Waadt Cour de droit administratif et public 30.06.2025
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TRIBUNAL CANTONAL COUR DE DROIT ADMINISTRATIF ET PUBLIC |
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Arrêt du 30 juin 2025 |
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Composition |
M. Pascal Langone, président; M. Guillaume Vianin et M. Raphaël Gani, juges; M. Jérôme Sieber, greffier. |
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Recourant |
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A.________, à ********, représenté par Me Patricia MICHELLOD, avocate à Nyon, |
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Autorité intimée |
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Chambre des avocats, à Lausanne. |
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Objet |
Divers |
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Recours A.________ c/ décision de la Chambre des avocats du 18 avril 2024 (violation de l'art. 12 let. a LLCA). |
Vu les faits suivants:
A. Me A.________, titulaire du brevet d’avocat depuis ********, exerce la profession d’avocat à ********. Il est inscrit au registre cantonal des avocats du Canton de Vaud.
B. Le 18 août 2021, B.________, à la recherche d'un avocat pour la conseiller en droit des sociétés, ainsi qu'en matière de divorce et de séparation, a contacté téléphoniquement Me A.________ en sa qualité d'avocat pour fixer un rendez-vous. Lors de ce premier échange téléphonique, elle lui a expliqué les problèmes qu'elle rencontrait dans le cadre de sa société, au sein de laquelle travaillait également son époux dont elle était séparée. B.________ a notamment expliqué qu'elle et son époux étaient actionnaires de cette société chacun pour 50%, ce qui était la cause d'une situation de blocage. Me A.________ a accepté le mandat et a fixé un rendez-vous à B.________ le 24 août 2021 en son étude.
Dès le début de ce rendez-vous du 24 août 2021, Me A.________ a demandé à B.________ ses coordonnées personnelles et a plaisanté devant son numéro de téléphone, se terminant par le nombre "69". Me A.________ a par ailleurs indiqué à B.________ que les communications sur la messagerie WhatsApp présentaient un risque de hacking, contrairement à celles sur Telegram, ce qui pouvait être problématique en présence de vidéos intimes avec un amant.
Quelques minutes après ce rendez-vous et pendant plusieurs jours, Me A.________ et B.________ ont échangé des messages sur la messagerie Telegram sans que la teneur de ces échanges ne soit établie. Toutefois, selon une capture d'écran produite en cours de procédure par B.________, Me A.________ lui a envoyé, le 4 septembre 2021, les messages suivants en espagnol:
"Hola. Que tal? Tomando el sol?", soit en traduction libre: "Bonjour. Comment allez-vous? Bain de soleil?"
"Cuando tenia un barco me encantaba tomar el sol desnudo", soit en traduction libre: "Lorsque j'avais un bateau, j'aimais prendre le soleil nu", suivi d'un émoticône riant aux larmes.
B.________ n'a pas répondu à ces deux messages.
En parallèle, Me A.________ et B.________ ont échangé différents courriels en lien avec le mandat confié par cette dernière.
C. Par courriel du 6 septembre 2021, B.________ a sollicité un entretien avec Me A.________, qui s'est déroulé le 7 septembre 2021 dans les locaux de l'étude de Me A.________. Par la suite, les intéressés ont échangé des courriels les 24, 29 et 30 septembre 2021 à propos du projet de tenir une assemblée générale universelle de la société de B.________ en vue de nommer son fils comme président du conseil d'administration.
D. Le 11 octobre 2021, B.________ a adressé un courriel à Me A.________, dans lequel elle lui posait un certain nombre de questions en lien avec sa société et l'assemblée générale universelle. Me A.________ lui a envoyé, par courriel du 18 octobre 2021, une lettre datée du 15 octobre 2021 traitant ses questions.
E. B.________ a résilié le mandat de Me A.________ le 21 novembre 2021. Le lendemain, elle a reçu une note d'honoraires.
F. Par courriel du 16 mars 2022, B.________ (ci-après aussi: la plaignante) a dénoncé Me A.________ au Bâtonnier de l'Ordre des avocats vaudois (ci-après: le Bâtonnier), "pour son comportement inapproprié, mais aussi pour la facturation abusive de ses honoraires". En substance, B.________ s'est plainte que Me A.________ lui ait demandé, lors du premier entretien, si le fait que son numéro de téléphone se termine par 69 résultait d'une coïncidence ou d'une demande expresse de sa part à l'opérateur, en ajoutant que son numéro à lui se terminait également par ce nombre car il en avait fait la demande. La plaignante a encore relaté que Me A.________ lui aurait indiqué être le confident d'une avocate de son étude qui est libertine et qui a des relations intimes avec beaucoup d'hommes différents. Elle a ajouté que Me A.________ l'aurait ensuite questionnée sur ses éventuelles relations extraconjugales, la mettant en garde aux échanges Whatsapp. Me A.________ lui aurait par ailleurs raconté avoir des clientes dans la même situation que la sienne, se sentant libérées et pleines d'envies d'aventures occasionnelles avec des hommes. La plaignante a également indiqué que, au moment d'aborder les honoraires, Me A.________ lui aurait chuchoté: "parce que pour le paiement en nature, vous seriez trop chère". B.________ a mentionné ensuite que Me A.________ lui avait écrit après leur premier entretien à l'étude à plusieurs reprises, notamment pour lui dire qu'il aimait prendre le soleil nu sur son bateau. La plaignante a aussi relevé dans cette plainte avoir demandé à Me A.________, lors de l'entretien du 7 septembre 2021, de cesser ces messages et son attitude déplacée. Enfin, elle a expliqué avoir sollicité Me A.________, le 11 octobre 2021, pour une affaire urgente et n'avoir reçu une réponse qu'une semaine plus tard, ce qu'elle a pris pour une mesure de représailles.
Le 1er juin 2022, B.________ a déposé une requête de modération concernant les honoraires facturés par Me A.________.
Une séance de conciliation a été tenue par le Bâtonnier en présence de Me A.________ et B.________ le 29 août 2022. A cette occasion, un accord a été trouvé sur la question des honoraires facturés par Me A.________. Le 31 août 2022, B.________ a retiré sa requête de modération susmentionnée.
G. Le 7 septembre 2022, le Bâtonnier a dénoncé le comportement de Me A.________ à la Chambre des avocats (ci-après: la CAVO ou l'autorité intimée) tel que rapporté par B.________.
A la suite de cette dénonciation, la CAVO, considérant qu'il existait des indices de violation de l'art. 12 let. a de la loi fédérale du 23 juin 2000 sur la libre circulation des avocats (LLCA; RS 935.61), a décidé d'ouvrir une enquête disciplinaire contre Me A.________ et a désigné l'un des membres de la CAVO en qualité d’enquêteur.
