en lui-même, le gain immobilier en deux parties. En effet, comme cela résulte en l’occurrence des décisions sur réclamation querellées et des taxations définitives du 11 septembre 2018, le montant dû à titre d’impôt sur les gains immobiliers correspond à l’addition du gain imposable suite à la vente des biens-fonds [aaaaa] (second immeuble dit de remplacement), correspondant à la différence entre le montant réinvesti et le prix de vente, et du gain imposable différé suite à la vente des biens-fonds de Z.________ (premier immeuble aliéné). Il s’ensuit que, quand bien même la durée de possession des deux immeubles est dans une certaine mesure prise en compte, la pratique de l’autorité fiscale neuchâteloise tient davantage de la prorogation du paiement de l’impôt que d’une imposition différée jusqu’à la nouvelle aliénation imposable. En d’autres termes, la pratique de l’intimé ne reporte pas l'imposition en tant que telle et, partant, ne met pas entre parenthèses les opérations qui ne donnent pas lieu à imposition, pour ne considérer que les transferts imposables, mais procède à une scission en deux parties du gain immobilier, alors que celui-ci doit être considéré de manière globale, comme un tout. Or, le texte même de l’article 12 al. 3 LHID, de même que l’interprétation qu’en fait le Tribunal fédéral et la volonté exprimée par le législateur fédéral à l’égard de cette disposition et tout particulièrement de sa lettre e, commande de faire comme si le transfert à l’origine du remploi n'avait pas eu lieu, soit comme s'il n'y avait pas eu réalisation d'un gain. Dans ces conditions, seul un mode d’imposition, prévoyant que le gain immobilier n'est pas scindé en deux parties et que le contribuable bénéfice de la durée de possession des deux immeubles pour l'entier du gain immobilier réalisé lors de la revente de l'immeuble acquis en remploi, paraît conforme à l’article 12 al. 3 let. e LHID.

Seul ce mode d’imposition s’avère également conforme à l’article 12 al. 5 LHID. En effet, cette disposition qui prévoit que les cantons doivent veiller à imposer plus lourdement les gains réalisés à court terme, constitue une règle générale destinée à éviter l'évasion fiscale. Elle ne vise pas à taxer plus lourdement le contribuable qui remplace son domicile, soit le contribuable qui a l’intention de faire de son immeuble de remplacement son domicile, mais a été conçu pour contrecarrer les cas d’évasion fiscale, soit les opérations immobilières planifiées sur un second immeuble sans l’intention d’en faire son domicile. Ceci vaut d’autant plus que, comme déjà dit, le remploi au sens de l’article 12 al. 3 let. e LHID implique d’ignorer l'opération qui a suscité le report d'imposition et d’appréhender l’imposition du gain immobilier, qui intervient lors de l’aliénation du second immeuble dit de remplacement, comme un tout, soit de manière unitaire, et ce afin de ne pas entraver l’accession à la propriété du logement et de protéger la libre circulation de la population suisse. Au vu de l’esprit de la loi, tel que résultant des considérations ci-avant, s’il est vrai que l’immeuble acquis en remplacement est grevé d’une charge latente, il doit également être vrai que le taux qui lui est appliqué doit être plus favorable, du fait de l’allongement de la période de possession de l’immeuble, et ce en vertu même de l’article 12 al. 5 LHID a contrario. En d’autres termes, pour juger si le gain est réalisé à « court terme » au sens de cette disposition, il y a lieu de tenir compte de la durée qui s'est écoulée entre l'acquisition du premier immeuble et la vente du deuxième, sous réserve d'un cas d’abus de droit.

