Bundesgericht II. zivilrechtliche Abteilung 04.07.2024 5A 692/2023 (5A_692/2023)

Eidgenossenschaft Bundesgericht II. zivilrechtliche Abteilung 04.07.2024

divorce (garde; contributions d'entretien) | Droit de la famille

 
Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
5A_692/2023  
 
 
Arrêt du 4 juillet 2024  
 
IIe Cour de droit civil  
 
Composition 
MM. et Mme les Juges fédéraux Herrmann, Président, Bovey et De Rossa. 
Greffière : Mme de Poret Bortolaso. 
 
Participants à la procédure 
A.________, 
représentée par Me Franck Ammann, avocat, 
recourante, 
 
contre  
 
B.________, 
représenté par Me Anaïs Brodard, avocate, Brodard Avocats SA, 
intimé. 
 
Objet 
divorce (garde; contributions d'entretien), 
 
recours contre l'arrêt du Tribunal cantonal de l'État de Fribourg, Ie Cour d'appel civil, du 14 juillet 2023 
(101 2022 328 et 101 2022 330). 
 
 
Faits :  
 
A.  
A.________ (1980), de nationalité vénézuélienne, et B.________ (1971), de nationalité anglaise, sont les parents mariés de C.________ (2012) et D.________ (2014). 
Les parties s'opposent encore actuellement sur la question de l'attribution de la garde des enfants ainsi que le montant des contributions d'entretien en leur faveur. Les faits sont ainsi repris dans cette seule perspective. 
 
B.  
La séparation des parties a initialement été réglée par diverses décisions de mesures protectrices de l'union conjugale. 
Par décision du 6 juin 2017, le Président du Tribunal civil de l'arrondissement de la Veveyse (ci-après: le président) a attribué la garde des enfants à la mère, fixé le droit de visite du père (tous les lundis et mercredis soirs jusqu'à 20h; un jour à midi; un week-end sur deux du vendredi 18h au dimanche 18h; cinq semaines de vacances) et astreint l'époux au versement de contributions d'entretien de 1'850 fr. pour chaque enfant. 
Le 28 février 2019, le président a modifié partiellement les mesures prononcées suite à une requête en modification introduite par l'époux. La garde des enfants restait attribuée à la mère, le père bénéficiant d'un droit de visite, fixé, à défaut d'entente, tous les mardis de 18h à 20h, tous les jeudis de 18h au vendredi 15h, un week-end sur deux du vendredi 15h au lundi matin, cinq semaines de vacances par année et la moitié des jours fériés. Les contributions d'entretien en faveur des enfants et à charge de l'époux étaient arrêtées à hauteur de 1'740 fr. pour D.________ et 1'155 fr. pour C.________. 
 
C.  
Parallèlement, à savoir le 13 février 2019, A.________ a introduit une action unilatérale en divorce devant le Tribunal civil de l'arrondissement de la Veveyse (ci-après: le tribunal civil). 
L'époux a admis le principe du divorce lors de l'audience de conciliation du 4 avril 2019. 
 
 
C.a.  
 
C.a.a. Le 27 mai 2019, B.________ a déposé une requête de mesures provisionnelles et superprovisionnelles, invoquant le fait que son épouse allait déménager en Valais avec leurs deux filles.  
Par décision superprovisionnelle du 31 mai 2019, le président a mandaté le Service de l'enfance et de la jeunesse (ci-après : SEJ) pour évaluer la situation des enfants et pour préaviser leur garde. Il a interdit à la mère de déménager dans l'intervalle. 
Par décision de mesures provisionnelles du 24 juin 2019, le président a autorisé le déménagement des enfants en Valais, confirmé le mandat du SEJ et modifié la décision de mesures protectrices de l'union conjugale en ce sens que le droit de visite du père devait désormais s'exercer, à défaut d'entente entre les parties, un week-end sur deux du vendredi au dimanche 19h00, le mercredi après-midi après l'école jusqu'à 19h00 selon les disponibilités du père et cinq semaines de vacances durant les vacances scolaires dont au maximum quinze jours consécutifs et durant la moitié des jours fériés hors vacances scolaires. La I e Cour d'appel civil du Tribunal cantonal de l'État de Fribourg (ci-après: la cour cantonale) a rejeté l'appel du père par arrêt du 5 août 2019.  
 
C.a.b. Le SEJ a déposé son rapport d'enquête sociale daté du 5 septembre 2019.  
 