Me A.________ et B.________ ont été entendus séparément par le membre enquêteur, respectivement les 29 novembre 2022 et 17 janvier 2023. Leurs déclarations ont été consignées dans des procès-verbaux. En substance, Me A.________ a contesté la plupart des faits relatés par sa cliente. Il a néanmoins admis avoir plaisanté sur le nombre "69" contenu dans le numéro de téléphone de B.________ et lui avoir indiqué qu'une autre de ses clientes s'était fait pirater son compte Whastapp, ce qui était problématique dans ce cas en raison de l'existence de photos et vidéos intimes avec un amant. Il a aussi admis avoir envoyé un message à sa cliente lui indiquant qu'il aimait bronzer nu sur le lac. Me A.________ a cependant contesté tout comportement à connotation sexuelle et a précisé que sa cliente lui avait proposé, le lendemain du premier entretien, d'aller boire un verre à Pully.
Quant à B.________, elle a confirmé les éléments contenus dans sa dénonciation au Bâtonnier.
Le 6 février 2023, Me A.________ a déposé des déterminations écrites accompagnées d'un bordereau de pièces. Il a en outre expliqué qu'il restait dans l'attente de recevoir de SecuLabs SA l'analyse de son téléphone portable et l'extraction des différents messages échangés avec B.________ par le biais de la messagerie Telegram.
H. Le 10 février 2023, le membre enquêteur a communiqué une copie du procès‑verbal de l'audition de B.________ à Me A.________ en lui impartissant un délai pour se déterminer.
Me A.________ a sollicité, le 20 mars 2023, la suspension de la procédure d'enquête jusqu'à réception des messages échangés avec B.________ par le biais de la messagerie Telegram. Cette requête a été rejetée le 30 mars 2023.
Le 17 avril 2023, Me A.________ a produit des déterminations relatives au procès‑verbal de l'audition de B.________ et a conclu à ce que l'enquête ouverte à son encontre soit classée sans suite.
I. Le Bâtonnier s'est adressé à la CAVO le 5 juin 2023, en précisant qu'il avait repris textuellement dans sa dénonciation le terme "comportement" utilisé par B.________ et que seule la question des propos qui auraient été tenus par Me A.________ avait été discutée en sa présence. Le Bâtonnier a par ailleurs indiqué que Me A.________ avait uniquement reconnu avoir plaisanté sur les deux derniers chiffres de leurs numéros de téléphone respectifs et avoir échangé des messages avec sa cliente mais qu'il avait contesté le reste. Enfin, le Bâtonnier a souligné que B.________ ne lui avait jamais communiqué une copie des messages échangés avec Me A.________.
J. Le rapport d'enquête a été rendu le 1er septembre 2023. Celui-ci arrive à la conclusion que Me A.________ a tenu des propos à connotation sexuelle envers sa cliente lors du premier entretien à son étude, dans l'exercice de sa profession, et qu'il lui a envoyé des messages personnels directement après ce premier rendez-vous, évoquant notamment son plaisir de bronzer nu sur son bateau. Ce rapport retient que ces actes relèvent du harcèlement sexuel, que Me A.________ a partant violé l'art. 12 let. a LLCA et qu'une sanction disciplinaire doit être appliquée. Le rapport relève par ailleurs la nécessité de tenir compte, d'une part, que Me A.________ n'a pas d'antécédent, d'autre part, qu'il a cessé son comportement lorsque sa cliente le lui a demandé. Un délai a été imparti à Me A.________ pour qu'il se détermine et qu'il indique s'il souhaitait être entendu par la CAVO. Me A.________ s'est déterminé le 29 février 2024 et a conclu à ce que l'enquête ouverte à son encontre soit classée sans suite.
K. Par décision du 18 avril 2024, notifiée le 22 novembre 2024, la CAVO, retenant que Me A.________ avait violé l'art. 12 let. a LLCA au vu des faits susmentionnés, l'a condamné au paiement d'une amende de 5'000 francs.
L. Le 23 décembre 2024, Me A.________ (ci-après: le recourant) a recouru contre cette décision auprès de la Cour de droit administratif et public du Tribunal cantonal (ci‑après: le tribunal ou la CDAP), concluant principalement à son annulation et au constat qu'il n'avait pas violé l'art. 12 let. a LLCA, subsidiairement à son annulation et au prononcé d'un avertissement à son encontre.
Dans sa réponse du 27 février 2025, la CAVO a déclaré se référer aux considérants de sa décision.
Considérant en droit:
1. Les décisions de la Chambre des avocats peuvent faire l’objet d’un recours au Tribunal cantonal dans un délai de 30 jours dès leur notification (art. 65 al. 1 de la loi du 9 juin 2015 sur la profession d’avocat [LPav; BLV 177.11]). Déposé le 23 décembre 2024, soit en temps utile, le recours satisfait pour le surplus aux exigences formelles prévues par l’art. 79 de la loi du 28 octobre 2008 sur la procédure administrative (LPA-VD; BLV 173.36), applicable en l’espèce (art. 65 al. 2 LPav), si bien qu’il y a lieu d’entrer en matière.
2. Dans un premier grief, le recourant invoque une constatation inexacte des faits pertinents.
a) Il soutient d'abord que la décision attaquée procède à une prise en compte partiale des preuves et qu'elle se fonde principalement sur les déclarations de la plaignante sans accorder le même poids aux explications et preuves qu'il a lui-même fournies. Il estime ainsi que cette disparité de traitement aboutit à une présentation biaisée des faits en sa défaveur. En particulier, il déplore que les échanges électroniques complets n'aient pas été pris en considération, la plaignante n'ayant produit que des fragments de conversation qui ne permettraient pas de restituer le contexte entier de leurs échanges. Il cite en exemple les deux messages du 4 septembre 2021, lesquels ne montreraient pas les réponses de la plaignante qui a admis avoir proposé elle-même de rencontrer le recourant au bord du lac, contredisant, selon lui, ses allégations d'être importunées. D'après le recourant, le refus de la plaignante de produire des captures d'écran complètes soulève des doutes sur sa volonté de révéler la vérité complète. Il souligne en outre que les échanges par courriels contemporains à cette période montrent une relation strictement professionnelle et collaborative, ce qui serait confirmé par le fait que la plaignante ait poursuivi le mandat du recourant.
Ensuite, il relève que les propos qu'il a tenu sur Telegram sont présentés de manière isolée et hors contexte. En particulier, l'évocation du bronzage au lac relèverait d'une tentative de communication informelle et non d'une démarche de harcèlement. Cela serait illustré par le fait qu'il a cessé toute interaction lorsque la plaignante n'a pas poursuivi l'échange.
S'agissant ensuite de ce qu'il qualifie de "plaisanterie sur le numéro 69", il relève que sa version des faits, soit que cette remarque était une blague isolée, sans intention malveillante, dans le contexte d'un entretien informel et professionnel, aurait été minimisée par rapport à la version de la plaignante qui a été rapportée en détail dans le rapport.
