TRIBUNAL CANTONAL

COUR DE DROIT ADMINISTRATIF ET PUBLIC

 

Arrêt du 2 juillet 2021

Composition

M. Stéphane Parrone, président; M. François Kart, juge; M. Gilles Grosjean Giraud, assesseur; M. Daniel Perret, greffier.

 

Recourante

 

A.________, à ********, représentée par Me Denis SULLIGER, avocat à Vevey,  

  

Autorité intimée

 

Municipalité de Lausanne, Bureau des permis de construire, Service de l'urbanisme, à Lausanne.

  

 

Objet

permis de construire           

 

Recours A.________ c/ décision de la Municipalité de Lausanne du 25 août 2020 refusant la délivrance du permis de construire portant sur la réalisation de différents travaux sur le bâtiment ECA 16349a sis sur la parcelle n° 1304 de Lausanne (surélévation d'un niveau; transformations intérieures; pose d'une isolation périphérique; aménagement extérieur)

 

Vu les faits suivants:

A.                     A.________ (ci-après: la Fondation) est une fondation de droit suisse inscrite le ******** 2001 au registre du commerce du canton de Zurich.

La Fondation est propriétaire de la parcelle n° 1304 du cadastre de la Commune de Lausanne. D'une surface de 1'583 m², ce bien-fonds est colloqué en zone à bâtir (zone mixte de forte densité) selon le Plan général d'affectation (PGA) communal et son règlement (RPGA), approuvés tous deux par le département compétent le 4 mai 2006 et entrés en vigueur le 26 juin 2006. Il est entouré sur l'ensemble de ses côtés de parcelles de même nature.

Sur ce bien-fonds sont érigés deux immeubles d'habitation, portant les nos ECA 16348a et 16349a, sis respectivement aux nos 13bis et 13ter du chemin de Chantemerle. Le reste de la surface de la parcelle est en nature de jardin, chemin et place privée. Selon les plans au dossier, le second des bâtiments précités, d'une surface de 300 m², est un immeuble de logements collectifs comportant actuellement un rez inférieur, un rez supérieur, plus quatre étages au-dessus.

B.                     Au mois de décembre 2019, la Fondation a déposé auprès de la Municipalité de Lausanne (ci-après: la Municipalité) une demande de permis de construire portant en bref sur la surélévation d'un niveau du bâtiment ECA 16349a, la réalisation de transformations intérieures, la pose d'une isolation périphérique et d'un exutoire de fumée en toiture, ainsi que l'aménagement d'un emplacement pour la prise en charge des conteneurs.

Selon les indications de la Fondation et les plans au dossier, au rez inférieur du bâtiment actuel se trouvent l'entrée de l'immeuble, un parking de dix places, un garage, un local pour onze vélos, un local pour conteneurs et des caves, ainsi qu'un local pour le concierge. Ces locaux sont borgnes à l'exception de l'ouverture de l'entrée. Le rez supérieur comporte des caves et la buanderie, ainsi qu'un appartement de 5.5 pièces. Les autres niveaux sont affectés au logement.

Mis à l'enquête publique du 10 mars au 9 avril 2020, le projet n'a suscité aucune opposition.

La Centrale des autorisations (CAMAC) a établi sa synthèse le 14 mai 2020, laquelle comportait l'autorisation spéciale requise délivrée par la Direction générale du territoire et du logement (DGTL/DL), les préavis favorables de la Direction générale des immeubles et du patrimoine (DGIP/RA), de la Direction générale de la mobilité et des routes (DGMR/MT) et de la Direction de l'environnement industriel, urbain et rural (DGE/ DIREV/ARC), ainsi que des remarques de l'Office de l'information sur le territoire (OIT) et de la Direction générale de l'environnement (DGE).

Par décision du 25 août 2020, la Municipalité a refusé de délivrer le permis de construire sollicité. Elle motivait sa position en ces termes :

"Après examen du dossier, la Municipalité a décidé, en sa séance du 20 août 2020, de refuser le projet cité en titre en vertu de l'article 80 de la Loi sur l'aménagement du territoire et les constructions (LATC) et des dispositions de la zone mixte de forte densité du Plan général d'affectation (PGA), en particulier les articles 21 let. a (niveau de référence) et la figure 2 correspondante, 23 (gabarit des toitures et des attiques), 108 (hauteur des façades) et 109 (gabarit des toitures et des attiques).

