Arrêt du Tribunal Fédéral

Arrêt du 12.01.2021 [1C_367/2020]

 

 

 

 

A.                               Société de navigation sur les lacs de Neuchâtel et Morat SA (ci-après : LNM), dont le siège social est à Neuchâtel depuis le 4 septembre 1995, a pour but le transport par bateau des voyageurs et des marchandises sur les lacs de Neuchâtel, Morat et Bienne, ainsi que sur les rivières et canaux qui les relient. A.________ SA, dont le siège social est également à Neuchâtel depuis son inscription au registre du commerce le 9 mai 2003, avait pour but jusqu’au 19 juillet 2018 la restauration sur les bateaux propriété de LNM. X.________ a été engagé comme directeur de LNM en 2006. Il exerçait également cette fonction au sein de A.________ SA. Dans le courant du premier semestre 2017, son activité professionnelle au sein de ces deux sociétés a pris fin, suite à la résiliation des rapports de travail par ces dernières début 2017.

Par communiqué de presse du 7 juillet 2017, le Conseil d’Etat neuchâtelois (ci-après : Conseil d’Etat ou exécutif cantonal) a fait savoir que le canton était non seulement actionnaire de LNM à hauteur de 21 %, mais que, tout comme les cantons de Fribourg et de Vaud, il subventionnait cette société à raison de 1,5 million de francs par an. Or, les aides versées par le canton étant soumises à des règles strictes, émanant de la loi neuchâteloise sur les subventions (LSub; RSN 601.8), il incombait à l’exécutif cantonal, respectivement à l'organe désigné, de veiller à l’utilisation conforme à leur destination des subventions. Relevant qu’il disposait ainsi de la possibilité de procéder à tous les contrôles et vérifications nécessaires, le Conseil d’Etat indiquait qu’avec l'appui des cantons de Fribourg et de Vaud, il avait décidé de mettre en œuvre un audit de LNM et de sa société-fille A.________ SA. En effet, celles-ci présentaient un déficit de transparence dans leur gestion, des problèmes financiers avec, pour la première, une perte potentielle de capital et, pour la seconde, un surendettement effectif. La presse s’était de plus récemment faite l’écho d’augmentation de salaire, consentie par un conseiller communal de la ville de Neuchâtel en faveur X.________. L’audit ainsi confié à B.________ SA visait à s’assurer de la bonne utilisation de l’argent public, de même qu’à évaluer la structure et la gouvernance des deux sociétés précitées afin de permettre la prise de mesures d'assainissement indispensables à garantir la pérennité de la navigation touristique dans la région des Trois-Lacs. Le 20 novembre 2017, B.________ a rendu son rapport final intitulé « Analyse factuelle de la Société de navigation sur les lacs de Neuchâtel et Morat S.A. et de sa société-fille A.________ S.A. », qui portait sur la période allant de 2012 à 2017. Dans un communiqué de presse du 13 décembre 2017, le Conseil d’Etat a fait savoir que l’audit avait mis en évidence des dysfonctionnements dans la gestion des affaires et des fautes dans la comptabilisation des charges, un manque de gouvernance et de transparence chez A.________ SA en matière de processus internes, ainsi qu’une absence de formalisation des règles de fonctionnement. L’exécutif cantonal précisait que ces lacunes avaient conduit les cantons de Fribourg, de Neuchâtel et de Vaud, à demander des mesures d’assainissement immédiates au conseil d’administration de LNM, l’examen de la mise en œuvre d’une fusion à court terme des deux sociétés, une analyse des taux de rentabilité du volet gastronomie de A.________ SA afin de décider, au regard de cette analyse, du maintien ou non de cette activité au sein de la future entité fusionnée, ainsi que l’établissement d’un plan d’assainissement financier des sociétés comprenant des mesures permettant de sortir de la situation de surendettement dès le budget 2019. Le communiqué de presse signalait encore que le rapport d’audit avait été transmis au Ministère public neuchâtelois (ci-après : Ministère public) sur sa demande.

En date du 31 juillet 2017, le Ministère public avait en effet ouvert une instruction pénale afin de déterminer si une infraction pénale avait été commise à propos de l’augmentation de salaire de X.________ en sa qualité de directeur de LNM et de A.________ SA. Cette procédure a conduit à une ordonnance de classement, le 13 août 2018, tant à l’égard du prénommé que du conseiller communal de la ville de Neuchâtel concerné en tant que personnes mises en cause dans cette affaire d’augmentation de salaire. A cette même date, le Ministère public a encore rendu une ordonnance pénale contre X.________ portant sur le prélèvement sans autorisation d’un montant de 10'000 francs sur le compte de LNM, le condamnant à une peine pécuniaire de 45 jours-amende à 100 francs (MP.2017.3525-PG). Saisi par le prénommé d’une opposition à cette dernière ordonnance pénale, ce qui a conduit le Ministère public à étendre la prévention à un second prélèvement de 6'000 francs sur le compte de A.________ SA, le Tribunal de police du Tribunal régional du Littoral et du Val-de-Travers a acquitté X.________, par jugement du 25 mars 2019, dont la motivation a été expédiée aux parties le 10 décembre suivant (POL.2018.424). Par déclaration d’appel du 30 décembre 2019, le Ministère public a contesté ce prononcé devant la Cour pénale du Tribunal cantonal, auprès de laquelle la procédure d’appel est encore pendante (CPEN.2019.113).