Enfin, il reproche à l'autorité intimée de n'avoir pas examiné les contradictions qu'il estime évidentes dans les déclarations de la plaignante, par exemple lorsqu'elle allègue une urgence juridique pressante, alors que les courriels échangés révèlent un délai de plusieurs semaines avant toute action concrète, ainsi que lorsqu'elle continue d'échanger des messages professionnels avec lui bien après les faits allégués, ce qui contredirait son affirmation selon laquelle elle se serait sentie importunée.
aa) En l'occurrence, on ne voit pas que l'autorité intimée ait pris en compte les preuves de manière partiale en se fondant sur les seuls échanges du 4 septembre 2021 sur la messagerie Telegram versés au dossier. Dans ces messages, le recourant indique clairement à la recourante qu'il aimait prendre le soleil nu sur le lac. Certes, la plaignante a expliqué qu'elle n'arrivait pas produire le reste de la conversation. Le recourant n'est toutefois pas non plus parvenu à verser la moindre pièce permettant de remettre cette discussion dans leur contexte mais se limite à affirmer qu'il s'agissait d'une communication informelle. On ne voit cependant pas dans quel contexte ces propos auraient pu être tenus par un avocat à l'attention de sa cliente, même dans la situation où cette dernière lui aurait proposé d'aller prendre un verre au bord du lac. Ces messages étaient suffisamment parlant pour être pris en compte en tant que tels par l'autorité intimée. Le fait que le recourant et la plaignante aient continué d'échanger des courriels professionnels en parallèle pendant cette période n'y change rien non plus.
S'agissant de l'allusion au nombre "69" contenu dans le numéro de téléphone de la plaignante, on ne saurait reprocher à l'autorité intimée de l'avoir exagérément interprétée comme une remarque à connotation sexuelle. Le recourant n'allègue d'ailleurs pas que cette remarque ait eu un autre sens mais explique qu'il s'agissait d'une blague isolée, sans intention malveillante, dans le contexte d'un entretien informel et professionnel. Cela étant, ce fait était lui aussi suffisamment parlant pour être retenu par l'autorité intimée.
Il est par ailleurs important de souligner que l'autorité intimée a laissé ouverte la question de savoir si les autres accusations de la plaignante – tout en relevant qu'elles étaient contestées par le recourant – devaient être tenues pour suffisamment établies dès lors que le recourant avait admis avoir plaisanté sur le numéro de téléphone de sa cliente et être l'auteur des messages Telegram du 4 septembre 2021.
bb) Dans ces conditions, il y a lieu de retenir que l'autorité intimée s'est fondée sur des preuves tangibles figurant au dossier, tout en écartant les éléments qui n'étaient pas prouvés et contestés. Le recourant n'a quant à lui produit aucune preuve permettant de remettre en cause les éléments apportés par sa cliente, de sorte qu'il ne peut reprocher à l'autorité intimée d'avoir été partiale dans leur prise en compte.
b) Le recourant relève ensuite certaines incohérences dans les déclarations de la plaignante. Selon lui, cette dernière ne se trouvait pas dans un état de détresse morale et d'urgence juridique, avait finalement reconnu l'avoir elle-même invité à boire un verre et avait continué à travailler avec lui pendant plusieurs semaines. Il relève aussi que la plaignante s'était présentée comme une femme d'affaire déterminée et autonome qui n'avait pas manifesté immédiatement de malaise, ce qui contredirait, selon lui, qu'elle se soit trouvée dans une position de vulnérabilité. Il estime que ces incohérences démontreraient que les accusations de la plaignante reposent davantage sur des perceptions subjectives que sur des faits avérés et corroborés.
En l'espèce, comme il a été vu ci-dessus, le dossier comporte des preuves tangibles dont l'autorité a tenu compte dans sa décision attaquée et qui corroborent les faits relatés par la plaignante. Les incohérences que voit le recourant dans ses déclarations ne permettent pas de remettre en cause les éléments qui lui sont reprochés et qui sont attestés par pièces. Il n'est en effet pas nécessaire de déterminer si la plaignante se trouvait dans une situation de vulnérabilité ou d'urgence, puisque le recourant, en tant qu'avocat, doit veiller au respect de ses obligations professionnelles à l'égard de chaque client, indépendamment de l'état dans lequel il se trouve.
c) Enfin, le recourant voit également des contradictions dans la qualification des faits dès lors que le Bâtonnier a précisé que les propos incriminés relevaient de maladresses verbales et non d'un comportement à connotation sexuelle. Or, selon lui, cette distinction n'a pas été respectée par la CAVO qui a adopté une interprétation aggravante des faits. Il est d'avis que sa recommandation d'utiliser la messagerie Telegram pour des raisons de sécurité a été détournée de son contexte pour lui prêter des intentions personnelles inappropriées et que les accusations de comportement à connotation sexuelle reposent sur une perception subjective de la plaignante, sans preuve objective corroborant cette interprétation.
A ce propos, il faut tout d'abord relever que le Bâtonnier a estimé, après en avoir débattu avec le Conseil de l'Ordre des avocats, que le comportement du recourant, au vu notamment du fait que celui-ci avait reconnu un certain nombre des griefs de la plaignante, paraissait constituer une violation de l'art. 12 let. a LLCA. C'est ainsi que la CAVO s'est trouvée pleinement saisie de l'affaire et qu'elle a ouvert une enquête pour établir et préciser les faits. En aucune façon la CAVO n'était liée par l'appréciation du Bâtonnier. De toute manière, c'est bien en raison des faits reconnus par le recourant dans le cadre de l'instruction menée par la CAVO, que cette autorité a rendu sa décision. Toute contradiction dans la qualification des faits doit partant être écartée.
Sur la base des éléments qui précèdent, le Tribunal ne voit donc pas de motif de s’écarter des faits tels qu’ils ont été retenus par la CAVO, ceux-ci ne se fondant pas uniquement sur des perceptions subjectives ou des interprétations de la plaignante, mais bien sur des éléments attestés par des pièces au dossier et reconnus par le recourant lui‑même.
d) Pour le surplus, savoir si l’on peut retenir sur la base des faits précités une violation des règles professionnelles résultant de la LLCA est une question de droit qui sera examinée ci-dessous.