Elle a en effet pris en considération les éléments suivants.

La parcelle est régie par les dispositions de la zone mixte de forte densité du PGA. Le bâtiment qui est érigé ne respecte pas ces dispositions pour ce qui concerne sa hauteur de façade.

En effet, dans la mesure où le bâtiment est implanté à plus de 6 mètres de la limite des constructions, le niveau de référence est déterminé par l'art. 21 let. a du PGA, c'est-à-dire au niveau du premier étage habitable.

Comme le seul accès au bâtiment se situe au rez inférieur, ce niveau est considéré, de pratique constante municipale, comme étant le premier niveau habitable et la hauteur de façade de 14 m 50 (art. 108 PGA) doit être comptée depuis ce niveau de référence. Partant de ce principe, la hauteur de façade du bâtiment existant culmine à 16 m 16 au lieu de 14 m 50 (art. 108 PGA). Dès lors, c'est en regard de l'art. 80 LATC qu'il convient d'examiner ce projet.

L'art. 80 LATC permet aux bâtiments devenus non conformes aux règles en vigueur d'être transformés dans leur volume existant, voire agrandis, pour autant notamment que l'atteinte à la réglementation en vigueur n'en soit pas aggravée.

Le point de départ du gabarit de toiture (art. 109 et 23 PGA) doit donc être fixé à la hauteur réglementaire de 14 m 50. Le projet considère le premier niveau habitable comme étant le rez supérieur (et non le rez inférieur) et fixe le point de départ du gabarit de toiture à la hauteur de la corniche actuelle, soit 16 m 16.

Cela n'est pas réglementaire et ne peut être admis.

La hauteur des façades se détermine ici depuis le premier niveau habitable qui est le rez inférieur, niveau de l'accès au bâtiment. Partant, le point de départ du gabarit de toiture (arc de cercle) qui doit accueillir le niveau surélevé doit être placé à 14 m 50 et non, comme le propose le projet, à 16 m 16. L'atteinte à la réglementation en vigueur en est ainsi aggravée.

En conséquence, le projet de surélévation ne respecte pas les articles 80 LATC, 21a, la figure 2, 23, 108 et 109 PGA, ainsi que la pratique constante municipale en la matière."

A titre d'information, la Municipalité précisait encore que les autres points réglementaires étaient conformes à la réglementation en vigueur.

C.                     Par acte du 17 septembre 2020, A.________ a interjeté recours auprès de la Cour de droit administratif et public du Tribunal cantonal (ci-après: CDAP) contre la décision précitée, concluant, avec suite de frais et dépens, à ce que celle-ci soit réformée en ce sens que le permis de construire requis est accordé.

Le 19 novembre 2020, la Municipalité a produit son dossier et déposé sa réponse, concluant au rejet du recours.

Le 14 décembre 2020, la recourante a déposé des déterminations complémentaires, en précisant notamment n'avoir pas de mesure d'instruction à solliciter. Copie de cette écriture a été transmise le lendemain à la Municipalité pour information.

D.                     Le tribunal a statué par voie de circulation. Les arguments des parties sont repris ci-après, dans la mesure utile.


Considérant en droit:

1.                      Déposé dans le délai légal de 30 jours fixé par l'art. 95 de la loi vaudoise du 28 octobre 2008 sur la procédure administrative (LPA-VD; BLV 173.36), le recours est intervenu en temps utile. Il satisfait aux conditions formelles énoncées par l'art. 79 LPA-VD (applicable par renvoi de l'art. 99 LPA-VD). Il y a donc lieu d'entrer en matière sur le fond.

2.                      La recourante se plaint d'une mauvaise application des dispositions du Règlement du 26 juin 2006 sur le Plan général d'affectation de la Commune de Lausanne (ci-après : RPGA) relatives à la hauteur des façades.

a) Il n'est pas contesté que les dispositions applicables au cas d'espèce sont les suivantes :

aa) Parmi les règles générales communes à toutes les zones du PGA, les art. 20, 21 let. a et 23 RPGA, qui prévoient ce qui suit :

"Art. 20 Hauteur des façades

La hauteur des façades est mesurée au milieu de celles-ci dès le niveau de référence défini à l'Art. 21 et jusqu'à l'arête supérieure de la corniche pour les toitures à pans, ou de la tablette de l'acrotère ou du garde-corps, s'il est opaque, pour les toitures plates.