C.a.c. Statuant le 21 février 2020 sur requêtes de l'époux des 30 septembre et 15 novembre 2019, le président a modifié les mesures provisionnelles notamment en ce sens qu'une curatelle de surveillance des relations personnelles (art. 308 al. 2 CC) était instaurée, l'autorité de protection de l'enfant et de l'adulte de Savièse (ci-après: APEA) étant chargée de désigner un curateur; qu'à défaut d'entente entre les parties, le droit de visite du père s'exercerait durant la semaine 1, du mercredi après l'école jusqu'à 19h et du vendredi après l'école au dimanche 19h; durant la semaine 2, du vendredi après l'école au dimanche 19h; durant la semaine 3, le mercredi après l'école jusqu'à 19h, les vacances scolaires et jours fériés hors vacances en Valais étant répartis par moitié entre les parties; que le père était astreint à verser des contributions d'entretien en faveur de ses filles de 1'650 fr. pour la cadette et de 670 fr. pour l'aînée, allocations en sus, dès le 1er décembre 2019.  
Les appels des parties ont été partiellement admis par la cour cantonale le 24 août 2020 et le droit de visite du père a été modifié s'agissant de la semaine 1 (du mercredi après l'école jusqu'à 19h et du samedi 17h au dimanche 19h). Les contributions d'entretien dues aux enfants ont été arrêtées à hauteur de 950 fr. par enfant. 
 
C.b.  
 
C.b.a. Dans sa demande en divorce motivée et sur les points encore actuellement litigieux entre les parties, A.________ a conclu à l'attribution de la garde exclusive des enfants en sa faveur; à un droit de visite du père (à défaut d'entente, semaine 1: du vendredi 17h jusqu'au dimanche 17 h, semaine 2: du samedi 17h au dimanche 17h, semaine 3: mercredi de 12h à 16h45, cinq semaines de vacances scolaires et la moitié des jours fériés hors vacances scolaires); à des contributions d'entretien en faveur de chaque enfant, arrêtées selon la teneur de ses dernières conclusions à concurrence de 2'500 fr. jusqu'à douze ans, 1'800 fr. jusqu'à quinze ans et 1'500 fr. par la suite.  
 
C.b.b. Dans sa réponse au fond, B.________ a conclu à titre principal à l'instauration d'une garde alternée à raison d'une semaine sur deux; à des contributions d'entretien en faveur de ses filles, arrêtées, selon la teneur de ses dernières conclusions: pour C.________, à 670 fr. jusqu'à ses douze ans, à 750 fr. entre douze et seize ans et à 1'200 fr. entre seize ans et la majorité, voire au-delà jusqu'à l'achèvement d'une formation adéquate et pour D.________, à 670 fr. jusqu'à ses douze ans, à 740 fr. entre douze et seize ans et à 1'200 fr. entre seize ans et la majorité.  
Il est précisé qu'à une date qui ne ressort pas de la décision attaquée, B.________ a pris à bail un appartement à K.________ (Valais) afin de pouvoir exercer plus facilement son droit de visite, tout en restant domicilié dans le canton de Fribourg. 
 
C.b.c. La curatrice de surveillance des relations personnelles a déposé plusieurs rapports, datés des 1er juillet 2020, 26 avril 2021 et 13 octobre 2021.  
 
C.c. Par décision du 24 juin 2022, le tribunal civil a prononcé le divorce des parties, maintenu l'autorité parentale conjointe, prononcé une garde alternée à raison d'une semaine chez chacun des parents et de la moitié des vacances scolaires et jours fériés, et a maintenu la curatelle de surveillance des relations personnelles. Les contributions d'entretien destinées aux enfants ont été arrêtées ainsi, allocations en sus: jusqu'à l'entrée de la cadette au cycle d'orientation, 915 fr. pour C.________, 1'200 fr. pour D.________; dès l'entrée de la cadette au cycle d'orientation, 880 fr. pour C.________, puis 980 fr. dès sa majorité, 860 fr. pour D.________; dès les seize ans de la cadette, 680 fr. pour C.________ aux conditions de l'art. 277 al. 2 CC, 1'000 fr. pour D.________ jusqu'à sa majorité, puis 1'100 fr., aux conditions de l'art. 277 al. 2 CC.  
 