L’interprétation exposée ci-avant de l’article 12 al. 3 let. e LHID s’impose non seulement au regard tant du texte même de cette disposition que de l’analyse des travaux préparatoires y relatifs, mais également au vu de l’appréciation qui en est faite dans la jurisprudence et la doctrine. A rappeler que le Tribunal fédéral a considéré que le législateur fédéral laisse peu de marge de manœuvre aux cantons en matière de remploi au sens des lettres d et e de l’article 12 al. 3 LHID, et ce y compris s’agissant des notions indéterminées employées par le législateur fédéral. L’harmonisation fiscale impliquant que, tout particulièrement, l’objet et la période de calcul de l’impôt sont de la compétence du législateur fédéral, le législateur cantonal ne dispose que d'une marge de manœuvre limitée dans la détermination du gain imposable, celle-ci se limitant essentiellement à l'aménagement de cet impôt, la LHID ne lui laissant pour ainsi dire que le soin de définir certaines notions pour la détermination du gain imposable. Or, force est de constater que la pratique de l’autorité fiscale cantonale, qui fractionne la durée de possession, intervient non seulement sur les taux d’imposition, qui sont de la compétence des cantons, mais d’une certaine manière également sur la période de calcul de l’impôt, alors que celle-ci est de la compétence exclusive du législateur fédéral. A noter encore que l’interprétation susdite de l’article 12 al. 3 let. e LHID se justifie également au regard du mécanisme valant en matière de remploi commercial (cf. art. 30 et 64 LIFD et 8 al. 4 LHID) et va ainsi dans l’intérêt d'une situation juridique uniforme et praticable. Elle est de plus indiquée par la systématique même de la LCdir] qui prévoit, d'une part, qu'en cas d'aliénation d'immeubles précédemment acquis par des transferts justifiant une imposition différée, le prix d'acquisition est celui du dernier transfert imposable (art. 65 al. 1 LCdir]) – ce qui suppose que le précédent transfert imposé est déterminant pour fixer le prix d'acquisition de l'immeuble acquis lors d'un réinvestissement – et, d'autre part, qu’est déterminante, pour le calcul de la durée de propriété, la date de la précédente aliénation imposable lorsqu’au moment de l'acquisition de l'immeuble, l'imposition a été différée (art. 74 al. 1 let. c LCdir]). La pratique de l’intimé paraît en définitive non conforme à la LHID et le fait qu’il s’agisse d’une pratique constante depuis le 1er janvier 2002 et qu’elle ait été portée à la connaissance des notaires de la place n’y change rien. Il en irait d’ailleurs de même si elle était expressément inscrite dans la LCdir]. On rappellera que la méthode dite du partage, inscrite à l’alinéa 2 de l’article 65 LCdir] et qui s’avère, à la lecture de ATF 143 II 694, contraire à l'article 12 al. 3 let. e LHID, ne saurait plus être appliquée, quand bien même elle résulte directement de la loi cantonale. A fortiori, une pratique de l’autorité fiscale neuchâteloise, même constante, ne saurait pas être appliquée si elle est, comme en l’espèce, en contradiction avec l’esprit de la loi fédérale.

4.                                a) Les considérants qui précèdent conduisent à l’admission du recours, à l’annulation des deux décisions sur réclamation attaquées et, partant, des taxations définitives du 11 septembre 2018, ainsi qu’au renvoi de la cause à l’intimé pour nouvelle décision au sens des considérants, soit pour nouvelles taxations définitives s’agissant de l'impôt sur les gains immobiliers, plus précisément afin qu’il calcule cet impôt en faisant bénéficier les contribuables de la durée de possession des deux immeubles pour l'entier du gain immobilier réalisé lors de la revente des biens-fonds [aaaaa], acquis en remploi, le gain immobilier ne devant quoi qu’il en soit pas être scindé en deux parties.

b) Vu le sort de la cause, il est statué sans frais, les autorités cantonales n'en payant pas (art. 47 al. 2 LPJA). Les recourants, qui obtiennent entièrement gain de cause, ont droit à des dépens (art. 48 LPJA). Me C.________ a déposé un mémoire d'honoraires, par lequel il demande à être indemnisé d'un montant global de 6'542.78 francs, dont 6’075 francs à titre d'honoraires, ce qui représente 20 heures et 15 minutes de travail à 300 francs de l’heure, montant auquel s’ajoute la TVA à 7,7 % par 467.78 francs. Quand bien même la complexité de la cause n’est pas à négliger, cette durée paraît excessive, et ce singulièrement compte tenu du fait que le mandataire représentait déjà les contribuables dans la procédure de réclamation devant le service des contributions. En particulier le temps de 15 heures consacré à l’examen des décisions sur réclamation querellées, aux recherches juridiques et à l’élaboration du recours paraît excessif et doit être ramené à 11 heures. Il faut à cet égard relever que, dans son mémoire de recours, le mandataire a essentiellement développé et étayé l’argumentation déjà avancée dans le cadre de la procédure de réclamation. De même, le temps de, à tout le moins, 3 heures et 45 minutes lié à l’activité afférente à l’établissement du mémoire de réplique paraît trop important, ce d’autant que le mandataire reprend pour l’essentiel les griefs déjà soulevés auparavant en en développant uniquement certains aspects, compte des éléments avancés par l’intimé dans ses observations sur le recours. Le temps dévolu à cette activité doit donc être ramené à 2 heures et 30 minutes. En définitive, c’est une activité totale de 15 heures, en lieu et place des 20 heures et 15 minutes alléguées, qui doit être retenue. Il y a en outre lieu de tenir compte sur l’engagement ainsi admis de 15 heures du tarif usuel appliqué par la Cour de céans de l'ordre de 280 francs de l'heure, des débours à raison de 10 % des honoraires et de la TVA au taux de 7,7 %, soit un montant total ramené à 4'975,75 francs tout compris (CHF 4’200 d’honoraires + CHF 420 de débours forfaitaires + CHF 355,75 de TVA). En définitive, c'est ce montant global de 4'975,75 francs qui sera alloué aux recourants à titre de dépens à charge de l’intimé.


