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TRIBUNAL CANTONAL

 

 

 

 

FI.2017.0049

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COUR ADMINISTRATIVE

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RECUSATION ADMINISTRATIVE

Séance du 7 juillet 2017

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Présidence de               M.              Meylan, président

Juges              :              Mme              Revey et M. Kaltenrieder

Greffière              :              Mme              Schwab Eggs

 

 

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Art. 9 let. b et e, 11 al. 3 LPA-VD

 

 

              Vu le recours déposé auprès de la Cour de droit administratif et public du Tribunal cantonal (ci-après : CDAP) le 1er mai 2017 par R.________ contre la décision rendue le 20 mars 2017 par l’ADMINISTRATION CANTONALE DES IMPOTS (ci-après: ACI), qui a rejeté la réclamation et a confirmé la décision de rappel d’impôts et de taxation définitive du 1er décembre 2015 (cause [...]),

 

              vu l’avis d’enregistrement du recours du 4 mai 2017 impartissant un délai à la recourante pour effectuer le paiement de l’avance de frais, signé par le greffier « pour la juge instructrice, [...] »,

              vu la demande de prolongation du délai pour procéder à l’avance de frais déposée le 23 mai 2017 par R.________,

 

              vu l’avis 24 mai 2017 de la Juge cantonale P.________, agissant en qualité de juge instructrice, accordant la prolongation de délai requise,

 

              vu la demande de récusation de cette magistrate, présentée le 30 mai 2017 par R.________, laquelle soutient en substance que la magistrate intimée aurait déjà tranché la question de la solidarité des époux pour le paiement des impôts dans un arrêt du 19 décembre 2016 rendu dans la cause [...],

 

              vu la détermination spontanée du 1er juin 2017 de la juge instructrice, laquelle s’en est remise à justice et a précisé que la demande paraissait tardive et que le motif de récusation découlait d’un arrêt non définitif, le Tribunal fédéral n’ayant pas encore statué dans la cause [...],

 

              vu la détermination spontanée du 5 juin 2017 de R.________, laquelle a indiqué que l’avis d’enregistrement du recours du 4 mai 2017 ne lui était parvenu que le 22 mai 2017,

 

              vu l’arrêt du 30 mai 2017 de la IIe Cour de droit public du Tribunal fédéral (TF 2C_115/2017) rejetant dans la mesure de sa recevabilité le recours formé par R.________ contre l’arrêt de la CDAP du 19 décembre 2016 rendu dans la cause [...],

 

              vu les déterminations de l’ACI du 27 juin 2017,

 

              vu les pièces au dossier ;

 

 

              attendu que le recours déposé par le 1er mai 2017 par R.________ est pendant devant la CDAP,

 

              que les art. 9 à 12 LPA-VD (loi du 28 octobre 2008 sur la procédure administrative ; RSV 173.36) sont donc applicables au cas d'espèce,

 

              qu'en vertu des art. 11 al. 3 LPA-VD et 6 al. 1 let. a ROTC (règlement organique du Tribunal cantonal du 13 novembre 2007 ; RSV 173.31.1), la Cour administrative est compétente pour statuer sur la demande de récusation présentée le 30 mai 2017 à l'encontre de la juge cantonale P.________,

 

              attendu qu’en vertu de l’art. 10 al. 2 LPA-VD, les parties qui souhaitent demander la récusation d’une autorité ou de l’un de ses membres doivent le faire dès la connaissance du motif de récusation (ATF 132 II 485 consid. 4.3),

 

              qu’en l’espèce, la demande de récusation a été présentée le 30 mai 2017 et il n’est pas établi que R.________ aurait eu connaissance du motif de récusation avant le 22 mai 2017,

 

              que la demande de récusation a ainsi été présentée en temps utile,

 

              qu’elle satisfait en outre aux exigences de forme,

 

              qu’elle est dès lors recevable ;

 

 

              attendu que selon l'art. 9 LPA-VD, toute personne appelée à rendre ou à préparer une décision ou un jugement doit se récuser si elle a un intérêt personnel dans la cause (let. a), si elle a agi dans la même cause à un autre titre, notamment comme membre d'une autorité, comme conseil d'une partie, comme expert ou comme témoin (let. b), si elle est liée par les liens du mariage ou du partenariat enregistré ou fait durablement ménage commun avec une partie, son mandataire ou une personne qui a agi dans la même cause comme membre de l'autorité précédente, la dissolution du mariage ou du partenariat enregistré ne supprimant pas le motif de récusation (let. c), si elle est parente ou alliée en ligne directe ou, jusqu'au troisième degré inclus, en ligne collatérale avec une partie, son mandataire ou une personne qui a agi dans la même cause comme membre de l'autorité précédente (let. d) ou si elle pourrait apparaître comme prévenue de toute autre manière, notamment en raison d'une amitié étroite ou d'une inimitié personnelle avec une partie ou son mandataire (let. e),