Par courriel du 14 décembre 2017, puis par lettre recommandée du 18 décembre suivant, C.________, quotidien détenu par SNP Société Neuchâteloise de Presse SA (ci-après : SNP), a saisi le Conseil d'Etat d’une demande de consultation du rapport d’audit concernant LNM et A.________ SA. Envisageant de donner une suite favorable à cette requête, sauf intérêts privés ou publics prépondérants s’y opposant, le Conseil d'Etat a invité, en date du 31 janvier 2018, X.________, le conseiller communal de la ville de Neuchâtel concerné, ainsi que D.________ SA à se déterminer, respectivement, le Ministère public à lui faire part de ses éventuelles objections. C.________ a été informé, par courrier du même jour, des démarches ainsi entreprises. Après avoir reçu certaines des prises de positions requises, le Conseil d’Etat a encore souhaité connaître le point de vue de B.________. Par deux courriers séparés du 11 avril 2018, il a informé tant X.________ que le conseiller communal de la ville de Neuchâtel concerné qu’il ne pouvait renoncer à la communication du rapport d’audit sollicité pour les motifs qu’ils invoquaient. Le Conseil d’Etat leur signalait toutefois qu’il entendait leur permettre de faire valoir leur version des faits, qu’il la communiquerait à C.________ avec le rapport d’audit en le priant de la relater dans son éventuel futur article. Il leur impartissait ainsi un délai afin de lui adresser ce document et/ou de saisir le Préposé à la protection des données et à la transparence des cantons du Jura et de Neuchâtel (ci-après : PPDT ou préposé) d’une requête en conciliation s’ils entendaient maintenir leur opposition à la transmission du rapport d’audit. Le conseiller communal de la ville de Neuchâtel concerné a fait savoir au Conseil d’Etat qu’il renonçait à saisir le PPDT et qu’il se limitait à signaler deux lacunes factuelles présentes dans le rapport de B.________ qui, étant selon lui importantes, auraient dû être corrigées avant toute diffusion dudit document. Il sollicitait également l’anonymisation de tous les noms, le sien y compris. Le Conseil d’Etat l’a informé qu’il acceptait les conditions ainsi proposées, mais que, dans la mesure où une autre personne intéressée au rapport d’audit avait saisi le PPDT d’une requête de conciliation, ce document ne pouvait pas être transmis pour l’heure. D’ailleurs, si l’autre personne intéressée obtenait des conditions plus restrictives à la communication du rapport de B.________ que celles proposées par le conseiller communal de la ville de Neuchâtel concerné, celui-ci en bénéficierait également.

Le 20 avril 2018, X.________ a effectivement déposé une requête de conciliation auprès du PPDT, concluant à ce qu’il soit interdit au Conseil d’Etat de transmettre le rapport d’audit concernant LNM et A.________ SA, sous suite de frais et dépens. Par courrier du 2 mai suivant, l’exécutif cantonal a informé C.________ de cette saisine du PPDT, en lui précisant qu’il était contraint d’attendre l’issue de cette procédure avant de lui communiquer le rapport demandé. A la suite de l’audience de tentative de conciliation du 16 mai 2018, le PPDT a confirmé, par lettre du 18 mai suivant, que la procédure de conciliation ouverte était suspendue jusqu’à fin septembre. Compte tenu de différents échanges de courriels intervenus entre les parties et le PPDT, celui-ci leur a fait savoir en date du 23 novembre 2018, d’une part, que le document en cause était contenu dans le dossier pénal MP.2017.3525-PG et, d’autre part, qu’il apparaissait qu’elles ne désiraient pas se concilier sur les modalités d’accès une fois cette procédure en cours, de même que celles pendantes au civil en lien avec la demande déposée le 19 décembre 2017 par X.________ pour licenciement abusif, clôturées. Le PPDT précisait également que les autorités de protection des données et de la transparence n’étaient pas compétentes pour traiter la demande d’accès à l’audit de LNM et A.________ SA. Plus spécifiquement, il signalait que, tant que la procédure pénale était en cours, les demandeurs d’accès au document en cause devaient s’adresser aux autorités pénales compétentes. A cet égard, il rendait attentif les parties qu’elles avaient la possibilité de saisir, aussi longtemps qu’elles conservaient un intérêt actuel, la Commission de la protection des données et de la transparence des cantons du Jura et de Neuchâtel (ci-après : CPDT ou commission) pour qu’elle rendît une décision.

Par mémoire du 7 décembre 2018, SNP a déposé auprès de la CPDT une « demande d’accès à un document officiel ». Elle a conclu à ce qu’il soit ordonné au Conseil d’Etat, principalement, de lui donner accès à l’audit externe de LNM et A.________ SA, subsidiairement, de lui donner accès à cet audit après avoir expurgé le document de tous noms susceptibles d’identifier une personne déterminée, le tout sous suite de frais et dépens. Après avoir procédé à un échange d’écritures, la CPDT a, par décision du 19 novembre 2019, constaté, d’une part, que le rapport rendu le 20 novembre 2017 par B.________ à la suite de la demande du Conseil d’Etat constituait un document officiel soumis à la Convention intercantonale relative à la protection des données et à la transparence dans les cantons du Jura et de Neuchâtel (CPDT-JUNE; RSN 150.30) et, d’autre part, que X.________ n’avait aucun intérêt prépondérant empêchant la communication de ce document à SNP. La CPDT renvoyait donc le dossier au Conseil d’Etat en vue de la communication de ce document à SNP, pour autant qu’aucun autre intérêt privé prépondérant ne s’y opposât. Elle statuait pour le surplus sans frais ni dépens.