Art. 21 Niveau de référence

   Voir Figure 2

Le niveau de référence est défini en fonction de la position du bâtiment :

a)  si le bâtiment est situé à l'intérieur d'une propriété, le niveau de référence correspond au niveau moyen du terrain naturel ou au niveau fini du premier étage habitable, qu'il soit complet ou partiel, si celui-ci est inférieur au niveau moyen du terrain naturel,

b)  […],

c)  […]."

Relative au "Calcul de la hauteur des façades", la "Figure 2" à laquelle l'art. 21 RPGA fait renvoi est composée de plusieurs schémas consacrés respectivement aux lettres a, b et c de cette disposition. Les schémas illustrant l'art. 21 let. a RPGA sont représentés de la façon suivante :

"Art. 23 Gabarit des toitures et des attiques

1 Lorsque le gabarit des toitures et des attiques est défini par des arcs de cercle et un plan tangent aux arcs de cercle :

a)  le point de départ des arcs est placé à l'aplomb du nu des façades, pris au niveau de la corniche du dernier étage complet ou partiel compris dans la hauteur réglementaire et le centre à 1,00 mètre au-dessous,

b)  le gabarit doit être retourné sur toutes les façades.

2 La Municipalité peut exiger un abaissement ou une interruption de ce gabarit :

a)  pour des raisons d'intégration,

b)  lorsque, pour un bâtiment, le point de départ des arcs n'est pas situé au même niveau sur toutes les façades."

bb) Dans la zone mixte de forte densité dans laquelle est colloquée la parcelle de la recourante, les art. 108 et 109 RPGA, dont la teneur est la suivante :

"Art. 108 Hauteur des façades

La hauteur des façades (voir art. 20 à 22) est limitée à 14,50 mètres.

Art. 109 Gabarit des toitures et des attiques

Le gabarit des toitures et des attiques (voir art. 23) ne peut dépasser, sur chacune des façades, un arc de cercle de 8,00 mètres de rayon et un plan tangent aux arcs de cercle."

b) La recourante soutient que le projet litigieux de surélévation d'un étage de son bâtiment respecte les prescriptions relatives à la hauteur des façades mesurée conformément aux dispositions du RPGA. Selon elle, le premier étage habitable totalement ou partiellement dans l'immeuble est le rez supérieur; or, le niveau moyen du terrain établi par un géomètre se trouve au-dessus du niveau fini de cet étage, lequel représente dès lors le niveau de référence pour mesurer la hauteur des façades selon les art. 20 et 21 let. a RPGA. Comme il ressort du plan des coupes de l'immeuble produit avec la demande de permis de construire (n° 319/B/05), en partant de ce point, la hauteur de la façade mesurée à l'arête supérieure de la corniche atteint 13.78 m, soit une valeur inférieure à la limite de 14.50 m imposée par l'art. 108 RPGA.

La recourante s'oppose à la pratique de la Municipalité consistant à prendre comme niveau de référence l'étage où se trouve l'accès au bâtiment, que cet étage soit habitable ou pas. Dans le cas présent, le niveau de référence déterminé selon cette pratique correspond au rez inférieur de l'immeuble. Or, mesurée depuis ce point, la hauteur de la façade à l'arête supérieure de la corniche dépasse la limite de 14.50 m réglementaire.

La Municipalité se prévaut quant à elle du pouvoir d'appréciation dont elle dispose pour interpréter ses règlements communaux. Elle souligne appliquer de manière constante la pratique comprenant comme premier étage habitable ‒ qu'il soit complet ou partiel ‒ le niveau d'entrée principale au bâtiment, que cette entrée se situe au niveau d'un rez inférieur ou non et que ce niveau soit composé de surfaces effectivement habitables ou non. Dans ce cas, ce premier étage habitable qui mêle accès et surfaces non habitables est considéré comme étage partiel qui vaut premier étage habitable. Sans cette entrée, l'accès au bâtiment ne serait au demeurant pas garanti; c'est pour cette raison que le niveau qui contient l'accès principal au bâtiment est considéré d'office comme premier étage habitable. La Municipalité fait en outre valoir que cette façon de procéder est cohérente avec d'autres règles du RPGA, notamment celles régissant le calcul du coefficient d'utilisation du sol (CUS) dans la zone mixte de faible densité, en vertu desquelles toute circulation menant à des surfaces habitables est comprise dans le CUS. Ainsi, conformément à une pratique constante, si l'accès principal au bâtiment menant à des appartements se situe au rez inférieur, ledit passage compte dans le CUS. Or, selon la Municipalité, c'est la même réflexion qui vaut pour définir le premier étage habitable : le niveau qui accueille l'accès principal au bâtiment vaut premier niveau habitable simplement parce que si accès il y a, alors des surfaces habitables peuvent exister, indépendamment de la volonté du propriétaire à cet égard.