3. Dans sa décision, la CAVO a estimé que la plaignante apparaissait crédible et qu'elle n'avait jamais varié dans ses déclarations. Elle a laissé ouverte la question de savoir si les accusations contestées par le recourant devaient être tenues pour suffisamment établies dès lors que ce dernier avait admis avoir plaisanté sur le numéro de téléphone de sa cliente qui se terminait par le nombre 69 lors de leur premier entretien. Selon la CAVO, ces propos, tenus par le recourant dans l'exercice de sa profession, avaient clairement une connotation sexuelle, relevaient du harcèlement sexuel dans le sens de la notion développée en droit du travail et portaient atteinte à la dignité de la profession d'avocat. La CAVO a relevé en outre que le recourant avait reconnu avoir adressé des messages personnels à sa cliente immédiatement après le premier rendez-vous, puis durant les dix jours qui ont suivi, évoquant notamment son plaisir de bronzer nu sur son bateau. Selon l'autorité intimée, de tels propos étaient également constitutifs d'une forme de harcèlement sexuel, en soulignant que ce qui compte à cet égard n'est pas l'intention de l'auteur mais le ressenti de la personne concernée. Pour toutes ces raisons, l'autorité intimée a constaté que le recourant avait violé l'art. 12 let. a LLCA, prévoyant que l’avocat doit exercer sa profession avec soin et diligence. La CAVO a en revanche estimé que les éléments du dossier ne démontraient pas que le recourant ait exercé des mesures de rétorsion une fois que la plaignante lui avait demandé de cesser de l'importuner
Le recourant conteste avoir violé ses obligations professionnelles. D'après lui, la décision attaquée se fonde quasi exclusivement sur la version des faits de la plaignante et sur une appréciation des preuves lui étant extrêmement défavorable. Ensuite, il relève que l'application de la notion de harcèlement sexuel, telle qu'elle est définie et régulée en droit du travail apparaît douteuse et juridiquement discutable puisque la nature de la relation diffère profondément en l'absence de tout rapport de subordination du client envers son avocat, alors que la notion de harcèlement sexuel en droit du travail repose en grande partie sur l'existence d'une relation hiérarchique ou de dépendance économique. Selon lui, dans une relation de mandat, le client conserve la maîtrise de la relation, jouissant d'une autorité sur l'avocat en lui donnant des instructions sur la conduite de ses affaires. Il souligne aussi que le mandant est libre de résilier le mandat à tout moment, sans justification ni craintes de conséquences financières importantes, notamment la perte de son revenu. Quoi qu'il en soit, le recourant estime qu'aucun élément ne permet de retenir un comportement constitutif de harcèlement sexuel en l'absence d'actes répétés ou insistants, du contexte informel des échanges, de l'absence de rejet immédiat de la plaignante, de l'absence de pressions, de contrainte ou d'abus de pouvoir et du maintien du lien professionnel malgré les propos reprochés. Aussi, le recourant relève une inadéquation entre les faits reprochés et les critères juridiques du harcèlement sexuel. Selon lui, les faits reprochés relèvent davantage d'un comportement maladroit ou inapproprié que d'un véritable harcèlement sexuel. Enfin, il estime que la finalité de l'art. 12 let. a LLCA est de préserver la dignité de la profession et la confiance du public, mais aussi d'assurer une réponse proportionnée aux comportements reprochés. Dès lors, qualifier de tels propos isolés comme une violation grave de cette disposition reviendrait à confondre maladresse et faute disciplinaire.
a) L'art. 12 LLCA énonce les règles professionnelles auxquelles l'avocat est soumis. Les règles professionnelles ("Berufsregeln") qui y sont énumérées ont été édictées, afin de réglementer, dans l'intérêt public, l'exercice d'une profession. Elles se distinguent des règles déontologiques (ou us et coutumes; "Standesregeln"), qui sont adoptées par les organisations professionnelles (ATF 136 III 296 consid. 2.1). Les règles déontologiques conservent toutefois une portée juridique en permettant de préciser ou d'interpréter les règles professionnelles, mais uniquement dans la mesure où elles expriment une opinion largement répandue au plan national. Dans le but d'unifier les règles déontologiques sur tout le territoire de la Confédération, la Fédération Suisse des Avocats (FSA) a édicté le Code suisse de déontologie; cf. Message du Conseil fédéral concernant la LLCA, du 28 avril 1999, FF 1999 5331 ss, not. 5367 ss; ATF 144 II 473 consid. 4.4; 140 III 6 consid. 3.1).
L’avocat doit notamment exercer sa profession avec soin et diligence (art. 12 let. a LLCA). Cette disposition constitue une clause générale (ATF 130 II 270 consid. 3.2; TF 2C_1060/2016 du 13 juin 2017 consid. 4.1), qui permet d'exiger de l'avocat qu'il se comporte correctement dans l'exercice de sa profession. Pour qu'un comportement tombe sous le coup de l'art. 12 let. a LLCA, il suppose toutefois l'existence d'un manquement significatif aux devoirs de la profession (ATF 144 II 473 consid. 4.1; TF 2C_167/2020 du 13 mai 2020 consid. 3.5).
L'avocat assume une tâche essentielle à l'administration de la justice, en garantissant le respect des droits des justiciables, et joue ainsi un rôle important pour le bon fonctionnement des institutions judiciaires au sens large. Partant, l'avocat est notamment tenu, de manière toute générale, d'assurer et de maintenir la dignité de la profession, en s'abstenant de tout ce qui pourrait porter atteinte à la considération et à la confiance dont il doit jouir pour remplir sa mission (ATF 144 II 473 consid. 4.3 et les arrêts cités; 130 II 270 consid. 3.2.2; TF 5F_26/2022 du 6 septembre 2022 consid. 4; Valticos, Commentaire Romand de la LLCA, 2e éd., 2022, n. 6 ad art. 12 LLCA, p. 136). L'art. 12 let. a LLCA sanctionne ainsi les comportements de l'avocat qui remettent en cause la bonne administration de la justice ainsi que la confiance en sa personne et en la profession d'avocat en général (Bohnet/Martenet, Droit de la profession d'avocat, Berne 2009, n. 1165 p. 502).
b) Vis-à-vis du client, l'avocat, en sa qualité de mandataire, est soumis au devoir de bonne et fidèle exécution du mandat découlant de l'art. 398 al. 2 du Code des obligations du 30 mars 1911 (CO; RS 220), impliquant de sa part divers devoirs.
c) De manière générale, il n'est pas interdit à l'avocat d'avoir des relations personnelles, familiales, amicales, voire sentimentales ou sexuelles avec son mandant ou sa mandante, pour autant que son indépendance ne soit pas mise en péril. Il y a toutefois lieu de prendre acte de l'évolution des mentalités survenue au cours de la dernière décennie, en particulier de l'abus de la position dominante que des hommes peuvent avoir sur les femmes dans le monde du travail. L'avocat ne doit pas abuser de sa position pour entretenir des relations sexuelles avec sa cliente ou son client ou obtenir d'autres avantages. Le déséquilibre du pouvoir dans la relation avocat-client, notamment dans les affaires matrimoniales et le droit pénal, est comparable à celui qui existe entre un thérapeute ou un médecin et un patient. Des actes de cette nature sont susceptibles de contrevenir à la dignité de la profession et tombent de toute évidence sous le coup de l'art. 12 let. a LLCA (Benoît Chappuis/Jérôme Gurtner, La profession d'avocat, Genève 2021, N 187-191).
aa) Dans ce contexte, pour apprécier si le comportement de l'avocat vis-à-vis de sa cliente ou de son client contrevient à l'art. 12 let. a LLCA, on peut se référer, par analogie, aux dispositions de la loi fédérale du 24 mars 1955 sur l'égalité entre les femmes et hommes (LEg; RS 151.1). Si cette loi ne s'applique certes qu'aux rapports de travail (art. 2 LEg), les concepts développés par la jurisprudence dans le cadre du harcèlement au travail se rapprochent de la problématique du cas d'espèce. Il est évident que le comportement d'un avocat dans le cadre de sa profession qui serait considéré comme du harcèlement sexuel au sens de la LEg est propre à remettre en cause non seulement la confiance en sa personne, mais également en la dignité de la profession. C'est d'autant plus vrai qu'un client, lorsqu'il consulte un avocat pour défendre ses intérêts, se trouve en principe dans une situation sensible et il doit pouvoir se fier entièrement à son mandataire.
bb) Le harcèlement sexuel est une forme grave de discrimination fondée sur le sexe dans les rapports de travail, qui est contraire à l'interdiction de discriminer ancrée à l'art. 3 LEg (TF 4A_473/2013 du 2 décembre 2013 consid. 3.1 et les références). L'art. 4 LEg définit le harcèlement sexuel comme un "comportement importun de caractère sexuel ou tout autre comportement fondé sur l'appartenance sexuelle, qui porte atteinte à la dignité de la personne sur son lieu de travail, en particulier le fait de proférer des menaces, de promettre des avantages, d'imposer des contraintes ou d'exercer des pressions de toute nature sur une personne en vue d'obtenir d'elle des faveurs de nature sexuelle".