C.d. Les parties ont chacune déposé un appel contre cette décision.  
Les enfants ont été entendues par le Président de la I e Cour d'appel civile.  
Statuant le 14 juillet 2023, la cour cantonale a confirmé la garde alternée et dit que, vu celle-ci, chaque parent devait contribuer à l'entretien des filles en nature lorsqu'elles étaient chez lui, le père étant pour le surplus astreint à contribuer à leur entretien par le versement des contributions mensuelles suivantes: du 1er septembre 2023 au 30 septembre 2024, 900 fr. pour C.________ et 800 fr. pour D.________; du 1er octobre 2024 (dix ans de la cadette) au 31 août 2026, 900 fr. pour C.________ et 870 fr. pour D.________; du 1er septembre 2026 (entrée de la cadette au cycle d'orientation) au 31 janvier 2030, 1'000 fr. pour C.________ et 1'000 fr. pour D.________; du 1er février 2030 (majorité de l'aînée) au 30 septembre 2032, 1'000 fr. pour D.________; ces contributions étaient indexées et payables d'avance le 1er de chaque mois, les allocations familiales et de formation étant conservées par le père (ch. V). Les frais de la procédure d'appel et les dépens des parties ont été répartis à raison des 3/4 à la charge de A.________ et à raison d'1/4 à la charge de B.________. 
 
D.  
Le 14 septembre 2023, A.________ (ci-après: la recourante) dépose contre cette décision un recours en matière civile au Tribunal fédéral. Elle conclut à ce que l'arrêt cantonal soit réformé en ce sens que la garde exclusive des enfants lui est confiée et que le droit de visite de B.________ (ci-après: l'intimé) s'exerce, à défaut d'entente entre les parties, le premier et le troisième week-end de chaque mois, du vendredi dès la fin de l'école au dimanche à 19h et durant cinq semaines de vacances par année; que la contribution d'entretien destinée à C.________ doit être fixée à hauteur de 1'645 fr. du 1er septembre 2023 au 30 septembre 2024, de 1'610 fr. du 1er octobre 2024 au 31 janvier 2028, de 1'530 fr. du 1er février 2028 au 31 janvier 2030, de 600 fr. dès et y compris le 1er février 2030 jusqu'à sa majorité et au-delà jusqu'à la fin de ses études ou de sa formation professionnelle aux conditions de l'art. 277 al. 2 CC; que la contribution d'entretien destinée à D.________ doit être arrêtée à hauteur de 1'425 fr. du 1er septembre 2023 au 30 septembre 2024, de 1'590 fr. du 1er octobre 2024 au 31 janvier 2028, de 1'610 fr. du 1er février 2028 au 31 janvier 2030, de 1'800 fr. dès le 1er février 2020 jusqu'au 30 septembre 2030, de 1'715 fr. du 1er octobre 2030 au 30 septembre 2032 et de 600 fr. dès et y compris le 1er octobre 2032 jusqu'à sa majorité et au-delà jusqu'à la fin de ses études ou de sa formation professionnelle aux conditions de l'art. 277 al. 2 CC. La recourante sollicite enfin le partage par moitié entre les parties des frais judiciaires de la procédure d'appel, celles-ci assumant chacune leur propres dépens. 
En date du 24 novembre 2023, la curatrice des enfants a transmis pour information à la Cour de céans un courrier concernant les filles des parties, daté du 23 novembre 2023 et destiné à l'APEA. 
Invités à se déterminer sur le fond du recours, la cour cantonale indique n'avoir aucune observation à formuler tandis que l'intimé conclut au rejet du recours dans la mesure de sa recevabilité. Les parties ont procédé à un échange d'écritures complémentaire et ont chacune produit de nouvelles pièces. La recourante s'est en outre exprimée spontanément dans un courrier du 13 juin 2024, transmis en copie à sa partie adverse. 
 
E.  
La requête d'effet suspensif a été rejetée par ordonnance présidentielle du 12 octobre 2023. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
Les conditions du recours en matière civile sont ici réalisées (art. 72 al. 1; art. 75 al. 1 et 2; art. 76 al. 1 let. a et b; art. 90; art. 100 al. 1 avec l'art. 46 al. 1 let. b LTF), étant relevé que, prise dans son ensemble, la cause n'est pas de nature pécuniaire. Au regard de la nationalité des parties, il est de surcroît précisé que la compétence des juridictions suisses, de même que l'applicabilité du droit suisse ne sont pas contestées (art. 59 let. a et 61 LDIP), ainsi que l'a d'ailleurs constaté à juste titre la cour cantonale. 
 
2.  
 
2.1. Le recours en matière civile peut être formé pour violation du droit, tel qu'il est délimité par les art. 95 s. LTF. Le Tribunal fédéral applique le droit d'office (art. 106 al. 1 LTF). Cela étant, eu égard à l'exigence de motivation contenue à l'art. 42 al. 1 et 2 LTF, il n'examine en principe que les griefs soulevés (ATF 142 III 364 consid. 2.4 et les références). Le recourant doit par conséquent discuter les motifs de la décision entreprise et indiquer précisément en quoi il estime que l'autorité précédente a méconnu le droit (ATF 148 IV 205 consid. 2.6; 142 I 99 consid. 1.7.1; 142 III 364 consid. 2.4 et la référence). Le Tribunal fédéral ne connaît par ailleurs de la violation de droits fondamentaux que si un tel grief a été expressément invoqué et motivé de façon claire et détaillée par le recourant ("principe d'allégation", art. 106 al. 2 LTF; ATF 146 IV 114 consid. 2.1; 144 II 313 consid. 5.1).  
 