c) Il convient en premier lieu de déterminer si le rez inférieur et le rez supérieur de l'immeuble de la recourante doivent être considérés comme des étages habitables.

aa) Le RPGA ne prévoit aucune définition propre du caractère habitable d'un local. On peut dès lors se référer à la notion de "niveau habitable" telle qu'établie par la jurisprudence. Cette dernière a précisé que, pour être considéré comme "habitable", un niveau de construction doit se prêter au séjour durable des personnes, que ce soit pour l'habitation ou le travail. A cet égard, la seule intention subjective du constructeur ne joue pas un rôle décisif : il convient plutôt de déterminer si, objectivement, les aménagements prévus au niveau considéré (accessibilité, etc.) permettent aisément de rendre ces surfaces habitables. Il sied en particulier de vérifier si les locaux prévus répondent aux exigences de salubrité fixées par la réglementation cantonale, notamment en ce qui concerne le volume, l'éclairage et la hauteur des pièces habitables. Ce point n'est toutefois pas non plus déterminant à lui seul, en ce sens qu'il ne suffit pas qu'un local ne soit pas réglementaire sous cet angle pour en conclure qu'il n'est pas habitable, alors que, concrètement, il peut et sera vraisemblablement utilisé pour l'habitation malgré sa non-conformité (cf., entre autres, arrêts CDAP AC.2020.0078 du 25 mars 2021 consid. 2b/aa; AC.2019.0307 du 14 février 2020 consid. 2c; AC.2019.0080 du 22 novembre 2019 consid. 3d; AC.2018.0260 du 6 mai 2019 consid. 4aa/cc; AC.2017.0214 du 19 juin 2018 consid. 3b; AC.2009.0039 du 24 août 2009, confirmé par arrêt du Tribunal fédéral [TF] 1C_642/2012 du 12 août 2013 consid. 4).

bb) En l'espèce, il n'est pas contesté que le rez supérieur de l'immeuble de la recourante, qui comporte des caves et la buanderie, mais aussi un appartement de 5.5 pièces, doit être considéré comme habitable, au moins partiellement. Quant au rez inférieur, on y trouve l'entrée de l'immeuble, un parking de dix places, un garage, un local pour onze vélos, un local pour conteneurs et des caves, ainsi qu'un local pour le concierge. S'il ne comprend par conséquent en l'état aucune surface affectée à l'habitation, cela ne suffit cependant pas encore à lui dénier le caractère d'habitabilité, si, objectivement, des aménagements permettraient de rendre habitables les surfaces de ce niveau, comme exposé dans la jurisprudence citée au paragraphe ci-dessus. Or, à cet égard, la recourante fait valoir qu'à l'exception du local de l'entrée, la surface du rez inférieur est entièrement borgne et qu'aucun des volumes de ses locaux ne répond aux règles de salubrité des constructions fixées dans le règlement du 19 septembre 1986 d'application de la loi vaudoise du 4 décembre 1985 sur l'aménagement du territoire et les constructions (RLATC; BLV 700.11.1), en particulier ses art. 25 (volume des pièces d'habitation), 27 (hauteur des locaux) et 28 (éclairage et ventilation), de sorte que ce niveau ne saurait être considéré comme habitable en définitive. Au vu des divers plans de construction présents au dossier, en particulier des plans nos 319/AB/00 (situation avant et après travaux), 319/B/02 (plan du rez inférieur), 319/B/04 (façades de l'immeuble) et 319/B/05 (coupes de l'immeuble, niveau rez inférieur), ces explications apparaissent convaincantes. En effet, le rez inférieur s'avère totalement à partiellement enterré sur plusieurs de ses côtés, la hauteur des locaux n'excède pas 2.30 m entre le plancher et le plafond, et ces derniers ne comprennent pas non plus d'ouvertures pour la ventilation et l'éclairages naturels qui soient adaptées à l'habitation au regard de leur surface. Les travaux prévus dans le projet de construction ne tendent au demeurant pas à modifier cette situation. En outre, compte tenu de leur nature et de leur configuration, les locaux n'apparaissent pour le moins pas pouvoir être "aisément" rendus habitables, si tant est que cela soit même matériellement possible. Il y a donc lieu de retenir en définitive que le rez inférieur de l'immeuble en cause ne constitue pas un étage habitable.