B.                               X.________ interjette recours devant la Cour de droit public du Tribunal cantonal contre cette décision, en concluant à son annulation, principalement, à ce que la demande d’accès au rapport de B.________ déposée le 7 décembre 2018 par SNP soit déclarée irrecevable, subsidiairement, à ce qu’une nouvelle décision soit rendue et que, partant, ladite demande d’accès soit rejetée, le tout avec suite de frais et dépens. D’une part, le recourant se prévaut d’une violation du droit, en ce sens que la CPDT aurait dû se considérer incompétente pour statuer sur la demande de SNP et donc la déclarer irrecevable. Plus spécifiquement, l’intimée aurait dû constater que le rapport d’audit faisait partie du dossier pénal actuellement pendant devant la Cour pénale du Tribunal cantonal, de même que du dossier civil en cours auprès du Tribunal civil du Tribunal régional du Littoral et du Val-de-Travers, de sorte qu'il appartenait à ces autorités judiciaires, le cas échéant, de se prononcer sur la transmission du document en cause et non aux autorités de protection des données et de la transparence, qui étaient incompétentes en la matière. D’autre part, le recourant fait valoir un abus du pouvoir d’appréciation, en ce sens que ce serait à tort que la CPDT avait considéré que ses intérêts privés ne s’opposaient pas à la communication du rapport de B.________, respectivement, que cette transmission n’aurait aucune influence sur le processus décisionnel des procédures actuellement pendantes au civil et au pénal. Sur ce dernier point, le recourant estime que, si le rapport d’audit est rendu accessible, la presse locale « va à nouveau se déchainer sur [lui] ce qui aura malheureusement une conséquence sur la perception des autorités et donc un impact sur le processus décisionnel ». Aussi est-il d’avis qu’il ne serait pas souhaitable, dans l’intérêt public, que ledit document soit transmis. Concernant, plus particulièrement, la procédure civile, il précise que les autorités judiciaires doivent encore analyser s’il a fait l’objet d’un licenciement abusif en déterminant s’il a effectivement commis des manquements lorsqu’il était directeur de LNM et de A.________ SA. Selon le recourant, il conviendrait donc, à tout le moins, de suspendre le droit d’accès au rapport de B.________ jusqu’à l’issue des procédures civiles et pénale. S’agissant de ses intérêts privés à la non-communication de ce document, il se prévaut spécifiquement de son droit à la sphère privée et intime, ainsi qu’à l’autodétermination en matière d’informations personnelles. Il considère que l’intérêt public ne peut que s’effacer face à ses intérêts privés prépondérants à ce que des informations concernant sa personne, informations qui pourraient lui faire perdre son emploi, ne soient pas rendues public. En effet, le recourant estime que, dans la mesure où les dysfonctionnements décrits dans le rapport de B.________ ne sont pas réels, le public ne peut pas avoir un intérêt à connaître les conclusions de l’audit, qui sont d’ailleurs contestées tant par lui que par le conseiller communal de la Ville de Neuchâtel concerné.

C.                               La CPDT ne formule pas d’observations sur le recours.

Dans ses observations, SNP conclut au rejet du recours, sous suite de frais et dépens.

Dans ses observations, le Conseil d’Etat, par son service juridique, déclare en substance partager largement l’argumentation développée par l’intimée dans le prononcé entrepris.

Le PPDT invite la Cour de droit public à annuler la décision du 19 novembre 2019 de la CPDT et à lui renvoyer le dossier pour effectuer la conciliation, une fois que les autorités judiciaires auront attesté que les procédures civiles et pénale en cours sont closes. Pour l’essentiel, le PPDT relève qu’il n’a ni constaté l’échec de la conciliation, ni établi un procès-verbal portant sur une convention entre les parties, de sorte qu’au lieu de renvoyer le dossier au Conseil d’Etat, l’intimée aurait dû le lui adresser, pour qu’il puisse tenter d’amener les parties à un accord dès que les procédures civiles et pénale ne seraient plus pendantes. Le PPDT considère en effet que, dans la mesure où le document en cause est entre les mains des tribunaux civil et pénal, les autorités de protection des données et de la transparence sont incompétentes tant et aussi longtemps que ces procédures ne sont pas terminées.

C O N S I D E R A N T

en droit

1.                                Interjeté dans les formes et délai légaux, le recours est recevable.

2.                                a) L'article 18 de la Constitution neuchâteloise (Cst.NE; RS 131.233) consacre le droit à l'information. Toute personne a ainsi le droit de consulter les documents officiels, dans la mesure où aucun intérêt public ou privé prépondérant ne s'y oppose. La loi règle ce droit à l'information. L'article 51 Cst.NE (devoir d'information) prévoit que les autorités cantonales sont tenues de donner au public des informations suffisantes sur leurs activités. En application de ces dispositions constitutionnelles, le canton de Neuchâtel a conclu avec celui de la République et canton du Jura la CPDT-JUNE, du 9 mai 2012. Il y a adhéré par décret du 4 septembre 2012 avec effet au 1er janvier 2013. Cette convention, qui vient remplacer pour le canton de Neuchâtel la loi du 28 juin 2006 sur la transparence des activités étatiques, a pour but d'instaurer une législation commune aux deux cantons dans les domaines de la protection des données et de la transparence (art. 1). Elle a notamment pour but de permettre la formation autonome des opinions, de favoriser la participation des citoyens à la vie publique et de veiller à la transparence des activités des autorités (al. 3). Selon l'article 3 al. 3 CPDT-JUNE, la convention fixe, en matière de transparence, les principes communs applicables, la politique d'information et ses modalités étant laissées aux soins des cantons. La convention définit les autorités compétentes (soit le préposé et la commission) et leurs attributions (art. 4 ss). Elle fixe les principes applicables en matière de protection des données, y compris les règles de procédure (art. 14 ss), ainsi que, dans son chapitre IV (art. 57 ss), la réglementation relative au principe de transparence. Les articles 69 ss régissent spécifiquement l'accès aux documents officiels et les articles 74 ss fixent, pour le droit d'accès, des règles de procédure précises.

b) La procédure instaurée par la CPDT-JUNE, à l'instar de celle prévue par la loi fédérale du 17 décembre 2004 sur le principe de la transparence dans l'administration (LTrans; RS 152.3), consacre une procédure d'accès aux documents officiels qui se divise en deux parties principales : d'une part, les procédures de demande d'accès à des documents officiels à l’autorité qui les a produits ou qui les a reçus en tant que destinataire principal de la part de tiers qui ne sont pas soumis à la convention, puis de conciliation en application de la CPDT-JUNE, respectivement de médiation conformément à la LTrans, auprès du préposé, et, d'autre part, les procédures de décision devant la commission, respectivement, de recours devant de Cours de céans. Ces deux parties forment un tout indissociable (cf. arrêt du TAF du 24.07.2007 [A-7369/2006] cons. 4.3) qui a pour but le prononcé d'une décision sur la question de l'accès à certains documents.