2.2.  
 
2.2.1. Le Tribunal fédéral statue sur la base des faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF). Il ne peut s'en écarter que si ceux-ci ont été constatés de façon manifestement inexacte ou en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF (art. 105 al. 2 LTF), et si la correction du vice est susceptible d'influer sur le sort de la cause (art. 97 al. 1 LTF). Le recourant qui soutient que les faits ont été établis d'une manière manifestement inexacte, c'est-à-dire arbitraire au sens de l'art. 9 Cst. (ATF 148 IV 39 consid. 2.3.5; 147 I 73 consid. 2.2; 144 II 246 consid. 6.7), doit satisfaire au principe d'allégation susmentionné (art. 106 al. 2 LTF; cf. supra consid. 2.1), étant rappelé qu'en matière d'appréciation des preuves et d'établissement des faits, il n'y a arbitraire que lorsque l'autorité ne prend pas en compte, sans raison sérieuse, un élément de preuve propre à modifier la décision, lorsqu'elle se trompe manifestement sur son sens et sa portée, ou encore lorsque, en se fondant sur les éléments recueillis, elle en tire des constatations insoutenables (ATF 148 I 127 consid. 4.3; 147 V 35 consid. 4.2; 143 IV 500 consid. 1.1 et la référence). Le recourant ne peut pas se borner à contredire les constatations litigieuses par ses propres allégations ou par l'exposé de sa propre appréciation des preuves; il doit indiquer de façon précise en quoi ces constatations sont arbitraires au sens de l'art. 9 Cst. (ATF 133 II 249 consid. 1.4.3). Une critique des faits qui ne satisfait pas à cette exigence est irrecevable (ATF 147 IV 73 consid. 4.1.2; 145 IV 154 consid. 1.1).  
 
2.2.2. Aucun fait nouveau ni preuve nouvelle ne peut être présenté devant le Tribunal fédéral, à moins de résulter de la décision de l'autorité précédente (art. 99 al. 1 LTF). Cette exception, dont il appartient aux parties de démontrer que les conditions sont remplies (ATF 143 V 19 consid. 1.2 et la référence; arrêt 5A_83/2024 du 13 mars 2024 consid. 2.3), vise les faits qui sont rendus pertinents pour la première fois par la décision attaquée, par exemple concernant le déroulement de la procédure devant l'instance précédente afin d'en contester la régularité, ou des faits postérieurs à l'arrêt attaqué permettant d'établir la recevabilité du recours ou encore qui sont propres à contrer une argumentation de l'autorité précédente objectivement imprévisible pour les parties avant la réception de la décision (ATF 136 III 123 consid 4.4.3). En dehors de ces cas, les nova ne sont pas admissibles, qu'il s'agisse de faits ou moyens de preuve survenus postérieurement à la décision attaquée (ATF 144 V 35 consid. 5.2.4; 143 V 19 consid. 1.2 et les références), ou d'éléments que les parties ont négligé de présenter aux autorités cantonales (ATF 143 V 19 consid. 1.2).  
Les parties ont chacune produit à l'appui de leurs écritures différentes pièces nouvelles (ainsi: annexé à la réplique de la recourante, un courrier de la curatrice des enfants daté du 3 novembre 2023; annexés à la duplique de l'intimé, une décision de l'APEA du 30 janvier 2024 [également produite avec le courrier que la recourante a spontanément adressé à la Cour de céans le 13 juin 2024] ainsi qu'un courrier de la curatrice des enfants du 18 mars 2024). Postérieures à la décision entreprise sans remplir les conditions permettant leur prise en compte exceptionnelle, ces pièces sont irrecevables et doivent être écartées. 
Pour les mêmes raisons, il n'y a pas lieu de tenir compte du courrier adressé par la curatrice à l'APEA, transmis à la Cour de céans le 24 novembre 2023. 
 
3.  
La recourante conteste d'abord l'instauration d'une garde alternée entre les parties. Elle invoque également dans cette perspective l'établissement arbitraire des faits. 
 
3.1.  
 