 

              que la récusation d'un juge ou d'un tribunal ne doit pas être autorisée à la légère, mais uniquement pour des motifs sérieux, la récusation devant demeurer l'exception (ATF 116 Ia 14 consid. 4, trad. et rés. au JdT 1991 IV 157 ; ATF 115 Ia 172 consid. 3),

 

              que l'art. 6 §1 CEDH (Convention du 4 novembre 1950 de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ; RS 0.101) garantit le droit à être jugé par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi (ATF 127 I 44 consid. 2),

             

              que l'art. 30 al. 1 Cst. (Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 ; RS 101) n'a, de ce point de vue, pas une portée différente de
l'art. 6 § 1 CEDH, toute personne dont la cause doit être jugée dans une procédure judiciaire ayant droit à ce que sa cause soit portée devant un tribunal établi par la loi, compétent, indépendant et impartial (TF 1C_235/2008 du 13 mai 2009 consid. 3.1),

 

              qu'en matière de récusation, même les apparences peuvent revêtir de l'importance, pour autant qu'elles fassent redouter une attitude partiale du ou des magistrats (ATF 134 I 20 consid. 4.2), qu'elles soient objectives et résultent de faits déterminés (ATF 131 I 24 consid. 1.1 ; ATF 124 I 121 consid. 3a, JdT 1999 I 159 ; ATF 115 Ia 172 consid. 3),

 

              que les impressions purement individuelles d'une des parties au procès ne sont en revanche pas décisives (ATF 134 I 238 consid. 2.1 ; ATF 131 I 24 consid. 1.1),

 

              qu'en particulier, la garantie du juge impartial s'oppose à ce que des circonstances extérieures au procès puissent influencer le jugement d'une manière qui ne serait pas objective, en faveur ou au préjudice d'une partie (ATF 131 I 24 consid. 1.1),

 

              que la participation d’un juge à des procédures distinctes posant les mêmes questions n’est pas contraire à la Constitution et à la CEDH (TF 1C_477/2011 du 16 janvier 2012 consid. 2.1 et les références citées),

 

              que le cumul des fonctions n’est alors admissible que si le magistrat, en participant à des décisions antérieures relatives à la même affaire, n’a pas déjà pris position au sujet de certaines questions de manière telle qu’il ne semble plus à l’avenir exempt de préjugés et que, par conséquent, le sort du procès n’apparaisse plus indécis (ibid.),

 

              que pour en juger, il faut tenir compte des faits, des particularités procédurales, ainsi que des questions concrètes soulevées au cours des différents stades de la procédure (ATF 126 I 168 consid. 2a ; ATF 120 Ia 82 consid. 6),

 

              que par ailleurs, le seul fait qu’un juge ait déjà rendu une décision défavorable au recourant ne suffit pas pour admettre un motif de prévention (ATF 114 Ia 278 consid. 1),

 

              qu’enfin, la connaissance approfondie du dossier par le juge n’implique pas un préjugé empêchant de le considérer comme impartial au moment du jugement au fond (TF 1C_477/2011 du 16 janvier 2012 consid. 2.1),

 

              qu'il n'est en particulier pas judicieux de déroger à la pratique installée au sein de la CDAP d'attribuer au même juge deux dossiers dont le complexe de faits est semblable, du moment que son appréciation intervient avec le jugement et s'appuie sur les éléments produits et débattus en procédure, la garantie du juge impartial étant de la sorte respectée (CA du 21 septembre 2011/20, confirmé in TF 1C_477/2011 du 16 janvier 2012 consid. 2.2 ; CEDH du 9 novembre 2006, Sacilor Lormines c. France § 61),

 

              qu’il n'appartient en outre pas au juge de la récusation d'examiner la conduite du procès à la façon d'un organe de surveillance (TF 4A_323/2010 du 3 août 2010 consid. 2.2),

 

              qu'en l'espèce, la magistrate intimée est appelée à statuer dans une cause concernant les mêmes parties dans une cause distincte que la précédente,