A ce propos, le Tribunal fédéral a récemment eu l’occasion de relever que le préposé est une simple instance de conciliation entre le requérant et le maître du fichier, respectivement le détenteur de documents (arrêt du TF du 29.05.2018 [1C_472/2017] cons. 1.4). En cas de divergence en matière de protection des données, soit notamment quant aux données contenues dans un document officiel auquel l'accès est demandé, chaque protagoniste (le maître du fichier, une entité ou une personne concernée) peut demander au préposé de tenir une séance de conciliation (art. 40 al. 1 CPDT-JUNE). Au cours de cette séance, le préposé s’efforce d’amener les parties à un accord. Si l’une des parties ne comparaît pas, la conciliation est réputée avoir échoué. Si la conciliation aboutit, la convention conclue entre les parties est portée au procès-verbal (art. 41 CPDT-JUNE). Si la conciliation échoue ou si la convention au sens de l'article 41 al. 3 CPDT-JUNE n'est pas exécutée, le maître du fichier, l'entité ou la personne concernée, ainsi que le préposé peuvent transmettre la cause pour décision à la commission (art. 42 CPDT-JUNE). En d’autres termes, en cas d'échec de la conciliation, l'affaire peut être portée devant la commission qui, seule, dispose d'un pouvoir décisionnel. Le préposé qui n’a donc pas un tel pouvoir se consacre à des tâches de conseil, de sensibilisation, de conciliation, pouvant au demeurant utiliser à sa guise l'instrument de la recommandation et faire usage cas échéant de son droit de saisir la commission, voire de recourir contre les décisions de celle-ci (cf. rapport du 09.05.2012 du Conseil d'Etat au Grand Conseil à l'appui d'un projet de décret portant approbation de la CPDT-JUNE et d'un projet de loi portant abrogation de la loi neuchâteloise sur la protection des données, du 30 septembre 2008 [LCPD], et de la loi neuchâteloise sur la transparence des activités étatiques, du 28 juin 2006 [LTAE], p. 29 [ci-après : rapport du Conseil d’Etat 12.024], en lien avec l’art. 8 CPDT-JUNE). Quoi qu’il en soit, il ne rend pas de décision formelle, y compris au sujet d’un échec de conciliation, et n’a pas à fixer un délai de saisine, respectivement de recours (arrêt du TF du 29.05.2018 [1C_472/2017] cons. 1.4). La commission ne peut toutefois statuer, notamment, sur la question de savoir si un accès aux documents litigieux est admissible qu'après cette étape de conciliation (cf. arrêts TAF des 16.12.2009 [A-6032/2009] cons. 2.2 et 16.04.2009 [A-75/2009] cons. 4.3).

c) Selon l'article 69 CPDT-JUNE, toute personne a le droit d'accéder aux documents officiels dans la mesure prévue par la présente convention (al. 1). L'accès aux documents officiels ayant trait aux procédures et arbitrages pendants est régi par les dispositions de procédure (al. 2). A cet égard, le rapport du Conseil d’Etat 12.024 indique pour l’essentiel que cette disposition correspond à l’article 20 LTAE (p. 39). Or, le rapport du Conseil d'Etat du 10 mai 2006 au Grand Conseil à l'appui d'un projet de LTAE signalait simplement que, d’une part, l'alinéa 1 de l’article 20 LTAE érigeait en droit subjectif le droit pour toute personne morale ou physique d'accéder à des documents officiels sans avoir à se prévaloir d'un intérêt légitime, la simple curiosité pouvant suffire à fonder une demande d'accès, et, d’autre part, que l'alinéa 2 de cette disposition précisait que si les documents requis avait trait à des procédures judiciaires, juridictionnelles administratives et d'arbitrage, le droit d'accéder à ces documents était régi par les lois spéciales et les codes de procédure (BGC 2006-2007 Tome 1, p. 431 ss, spécialement p. 443).

Ceci étant, l’article 3 al. 1 let. a LTrans contient une réglementation comparable à celle de l'article 69 CPDT-JUNE et prévoit que cette loi ne s’applique pas à l’accès aux documents officiels concernant les procédures, en particulier, civiles et pénales (ch. 1 et 2). Dans son message du 12 février 2003 relatif à la LTrans, le Conseil fédéral a mentionné que, selon cette disposition, le statut des documents afférents à une procédure civile, pénale (y compris le droit pénal administratif), d’entraide judiciaire et administrative internationale, de règlements internationaux des différends ainsi qu’aux procédures juridictionnelles de droit public, aux procédures juridictionnelles administratives (y compris les procédures administratives qui ne sont pas régies par la loi fédérale sur la procédure administrative, tels que la procédure dans les affaires relevant du pouvoir de commandement militaire ou de l’autorité indépendante d’examen des plaintes pour la radio et la télévision) et aux procédures d’arbitrage (c’est-à-dire aux procédures de décision des commissions d’arbitrage et des tribunaux arbitraux institués par des contrats de droit public) est régi par les lois spéciales. L’article 3 al. 1 let. a LTrans s’applique donc, tout particulièrement, aux procédures en cours et les lois de procédure restent applicables et demeurent réservées (FF 2003 1807, spécifiquement, p. 1832). Le Conseil fédéral a encore précisé que l’accès aux documents relatifs aux procédures administratives et judiciaires énumérées à l’article 3 al. 1 let. a LTrans est régi par les lois spéciales applicables. A cet égard, les documents qui, bien qu’ayant un rapport plus large avec les procédures en question, ne font pas partie du dossier de procédure au sens strict, sont en revanche accessibles aux conditions de la LTrans. La disposition garantissant la formation libre de l’opinion et de la volonté d’une autorité (art. 7 al. 1 let. a LTrans) s’appliquera par conséquent chaque fois que la divulgation d’un document officiel est susceptible d’influencer le déroulement de procédures déjà engagées ou d’opérations préliminaires à celles-ci. Un avis de droit commandé par l’administration en vue de l’ouverture éventuelle d’une action en justice, par exemple, pourrait être très utile à un administré pour préparer sa défense puisqu’il pourrait alors s’appuyer sur les conclusions de cet avis. Un tel document serait toutefois susceptible de perturber le déroulement de la procédure à venir ou en cours, particulièrement si l’Etat est partie au procès et s’il choisit comme ligne de défense un argument opposé à l’avis de droit en question. Dans certaines circonstances, l’article 7 al. 1 let. a LTrans pourrait aussi s’appliquer après la clôture de la procédure. Tel est le cas lorsque l’accès à un document officiel hors du dossier juridictionnel stricto sensu risque de porter notablement atteinte ultérieurement, dans une autre procédure, à la libre formation de la volonté d’une autorité (FF 2003 1807, spécifiquement p. 1850).