3.1.1. La règle fondamentale pour attribuer les droits parentaux est le bien de l'enfant (ATF 141 III 328 consid. 5.4), les intérêts des parents devant être relégués au second plan (ATF 142 III 617 consid. 3.2.3; 142 III 612 consid. 4.2; 131 III 209 consid. 5). Le juge doit évaluer si l'instauration d'une garde alternée est effectivement à même de préserver le bien de l'enfant. Au nombre des critères essentiels pour cet examen, entrent en ligne de compte les capacités éducatives des parents, lesquelles doivent être données chez chacun d'eux pour pouvoir envisager l'instauration d'une garde alternée, ainsi que l'existence d'une bonne capacité et volonté de ceux-ci de communiquer et coopérer, compte tenu des mesures organisationnelles et de la transmission régulière d'informations que nécessite ce mode de garde. A cet égard, l'on ne saurait déduire une incapacité à coopérer entre les parents du seul refus d'instaurer la garde alternée. En revanche, un conflit marqué et persistant entre les parents portant sur des questions liées à l'enfant laisse présager des difficultés futures de collaboration et aura en principe pour conséquence d'exposer de manière récurrente l'enfant à une situation conflictuelle, ce qui apparaît contraire à son intérêt (ATF 142 III 617 consid. 3.2.3; 142 III 612 consid. 4.3).  
Si les parents disposent tous deux de capacités éducatives, le juge doit dans un second temps évaluer les autres critères d'appréciation pertinents pour l'attribution de la garde. Il doit ainsi tenir compte de la situation géographique et de la distance séparant les logements des deux parents, de la stabilité que peut apporter à l'enfant le maintien de la situation antérieure, de la possibilité pour chaque parent de s'occuper personnellement de l'enfant, de l'âge de celui-ci et de son appartenance à une fratrie ou à un cercle social ainsi que du souhait de l'enfant s'agissant de sa propre prise en charge, quand bien même il ne disposerait pas de la capacité de discernement à ce propos (ATF 142 III 617 consid. 3.2.3; 142 III 612 consid. 4.3). 
 
3.1.2. Pour apprécier ces critères, le juge du fait, qui connaît le mieux les parties et le milieu dans lequel vit l'enfant, dispose d'un large pouvoir d'appréciation (ATF 147 III 209 consid. 5.3 [droit aux relations personnelles]; 142 III 617 consid. 3.2.5 et les références).  
 
3.2. La cour cantonale a relevé avant tout que la virulence du conflit parental ressortant des éléments de preuve invoqués par la recourante remontait à la période du déménagement de celle-ci en Valais; depuis lors, les parties avaient cependant réussi à mieux s'entendre sur différents points concernant leurs filles (modifications ponctuelles des relations personnelles, transmission des informations sur les enfants) et elles avaient par ailleurs entrepris certaines démarches communes pour le bien des enfants (acquisition d'un "magic pass"; thérapie en coparentalité; implication commune dans le suivi du diabète de leur fille cadette). Quand bien même des tensions existaient toujours entre les parents, leurs relations prenaient une saine direction dans l'intérêt primordial du bien-être de leurs deux filles. Le père avait par ailleurs activement tenté d'apaiser les tensions en évitant la prise d'un logement dans le même village que la recourante afin de pouvoir exercer son droit de visite élargi sans qu'ils se croisent; la contrainte géographique ne constituait ainsi plus une difficulté. A l'instar du tribunal civil, l'autorité cantonale a par ailleurs considéré que le droit de visite du père, régulièrement exercé, nécessitait davantage de contacts entre les parents qu'une garde alternée à raison d'une semaine chacun et la communication des parents, suffisante et satisfaisante dans cette première configuration, le serait également dans un système nécessitant moins de contacts entre les parties.  
La cour cantonale a ensuite écarté les carences éducatives des parents. L'appartenance du père au mouvement des témoins de Jéhovah n'était pas déterminante à cet égard, l'autorité cantonale précisant que le comportement de la recourante n'était lui-même pas exempt de tout reproche (baptême catholique des enfants à l'insu de l'intimé; décision de déménager dans un autre canton très contraignante pour le père au regard de son droit de visite et jugée contraire aux intérêts des enfants par le SEJ). Le père disposait d'une grande flexibilité dans son organisation professionnelle qui lui permettait de prendre en charge ses filles une semaine sur deux. 
Enfin, au sujet du désaccord exprimé par les enfants quant à l'instauration d'une garde alternée, la juridiction cantonale a rappelé que ce souhait n'était pas contraignant. Elle a noté que l'avis des fillettes avait d'ailleurs progressivement changé à cet égard, une fois rendue la décision imposant la garde alternée, celles-ci exprimant alors leur opposition à cette solution, bien qu'elles ne l'eussent encore pas expérimentée. Lors de leur dernière audition, les enfants étaient revenues sur des incidents qui remontaient à la séparation des parties et ne reflétaient pas la situation actuelle. La cour cantonale s'est enfin interrogée sur l'influence de la recourante sur l'avis exprimé par les enfants, questionnement relayé par l'attitude des enfants et sa tendance récurrente à travestir les faits pour appuyer sa position procédurale dans ce contexte. 
 