L'énumération de l'art. 4 LEg n'étant pas exhaustive, la définition n'exclut pas d'autres actes portant atteinte à la dignité du travailleur et ne relevant pas d'un abus d'autorité, mais contribuant à rendre le climat de travail hostile, par exemple des plaisanteries déplacées (ATF 126 III 395 consid. 7; TF 4A_544/2018 du 29 août 2018 consid. 3.1). Les comportements suivants sont, en particulier, qualifiés de harcèlement sexuel par la doctrine et la jurisprudence: remarques concernant les qualités ou les défauts physiques, remarques sexistes et les commentaires grossiers ou embarrassants, propos obscènes et sexistes, avances, gestes non désirés et importuns (contacts physiques, attouchements, invitations orales et écrites avec intentions perceptibles, proposition d'actes sexuels), envoi de courriels inconvenants, etc. (Wyler/Heinzer/Witzig, Droit du travail, 5e éd., Berne 2024, pp. 459-460, ainsi que pp. 1195-1196; TAF A-4876/2020 du 28 juin 2021 consid. 7.2). Le caractère importun d'un acte doit être appréhendé en tenant compte de la sensibilité moyenne d'une personne de même sexe que la victime potentielle; en outre, il importe peu que d'autres personnes sur le lieu de travail n'aient pas ressenti la situation comme hostile, ou que la victime n'ait pas été la cible privilégiée des propos déplacés (Lempen, in Aubert/Lempen, Commentaire de la loi fédérale sur l'égalité, Genève 2011, n. 10 ad art. 4 LEg, p. 104). Si l'intention de l'auteur de nuire pourrait peser comme facteur de gravité du harcèlement sexuel, l'absence d'une telle intention ne saurait en atténuer le caractère inadmissible. En effet, sauf lorsqu'il s'agit d'établir l'existence d'un chantage sexuel, la motivation de l'auteur est sans pertinence pour la qualification du harcèlement sexuel (TF 8C_74/2019 du 21 octobre 2020 consid. 3.3.4 et les références).
Selon les procédés utilisés, plusieurs incidents peuvent être nécessaires pour constituer une discrimination au sens de l'art. 4 LEg. La question doit cependant être jugée de cas en cas. Il est toutefois exclu de faire de la répétition d'actes ou de l'accumulation d'incidents une condition constitutive de cette forme de harcèlement sexuel (CDAP GE.2016.0063 du 29 mars 2017 consid. 2 in fine).
Dans l'appréciation des circonstances, il y a lieu de tenir compte du climat de travail. Ainsi dans une entreprise dans laquelle il régnait un climat décontracté et une ambiance familiale, qui avait permis aux parties de tisser des liens personnels et quasi amicaux – celles-ci se tutoyaient, prenaient régulièrement des déjeuners en commun, même des vacances ensemble –, le fait que B. ait appelé la demanderesse par son prénom ou par d'autres termes, comme "ma petite" ou "ma grande" ne permet pas à lui seul de conclure à l'existence d'un harcèlement sexuel (arrêt TF 4C.60/2006 du 22 mai 2006 consid. 3.3).
d) En l'espèce, le recourant ne conteste pas avoir plaisanté devant sa cliente, dès le début de leur premier entretien professionnel, sur le fait que son numéro comportait le nombre "69", en lui demandant s'il s'agissait d'une coïncidence ou d'une requête expresse de sa part à son opérateur téléphonique. Il minimise toutefois la portée de cette remarque en affirmant qu'il s'agissait d'une blague isolée, sans intention malveillante, dans le contexte d'un entretien informel et professionnel. Le recourant ne peut être suivi déjà pour la raison que la motivation de l'auteur n'est pas pertinente pour la qualification de harcèlement sexuel. En outre, en soulignant la présence du nombre 69 dans le numéro de téléphone de sa cliente puis en ajoutant qu'il avait lui-même expressément demandé à avoir ce nombre dans son numéro de téléphone, il est évident que le recourant se référait à une pratique sexuelle, de sorte que sa plaisanterie ne pouvait que présenter une connotation sexuelle. Il n'était pas question d'une maladresse et le recourant a sciemment relevé ce nombre avec l'insinuation que cela impliquait.
Or, ce genre de remarque déplacée n'a manifestement pas sa place dans un échange entre un avocat et sa cliente. Ce d'autant moins que le recourant a fait cette plaisanterie au début du tout premier entretien avec sa nouvelle cliente qu'il ne connaissait alors aucunement. Il s'agissait d'un entretien professionnel que la plaignante avait demandé pour régler ses affaires privées et intimes, à savoir sa séparation et l'avenir de sa société. Dans ces circonstances, le recourant se trouvait dans une position que l'on peut qualifier de dominante sur sa cliente puisqu'elle comptait sur lui pour la conseiller et la représenter. Le recourant doit nécessairement savoir qu'une personne qui initie une séparation est susceptible de se trouver dans une situation de vulnérabilité. Peu importe que la plaignante lui soit apparue comme une femme d'affaire déterminée et autonome, l'avocat est tenu de traiter tous ses clients de la même manière et ne doit pas procéder à une distinction en fonction de sa manière de les percevoir. Il importe peu également que le ton de l'entretien lui soit apparu informel. Même s'il y a lieu de prendre en compte toutes les considérations et notamment le climat dans lequel les propos sont tenus, il est manifeste qu'en l'occurrence ceux-ci étaient inadéquats dès lors qu'il s'agissait du premier rendez‑vous entre le recourant et sa cliente qu'il ne connaissait pas encore.
Au demeurant, on ne se trouve pas en présence d'un acte isolé puisque le recourant s'est permis d'écrire à la recourante quelques minutes après l'entretien sur l'application Telegram. Bien que la teneur de ces messages n'ait pas pu être établie, le recourant semble admettre qu'il s'agissait d'échanges privés sans lien avec son mandat. On peine d'ailleurs à comprendre la raison pour laquelle le recourant a décidé d'échanger avec sa cliente par ce biais – qui peut apparaître plus intrusif qu'un échange par courriel sur l'adresse de messagerie professionnelle de l'avocat – puisqu'ils échangeaient en parallèle par courriels pour discuter des affaires que la plaignante lui avait confiées. Les pièces au dossier permettent quoi qu'il en soit d'établir que le recourant a écrit à la plaignante, le 4 septembre 2021, qu'il aimait prendre le soleil nu lorsqu'il avait un bateau. Ce genre de message est tout autant inadmissible de la part d'un avocat à sa cliente. Ici non plus, on ne saurait retenir qu'il s'agisse d'une maladresse du recourant. Il a, au contraire, volontairement parlé de nudité à sa cliente, sans aucun lien avec son mandat.