 

Par ces motifs,
la cour de droit public

1.    Admet le recours en ce sens que les décisions sur réclamations du 19 décembre 2019 et, partant, les taxations définitives du 11 septembre 2018, relatives à l’impôt sur les gains immobiliers, sont annulées et la cause est renvoyée à l'intimé pour qu'il procède selon les considérants.

2.    Statue sans frais.

3.    Ordonne le remboursement de l’avance de frais par 1’320 francs aux recourants.

4.    Alloue aux recourants une indemnité de dépens de 4'975,75 francs à la charge de l'intimé.

Neuchâtel, le 6 novembre 2020

 

Art. 12 LHID
 

1 L’impôt sur les gains immobiliers a pour objet les gains réalisés lors de l’aliénation de tout ou partie d’un immeuble faisant partie de la fortune privée du contribuable ou d’un immeuble agricole ou sylvicole, à condition que le produit de l’aliénation soit supérieur aux dépenses d’investissement (prix d’acquisition ou autre valeur s’y substituant, impenses).

2 Toute aliénation d’immeubles est imposable. Sont assimilés à une aliénation:

a. les actes juridiques qui ont les mêmes effets économiques qu’une aliénation sur le pouvoir de disposer d’un immeuble;

b. le transfert de tout ou partie d’un immeuble de la fortune privée à la fortune commerciale du contribuable;

c. la constitution de servitudes de droit privé sur un immeuble ou les restrictions de droit public à la propriété foncière, lorsque celles-ci limitent l’exploitation ou diminuent la valeur vénale de l’immeuble de manière durable et essentielle et qu’elles donnent lieu à une indemnité;

d. le transfert de participations à des sociétés immobilières qui font partie de la fortune privée du contribuable, dans la mesure où le droit cantonal en prévoit l’imposition;

e. les plus-values résultant de mesures d’aménagement au sens de la loi fédérale du 22 juin 1979 sur l’aménagement du territoire1, obtenues indépendamment d’une aliénation dans la mesure où le droit cantonal les soumet à l’impôt sur les gains immobiliers.

3 L’imposition est différée:

a. en cas de transfert de propriété par succession (dévolution d’hérédité, partage successoral, legs), avancement d’hoirie ou donation;

b.2 en cas de transfert de propriété entre époux en rapport avec le régime matrimonial ou en cas de dédommagement de contributions extraordinaires d’un époux à l’entretien de la famille (art. 165 du Code civil3) ou de prétentions découlant du droit du divorce, pour autant que les deux époux soient d’accord;

c. en cas de remembrement opéré soit en vue d’un remaniement parcellaire, de l’établissement d’un plan de quartier, de rectification de limites ou d’arrondissement d’une aire agricole, soit dans le cadre d’une procédure d’expropriation ou en raison d’une expropriation imminente;

d. en cas d’aliénation totale ou partielle d’un immeuble agricole ou sylvicole, à condition que le produit de l’aliénation soit utilisé dans un délai raisonnable pour l’acquisition d’un immeuble de remplacement exploité par le contribuable lui-même ou pour l’amélioration d’immeubles agricoles ou sylvicoles appartenant au contribuable et exploités par lui-même;

e. en cas d’aliénation de l’habitation (maison ou appartement) ayant durablement et exclusivement servi au propre usage de l’aliénateur, dans la mesure où le produit ainsi obtenu est affecté, dans un délai approprié, à l’acquisition ou à la construction en Suisse d’une habitation servant au même usage.

4 Les cantons peuvent percevoir l’impôt sur les gains immobiliers également sur les gains réalisés lors de l’aliénation d’immeubles faisant partie de la fortune commerciale du contribuable, à condition que ces gains ne soient pas soumis à l’impôt sur le revenu ou sur le bénéfice ou que l’impôt sur les gains immobiliers soit déduit de l’impôt sur le revenu ou sur le bénéfice. Dans l’un et l’autre cas:

a.4 les faits mentionnés aux art. 8, al. 3 et 4, et 24, al. 3 et 3quater, sont assimilés à des aliénations dont l’imposition est différée pour l’impôt sur les gains immobiliers;

b. le transfert de tout ou partie d’un immeuble de la fortune privée du contribuable dans sa fortune commerciale ne peut être assimilé à une aliénation.

5 Les cantons veillent à ce que les bénéfices réalisés à court terme soient imposés plus lourdement.


1 RS 700
2 Nouvelle teneur selon l’annexe ch. 4 de la LF du 26 juin 1998, en vigueur depuis le 1er janv. 2000 (RO 1999 1118; FF 1996 I 1).
3 RS 210
4 Nouvelle teneur selon l’annexe ch. 8 de la LF du 3 oct. 2003 sur la fusion, en vigueur depuis le 1er juil. 2004 (RO 2004 2617; FF 2000 3995).