3.3.  
 
3.3.1. La recourante met en doute les capacités parentales de son ex-époux, élément qu'il convient d'examiner en premier lieu dès lors qu'il constitue un préalable nécessaire à l'instauration d'une garde partagée. La recourante fonde sa critique en se référant à l'appartenance de l'intimé au mouvement des témoins de Jéhovah ainsi qu'à un jugement pénal rendu le 9 février 2023 par le Juge de police de la Veveyse le reconnaissant coupable de lésions corporelles simples qualifiées à son préjudice et à celui de leur fille aînée.  
D'emblée, l'on relèvera que ce dernier élément ne ressort pas de l'arrêt attaqué, sans que la recourante se prévale de la violation de son droit d'être entendue sur ce point. Il faut en conclure qu'il s'agit d'un élément de fait nouveau (art. 99 al. 1 LTF), qui ne peut être ici pris en considération. L'on soulignera au demeurant, ainsi que l'indique la recourante elle-même, que ce jugement a fait l'objet d'un appel: il n'est donc ni définitif ni exécutoire. 
Que la religion de l'intimé puisse porter atteinte aux intérêts des enfants n'est pas précisément étayé par la recourante. Elle se réfère certes aux inquiétudes formulées dans le rapport du SEJ daté du 5 septembre 2019. Celles-ci sont toutefois principalement exprimées en lien avec la célébration ou non de certaines fêtes et ont été écartées par la cour cantonale, dite autorité estimant que celles-là pouvaient être célébrées avec l'autre parent, cas échéant à un autre moment. La recourante ne démontre ensuite nullement que les préceptes suivis par son époux auraient eu des conséquences sur la socialisation des enfants, inquiétude également relayée par le rapport précité. Seule l'obligation des filles d'accompagner leur père à des réunions religieuses est invoquée, argument qui ne suffit manifestement pas à conclure que ses compétences parentales seraient mis à mal en raison de son appartenance aux témoins de Jéhovah. La recourante ne conteste enfin aucunement le comportement répréhensible qui lui a été opposé quant à l'éducation religieuse qu'elle-même propose et qui peut être questionné (baptême catholique et suivi religieux à l'insu du père, contraignant l'aînée à mentir à celui-ci). Il lui est au demeurant rappelé que la question de l'éducation religieuse relève de l'autorité parentale (ATF 129 III 689 consid. 1.2; arrêt 5A_389/2022 du 29 novembre 2022 consid. 8.2), ici conjointe; il ne s'agit donc pas d'un argument déterminant pour arrêter les modalités de garde des enfants. 
 