A cet égard, le Préposé fédéral à la protection des données et à la transparence (ci-après : PFPDT) a, dans un document du 7 août 2013 intitulé « Mise en œuvre du principe de transparence dans l’administration fédérale : questions fréquemment posées », précisé que les documents concernant une procédure administrative de première instance sont soumis à la LTrans. Par conséquent, ces informations sont en principe accessibles, à moins que les exceptions des articles 7 et 8 LTrans ne s’appliquent dans le cas d’espèce. Lorsqu’une décision de première instance fait l’objet d’un recours, l’autorité fédérale compétente transmet la décision, ses observations et le dossier à l’autorité de recours compétente. Jusqu’à la décision sur recours, il y a lieu de considérer que ces documents font partie d’une procédure juridictionnelle de droit public (« Verfahren der Staats- und Verwaltungsrechtspflege », soit le contentieux de droit public devant une autorité administrative supérieure ou un tribunal). Ils ne sont donc pas soumis au principe de transparence, en vertu de l’article 3 al. 1 let. a ch. 5 LTrans. Autrement dit, pour qu’un document officiel sorte du champ d’application de la LTrans en raison de cette disposition, il faut que l’autorité de recours soit réellement en possession du document en question. Cela implique que le document doit faire partie intégrante du dossier comme c’est le cas pour la décision attaquée ainsi que son dossier administratif (jusqu’à la fin de la clôture de la procédure de recours) ainsi que pour les actes de procédure (même après la clôture de la procédure en cours). Il s’ensuit que toute demande d’accès adressée aux autorités de protection des données et de la transparence, alors qu’une procédure juridictionnelle de droit public est pendante, est par conséquent irrecevable. Une fois la procédure close, l’autorité de recours retourne à l’autorité de première instance l’original de la décision attaquée ainsi que le dossier administratif. A partir de ce moment, ces documents entrent à nouveau dans le champ d’application de la LTrans et sont dès lors en principe accessibles. Les actes de procédure tels que des échanges d’écriture et des procès-verbaux qui sont en possession de l’autorité de première instance, restent exclus du champ d’application de la loi, même après la clôture de la procédure de recours. Après la clôture de la procédure, l’autorité de recours garde dans son dossier une copie de la décision attaquée, les échanges d’écritures et un exemplaire de la décision de recours. Ces documents sont des actes de procédure. Les échanges d’écritures et la décision de recours sont exclus du champ d’application de la LTrans. De plus, l’autorité de recours n’est pas assujettie à la LTrans (art. 2 LTrans a contrario). La décision attaquée est accessible selon la LTrans auprès de l'autorité de première instance. Le PFPDT a encore signalé que, vu la systématique de l’article 3 al. 1 let. a LTrans, les exceptions prévues aux ch. 1 à 5 de cette disposition ne peuvent être interprétées différemment les unes des autres (cf. aussi recommandation du PFPDT du 24.03.2015; Fanti, La notion de document officiel en droit fédéral ainsi qu’en droit valaisan, in RVJ 2016, p. 393, spécialement p. 409 s.). En définitive, les documents appartenant à une procédure pendante au sens de l’article 3 al. 1 let. a LTrans sortent du champ d’application matériel de la LTrans pendant la totalité de la durée de cette procédure. Ainsi, la LTrans n’offre pas une voie supplémentaire à l’accès au dossier d’une procédure pendante. Après la clôture définitive de la procédure, une partie des documents officiels sont à nouveaux soumis à la loi sur la transparence, c'est-à-dire ceux qui existaient déjà avant elle et qui n’ont pas été établis explicitement pour celle-ci. Inversement, les documents qui ont été établis clairement dans le cadre de ladite procédure ne tombent pas sous le champ d’application de la loi sur la transparence (recommandations du PFPDT du 20.10.2015 et du 24.03.2015).

Selon la jurisprudence, les exceptions de l’article 3 al. 1 let. a LTrans – disposition, qui règle, à l’aide d’une liste négative, le champ d’application matériel de la LTrans, en excluant l’application de cette loi pour un certain nombre de procédures pour lesquelles des dispositions spéciales propres à chacune d’entre elles règlent les questions d’accès aux documents qui en font partie – se justifient précisément pour éviter une concurrence de normes entre les dispositions de la LTrans et celles spécifiques de procédure qui régissent l’accès aux documents (arrêt du TAF du 13.07.2016 [A-8073/2015] cons. 5.2.1 et les références citées). Dans une affaire genevoise, le Tribunal fédéral a rappelé que la loi cantonale relative à la transparence ne s'applique pas aux procédures civiles, pénales et administratives en cours et que, pour les procédures pendantes, les règles relatives à la consultation du dossier sont fixées par les différentes lois de procédure (arrêt du TF du 13.06.2016 [1C_604/2015, 1C_606/2015] cons. 4.4). Le Tribunal administratif fédéral a, pour sa part, eu l’occasion de préciser que l’article 3 al. 1 let. a LTrans comprend également la procédure pénale administrative et s’applique déjà à la procédure d’enquête de police judiciaire (ATAF 2016/9 cons. 7 à 7.4 et les références citées).

d) Selon l'article 70 CPDT-JUNE, sont considérés comme documents officiels toutes les informations détenues par une entité et relatives à l'accomplissement d'une tâche publique et ce, quel qu'en soit le support (al. 1). Sont notamment des documents officiels les rapports, études, procès-verbaux approuvés, statistiques, registres, correspondances, directives, prises de positions, préavis et décisions (al. 2). Ne sont pas des documents officiels les documents qui n'ont pas atteint leur stade définitif d'élaboration, qui sont destinés à l'usage personnel ou qui font l'objet d'une commercialisation, ainsi que les documents d'aide à la décision, telles les notes internes (al. 3).