Il n'est enfin pas indispensable de déterminer si la plaignante a effectivement proposé au recourant d'aller prendre un verre, respectivement les circonstances dans lesquelles elle a fait cette proposition. Dans tous les cas, il appartenait également au recourant, en sa qualité d'avocat, de garder la distance nécessaire avec sa cliente afin de ne pas mettre en péril l'indépendance qu'il se doit de conserver dans le cadre de son activité.
Le fait que la plaignante n'ait pas rejeté immédiatement le recourant et qu'elle ait continué à échanger avec lui des courriels professionnels n'est pas non plus déterminant. On peut en effet aisément comprendre qu'elle ait préféré, dans un premier temps, aller de l'avant dans sa séparation et dans la transmission de sa société qu'elle avait déjà initiées avec le recourant, pour éviter de tout recommencer avec un autre avocat.
e) Ces éléments – étayés par pièces et non contestés par le recourant – permettent déjà de retenir que le comportement du recourant envers sa cliente était indiscutablement apte à remettre en cause la confiance qui doit pouvoir être placée dans la profession d'avocat et à attenter à la dignité de dite profession. Il est en effet impensable qu'une cliente soit exposée à de tels propos en consultant un avocat. Dès lors, il n'apparaît pas nécessaire de déterminer si les autres faits rapportés par la plaignante dans sa dénonciation (cf., supra, let. F) peuvent également être imputés au recourant ou pas.
C’est donc à juste titre que la décision attaquée retient, au vu des pièces au dossier, que le recourant a violé l'art. 12 let. a LLCA.
4. A titre subsidiaire, le recourant fait valoir que l’amende de 5'000 fr. prononcée à son encontre viole le principe de la proportionnalité, le niveau de gravité des faits ne justifiant pas une sanction aussi lourde d'après lui. Il relève que sa cliente n'a connu aucun préjudice direct, concret ou durable. Il estime que cette mesure est susceptible d'avoir un impact démesuré sur sa réputation et sur la perception de son intégrité professionnelle. Il est d'avis qu'un avertissement ou un blâme aurait été suffisant.
a) L'art. 17 LLCA prévoit ce qui suit:
"1 En cas de violation de la présente loi, l'autorité de surveillance peut prononcer les mesures disciplinaires suivantes:
a. l'avertissement;
b. le blâme;
c. une amende de 20'000 francs au plus;
d. l'interdiction temporaire de pratiquer pour une durée maximale de deux ans;
e. l'interdiction définitive de pratiquer.
2 L'amende peut être cumulée avec une interdiction de pratiquer.
3 Si nécessaire, l'autorité de surveillance peut retirer provisoirement l'autorisation de pratiquer."
L'art. 17 LLCA règle de manière exhaustive les mesures disciplinaires pour les personnes soumises à cette loi. Elles ne laissent donc aux cantons aucune place pour d'autres mesures de droit cantonal, qu'elles soient plus légères ou de nature différente (ATF 132 II 250 consid. 4.3.1; 129 II 297 consid. 1.1; Alain Bauer/Philippe Bauer, Commentaire romand LLCA, op. cit., n. 1 et 78 ad art. 17 LLCA).
Les mesures disciplinaires infligées à un membre d'une profession libérale soumise à la surveillance de l'Etat ont principalement pour but de maintenir l'ordre dans la profession, d'en assurer le fonctionnement correct, d'en sauvegarder le bon renom et la confiance des citoyens envers cette profession, ainsi que de protéger le public contre ceux de ses représentants qui pourraient manquer des qualités nécessaires. Les mesures disciplinaires ne visent pas, au premier plan, à punir le destinataire, mais à l'amener à adopter à l'avenir un comportement conforme aux exigences de la profession et à rétablir le fonctionnement correct de celle-ci (ATF 143 I 352 consid. 3.3 et les références; cf. aussi GE.2020.0214 du 18 février 2021 consid. 6a).
L’autorité de surveillance dispose d’un grand pouvoir d'appréciation en matière disciplinaire. Il n’appartient pas à la cour de céans de revoir cette appréciation lorsque l’usage qu’en a fait l’autorité de surveillance n’est ni abusif ni excessif. Le Tribunal cantonal doit contrôler le respect du principe de proportionnalité, mais la fixation du type et de l’intensité de la sanction disciplinaire ressortit essentiellement à l’autorité de surveillance. La cour de céans doit s’imposer une retenue dans le contrôle du choix de la mesure disciplinaire. L’autorité de recours ne peut intervenir que si la sanction prononcée outrepasse le cadre du pouvoir d’appréciation et apparaît clairement disproportionnée (arrêt TF 2P.318/2006 du 27 juillet 2007 consid. 12.1; CDAP GE.2020.0214 du 18 février 2021 consid. 6a).
Le principe de la proportionnalité exige qu'une mesure restrictive soit apte à produire les résultats escomptés (règle de l'aptitude) et que ceux-ci ne puissent être atteints par une mesure moins incisive (règle de la nécessité); en outre, il interdit toute limitation allant au-delà du but visé et il exige un rapport raisonnable entre celui-ci et les intérêts publics ou privés compromis (principe de la proportionnalité au sens étroit, impliquant une pesée des intérêts; ATF 138 I 331 consid. 7.4.3; 137 I 167 consid. 3.6; 136 I 87 consid. 3.2 et les arrêts cités).
b) En l’occurrence, comme il a été vu ci-dessus, le recourant a sciemment tenu des propos à connotation sexuelle dès la constitution de son mandat à sa cliente qu'il ne connaissait alors aucunement, violant ainsi les règles déontologiques régissant sa profession et prenant le risque de porter atteinte à la dignité de toute cette profession. En tant qu’avocat expérimenté, le recourant devait savoir que ses propos, tenus à une de ses clientes, étaient totalement déplacés, qu'ils n'avaient pas leur place dans leurs échanges et qu'ils étaient contraires à ses obligations professionnelles. Pour ces raisons, un avertissement ou un blâme n'entrent pas en considération. La sanction que constitue l’amende n'est pas la sanction la plus incisive puisque l'art. 17 LLCA prévoit également une interdiction de pratiquer. Au vu des circonstances, l'amende apparaît ainsi appropriée pour sanctionner le comportement du recourant. En outre, la CAVO a en l'espèce fixé le montant de l'amende à une quotité assez nettement inférieure au montant maximum de 20'000 fr. prévu par la loi, ce qui tient compte des éléments favorables au recourant, à savoir le fait qu'il n'a aucun antécédent et qu'il a arrêté d'importuner sa cliente lorsqu'elle le lui a demandé.