3.3.2. La recourante insiste ensuite sur le conflit parental massif (communication difficile; incapacité à trouver des accords), qui ressortait de différents éléments de preuve que la cour cantonale aurait pourtant arbitrairement appréciés (ainsi: rapport d'enquête sociale du 5 septembre 2019; rapports de la curatrice du 26 juin 2020, du 6 octobre 2020 et du 11 octobre 2021; arrêt rendu sur mesures provisionnelles par la cour cantonale le 24 août 2020; courrier de la curatrice du 25 février 2021) et des déclarations des deux enfants lors de leur audition. Cela démontrait que les filles étaient exposées à ce conflit, lequel était susceptible d'avoir des conséquences sur leur comportement et leur bon développement et faisait ainsi obstacle au partage de la garde.  
Quoi qu'en dise la recourante, les différents rapports/courrier/décision auxquels elle se rapporte ont été pris en compte par la cour cantonale qui en rappelle expressément le contenu en référence à la décision de première instance. Le conflit parental important qui en ressort ne peut certes pas être nié. En revanche, la recourante ne conteste pas que la virulence de celui-ci était essentiellement liée au contexte de son déménagement en Valais, lequel rendait particulièrement difficile l'exercice du droit de visite de l'intimé. Une constatation identique ressort d'ailleurs du premier jugement, qui relevait que, hormis la question religieuse, c'était l'exercice du droit de visite qui provoquait d'incessants reproches et revendications de part et d'autre. La recourante ne critique ensuite pas efficacement le fait, récemment constaté par l'arrêt attaqué, que les parties réussissaient désormais à s'accorder pour modifier ponctuellement l'exercice des relations personnelles ou pour se transmettre des informations concernant leurs enfants, notamment celles relatives au suivi médical, dont la curatrice confirmait qu'elles circulaient entre les parents. Le fait que l'acquisition du "magic pass" relève d'une question purement financière n'est à cet égard pas décisif et l'affirmation selon laquelle l'implication de l'intimé dans le suivi du diabète de la cadette devait être relativisée ne trouve aucun appui dans le dossier cantonal. La recourante ne nie pas non plus le travail de coparentalité auquel sa partie adverse a souscrit, élément qui démontre également sa volonté de surmonter les tensions parentales. 
La recourante ne conteste par ailleurs aucunement que les modalités de prise en charge décidées par les autorités cantonales successives sont plus simples à mettre en oeuvre que le droit de visite prévu sur mesures provisionnelles (décision du 24 août 2020, supra let. C.a.c), étant souligné que le père, très flexible dans son organisation professionnelle, a loué un logement secondaire dans une localité voisine de la recourante afin d'exercer plus facilement son droit de visite. Que cette organisation lui permet d'assumer la garde partagée n'est pas remis en cause; l'on relèvera que son caractère astreignant, de même que les coûts qu'elle engendre, démontrent d'ailleurs une véritable volonté de s'engager dans la prise en charge de ses enfants. Dans la mesure où le conflit apparaît être essentiellement lié à l'exercice des relations personnelles, réduire les contacts entre les parties en instaurant une garde alternée se révèle en conséquence pragmatique, sans que l'on puisse retenir un abus d'appréciation de la part de l'autorité cantonale.  
 
3.3.3. La recourante relève encore la volonté exprimée par ses filles. Elle affirme que, contrairement à ce que retenait l'arrêt querellé, celles-ci n'avaient pas changé leur opinion lors de leur audition devant le Président de la cour cantonale, mais avaient toujours maintenu leur volonté de vivre auprès de leur mère déjà affirmée à plusieurs reprises (audition devant le SEJ; audition du 28 avril 2022 devant l'APEA; lettre rédigée par C.________ le 25 juillet 2022).  
La recourante ne remet cependant pas totalement en question le raisonnement développé à cet égard par la cour cantonale et rappelé plus haut. Elle ne met ainsi aucunement en doute les questionnements légitimes de l'autorité cantonale quant à l'influence qu'elle exercerait sur ses filles dans ce contexte. Dans cette mesure, il n'apparaît pas que la cour cantonale aurait excédé son pouvoir d'appréciation en relativisant les déclarations des enfants devant elle. 
 
3.4. En définitive, la décision d'instaurer le partage de la garde des enfants se situe dans les limites du large pouvoir d'appréciation accordé à l'autorité cantonale à cet égard. Autant que recevable, le recours doit dès lors être rejeté sur ce point. Il appartiendra désormais aux parties de collaborer activement dans la mise en oeuvre du partage de la garde, ce dans l'intérêt bien compris de leurs enfants.  
 
4.  
La recourante s'en prend ensuite aux montants des contributions d'entretien destinées aux enfants. 
 
4.1. Dans un premier grief, ses critiques s'en prennent au revenu de sa partie adverse. La recourante estime que l'intimé devrait exercer une activité à temps plein et se voir ainsi imputer un revenu hypothétique supérieur à celui retenu par la cour cantonale, correspondant à un taux de 80%. Son argumentation doit néanmoins être rejetée en tant qu'elle se fonde sur la prémisse selon laquelle la garde des enfants devrait lui être exclusivement attribuée, qui vient d'être écartée.  
L'on précisera de surcroît qu'il n'y a pas lieu de revenir sur les calculs opérés par la cour cantonale pour arrêter les contributions d'entretien durant la minorité des enfants en tant qu'il ressort de la décision querellée que leurs coûts n'étaient pas contestés, à l'exception du montant de la contribution de prise en charge, poste que l'autorité cantonale a définitivement écarté et qui n'est ici pas remis en cause par l'intéressée. 
 
4.2. La recourante se plaint ensuite de ce que la cour cantonale n'a fixé aucune contribution d'entretien au-delà de la majorité des enfants. Sa partie adverse ne s'exprime pas sur ce point, renvoyant à cet égard aux considérants de la décision entreprise.  
 