d) Il sied d'examiner maintenant si l'interprétation que fait la Municipalité de la façon d'appliquer l'art. 21 let. a RPGA lorsque l'on se trouve en présence d'un rez inférieur non habitable qui accueille l'accès principal de l'immeuble et qui mène à un rez supérieur habitable situé sous le niveau moyen du terrain naturel, est soutenable.

aa) La loi s'interprète en premier lieu selon sa lettre (interprétation littérale). Si le texte n'est pas absolument clair, si plusieurs interprétations sont possibles, il convient de rechercher quelle est la véritable portée de la norme, en la dégageant de tous les éléments à considérer, soit notamment des travaux préparatoires (interprétation historique), du but de la règle, de son esprit, ainsi que des valeurs sur lesquelles elle repose, singulièrement de l'intérêt protégé (interprétation téléologique) ou encore de sa relation avec d'autres dispositions légales (interprétation systématique; ATF 144 V 313 consid. 6.1; 142 IV 389 consid. 4.3.1; 141 III 53 consid. 5.4.1). Ces règles d'interprétation s'appliquent également aux règlements communaux de police des constructions (TF 1C_138/2010 du 26 août 2010 consid. 2.4 et la réf. cit.)

Selon une jurisprudence constante, le Tribunal cantonal considère que la municipalité jouit d'un certain pouvoir d'appréciation dans l'interprétation qu'elle fait des règlements communaux (cf. par exemple CDAP AC.2020.0059 du 2 février 2021 consid. 2c in fine; AC.2019.0196 du 18 août 2020 consid. 4c; AC.2017.0448 du 2 décembre 2019 consid. 7b/bb; AC.2017.0060 du 23 mai 2018 consid. 6a; AC.2016.0023 du 21 mars 2017 consid. 3b/bb; AC.2015.0279 du 25 juillet 2016 consid. 2a). Elle dispose notamment d'une latitude de jugement pour interpréter des concepts juridiques indéterminés dont la portée n'est pas imposée par le droit cantonal; ainsi, dans la mesure où la lecture que la municipalité fait des dispositions du règlement communal n'est pas insoutenable, l'autorité de recours s'abstiendra de sanctionner la décision attaquée (AC.2019.0262 du 19 février 2021 consid. 5b; AC.2019.0150 du 10 décembre 2020 consid. 3a; AC.2019.0196 précité consid. 4c; AC.2017.0264 du 20 avril 2018 consid. 4b). Dans un arrêt du 16 mars 2016 (1C_340/2015), le Tribunal fédéral a confirmé que la municipalité dispose d'une importante latitude de jugement pour interpréter son règlement, celle-ci découlant de l'autonomie communale garantie par l'art. 50 al. 1 de la Constitution fédérale suisse du 18 avril 1999 (Cst.; RS 101). Selon le Tribunal fédéral, l'autorité cantonale de recours n'est toutefois pas définitivement liée par l'interprétation faite d'une disposition réglementaire communale et peut adopter une autre interprétation si celle-ci repose sur des motifs sérieux, objectifs et convaincants, tirés du texte ou de la systématique de la norme, de sa genèse ou de son but (TF 1C_114/2016 du 9 juin 2016 consid. 5.4; 1C_138/2010 du 26 août 2010 consid. 2.6). Lorsque plusieurs interprétations sont envisageables, il faut s'en tenir à celle qui respecte l'exigence d'une base légale précise pour les restrictions du droit de propriété issues du droit public (AC.2019.0150 précité consid. 3a; AC.2017.0448 précité consid. 7b/bb; AC.2017.0060 précité consid. 6a; AC.2016.0450 du 17 octobre 2017 consid. 3c; AC.2014.0098 du 20 mai 2015 consid. 3c/aa; AC.2014.0151 du 30 juillet 2014 consid. 1a).