Dès lors, la sanction infligée au recourant apparaît adéquate au vu de l'ensemble des circonstances. La Chambre des avocats n’a donc pas excédé son pouvoir d’appréciation ni violé le principe de la proportionnalité.
5. Dans un dernier grief, le recourant s'oppose à la publication de la décision de la CAVO ainsi que du présent arrêt sur un site Internet ou sur tout autre support accessible au public, même de manière anonymisée. Selon lui, une grande partie des membres des études d'avocats vaudoises a été informée qu'une dénonciation avait été adressée à l'Ordre des avocats vaudois (OAV) à son encontre par une de ses anciennes clientes. Pour étayer ses propos, il a produit une attestation signée de sa secrétaire, de laquelle il ressort que "nombre de collègues et anciennes collègues qui travaillent dans différentes Etudes du canton de Vaud ont pris contact avec [elle] pour [lui] parler d'une dénonciation dont [le recourant] faisait l'objet auprès de l'OAV de la part d'une ancienne cliente" et que "[a]u cours des derniers mois, il [lui] a été demandé à plusieurs reprises si [elle savait] où en était cette affaire. Toutes ces personnes savaient que cette dénonciation était traitée à la CAVO. Tant les secrétaires que les avocats de ces Etudes étaient au courant de tout cela". Le recourant invoque également le fait que le procès-verbal de l'assemblée générale extraordinaire de l'OAV du 5 octobre 2022 mentionnait qu'entre mars 2022 et mars 2023, un seul avocat membre de l'OAV avait fait l'objet d'une dénonciation devant la Chambre des avocats. Dès lors, ces deux informations combinées avec la publication, même anonymisée suffirait à identifier le recourant selon ce dernier. Il souligne que cette publication risquerait d'engendrer un effet de sanction publique allant au-delà des objectifs disciplinaires de la LLCA. Pour toutes ces raisons, le recourant estime que la publication de la décision de l'autorité intimée constituerait une atteinte disproportionnée à sa vie privée et à sa réputation professionnelle.
S'agissant de sa décision, la CAVO estime qu'il n'y a pas lieu de renoncer à la publication. Elle est d'avis que l'anonymisation du nom du recourant et de son lieu de travail suffit à empêcher son identification par le public et préserver ainsi ses intérêts privés. Elle estime que le fait que certains acteurs du monde judiciaire puissent faire des suppositions quant à l'identité de l'avocat concerné ne saurait justifier, à lui seul, l'absence de publication de la décision.
a) La loi vaudoise du 24 septembre 2002 sur l'information (LInfo; BLV 170.21) a pour but de garantir la transparence des activités des autorités dans le Canton de Vaud (art. 1 al. 1 LInfo; cf. au niveau fédéral art. 1 de la loi fédérale du 17 décembre 2004 sur le principe de la transparence dans l'administration, LTrans; RS 152.3). Selon l'art. 8 al. 1 LInfo, par principe, les renseignements, informations et documents officiels détenus par les organismes soumis à la présente loi sont accessibles au public. Cependant, les dispositions d'autres lois qui restreignent ou excluent la transmission d'informations ou l'accès à des documents officiels sont réservées selon l'art. 15 LInfo (au niveau fédéral selon l'art. 4 LTrans).
Les dispositions de la LLCA ne prévoient pas la publication des décisions prises en application de cette loi. Une publication constituerait, dans la mesure où l'avocat sanctionné est reconnaissable, une sanction supplémentaire contraire à la LLCA (ATF 150 II 308 consid. 7.8 et 7.9; CDAP GE.2017.0188 du 16 janvier 2020 consid. 3). Par ailleurs, les sanctions administratives font partie des informations faisant référence à des données personnelles sensibles dont la divulgation est susceptible de constituer une atteinte notable à la sphère privée qui peut s'opposer à leur publication (cf. art. 16 al. 1 et 3 let. a LInfo et Exposé des motifs et projet de loi [EMPL] sur la LInfo, Bulletin du Grand Conseil [BGC] septembre-octobre 2002, 3A, pp. 2634 ss, en particulier p. 2658, avec renvoi à l'art. 3 let. c de la loi fédérale du 19 juin 1992 sur la protection des données - LPD; RS 135.1 -; cf. au niveau fédéral aussi art. 7 al. 2 LTrans).
Conformément aux principes applicables non seulement dans le cadre de la législation sur la protection des données, mais également de manière générale à la protection des données garantie par l'art. 13 al. 2 de la Constitution fédérale du 18 avril 1999 de la Confédération suisse (Cst.; RS 101), il est déterminant de savoir si les personnes en question sont identifiées ou identifiables (cf. art. 3 ch. 1 de la loi vaudoise du 11 septembre 2007 sur la protection des données personnelles - LPrD; BLV 172.65 - et art. 3 let. a LPD; cf. ég. les termes employés en allemand ["bestimmte oder bestimmbare Person"] et en italien ["persona identificata o identificabile"]).
Une personne est identifiable lorsque, par corrélation indirecte d'informations tirées des circonstances ou du contexte, on peut l'identifier. Une possibilité purement théorique n'est toutefois pas suffisante pour admettre la possible identification. Si l'identification nécessite des moyens tels que, selon le cours ordinaire des choses, aucun intéressé ne les mettra en œuvre, on ne peut guère parler de possibilité d'identification (Message du Conseil fédéral du 23 mars 1988 concernant la LPD, FF 1988 II 452, ad art. 3 let. a; cf. ég. CDAP GE.2017.0188 du 16 janvier 2020 consid. 6 et les références citées).
b) Aux termes de l'art. 30 al. 3 Cst., l'audience et le prononcé du jugement sont publics (1ère phrase); la loi peut prévoir des exceptions (2e phrase). La publicité des procédures judiciaires résulte également des art. 6 par. 1 de la Convention du 4 novembre 1950 de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (CEDH; RS 0.101) et 14 par. 1 du Pacte international du 16 décembre 1966 relatif aux droits civils et politiques (Pacte ONU II; RS 0.103.2) (ATF 133 I 106 consid. 8.1 et les références). D'une manière générale, le principe de publicité a pour fonction d'empêcher toute forme de justice (secrète) de cabinet, d'assurer un traitement correct des parties au procès, de garantir une procédure judiciaire conforme à la loi et impartiale, de permettre à l'ensemble de la population de vérifier le déroulement de l'administration de la justice et enfin d'offrir une information à jour de l'évolution de la jurisprudence. Il s'agit à la fois d'une garantie procédurale fondamentale et d'une exigence centrale d'un Etat de droit démocratique, qui ne doit céder le pas qu'en présence de motifs particuliers respectant les valeurs constitutionnelles et relevant par exemple de la sûreté de l'Etat, de l'ordre public ou des bonnes mœurs, ou encore de la protection des intérêts privés des parties (cf. ATF 143 I 194 consid. 3.1; 2C_677/2015 du 31 mars 2016 consid. 3.1 et les références citées). Le simple intérêt privé des personnes ayant participé à la procédure en question à garder un arrêt rendu secret ne l'emporte dans cette mesure pas sur l'intérêt public à l'information (cf. ATF 133 I 106 consid. 8.4; TF 1B_510/2017 du 11 juillet 2018 consid. 3.4). Quant à la protection de la personnalité et des données des personnes concernées par l'arrêt rendu, il peut en être tenu compte en anonymisant l'arrêt pour autant que ce dernier reste alors intelligible (cf. ATF 139 I 129 consid. 3.6; 133 I 106 consid. 8.3).