4.2.1. Une contribution d'entretien peut être fixée pour la période postérieure à la majorité de l'enfant (art. 133 al. 3 CC). L'allocation d'une telle contribution au-delà de la majorité est la règle, en sorte que les jugements et conventions doivent en principe régler l'entretien de l'enfant après la majorité. Le fardeau psychologique que représente une action en justice contre un parent est ainsi évité à l'enfant; si besoin est, le parent débiteur est par conséquent renvoyé à agir par la voie de l'action en modification de l'art. 286 al. 2 CC, une fois l'enfant devenu majeur (ATF 139 III 401 consid. 3.2.2 et les références). A la majorité de l'enfant, seul le critère de la capacité contributive des parents entre en ligne de compte, la notion de prise en charge en nature n'étant plus pertinente (ATF 147 III 265 consid. 8.5 et les références; arrêts 5A_689/2021 du 23 août 2022 consid. 4.2.3; 5A_407/2021 du 6 mai 2022 consid. 6.2.2 et les références).  
 
4.2.2. L'autorité cantonale a justifié sa renonciation à fixer des contributions d'entretien au-delà de la majorité des enfants en relevant que, le 30 mai 2023, la recourante avait eu un nouvel enfant avec son compagnon actuel. En raison de cette naissance, la situation pouvait fortement évoluer, en sorte qu'exceptionnellement, il n'apparaissait pas indiqué de fixer les contributions d'entretien au-delà de la majorité des enfants.  
 
4.2.3. Avec la recourante, il faut admettre que cette appréciation n'est pas fondée. Pour fixer la contribution des enfants communs des parties, la cour cantonale a pris en considération la naissance du nouvel enfant de la recourante et arrêté les perspectives de gain de l'intéressée à compter de l'entrée à l'école de celui-ci, en 2027. Les filles des parties atteindront leur majorité en 2030 pour l'aînée et en 2032 pour la cadette, alors que leur demi-frère, né en 2023, sera toujours au cycle primaire, sans que l'on puisse ainsi exiger de sa mère un taux d'activité supérieur à 50 %. Dans cette mesure, les pronostics sur la situation financière de celle-ci - qui sera alors déterminante pour fixer les contributions d'entretien au-delà de la majorité de ses filles aînées ( supra consid. 4.2.1) - ne seront pas fondamentalement différents de ceux arrêtés dès l'année 2027 par la cour cantonale et ce, à tout le moins jusqu'en septembre 2035, date à laquelle le fils de la recourante entrera au cycle secondaire. L'on peine ainsi à saisir en quoi, suite à la naissance de ce troisième enfant "la situation peut encore fortement évoluer" au point de refuser de fixer les contributions d'entretien au-delà de la majorité des filles des parties.  
La cause doit ainsi être renvoyée sur cette question à l'autorité cantonale. 
 
5.  
L'admission partielle du recours dispense d'examiner les griefs liés à la violation de l'art. 106 CPC (répartition des frais; infra consid. 6).  
 
6.  
En définitive, le recours est partiellement admis dans la mesure où il est recevable, la décision attaquée annulée s'agissant de la renonciation de la cour cantonale à arrêter les contributions d'entretien des enfant au-delà de leur majorité et l'affaire est renvoyée sur ce point à l'autorité précédente. Compte tenu du sort de la cause, les frais judiciaires, arrêtés à 4'000 fr., sont mis à raison de 2'500 fr. à la charge de la recourante et à raison de 1'500 fr. à celle de l'intimé, auquel la recourante versera une indemnité de dépens réduite (art. 66 al. 1 et 68 al. 1 et 2 LTF). Il appartiendra à la juridiction précédente de statuer à nouveau sur les frais et dépens de la procédure cantonale (art. 67 et 68 al. 5 LTF). 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est partiellement admis dans la mesure où il est recevable, la décision attaquée est annulée s'agissant de la renonciation de la cour cantonale à arrêter les contributions d'entretien des enfants au-delà de leur majorité et l'affaire est renvoyée sur ce point à l'autorité précédente. 
 
2.  
Les frais judiciaires, arrêtés à 4'000 fr., sont répartis entre les parties à raison de 2'500 fr. à la charge de la recourante et de 1'500 fr. à celle de l'intimé. 
 
3.  
Une indemnité de 3'500 fr., à verser à l'intimé à titre de dépens, est mise à la charge de la recourante. 
 
4.  
La cause est renvoyée à l'autorité précédente pour nouvelle décision sur les frais et dépens de la procédure cantonale. 
 
5.  
Le présent arrêt est communiqué aux parties et au Tribunal cantonal de l'État de Fribourg, I e Cour d'appel civil.  
 
 
Lausanne, le 4 juillet 2024 
 
Au nom de la IIe Cour de droit civil 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Président : Herrmann 
 
La Greffière : de Poret Bortolaso