Dans une affaire neuchâteloise, le Tribunal fédéral a admis – s’agissant d’un rapport établi dans le cadre d’une enquête administrative, à la demande du Conseil d’Etat neuchâtelois, en vue d'éventuelles mesures suite à des évènements intervenus dans un centre d'accueil dépendant alors de l'administration cantonale – qu’il était indubitable que la réalisation, sur mandat de l'Etat, d'une enquête administrative constitue une tâche publique et qu’on ne saurait y voir un document à usage personnel, voire une simple aide à la décision (arrêt du TF du 29.05.2018 [1C_472/2017] cons. 2.3). De même, dans une affaire genevoise, notre haute Cour a retenu qu’un rapport d’audit correspond à un document officiel, bien qu’ayant été établi par des mandataires externes, puisqu’il avait été commandé par le Conseil administratif de la Ville de Genève, qui en était l'unique destinataire, et qu’il s’agissait pour cette autorité d'obtenir une vision stratégique de la fonction RH en Ville de Genève dans la perspective d'une réorganisation du secteur RH de l'administration municipale (arrêt du TF du 29.11.2016 [1C_277/2016] cons. 3.4).

3.                                a) En l’espèce, il n’est pas contesté que le rapport d’audit – rendu le 20 novembre 2017 par B.________ à la demande du Conseil d’Etat qui s’appuyait sur l’article 27 LSub, à teneur duquel il lui incombait de veiller à l’utilisation conforme à leur destination des subventions consenties par l’Etat et à cet effet de procéder ou de faire procéder à tous les contrôles et vérifications nécessaires – doit être considéré comme un document officiel au sens de l'article 70 CPDT-JUNE. On ne saurait y voir un document à usage personnel, voire une simple aide à la décision au sens de l’alinéa 3 de cette disposition. Force est en outre de constater que le document en cause a atteint un stade définitif d’élaboration et qu’il a donné lieu à plusieurs mesures, publiées notamment dans le communiqué de presse du 13 décembre 2017. On rappellera encore qu’il est indubitable que la réalisation, sur mandat de l'Etat, d'une analyse externe, constitue une tâche publique (arrêt du TF du 29.05.2018 [1C_472/2017] cons. 2.3).

b) Ceci étant précisé, il y a lieu de signaler, en ce qui concerne la procédure de conciliation devant le PPDT, qu’on ne saurait suivre l’opinion de ce dernier, selon laquelle n’ayant ni constaté l’échec de la conciliation, ni établi un procès-verbal portant sur une convention entre les parties, l’intimée aurait dû lui adresser le dossier pour qu’il puisse tenter d’amener les parties à un accord dès la fin des procédures civiles et pénale en cours, au lieu de renvoyer l’affaire au Conseil d’Etat en vue de la communication du rapport d’audit du 20 novembre 2017 à SNP. En effet, les articles 38 à 44 CPDT-JUNE, relatifs à la procédure à suivre en lien notamment avec une demande d’accès à un document officiel, prévoient certes que, lorsque la conciliation devant le PPDT aboutit, la convention conclue entre les parties est portée au procès-verbal (cf. art. 41 al. 3 CPDT-JUNE). Ces dispositions ne stipulent toutefois pas qu’en cas d’échec de la conciliation, celui-ci doit être expressément constaté par le préposé. L’article 42 CPDT-JUNE, qui porte sur la saisine de la commission, se contente de mentionner que, si la conciliation échoue ou si la convention au sens de l'article 41 al. 3 CPDT-JUNE n'est pas exécutée, le maître du fichier, l'entité ou la personne concernée, ainsi que le préposé peuvent transmettre la cause pour décision à la commission, étant précisé qu’avant de statuer, cette dernière leur permet d'exercer leur droit d'être entendu. Il faut rappeler encore ici que la procédure de conciliation est informelle, de sorte qu’en particulier, une constatation formelle de l’échec d’une conciliation n’est ni conventionnellement exigée ni indispensable à la saisie de la CPDT.

A cet égard, il convient tout d’abord de relever que, dans son courrier du 18 mai 2018, le PPDT a indiqué, d’une part, qu’il confirmait la suspension jusqu’à la fin septembre de la procédure de conciliation ouverte et, d’autre part, qu’il constaterait d’office l’échec de la conciliation si X.________ ne proposait pas les conditions pour la lever de son opposition à l’accès du document demandé. Or, force est de constater que de telles conditions n’ont pas été proposées par le prénommé. D’ailleurs, dans une correspondance datée du 23 novembre 2018, le PPDT a expressément signalé aux parties ce qui suit : « Suite à la séance de conciliation du 16 mai 2018 et aux échanges d’emails à propos de l’opposition à la communication de l’audit de la LNM, il ressort que le document en cause est contenu dans le dossier pénal MP.2017.3525-PG (confirmation du Parquet général du 19.11.2018), et que les parties ne désirent pas concilier sur les modalités d’accès sitôt que les procédures en cours seront closes. […]. Conformément à la convention intercantonale relative à la protection des données et à la transparence dans les cantons du Jura et de Neuchâtel (CPDT-JUNE), nous vous informons que vous avez la possibilité de saisir, tant et aussi longtemps que la demande conserve un intérêt actuel, la Commission de la protection des données et de la transparence pour qu’elle rende une décision en lui adressant une demande écrite sommairement motivée avec pièces à l’appui ». Il s’ensuit que, si le préposé n’a pas clôturé la procédure de conciliation ouverte devant lui par une constatation formelle de l’échec de la conciliation, il a expressément relevé que les parties ne désiraient pas se concilier sur les modalités d’accès au rapport d’audit une fois les procédures civiles et pénale terminées. Il faut préciser à cet égard que le PPDT était d’avis que tant que ces procédures n’étaient pas closes les autorités de protection des données et de la transparence n’étaient pas compétentes pour traiter la demande d’accès à l’audit de B.________. Il renvoyait d’ailleurs les demandeurs d’accès au document en cause à s’adresser aux autorités pénales compétentes tant que durerait la procédure pénale, voire s’ils n’étaient pas d’accord avec son analyse à saisir la CPDT afin d’obtenir une décision formelle, ce qu’a fait SNP en date du 7 décembre 2018. Dans ces conditions, on ne peut qu’admettre que la conciliation a quoi qu’il en soit échoué. Ceci vaut quand bien même il faudrait admettre que le PPDT n’était en réalité pas compétent pour mener cette procédure, tant est aussi longtemps que les procédures civiles et pénale étaient en cours.