bb) La recourante plaide pour une interprétation littérale de l'art. 21 let. a RPGA. En l'occurrence, à la lecture du texte de cette disposition, la conséquence logique qui en découle amène dans le présent cas à retenir comme niveau de référence pour mesurer la hauteur des façades de l'immeuble le niveau fini du rez supérieur, car cet étage constitue littéralement le "premier étage habitable" ‒ partiel ‒ situé sous le niveau moyen du terrain naturel. Ce constat n'est en outre pas contredit par les schémas représentés pour illustrer le calcul de la hauteur des façades en rapport avec l'art. 21 let. a RPGA (auxquels le texte de loi fait expressément renvoi, et qui sont reproduits au consid. 2a/aa ci-dessus). Ceux-ci font en effet apparaître deux niveaux de référence pour les immeubles construits en partie sous le niveau moyen du terrain naturel : soit le terrain naturel moyen, si le niveau fini du premier étage habitable dépasse celui-ci (ce qui n'est pas le cas en l'espèce), soit le niveau fini du premier étage habitable, lorsque celui-ci est situé sous le niveau moyen du terrain naturel.

La Municipalité se réfère pour sa part à sa pratique consistant à prendre comme niveau de référence l'étage où se trouve l'accès au bâtiment, que cet étage soit habitable ou pas. Elle considère en effet que, en présence d'un niveau inférieur non habitable comprenant l'entrée principale au bâtiment et d'un niveau supérieur habitable (complètement ou partiellement), ces niveaux sont des étages "partiels" qui, ensemble, forment le premier étage habitable de l'immeuble.

L'interprétation que fait la Municipalité du règlement communal repose ainsi sur le critère d'"accès principal au bâtiment" et sur le concept d'un "premier étage habitable composé de plusieurs étages partiels". Ces éléments ne ressortent toutefois pas du texte même de l'art. 21 let. a RPGA; ils ne se déduisent pas non plus nécessairement de la lecture de cette disposition. En outre, ils n'apparaissent pas sur les différents schémas illustrant l'art. 21 let. a RPGA; en particulier, aucun de ces derniers ne représente la situation à laquelle fait référence la Municipalité, soit un premier étage scindé en une partie supérieure habitable et une partie inférieure non habitable. Enfin, d'un point de vue systématique, ces éléments ne ressortent pas non plus des dispositions réservées spécifiquement à la zone mixte de forte densité (art. 104 à 110 RPGA), en particulier des art. 108 et 109 RPGA relatifs à la hauteur des façades et au gabarit des toitures et des attiques. C'est au demeurant en vain que la Municipalité se réfère aux "règles régissant le calcul du coefficient d'utilisation du sol dans la zone mixte de faible densité", en l'occurrence l'art. 119 RPGA, lequel renvoie à la disposition générale de l'art. 17 RPGA. D'une part, ces dispositions ne font pas mention d'accès principal au bâtiment ou de premier étage habitable composé de plusieurs étages partiels; d'autre part, la zone mixte de forte densité, dans laquelle est situé le bâtiment de la recourante, ne connaît pas de règle relative au coefficient d'utilisation du sol.

Dans ces circonstances, il apparaît que la pratique municipale alléguée va à l'encontre de l'interprétation littérale de l'art. 21 let. a RPGA et pose problème au regard du principe selon lequel, pour imposer à un propriétaire une restriction fondée sur le droit public, il faut que la base légale sur laquelle se fonde cette restriction soit précise (cf. consid. 2d/aa ci-dessus). Pour que la Municipalité de Lausanne interdise à un propriétaire de surélever son immeuble, il faut ainsi qu'elle puisse se fonder sur une disposition réglementaire claire et précise. Certes, la Municipalité dispose d'une importante autonomie dans l'interprétation de son règlement communal. Toutefois, il ne faut pas oublier l’exigence d’une base légale précise pour les restrictions au droit de propriété issues du droit public. En l'occurrence, cette exigence n'est pas respectée. Une lecture tant littérale que systématique du RPGA et de son art. 21 let. a ne permet pas d'en déduire que l'étage comportant seul un accès au bâtiment sans être pour le surplus habitable puisse constituer le niveau de référence s'agissant de la hauteur des façades. La décision municipale viole par conséquent la garantie de la propriété dont peut se prévaloir la recourante. Le fait que, comme elle l'indique, la Municipalité applique une pratique, dont elle ne présente au demeurant pas d'exemple, de manière constante depuis l'entrée en vigueur du RPGA n'est pas déterminant, une pratique qui se révèle erronée ne pouvant être maintenue (ATF 130 V 492 consid. 4.1; 127 V 353 consid. 3a; 126 V 36 consid. 5a et les arrêts cités; AC.2019.0341 du 24 août 2020 consid. 2a; FI.2017.0027 du 12 mars 2018 consid. 5a; AC.2013.0216 du 27 février 2014 consid. 4a).