Si le champ d'application de l'art. 6 CEDH se limite aux procédures à caractères civil et pénal, l'art. 30 al. 3 Cst. s'applique à toutes les procédures devant des autorités judiciaires, soit également aux procédures judiciaires de droit administratif (cf. ATF 139 I 129 consid. 3.3; 128 I 288 consid. 2.5).
Enfin, au niveau cantonal, le Tribunal cantonal a arrêté, le 13 juin 2006, un règlement de l'ordre judiciaire sur l'information (ROJI; BLV 170.21.2) en application notamment de la LInfo. A son art. 14, ce règlement renvoie à l'art. 69 du Code de procédure pénale suisse du 5 octobre 2007 (CPP; RS 312.0) pour la consultation des décisions rendues en matière pénale et à l'art. 54 du Code de procédure civile du 19 décembre 2008 (CPC; RS 272) pour les décisions rendues en matière civile. A son art. 16, il se prononce, conformément à son titre, sur la "diffusion de la jurisprudence" en prévoyant que le Tribunal cantonal décide de la jurisprudence mise à disposition du public, sur son site Internet, et de celle proposée à la publication dans des revues juridiques (al. 1); à ce sujet, il veille au respect des droits des parties et des tiers (al. 2). Le Tribunal cantonal ne peut en tout cas pas édicter des dispositions qui contreviennent au droit fédéral et en particulier à la LLCA (CDAP GE.2017.0188 du 16 janvier 2020 consid. 7d).
c) En l'occurrence, l'anonymisation de son nom, du nom de sa cliente, ainsi que de son lieu de travail est suffisante pour empêcher l'indentification du recourant par une corrélation indirecte d'informations. En effet, les faits retenus, tels que relatés dans le présent arrêt, ainsi que dans la décision de l'autorité intimée, ne permettent pas de le désigner personnellement et pourraient avoir été commis par d'autres avocats vaudois. S'agissant du procès‑verbal de l'assemblée générale extraordinaire de l'OAV du 5 octobre 2022, celui-ci mentionne certes que, depuis le 11 mars 2022, un membre a été renvoyé à la Chambre des avocats, mais ne précise pas l'identité de ce membre. Ce procès-verbal mentionne également que 43 dossiers de conciliations ou de litiges ont été ouverts, que plusieurs séances de conciliation ont été tenues et que le bâtonnier a participé à cinq séances de la Chambre des avocats. Il est également ajouté qu'un membre a été renvoyé à la Commission de discipline. Dès lors, étant donné que la présente affaire n'est pas la seule à être remontée auprès du bâtonnier, on ne saurait d'emblée admettre que le lien avec le recourant soit évident. Bien qu'il apparaisse que des rumeurs se soient répandues dans le milieu professionnel au vu de l'attestation établie par la secrétaire du recourant, il ne peut toutefois s'agir que de suppositions dès lors que le nom du recourant n'a jamais été mentionné. On ne voit ainsi pas que le présent arrêt caviardé puisse apporter des informations supplémentaires permettant de l'identifier de manière concrète et certaine. Au vu des rumeurs existantes, on peut d'ailleurs admettre qu'il existe un certain intérêt à la publication du présent arrêt pour informer le public sur les circonstances du cas d'espèce et pour éviter la divulgation de fausses informations. Dès lors, au vu de ce qui précède, l'intérêt public à vérifier le bon déroulement de l'administration de la justice doit en l'espèce primer l'intérêt privé du recourant à garder le présent arrêt secret.
En ce qui concerne encore la décision attaquée, il faut souligner que, en vertu de l'art. 14 LLCA, la CAVO est l'autorité cantonale chargée de la surveillance des avocats qui pratiquent la représentation en justice sur son territoire (cf. art. 11 al. 1 LPAv). En tant qu'autorité de surveillance, la CAVO peut prononcer les mesures disciplinaires prévues à l'art. 17 LLCA. De jurisprudence constante, l'autorité de surveillance chargée de prononcer de telles sanctions n'exerce pas de fonctions juridictionnelles et se rapproche plus d'une autorité administrative que d'un tribunal. Dans cette mesure, ce qui vient d'être exposé pour les tribunaux au sujet de la publicité ne s'applique pas à la CAVO. Les garanties prévues notamment par l'art. 30 Cst., soit plus particulièrement le principe de la publicité du prononcé du jugement, ne sont dès lors pas applicables dans le cadre de la procédure menée devant l'autorité intimée (CDAP GE.2017.0188 du 16 janvier 2020 consid. 7c et les références citées). Il n'en reste pas moins que son activité est soumise à la LInfo et que la transparence doit être garantie dans ce cadre. Comme il a été vu ci‑dessus, dans la mesure où le nom du recourant ainsi que son lieu de travail sont caviardés, celui-ci n'apparaîtra pas reconnaissable. La publication de la décision de l'autorité intimée sur son site Internet ne constituera ainsi pas une sanction supplémentaire contraire à la LLCA. Pour cette raison, on peut exclure toute atteinte à la sphère privée du recourant.
d) Dès lors, il y a lieu confirmer le refus de l'autorité intimée de renoncer à la publication de sa décision et de rejeter la conclusion du recourant visant à ne pas publier le présent arrêt.
6. Il résulte de ce qui précède que le recours, mal fondé, doit être rejeté et la décision attaquée confirmée. Le recourant, qui succombe, supportera les frais de la cause (art. 49 LPA-VD). Il n’y a pas lieu d’allouer des dépens (art. 55 LPA-VD).
Par ces
motifs
la Cour de droit administratif et public
du Tribunal cantonal
arrête:
I. Le recours est rejeté.
II. La décision de la Chambre des avocats du 18 avril 2024 est confirmée.
III. Les frais de la cause, par 2'500 fr., sont mis à la charge du recourant.
IV. Il n’est pas alloué de dépens.
Lausanne, le 30 juin 2025
Le présent arrêt est communiqué aux participants à la procédure.
Il peut faire l'objet, dans les trente jours suivant sa notification, d'un recours au Tribunal fédéral (Tribunal fédéral suisse, 1000 Lausanne 14). Le recours en matière de droit public s'exerce aux conditions des articles 82 ss de la loi du 17 juin 2005 sur le Tribunal fédéral (LTF - RS 173.110), le recours constitutionnel subsidiaire à celles des articles 113 ss LTF. Le mémoire de recours doit être rédigé dans une langue officielle, indiquer les conclusions, les motifs et les moyens de preuve, et être signé. Les motifs doivent exposer succinctement en quoi l’acte attaqué viole le droit. Les pièces invoquées comme moyens de preuve doivent être jointes au mémoire, pour autant qu’elles soient en mains de la partie; il en va de même de la décision attaquée.