c) Ceci étant, il y a lieu de considérer que c’est à tort que l’intimée s’est considérée compétente et, partant, qu’elle a fait application de la CPDT-JUNE à la communication du rapport de B.________, alors même que des procédures civiles et pénale étaient et sont d’ailleurs encore en cours. Il n’est en effet pas contesté que le document en cause a été physiquement intégré dans le dossier de ces procédures. Or, au regard, notamment, de la casuistique développée par le Tribunal fédéral, de même que par le PFPDT, il apparaît que c’est précisément le fait qu’un document fasse partie d’un dossier en cours, soit que l’autorité par exemple pénale soit réellement en possession du document en question, qui est déterminant pour savoir qui des autorités de protection des données et de la transparence, respectivement, de celles de poursuite pénale sont compétentes pour décider de l’accès aux documents officiels. Les premières le sont après la clôture d’une procédure pénale (cf. art. 99 du code de procédure pénale du 05.10.2007 [CPP; RS 312.0]), les secondes tant qu’une procédure pénale est pendante (art. 101 et 102 CPP).

A titre d’exemple, on relèvera que le Tribunal fédéral a considéré que la directive du Procureur général du canton de Genève « précisant la politique pénale à l'égard des étrangers multirécidivistes en situation irrégulière » ne faisait pas partie d'un dossier pénal en cours. Il s'agissait d'un document d'ordre général relatif à la politique criminelle, soit d’un document pouvant avoir une influence sur la poursuite et la répression des infractions dans les cas particuliers, mais ne faisant pas partie du processus décisionnel proprement dit. La haute Cour a jugé qu’une telle directive se rapproche davantage des dispositions de la loi pénale ou de la jurisprudence, sur lesquelles les procureurs devaient se fonder pour rendre leurs décisions et qui, par nature, devaient être accessibles au public (arrêt du TF du 13.06.2016 [1C_604/2015, 1C_606/2015] cons. 4.4). Dans une affaire neuchâteloise, le Tribunal fédéral a admis que l’exception de l’article 69 al. 2 CPDT-JUNE n’était pas applicable concernant un rapport d’enquête administrative, dont l’auteur avait pu consulter le dossier de la procédure pénale, ouverte antérieurement à la décision du Conseil d’Etat de mettre en œuvre une telle enquête, auteur qui avait réalisé différentes auditions dans les locaux du Ministère public. En effet, l'enquête n'en demeurait pas moins de nature purement administrative et le rapport y afférant n’avait pas été produit dans la procédure pénale (arrêt du TF du 29.05.2018 [1C_472/2017] cons. 2.4, annulant l'arrêt de la Cour de droit public du 03.08.2017 [CDP.2016.152] cons. 3b).

Il convient encore de préciser qu’en matière pénale, un dossier est constitué pour chaque affaire pénale et qu’il contient : les procès-verbaux de procédure et les procès-verbaux des auditions; les pièces réunies par l’autorité pénale; les pièces versées par les parties (art. 100 al. 1 CPP). Quant à l'autorité compétente au sens des articles 74 et 102 CPP, il s’agit de la direction de la procédure; celle-ci doit notamment respecter la présomption d'innocence et les autres intérêts légitimes au maintien du secret. L'article 101 CPP régit la question de la consultation du dossier dans le cadre d'une procédure pénale pendante, par les parties (al. 1), d'autres autorités (al. 2) et par les tiers (al. 3). Il dispose à son alinéa 3 que des tiers peuvent consulter le dossier s'ils font valoir à cet effet un intérêt scientifique ou un autre intérêt digne de protection et qu'aucun intérêt public ou privé prépondérant ne s'y oppose. En d’autres termes, si des documents font partie d’un dossier pénal dont la procédure est pendante, ce sont les articles 101 et 102 CPP qui trouvent application, la législation sur la transparence leur cédant le pas. Ceci a pour conséquence qu'il appartient à la direction de la procédure de se prononcer sur une demande d'accès au dossier et d'opérer la pesée des intérêts prévue à l'article 101 al. 3 CPP, lorsque cette demande d'accès émane d'un tiers.

Par conséquent et au vu de ce qui précède, force est de constater, non seulement, que le rapport d’audit est réellement en possession, à tout le moins, de la Cour pénale du Tribunal cantonal, auprès de laquelle une procédure d’appel est pendante contre le jugement du 25 mars 2019 du Tribunal de police du Tribunal régional du Littoral et du Val-de-Travers, jugement rendu suite à l’opposition de X.________ à l’ordonnance pénale du 13 août 2018, le condamnant à une peine pécuniaire de 45 jours-amende à 100 francs pour prélèvement sans autorisation de sommes d’argent sur le compte de LNM, mais de plus que le document en question a été intégré physiquement au dossier pénal consécutivement à la demande de transmission formulée par le Ministère public au Conseil d’Etat. Il s’ensuit que le rapport d’audit de B.________ fait partie intégrante, à tout le moins, du dossier pénal actuellement en cours devant la Cour pénale du Tribunal cantonal et qu’il ne s’agit pas d’un document ayant simplement un rapport plus large avec la procédure pénale. A cet égard, on relèvera qu’il n’appartient ni aux autorités de protection des données et de la transparence, ni à la Cour de céans de juger si le rapport d’audit du 20 novembre 2017 peut s’avérer utile à la résolution du litige au pénal. Tout au plus, la présente autorité se limitera-t-elle à relever qu’en tant que pièce du dossier pénal au sens de l’article 100 al. 1 CPP, il peut être pris en considération dans le processus décisionnel proprement dit.

L’exception de l’article 69 al. 2 CPDT-JUNE trouve donc application au cas d’espèce, de sorte que l’intimée aurait dû se considérer incompétente pour statuer sur la demande de SNP et donc la déclarer irrecevable. Plus spécifiquement, elle aurait dû constater que le rapport d’audit faisait partie, pour le moins, du dossier pénal actuellement pendant devant la Cour pénale du Tribunal cantonal, voire du dossier civil en cours auprès du Tribunal civil du Tribunal régional du Littoral et du Val-de-Travers, de sorte qu'il appartient à ces autorités judiciaires de se prononcer, le cas échéant, sur la transmission du document en cause et non aux autorités de protection des données et de la transparence, qui étaient incompétentes en la matière.