Par conséquent, c'est bien le niveau fini du rez supérieur de l'immeuble de la recourante, premier étage habitable situé sous le niveau moyen du terrain naturel, qui doit être retenu comme niveau de référence pour mesurer la hauteur des façades de l'immeuble en application des art. 20, 21 let. a et 108 RPGA.

e) Il ressort du plan des coupes de l'immeuble produit au dossier (n° 319/B/05) qu'en partant du niveau de référence défini ci-dessus, la hauteur de la façade mesurée à l'arête supérieure de la corniche atteint 13.78 m, soit une valeur inférieure à la limite de 14.50 m imposée par l'art. 108 RPGA.

S'agissant du gabarit de toiture et des attiques, il appartiendra à la Municipalité d'examiner si le projet de construction du niveau surélevé respecte, compte tenu de ce qui précède, les exigences réglementaires posées par les art. 23 al. 1 et 109 RPGA.

Pour le surplus, il sied encore de relever que, dans la décision attaquée, la Municipalité précise que les autres points réglementaires sont conformes à la réglementation en vigueur.

Cela étant, c'est à tort que la Municipalité a refusé de délivrer le permis de construire requis en considérant que la hauteur actuelle des façades de l'immeuble de la recourante dépassait la limite réglementaire et que la surélévation projetée d'un niveau du bâtiment avait par conséquent pour effet d'augmenter encore l'atteinte à la réglementation en vigueur, en violation de l'art. 80 al. 2 de la loi vaudoise du 4 décembre 1985 sur l'aménagement du territoire et les constructions (LATC; BLV 700.11).

3.                      Les considérants qui précèdent conduisent à l'admission du recours, à l'annulation de la décision attaquée et au renvoi du dossier de la cause à la Municipalité afin qu'elle rende une nouvelle décision sur la base de ce qui précède.

Vu le sort du recours, les frais de justice sont mis à la charge de la Commune de Lausanne (art. 49 al. 1, 91 et 99 LPA-VD; art. 4 al. 1 du tarif du 28 avril 2015 des frais judiciaires et des dépens en matière administrative [TFJDA; BLV 173.36.5.1]). Cette dernière versera en outre des dépens à la recourante, qui a procédé par l'intermédiaire d'un mandataire professionnel (art. 55 al. 1 et 2, 91 et 99 LPA-VD; art. 10 et 11 TFJDA).


Par ces motifs
 la Cour de droit administratif et public
du Tribunal cantonal
arrête:

 

I.                       Le recours est admis.

II.                      La décision de la Municipalité de Lausanne du 25 août 2020 est annulée et le dossier est renvoyé à cette autorité pour nouvelle décision dans le sens des considérants.

III.                    Un émolument de justice de 3'000 (trois mille) francs est mis à la charge de la Commune de Lausanne.

IV.                    La Commune de Lausanne versera à la recourante A.________ une indemnité de 2'500 (deux mille cinq cents) francs à titre de dépens.

 

Lausanne, le 2 juillet 2021

 

Le président:                                                                                            Le greffier:

                                                                                                                 

 

 

Le présent arrêt est communiqué aux destinataires de l'avis d'envoi ci-joint.

Il peut faire l'objet, dans les trente jours suivant sa notification, d'un recours au Tribunal fédéral (Tribunal fédéral suisse, 1000 Lausanne 14). Le recours en matière de droit public s'exerce aux conditions des articles 82 ss de la loi du 17 juin 2005 sur le Tribunal fédéral (LTF - RS 173.110), le recours constitutionnel subsidiaire à celles des articles 113 ss LTF. Le mémoire de recours doit être rédigé dans une langue officielle, indiquer les conclusions, les motifs et les moyens de preuve, et être signé. Les motifs doivent exposer succinctement en quoi l'acte attaqué viole le droit. Les pièces invoquées comme moyens de preuve doivent être jointes au mémoire, pour autant qu'elles soient en mains de la partie; il en va de même de la décision attaquée.