 

              que l’on ne se trouve dès lors pas dans le cas de récusation prévu à l’art. 9 let. b LPA-VD, l’intervention dans une autre cause ne constituant pas, comme telle, un motif de récusation (cf. Bohnet, CPC Commenté, Bâle 2011, n. 22 ad art. 47 CPC),

 

              que par ailleurs, la magistrate intimée agit dans tous les cas au même titre,

 

              qu’il convient dès lors d’examiner si les circonstances d’espèce la font apparaître comme prévenue de toute autre manière au sens de l’art. 9 let. e LPA-VD,

 

              que l’arrêt du 19 décembre 2016 rendu dans la cause [...] par la CDAP – composée d’P.________, présidente, de [...] et [...], juges cantonaux, et de [...], greffière – porte sur la question de la fourniture de sûretés par R.________ en garantie des compléments d’impôts dus pour les périodes fiscales 2004 à 2009 au titre d’impôt cantonal et communal, en raison du départ à l’étranger de son époux, [...],

 

              qu’au considérant 2 dudit arrêt, la CDAP a examiné si la recourante pouvait être reconnue comme débitrice solidaire de son époux,

 

              qu’au terme d’un examen sommaire, la CDAP a tranché cette question en ce sens qu’elle a considéré que R.________ était bien débitrice de l’impôt cantonal et communal pour la période considérée, pendant laquelle les époux vivaient en ménage commun, compte tenu de la solidarité entre époux, et que cette solidarité subsistait après la séparation pour la part afférente à la vie commune,

 

              que le rejet par le Tribunal fédéral du recours formé contre cet arrêt ne change rien à la cause, le Tribunal fédéral s’étant limité à confirmer le caractère non arbitraire de cette pratique,

 

              que le recours déposé auprès de la CDAP le 1er mai 2017 par R.________ a pour fin de contester une décision sur réclamation de l’ACI qui a précisément pour objet la responsabilité solidaire des époux pour le paiement des impôts pour les périodes fiscales 2004 à 2009,

 

              qu’il s’agit dès lors d’une question juridique tranchée une première fois – certes au terme d’un examen sommaire – et qui se pose à nouveau, cette fois au fond sur des faits semblables au cours de la même période entre les mêmes parties, même si ce sont deux recours différents contre deux décisions différentes,

 

              que le fait que la magistrate intimée, ainsi que les membres composant la cour ayant statué dans la cause [...] aient déjà pris position sur la question de la solidarité entre époux pour la période fiscale considérée est de nature à faire naître une apparence qui pourrait faire douter de leur impartialité,

 

              qu’au vu de ces éléments, les appréhensions de R.________ peuvent passer pour objectivement justifiées,

 

              que la demande de récusation de la juge cantonale P.________ doit ainsi être admise et la cause déléguée à un autre juge, qui ne s’est pas déjà prononcé dans la cause [...],

 

              que la présente cause doit être renvoyée au président de la deuxième CDAP pour désignation d’un nouveau juge instructeur ;

 

 

              que présent arrêt peut être rendu sans frais, ni dépens, la requérante n’étant pas assistée d’un conseil professionnel.

 

 

 

Par ces motifs,

la Cour administrative du Tribunal cantonal,

statuant à huis clos

prononce :

 

              I.              La demande de récusation présentée le 30 mai 2017 par R.________ tendant à la récusation de la Juge cantonale P.________ est admise.

 

              II.              La cause est renvoyée au président de la deuxième Cour de droit administratif et public pour désignation d’un nouveau juge instructeur.

 

              III.              Le présent arrêt, rendu sans frais, est exécutoire.

 

Le président :               La greffière :

 

 

 

Du

 

              L’arrêt qui précède, dont la rédaction a été approuvée à huis clos, est notifié, par l'envoi d'une copie complète, à :

 

              - Mme R.________, personnellement,

              - Mme P.________, Juge cantonale, Cour de droit administratif et public,

 

              et communiqué par l'envoi de photocopies à :

 

              - Administration cantonale des impôts,

              - Administration fédérale des contributions,

              - M. Guillaume Vianin, Président de la 2e Cour de droit administratif et public.

 

              Le présent arrêt peut faire l'objet d'un recours en matière de droit public devant le Tribunal fédéral au sens des art. 82 ss LTF (loi du 17 juin 2005 sur le Tribunal fédéral ; RS 173.110), cas échéant d'un recours constitutionnel subsidiaire au sens des art. 113 ss LTF (art. 92 LTF). Ces recours doivent être déposés devant le Tribunal fédéral dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète (art. 100 al. 1 LTF).

 

              La greffière :