4.                                a) Ce qui précède conduit la Cour de céans à admettre le recours et, réformant la décision de la CPDT du 19 novembre 2019, à déclarer irrecevable la "demande d’accès à un document officiel", formulée par SNP auprès de l’intimée le 7 décembre 2018.

b) Vu l'issue de la cause, il est statué sans frais (art. 47 al. 2 LPJA par renvoi de l'art. 43 al. 2 CPDT-JUNE). La recourante, qui obtient gain de cause, a droit à des dépens (art. 48 LPJA par renvoi de l’art. 43 al. 2 CPDT-JUNE). La mandataire a déposé un mémoire dont il ressort qu'elle a consacré 16 heures et 17 minutes à l'affaire, dont 8 heures avant la décision de l’intimée ici querellée et 8 heures et 17 minutes postérieurement à ce prononcé et en lien avec le mémoire de recours du 27 janvier 2020. Or, seule l’activité déployée dans le cadre de la procédure de recours devant la Cour de céans peut être ici prise en considération. L'activité de 8 heures et 17 minutes alléguée en lien avec le mémoire de recours du 27 janvier 2020 paraît correspondre à ce qu'exigeait le mandat, apparaissant comme nécessaire au vu des particularités de la cause, laquelle présente une certaine complexité. En revanche le tarif-horaire de 300 francs invoqué par la mandataire ne saurait être suivi et doit être ramené au tarif usuellement appliqué par la Cour de céans de l'ordre de 280 francs de l'heure. Eu égard à ce tarif (8 heures et 17 minutes à CHF 280 de l’heure = CH 2’319.35), des débours effectifs allégués (CHF 29.60; art. 63 LTFrais par renvoi de l’art. 67 LTFrais), ainsi que la TVA au taux de 7,7 % (CHF 180.85). C'est ainsi un montant global de 2’529.80 francs qui sera alloué au recourant à titre de dépens à charge de l’intimée.

Par ces motifs,
la Cour de droit public

1.    Admet le recours.

2.    Réforme la décision de la CPDT du 19 novembre 2019, en ce sens que la "demande d’accès à un document officiel", formulée par SNP auprès de l’intimée le 7 décembre 2018, est déclarée irrecevable.

3.    Statue sans frais et ordonne la restitution au recourant de son avance.

4.    Alloue au recourant une indemnité de dépens de 2’529.80 francs à la charge de l’intimée.

Neuchâtel, le 4 juin 2020

 

 

Art. 99 CPP
Traitement et conservation des données personnelles après la clôture de la procédure
 

1 Après la clôture de la procédure, le traitement des données, la procédure et les voies de droit sont régis par les dispositions fédérales et cantonales sur la protection des données.

2 La durée pendant laquelle les données personnelles doivent être conservées après la clôture de la procédure est régie par l’art. 103.

3 Les dispositions du présent code, de la loi fédérale du 13 juin 2008 sur les systèmes d’information de police de la Confédération1 et de la loi fédérale du 7 octobre 1994 sur les Offices centraux de police criminelle de la Confédération2 relatives aux documents contenant des données signalétiques et des profils d’ADN sont réservées.3


1 RS 361
2 RS 360
3 Nouvelle teneur selon le ch. I 1 let. a de l’annexe 2 à la LF du 13 juin 2008 sur les systèmes d’information de police de la Confédération, en vigueur depuis le 1er janv. 2011 (RO 2008 4989; FF 2006 4819).

  

Art. 100 CPP
Tenue des dossiers
 

1 Un dossier est constitué pour chaque affaire pénale. Il contient:

a. les procès-verbaux de procédure et les procès-verbaux des auditions;

b. les pièces réunies par l’autorité pénale;

c. les pièces versées par les parties.

2 La direction de la procédure tient à jour un index des pièces; dans des cas simples, elle peut y renoncer.

Art. 101 CPP
Consultation des dossiers dans le cadre d’une procédure pendante
 

1 Les parties peuvent consulter le dossier d’une procédure pénale pendante, au plus tard après la première audition du prévenu et l’administration des preuves principales par le ministère public; l’art. 108 est réservé.

2 D’autres autorités peuvent consulter le dossier lorsqu’elles en ont besoin pour traiter une procédure civile, pénale ou administrative pendante et si aucun intérêt public ou privé prépondérant ne s’y oppose.

3 Des tiers peuvent consulter le dossier s’ils font valoir à cet effet un intérêt scientifique ou un autre intérêt digne de protection et qu’aucun intérêt public ou privé prépondérant ne s’y oppose.

Art. 102 CPP
Modalités applicables en cas de demande de consultation des dossiers
 

1 La direction de la procédure statue sur la consultation des dossiers. Elle prend les mesures nécessaires pour prévenir les abus et les retards et pour protéger les intérêts légitimes au maintien du secret.

2 Les dossiers sont consultés au siège de l’autorité pénale concernée ou, par voie d’entraide judiciaire, au siège d’une autre autorité pénale. En règle générale, ils sont remis à d’autres autorités ainsi qu’aux conseils juridiques des parties.

3 Toute personne autorisée à consulter le dossier peut en demander une copie contre versement d’un émolument.

 

Art. 3 LTrans
Champ d’application à raison de la matière
 

1 La présente loi ne s’applique pas:

a. à l’accès aux documents officiels concernant les procédures:

1. civiles,

2. pénales,

3. d’entraide judiciaire et administrative internationale,

4. de règlement international des différends,

5. juridictionnelles de droit public, y compris administratives,

6. d’arbitrage;

b. à la consultation du dossier par une partie dans une procédure administrative de première instance.

2 L’accès aux documents officiels contenant les données personnelles du demandeur est régi par la loi fédérale du 19 juin 1992 sur la protection des données (LPD)1.


1 RS 235.1